Du grain à moudre émission de Brice Couturier et Julie Clarini
Peut-on s’attendre à une refondation du système financier international ?
avec
Paul Jorion (au téléphone depuis Santa Monica)
Anthropologue et sociologue
Professeur invité à UCLA, auteur de La crise : des subprimes au séisme financier planétaire (novembre 2008, Fayard) et de L’implosion : la finance contre l’économie : ce que révèle et annonce la crise des subprimes (Fayard, mai 2008).
Philippe Martin
Professeur à l’école d’Economie de Paris et à Paris 1
Jean-Hervé Lorenzi
Professeur d’économie à l’Université de Paris Dauphine
Membre du Conseil d’Analyse Economique
Conseiller du Directoire de La Compagnie financière Edmond de Rothschild
28 réponses à “France Culture, mardi 18 novembre en direct de 18h30 à 19h15”
Espérons (ou n’espérons point, c’est selon) que mardi il restera encore un système financier international ! 🙂
une tres bonne emission habituellement ce grain à moudre.
avant, à cette heure là, il y avait l’extraordinaire Jean Lebrun qui a arrété cet été (Paul Jorion en avait été un invité).
peut être l’occasion de demander confirmation à M Lorenzi que la famille Rothschild est bien actionnaire de la FED de new york -ainsi qu’on peut le lire par ci et par là –
tin, j’en reviens pas, Holbecq , celui de « la dette publique, une affaire rentable », Jorion, celui de « la crise des subprimes « ! ?
J’ai dû me tromper d’étage ou alors, je suis en plein rêve…Magie du net ?
Ceci dit, au cas zou et après tout pourquoi pas , j’aimerai poser une question : existe t »il un économiste qui , à ce jour, ait eut l’idée des moyens d’une paix économique , c’est à dire un système où la CONCURRENCE ne serait pas au centre du système ??
Le microbe intellectuel que je suis essaie de se faire une idée du monde gigantesque qui l’entoure et du coup, c’est banal, il se dit que … si la concurrence régissait l’ensemble de ses relations avec son entourage , la vie deviendrait impossible.
N’est ce pas ce qui se passe à l’échelle du monde?
Je suis content que le « Grain à moudre » finisse par reconnaître les talents et l’intelligence où elle se trouve. J’avais été très déçu et passablement irrité d’une émission où la presse économique -invitée ce jour-là- se dédouanait de l’absence de prévision de la crise en prétendant que les « experts » eux-mêmes n’avaient rien vu venir. Ce qui constituait une bonne blague pour les habitués de ce blog et d’autres (mais les agrégateurs d’info style rezo et contreinfo, c’est un peu sale pour Mr Couturier). Au plaisir de vous écouter ce mardi donc.
bonjour,
question a “Grain à moudre”:
La denonciation generale de la titrisation a l’origine de la crise US, pas entendue en Europe,en Italie ..?
UniCredit titrise pour 23,78 milliards d’euros de prêts immobiliers
Milan – La première banque italienne UniCredit a annoncé vendredi la titrisation de prêts immobiliers (Residential Mortgage-Backed Securities, RMBS) d’une valeur de 23,78 milliards d’euros, afin d’augmenter sa capacité de liquidités.
La banque « a titrisé un portefeuille de prêts résidentiels pour un montant total de 23,78 milliards d’euros », écrit-elle dans un communiqué.
« Cette opération comporte deux tranches: une tranche Senior notée A1 par Moody’s et une Junior sans notation », précise la banque.
Ces titres sont toujours dans le bilan d’UniCredit et ne seront cédés qu’en cas de besoin, a expliqué une source proche de la banque.
Dans le cadre d’une opération de RMBS, les titres peuvent être cédés en échange de liquidités à des investisseurs, comme d’autres banques, ou servir de garantie pour se refinancer auprès de la BCE.
Malmenée en Bourse au pire moment de la crise financière sur des craintes quant à sa solidité financière, UniCredit a annoncé début octobre une augmentation de capital de plus de 6 milliards d’euros afin de renforcer ses fonds propres.
Son bénéfice a été divisé par deux à 551 millions d’euros au troisième trimestre à cause de l’impact de la crise financière, mais il est resté au dessus des attentes des analystes, ce qui a été bien reçu par le marché.
http://www.romandie.com/infos/News2/200811141523030AWP.asp
Je crois avoir entendu plusieurs fois sur radio-BFM Jean Hervé Lorenzi qui ici serait l’homme du « système »(?). Philippe Martin, je ne le connais pas, j’ai rapidement vu sur google qu’il serait anti-Bush, quant à Paul ce serait « Monsieur Loyal »?
@Bebert
C’est trop d’honneur pour moi. Si j’ai quelques compétences – et encore – sur la monnaie et en « utopies économiques », Paul a quelques longueurs d’avance sur tout le reste ;-).
Existe t-il un système où la concurrence ne serait pas au centre du système ? Oui il en existe plusieurs, à commencer par le marxisme, mais n’oublions pas toute une série d’utopies des 19 eme et 20 siècles (i.e. Proudhon, Duboin, Bresson, etc).
Pour ma part je connais évidemment mieux l’écosociétalisme développé sur notre site collectif
( http://wiki.societal.org/tiki-index.php?page=Sommaire_ES )
@ Rumbo
Lire le commentaire de Jeannotlapin au sujet de Lorenzi et de Boissieu
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/10/07/un-nouveau-bretton-woods-par-christian-de-boissieu-et-jean-herve-lorenzi_1104023_3232.html
Pour une compréhension plus globale et générale de la crise économique, à travers une analyse économique, consultez donc le document de discussion « Quelques réflexions sur la crise actuelle » :
http://www.bernardguerrien.com/index.htm/id19.htm
Je la trouve personnellement très bonne. Bernard Guerrien a été mon prof en Dea et je l’ai toujours trouvé très intéressant, voire génial.
Paul Jorion met l’accent sur la spéculation comme élément facteur principal de la crise, mais je pense qu’il faut introduire ce point de vue dans un point de vue plus général. Dès lors tout est plus clair. Il y a en ce moment une crise de répartition des revenus (qui a favorisée la spéculation dans un cadre très peu contraignant) ET une crise de surproduction.
Apparemment, la crise de 2008 est très semblable à celle de 1929.
Pour moi Paul Jorion et surtout Bernard Guerrien (et aussi Francisco Vergara, mais je le connais mal), sont des penseurs qui peuvent faire beaucoup pour le futur.
@ Paul, je vous invite à contacter Bernard Guerrien, c’est un formidable connaisseur des théories économiques. Je ne peux qu’imaginer des échanges fructueux entre vous. Assurément.
@ Paul,
Bernard Guerrien est docteur en mathématiques et docteur en sciences économiques. Il est extrêmement calé sur la théorie des paris, branche de l’analyse néo-classique. En lisant vos livres, je n’ai jamais cessé de penser à Bernard Guerrien…
@ Holbecq :
Merci pour la réponse! .Et merci pour vos livres , parce que c’est pas évident de s’y retrouver dans le foutoir actuel.
Parce que le côté humain des choses est souvent au fond des problèmes. et puisqu’on en est à l’échange de bons tuyaux , au cas zou : « la société malade de la gestion » de Paul de Guaulejac.
Bonne soirée à tous, et bon triturage de neurones .
Tapez « surproduction » sur google et regardez les actualités, c’est incroyable, presque toute l’économie mondiale est en surproduction : les panneaux solaires, le lait, l’acier, la viande, les cartes mémoires, les voitures, les iphone… !
Paul Jorion, La Crise. Des subprimes au séisme financier planétaire .Fayard,Paris 2008.Lui-meme ancien trader, l’auteur avait annoncé la crise immobilière et bancaire dans son précédent livre( Vers la crise du capitalisme américain ?, La Découverte,Paris 2007).Il examine ici les contradictions du capitalisme financier et les limites de la logique spéculative.
Bibliographie citée à coté des livres de Lordon,Galbraith,Justin Martin et Soros.Article de Ibrahim Warde : Et la bulle immobilière éclata….(Manière de voir /Le monde diplomatique/Supplémént bimestriel No102:Décembre 2008/Janvier2009/Le krach du libéralisme)
Ce n’est pas la concurrence qui est au centre du système mais le profit.
Le profit est le moteur dans tous les domaines de notre société… Gagner de l’argent est l’objectif presque monopolistique des entreprises, pays (croissance) ou particuliers… La qualité de la production, les dégats collatéraux, le bien-être humain sont des critères secondaires…
La concurrence est l’un de ses symptomes majeurs. Pour maximiser ses profits il faut faire mieux que l’autre, quitte à mettre son éthique de côté.
Pour pérenniser son profit, il faut maintenir les prix.
Les 3 ennemis du profit sont la viabilité, l’efficacité et l’abondance.
L’efficacé : un produit efficace n’est pas souhaitable, les gens ne le remplaceraient pas… C’est ainsi que Michelin ne commercialisa jamais un pneu increvable il y a une quarantaine d’année… Cela aurait été la fin du marché du pneu et donc moins de profit pour l’entreprise (frein technologique).
La viabilité : il ne faut pas améliorer les appareils hi-fi de manière trop abrupte ! Il faut réaliser les avancées technologiques petit à petit afin de les étaler dans le temps… C’est ainsi que les appareils photos ou ordinateurs ou la plupart des appareils hi-fi ne sont plus au top-niveau 3 mois après leur commercialistation. Cela incite les gens à en changer régulièrement et assure des rentrées pécunières régulières. Les machines trop en avance sur leur temps sont rentable sur le cours terme pour l’entreprise mais pas sur long terme car des étapes ont été sautées (autre frein technologique).
L’abondance : une ressource très accessible voire inépuisable ne permet aucun bénéfice selon le jeu de l’offre et de la demande. C’est ainsi que des diamants sont détruits par les entreprises de fouilles pour maintenir la rareté et donc le prix. C’est ainsi que l’OPEP veut réduire l’extraction pétrolière. C’est ainsi qu’on préfère détruire des produits excédentaires (à prix inchangé) plutôt que de les distribuer selon le jeu de l’offre et de la demande qui aurait contraint à une diminution de leurs prix. C’est ainsi qu’on préfère utiliser les énergies fossiles limitées plutôt que de mettre le paquet sur les énergies renouvelables…
Sous un système basée sur le profit, il y a aura toujours des gaspillages, des pauvres, des malheureux, des guerres, des corrompus…
Par ailleurs un monde où la population augmente et où le progrès technologique (les robots) vient concurrencer les travailleurs ne peut conduire que vers davantage de chômage. La résolution du problème de l’emploi est caduque : il y aura toujours moins de travail disponible car la technologie travaille de plus en plus à notre place !
Pourtant il faut bien subsister et comment subsister sans activité ?
Le développement du crédit sociétal ou universelle (un revenu sans conditions pour tous les humains) semble nécessaire. Ce revenu pourrait correspondre à la richesse créée par le travail de la technologie à notre place pendant l’année divisée par le nombre d’habitants…
Toutes ces notions (entre autres) sont développées dans le documentaire « Zeitgeist Addendum » visible sur internet (avec les sous-titres français aussi), des solutions sont proposées et un rassemblement citoyen international est prévu pour le 15 mars 2009… Déjà des dizaines de milliers de personnes ont rejoint le mouvement…
Le but n’est pas de convaincre mais de faire réfléchir !
@Nicolas Bernabeu
J’ai à peu près le même avis sur le rôle futur des machines. Mais en fait pour avoir une certaine paix on occupe déjà beaucoup de personnes de façon improductive et pour cela on laisse des lois sociales implicites régler la répartition des revenus. Ce n’est pas tout à fait la loi du plus fort mais c’est celle de celui qui est le plus fort dans le cadre des lois ou en dehors sans se faire attraper (le plus souvent). Je ne pense pas qu’une vision égalitariste soit une solution car elle nie les différences et considère le pire des truands comme ayant la même valeur que le gagnant du prix Nobel et ayant la même part dans la société ce qui est évidemment faux et injuste. Ce qui se vend le mieux aujourd’hui est bien l’abrutissement assez généralisé qui consiste le plus souvent a flatter des personnes quelconques plutôt que brillantes car plus nombreuses et prêtent à la fois à payer pour maintenir une sorte de loterie qui leur laisse une chance de gagner. Ils élisent l’un des leurs, ils votent pour l’un d’eux, ils paient pour l’un d’eux mais surtout dénigrent les personnes brillantes car la somme de travail que cela représente est évidemment inatteignable pour eux et évidente tout en leur reprochant un manque d’humilité ou en leur reprochant d’être arrogant. On tend alors vers un égalitarisme. Mais attention pour rendre une ensemble d’éléments différents, égaux il faut tous les multiplier par zéro. Et là on est bien dans le concours de nullité.
Nicolas bonjour,comme toujours rien n’est reellement simple le fameux pneu michelin increvable represente un danger car l’usure n’aurait altere son « increvabilite « par contre la tenue de route aurait ete rendue dangeureuse.
@Nicolas Bernabeu,
Ce n’est pas tant le profit que la rentabilité qui est au coeur de la gestion des grandes entreprises.
En effet, le profit est une valeur absolue. D’autant plus important que celui-ci constitue le revenu de l’actionnaire classique.
La rentabilité permet de calculer la marge d’un fonds qui a emprunté les fonds investis, au contraire du fondateur/héritier, et son profit à lui est constitué par la différence entre la rentabilité servie par l’entreprise et le coût de sa ressource. C’est cela qui détermine la financiarisation de l’économie. Les fonds sont prêts à rachetr des entreprise/des immeubles/des actifs, par recours massif à l’emprunt si la bête peut cracher suffisament de cash pour payer les annuités et dégager un p’tit qqc.
La mise à mal de cette finanaciarisation devrait avoir pour conséquence: D’une part, la diminution drastique des crédits aux LBO et autres montages de Public to Private (retraits de la cote); D’autre part, la restitution de la propriété aux seuls capitalistes (entrepreneurs/héritiers, institutionnels) en minimisant le rôle des fonds.
@ VINCENT
il est certain que rien n’est éternel, mais quand vous dites « le fameux pneu michelin increvable represente un danger car l’usure n’aurait altere son “increvabilite “par contre la tenue de route aurait ete rendue dangeureuse. »
aujourd’hui les pneu de ma voiture ne sont pas increvables mais ils sont lisses donc la tenue de route est quand même dangereuse et en plus je risque de crever.
Dans mon message je voulais dire « revenu » sociétal ou universel ou d’existence et non « crédit ». Il s’agit d’une base de revenu qui sera complêtée par un salaire, ce n’est donc pas égalitariste puisque les salaires sont différents selon les professions mais cela permettrait à ceux qui n’ont pas leur place dans le marché de l’emploi de subsister mieux qu’avec un RMI. Mais il est vrai qu’à très long terme cela conduira à une égalité quand la plupart des humains n’auront plus besoin de travailler…
Il y a, en ce moment même, sur France-Culture dans l’émission de J.M.. Colombani et Jean Claude Casanova – La Rumeur du Monde – un entretien avec jean Hervé Lorenzi et Éric Le Boucher. Elle doit être écoutable par internet.
Je n’ai pas d’opinion mais pas d’illusion non plus
Voir et écouter: http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/rumeur/
@ bernabeu
» Ce n’est pas la concurrence qui est au centre du système mais le profit. » : POSSIBLE en effet… çà m’interpelle que cette version là .
A se demander d’ailleurs si l’économie n’est pas une science de la méditation…
N’empêche, de mon point de vue, je penche encore pour la concurrence et non point le profit comme « coeur » du système( malgré votre trés intéressant et si vrai rappel de faits trés concrets) .
Derrière l’idée de profit, il y a une notion humaine qui est celle « d’avoir plus que l’autre » , un désir d’être plus « puissant « . « Plus que », » mieux que » …c’est çà la concurrence.
Comme vous pouvez le constater , ma pensée est quelque peu bornée sur ce sujet.
Quand j’entend profit, je me dit : « le profit pour quoi faire ? ».Je ne crois pas l’homme encore assez robotisé pour accumuler des cailloux pour la seule raison de posséder des cailloux.
A mon sens, si les traders jouent, ce n’est pas juste pour jouer.C’est pour obtenir une satisfaction bien humaine au fait de jouer en bourse.
Au fait, merci de prendre des exemples parce qu’à mon niveau , cet effort pédagogique rend les choses plus simples.
Si Michelin n’a jamais commercialisé le pneu increvable, c’est qu’il n’avait pas la même vision du commerce que Rollex .
N’y avait il pas avantage à vendre de « l’inusable » ou plutôt de la longue conservation ?
N’y avait il pas de consommateurs pour celà ? Existait il une dictature du prix à ne pas dépasser ? Existait il une volonté de faire du « un peu pour tout le monde » au lieu « d’un à peine pour si peu » ?
Le prêt à penser actuel ( années 1950-2008) invite à imaginer que les produits de qualité sont forcément plus chers et ,du fait que touchant moins de gens, possiblement moins rentables.
C’est oublier l’image de marque, la fidélisation par la qualité.
Dans les années à venir , le pneu increvable pourrait être le p’tit + de constructeurs en mal de clients.
Et puis , après tout, il est possible que cette société dite de consommation passe par une phase adulte après celle de l’adolescence…
Ne serait ce qu’un goût nouveau pour le long terme en se découvrant non point immortelle , mais usable, comme toutes les ressources de la planète.
@ béber
je n’ai pas retrouvé le billet de Paul sous lequel vous posiez votre question relative à la pacification de l’économie
Mais puisque il est question dans votre dernier commentaire, 17:34, de concurrence, je me permets de glisser ici mon commentaire en guise de réponse.
Si vous vous interrogez sur les moyens qu’ils y auraient d’assurer une paix dans l’économie c’est que vous supposez que nous sommes en guerre économique.
Or les pères du libéralisme économique voyaient au contraire dans le commerce — et donc le capitalisme qui lui était inhérent — le moyen privilégié pour adoucir les moeurs, et donc éviter les guerres.
L’échange du produit du travail des hommes devait les relier. Au dixhuitième siècle le substantif : « commercial society » était même synonyme de société dans le sens le plus large, une société pacifiée par les liens commerciaux. A tel point qu’on parlait de commerce des idées, ou employait le mot sous sa forme verbale pour désigner une relation sociale et privée qu’on entretient avec une personne. Le fil conducteur de tout cela c’était évidemment l’utilitarisme. D’une société du don, on était passé à une société de l’intérêt. Le moraliste français Larochefoucault et ses célèbres maximes, avait montré que jusque dans les actions en apparence les plus désintéressées se cachaient l’amour propre. Tel était donc le nouveau paradigme de l’intérêt égoïste et égotique. Les moralistes, encore pénétrés de l’idée de transcendance y voyaient une régression, mais bien vite l’idée prit un sens positif. En somme le vice rendait un hommage à une nouvelle vertu. Adam Smith, dans le domaine économique, n’eut plus qu’à théoriser les bienfaits de la somme des intérêts individuels pour faire la richesse des nations.
Dans un tel contexte, la concurrence — libre et non faussée — était valorisée et constituait même la pierre de touche de l’économie libérale, et le reste aujourd’hui massivement. Tous les traités européens depuis celui de Rome, s’y réfèrent.
Le grand problème c’est que nous ne sommes plus au dixihuitième siècle.
Les matières premières et les énergies non renouvelables s’épuisent.. De même une industrialisation fondée sur l’unique critère du profit (gain en valeur absolue) ou de la rentabilité (marge financière), a pollué, et parfois même détruit, une masse toujours plus grande de milieux naturels. Une concurrence de plus en plus féroce s’excerce donc pour l’accaparement de rerssources stratégiques restantes (pétrole, gaz, uranium, eau, forêts ..) nécessaires à une croissance économique guidée par un principe mimétique — social — en vertu duquel l’accumulation des richesses marchandes — ou leur équivalent monétaire, boursier — équivaut à un statut social enviable définissable aussi bien de façon quantitative que qualitative s’agissant de disposer d’une aisance aussi bien matérielle que corporelle (ne dit-on pas de tel-le ou untel-lel qu’il ou elle a une classe naturelle, alors qu’il s’agit simplement d’un habitus propre à une condition sociale).
Cette dolce vita, il faut le souligner, est plus que jamais l’objet d’un marché. La vie agréable a toujours existé en dehors du périmètre défini par l’économie marchande mais cette dernière n’a toujours eu de cesse que de la ramener dans son enclos. La raréfaction des liens sociaux et leur ghettoïsation en des lieux circonscrits, monnayables, a toujours été inscrite dans la logique capitaliste, mais aujourd’hui, le phénomène atteint une ampleur inégalée du fait qu’industrie de la culture et du divertissement constituent des marchés vitaux pour le système dans la mesure où ils en sont le moteur et la promotion permanente. Le philosophe Bernard Stiegler et ars industrialis ont très bien analysé cela. Le capitalisme d’antan qui exploitait la libido, a épuisé le filon à force de l’exploiter, de sorte que le nouveau capitalisme en est réduit depuis quelques décades a exploiter nos pulsions. je note au passage que l’avènement de ce nouveau capitalisme a coïncidé avec la montée en puissance de la sphère fiancière. Les deux phénomènes sont sans nul doute liés. Le problème du capitalisme ancienne manière était l’écoulement des surplus de production, aujourd’hui son souci est de lutter contre ce qu’il appelle la désaffection du consommateur. Le consommateur continue de consommer mais la croyance n’y est plus. D’où la nécessité de produire des modes de vie addictifs.
La concurrence ne concerne donc pas seulement l’accaparement des biens physiques mais le lien social, moins palpable. Les deux domaines se confondant d’ailleurs la plupart du temps lorsqu’il s’agit de se différencier du voisin proche ou virtuel en acquérant des biens. Alors que l’économie libérale des père fondateurs était une économie de la profusion, celle d’aujourd’hui est de plus une plus une économie de la rareté, rareté que l’on peut même produire symboliquement en série lorsque l’on crée artificiellement des différences de marques ou que l’on donne l’illusion via la publicité et les industries de la culture et du divertissement d’un infini renouvellement.
C’est le grand paradoxe de la société de consommation. Certes il existe de vraies raretés, les objets produits en séries limitées ou même uniques, mais ce qui caractérise le système économique actuel c’est l’illusion d’une profusion, du caractère illimité même des produits mis en circulation. Pourtant, en réalité, en regard des capacités de notre planète, ils sont des raretés. La consommation actuelle est bel et bien une hyperconsommation de produits rares. ON se borne souvent à qualifier de rares les ressources naturelles mais les produits finis, les liens sociaux, le sont tout autant du fait même qu’ils sont composés d’éléments rares : éléments physiques que sont les premières et toutes autres ressources non renouvelables ou en voie de disparition, et immatériels comme le temps. Le drame aussi c’est que cette hyperconsommation de produits rares concerne des produits qui sont sont non seulement rares mais de plus en plus dégradés et dégradants.
Mon propos peut paraître décalé car comme l’ont souligné beaucoup de commentaires, la réponse la plus commune à la crise est celle de la relance de la croissance. Certes, comme l’a très bien souligné JLM, si nous voulons nous diriger vers un autre système économique, il faut pouvoir conserver une certaine croissance pour orienter l’économie vers les nouvelles priorités, lesquelles remplies induirait un changement subtantiel des modalités de fonctionnement du système incluses ses valeurs son imaginaire social.
Une dépression soudaine serait un facteur de risque tellement grand que nous assisterions alors à une possible régression généralisée des sociétés humaines et de leurs économies avec peut-être de grandes famines, des violences. Mais il n’en demeure pas moins que faire l’économie d’une réflexion sur les fondements anthropologiques du système-monde actuel est plus risqué encore. Les dirigeants n’en prennent pas le chemin. Toutefois, un espoir. Des mesures précises et vraiment radicales comme celles que propose Paul pour la sphère financière pourraient pallier à cet inconvénient, car elles induiraient automatiquement, si elles étaient appliquées effectivement, d’autres modes de calcul des prix, une prise en compte de la rareté, de sorte que, peu à peu, c’est toute la physionomie de l’économie-monde qui s’en trouverait changée. Les changements sociétaux suivraient les transformations induites par les nouvelles règles de la finance. Des boucles valeurs sociales-nouvelles pratiques économiques se renforceraient de sorte qu’un nouveau monde émergeraient de la crise.
Nous en sommes encore loin. A nous de rester fermes sur les enjeux et d’insister lourdement sur la nécessité de faire des relances qui relancent réellement le jeu.
@PYD et Beber
Il est vrai que nous sommes loin du «doux commerce»… La logique dominante veut nous faire croire qu’il faut être des idiots calculateurs rationnels puisque les humains sont par définition tous égoïstes. Or, ce n’est pas totalement faux : nous avons tous besoin de considération et d’auto-estime. Comme le dit Beber « Derrière l’idée de profit, il y a une notion humaine qui est celle “d’avoir plus que l’autre”, un désir d’être plus “puissant“. “Plus que”,” mieux que”.»
Mais, justement, la solution n’est-elle pas de canaliser ce sentiment naturel de vouloir «être mieux que» vers une autre manière d’être bien à ses propres yeux, par exemple «plus généreux», «plus altruiste» plutôt que «avoir plus», «paraître au-dessus de…»
Certains disent que Mère Theresa n’était qu’une égoïste qui prenait son pied à donner aux autres. Mais très bien : un monde peuplé d’altruistes en concurrence pour être plus généreux les uns que les autres serait mille fois plus agréable à vivre que le nôtre.
Je reprend encore une fois Comte-Sponville qui pose la question : « Quel ami préférez-vous : un gars sympa, généreux et bon, ou un salaud menteur et voleur ? ». La réponse semble évident et pourtant notre société semble mettre les seconds sur le pavois et mépriser les premiers. Serait-ce encore un effet délibérément voulu par ceux qui ont besoin de la concurrence négative ?
@ Alain A
Je suis bien d’accord avec vous. L’auto-estime est un moteur puissant de l’action humaine, bonne ou mauvaise.
Les moralistes du XVIII siècles et les utilitaristes se rejoignent pour accorder à l’amour propre une importance décisive.
Adam Smith occupe une position particulière car il n’est plus tout à fait moraliste, mais pas encore totalement utilitariste.
Son anthropologie est partagée entre une logique du manque qui expliquerait un « toujours plus » et une logique de sympathie au fondement des relations d’échanges économiques.
L’intérêt individuel au nom duquel on s’enrichit n’a pour lui de valeur que pour autant qu’en s’enrichissant on gagne l’estime des autres. Smith précise même que l’on s’identifie plus au riche qu’un pauvre, car être riche c’est avoir la plus grande reconnaissance sociale. La notion de hiérarchie sociale en fonction du seul critère de la richesse pécunire est évidemment très connotée socialement, et renvoie à un certain conservatisme, car seule la richesse permet d’acquérir un statut social enviable et fait de nous des humains dignes de considération.
Mais d’un autre coté, Adam Smith, avec sa théorie de la sympathie investie par l’imaginaire (exister dans le regard des autres) laisse ouverte la possibilité que le critère de la réussite individuelle soit autre chose que l’enrichissement pécunière. Comme vous le dites très bien l’altruisme lui-même pourrait jouer un rôle social central au lieu d’être ce qu’il est aujourd’hui, l’exception.
Mais cela ne se décrète pas et ce n’est pas une simple affaire de valeurs qu’il n’y aurait qu’à promouvoir.
De nouvelles règles pour la finance et l’économie pourraient être les premiers éléments clés permettant une nouvelle articulation entre amour propre et intérêt général.
A propos du mot concurrence, qui a une connotation très darwinienne, ne pourrait-on pas le remplacer par celui d’émulation ?
L’émulation c’est ce qui permet d’aller vers un mieux tout en développant toutes nos facultés. Or aujourdh’ui la concurrence mutile beaucoup de nos facultés pour n’en retenir que certaines, et souvent au service d’une cause exclusive.
Surtout que cette pseudo SAINE CONCURRENCE N’EXISTE PAS !
Voyons l’épreuve des faits :
Libéralisation des télécommunications (portables) : Orange, Bouygues et SFR condamnés pour entente illicite sur les prix.
Privatisations de banques : le meilleur prix pour un service minimum en France c’est…à la Poste ! les frais généraux dans les plupart des banques sont les mêmes.
Ouverture du marché de l’énergie : En France les personnes qui ont décidé de ne plus passer par EDF s’en mordent les doigts…parlez-en en particulier aux entrepreneurs qui se sont faits méchament « BIPPPPPP ».
Est-ce que quelqu’un peut me citer une ouverture de marché à la concurrence où le consomateur est sorti vainqueur en se voyant proposer des prix plus intéressants ?
Sinon, on peut aussi parler du manège fusion/acquisition qu’a entraîné la libéralisation des marchés et qui dans certains secteurs ont vu des mastodontes s’approprier de tel part de marché qu’il se retrouve en quasi situation de monopole…
Bref, la sacro-sainte concurrence vertueuse c’est de la poudre de perlinpinpin balançé dans les yeux des gogos dont la capacité de calcul s’arrête à 1+1…
1 + 1 = combien déjà ?
Il me semble , « moa zossi » , qu’un des problèmes basiques de la concurrence d’aujourd’hui est qu’elle privilégie la notion de domination par rapport à celle d’EMULATION .
J’ai bien peur que les relations commerciales qui régissent le monde d’aujourd’hui ne poussent celui au suicide collectif sur fond de problèmes écologiques non résolus.
Les guerres ( économiques ou pas) nous proposent du 1-1 quand les efforts d’un pays sont neutralisés par la captation de l’autre. Quelle va être la réaction de pays qui ont ammassé pour trésor des tonnes de monnaies de singe?
S’agit il de guerre économique ou de PAGAILLE économique , à vrai dire, j’en sais rien .
Pour ma part ( elle est petite, j’en suis de plus en plus conscient vu l’étendue et la complexité des savoirs économiques ) , la dernière bulle qui vient d’éclater aux usa est SUSPECTE parce qu’étrangement fondée sur un marché qui avait tout pour s’écrouler .Volonté délibérée ou incompétence humaine portée à son paroxysme : je n’en sais rien.
Comme bien des gogos, je m’interroge.
Un des cycles du capitalisme est il de tout détruire pour mieux pouvoir reconstruire ?.
Le système financier international d’aujourd’hui sert il prioritairement des intérêts non point collectifs mais privés?.
Un système financier peut il être modifié par la force du politique ?
Dites moi si je rêve ou quoi ???????? Paulson abandonne son plan ????????
http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?news=6100658
ou
http://www.agefi.com/Quotidien_en_ligne/News/index.php?newsID=204671&PHPSESSID=1c0770fd9216ff1569bf240799b8537e
Je viens d’écouter sur France-Culture le débat où Paul était invité.
J’ai été frappé par le coté schysophrénique des deux économistes invités.
« riche, assez détaillé, feuille de route assez précise » tel a été le diagnostic porté sur le G20″. L’un de regretter presque que l’on en fasse déjà un peu trop pour poser les bases de la reconstruction. La relance avant tout. Diagnostic rigoureusement inverse à celui de Paul pour qui c’est la monarchie au bord de l’abîme qui se réunit une dernière fois.
L’un a bien noté qu’il faudrait revoir l’architecture globale du système financier, l’autre a dit que la maison brûle, mais pour eux ce n’est pas le moment de faire quelque chose pour le long terme. Surtout pas maintenant. Raison invoquée : il ne faut pas assécher le crédit. Mais si le crédit s’assèche n’est-ce pas surtout parce que la crédibilité du système et de ses acteurs sont en jeu ? Un autre, ou le même, a dit que des millions de personnes seraient condamnées si on supprimait maitenant la titrisation. Bref, Paul a encore sonné le sonnette d’alarme, mais le bateau fonce toujours vers l’iceberg et les passagers de première classe pensent aux jours meilleurs après la petite tempête de la nuit.
L’émission n’était certes pas inintéressante, surtout quand a été abordé le rôle du FMI : celui-ci « ne rencontre jamais des acteurs privés mais des Etats. Il est fait pour coordonner des Etats ». Autant dire que son rôle est quasi nul s’agissant de réguler les apétits des intérêts privés.
Mais lorsque la journaliste a posé à Paul la question de savoir si on allait voir le retour du keynésianisme, et Paul d’évoquer alors la nécessité d’écouter les anthropologues, sociologues et autres personnes aux analyses non classiques, les deux autres invités métropolitains ont préféré ignoré la remarque incisive et pertinente de la voix d’outre Atlantique, préférant railler les insuffisances du keynésianisme.