Ce texte est un « article presslib’ » (*)
J’écrivais dans « Vers la crise du capitalisme américain ? » (La Découverte 2007) :
Dans un monde où les États-Unis risquent de perdre leur leadership sur le plan technologique, la Chine a encore besoin de la locomotive que constitue la consommation des ménages américains. Un jour cependant, le marché indien ainsi que son propre marché intérieur, suffiront amplement à ses ambitions. Elle pourra alors se désintéresser des États-Unis. Son retrait du marché de la dette américaine, où son intervention massive aujourd’hui contribue à maintenir des taux d’intérêt artificiellement bas, précipitera encore davantage la crise déjà amorcée aux États-Unis.
Les choses ne se sont pas passés ainsi : avec l’éclatement de la bulle de l’immobilier, les ménages américains ont vu se tarir la corne d’abondance que constituait la valeur captive dans les murs de leur logement et qui leur permettait d’acheter jusqu’à plus soif des produits de consommation manufacturés en Chine. Du coup, celle-ci est obligée de se tourner vers son marché intérieur beaucoup plus tôt que prévu. Elle l’a apparemment bien compris et alors que l’on attend du nouveau président américain qu’il lance, à l’instar de Franklin D. Roosevelt en 1933, un New Deal, un programme planifié de relance de l’économie, axé sur le plein emploi et une politique de grands travaux, c’est de Chine que vient aujourd’hui l’annonce d’un New Deal.
La croissance en Chine a été de 9 % durant le troisième trimestre 2008, soit 27 % de la croissance mondiale, significativement moins cependant que les 12 % de 2007, mais beaucoup plus que les 0,8 % des États–Unis ou les 1,4 % de l’Union Européenne. Mais la Chine estime que pour atteindre son objectif d’une amélioration globale de la situation de la population chinoise il lui faut maintenir un minimum de 8 % de croissance. Elle a donc décidé de lancer, bien avant le reste du monde, son propre New Deal en y consacrant d’ici à 2010 un budget de 4 000 milliards de yuan, soit 454 milliards d’euros ou 586 milliards de dollars. Une telle somme équivaut à 16 % de son PIB en 2007.
Ce budget sera consacré à la construction de HLM, à la rénovation de l’infrastructure routière et ferroviaire, à une aide à l’agriculture, à l’irrigation et à l’achat de graine en particulier, à un programme de santé et de pensions et à des prêts aux PME. Les taxes sur l’achat de machines-outils et d’équipement industriel en général seront également réduites.
Il était prévu avant l’annonce de ce plan que le PIB de la Chine pour 2009 serait de 7,5 %. Le nouveau programme bonifiera ce chiffre de 2 % pour atteindre 9,5 %, au-dessus donc des 8 % jugés souhaitables pour la bonne santé du pays par ses dirigeants. C’est à l’aune de ce New Deal à la chinoise que celui de Mr. Obama sera désormais jaugé.
Rappel essentiel bien sûr pour toute discussion portant sur des chiffres de croissance : selon le principe qui veut que « faire et défaire, c’est toujours travailler », ces chiffres combinent destruction de l’environnement et efforts encore beaucoup trop maigres de le restaurer. C’est à nous de rappeler sans cesse à nos dirigeants que toute croissance doit viser désormais l’atteinte d’un état stable pour notre planète à un niveau de pollution réduit par rapport à ce qu’il est aujourd’hui.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
16 réponses à “Chine : Le New Deal que l’on n’attendait pas”
Les six cents milliards ? Ce seront des ventes de bons du trésor américain ? Si oui, aïe aïe aïe l’économie américaine va s’effondrer un peu plus ?
J’ai plusieurs commentaires à faire:
– La croissance chinoise dépend à 70% des exportations et des investissements de l’occident.
– La corruption en Chine est une donnée anthropologique, du fait de la culture confucéenne.
– L’inflation sur les biens alimentaires est de l’ordre de 10%
– On observe un déclassement rapide des étudiants issus des petites universités, ou des formations courtes suivies par ceux n’ayant pas réussis le concours d’entrée aux universités publiques les plus prestigieuses.
– Les émeutes consécutives aux émotions populaires provoquées par la corruption des réprésentants du PCC commence à toucher les populations urbaines.
Par ailleurs je constate que ceci a lieu notamment dans la région de Canton, qui semble fortement touchée par la crise mondiale.
– La bourse chinoise est essentiellement sous contrôle de l’état chinois: elle sert en fait d’amortisseur social car une partie de la classe moyenne place son argent dedans, le loyer de l’argent étant de l’ordre de 3% et l’inflation de 5% à peu près, vu les rendements les précédentes années, c’était l’un des seuls moyens pour garder un peu d’argent de côté. La baisse de plus de la moitié des bourses Chinoises lèse très fortement cette classe moyenne, qui souvent espérait ce constituer un petit pécule pour sa retraite.
L’incapacité du PCC a empecher cette dévaluation accentue encore les tensions internes en Chine.
Ce plan de relance doit être vue donc comme un moyen de combattre l’instabilité sociale croissante.
Mais il ne faut sans doute pas se faire trop d’illusion: la Chine a lancé pas mal de très grand projet, qui n’ont pas été achevé faute d’argent et faute de relais dans les régions, je pense notamment au projet de ville verte dans la région de Shenzen.
En effet, plusieurs réformes fiscales sont passées par là, qui ont réduit la capacité du gouvernement chinois a investir dans les infrastructures.
Par ailleurs, vu la structure chinoise, les régions ont finalement une autonomie assez importante dans l’application des plans décidés par le gouvernement central.
C’est le début de la fin : nous sommes assez idiots pour nous persuader que nous n’avons pas de marges de manoeuvre financières, et la Chine décide de mener une politique expansionniste de dépenses publiques… quel contraste, ça me glace le sang. Nous sommes totalement en train de nous faire doubler !
brehat ecrit :
commentaire n° : 36 posté par : brehat,/strong> le: 10/11/2008 11:08:02
Sur le Blog de Loic Abadie (billet du 08 novembre 2008)
Et pourquoi donc la course aux sommes folles ? Que je sache, la France, par exemple, n’a ni la même taille ni les mêmes besoins que la Chine. Les sommes éventuellement engagées dans un « new deal » à la française ne seraient pas du même ordre de grandeur.
… et qu’elle doit donc se recentrer sur son marché intérieur. OK. Mais là encore, si la France doit faire de même, l’échelle de grandeur n’est pas comparable.
@ TL
Vous dites “nous sommes assez idiots pour nous persuader que nous n’avons pas de marges de manoeuvre financières, et la Chine décide de mener une politique expansionniste de dépenses publiques… quel contraste” .
Mais si l’on en croit ce qui se dit sur ce blog la Chine a le contrôle de sa monnaie et peut, sauf risque inflationniste, relancer son économie intérieure. Au contraire, les pays occidentaux doivent emprunter la monnaie aux banques commerciales et donc relance = endettement insupportable. Donc, nous sommes peut-être des idiots mais l’idiotie ne se commet pas maintenant mùais quand le pouvoir financier a été cédé au privé (création de la FED aux USA en 1913, progressivement dans les pays d’Europe jusqu’au traité de Maastricht qui cadenasse cela pour 27 pays).
New Deal en Chine, au Etats-Unis….Mais quid d’une relance concertée en Europe ?
@Bruno A
Le mandat de la BCE est limité à contenir l’inflation, il n’y a donc guère d’espoir pour le moment.
Si cette crise a pour conséquence de modifier les « droits et devoirs » de la BCE en lui permettant de financer les besoins collectifs (investissements) de l’Eurozone, on aura de la chance.
D’ailleurs, je tombe la dessus à l’instant 🙁
Trichet a soi-disant une orientation centrée sur l’inflation, mais il baisse les taux à la vitesse grand V.
Il sent que ça commence à cramer en Europe alors il arrose avec ce qu’il a entre les mains.
Cependant, on s’aperçoit partout que la baisse des taux ne fait pas repartir la croissance (ex du Japon).
L’Europe doit s’unir pour éteindre le feu
.
L’Europe Fédérale avec une gouvernance politique et économique devrait renaitre de ses cendres, c’est la solution la plus simple et la plus efficace pour lutter contre les incendies ultra-libéraux.
Brulons le traité de Lisbonne et organisons un référendum des citoyens européens pour un président et une gouvernance unique.
One man, one vote
http://en.wikipedia.org/wiki/One_man,_one_vote
De BOB « L’Europe Fédérale avec une gouvernance politique et économique devrait renaitre de ses cendres, c’est la solution la plus simple et la plus efficace pour lutter contre les incendies ultra-libéraux.
Brulons le traité de Lisbonne et organisons un référendum des citoyens européens pour un président et une gouvernance unique. »
C’est également ce message que j’ai laissé sur le forum €/$ de Boursorama.
Un article intéressant, qui tempère un peu l’optimisme général sur le plan de relance chinois.
http://tinyurl.com/6qw7vd
Economies chinoises et occidentales.
La chine est condamnée a s’occuper à bref délai de l’amélioration des conditions de vie de sa population pour éviter une explosion populaire qui couve depuis quelques mois. Elle en a les moyens et cela est une bonne nouvelle pour les économies occidentales qui verront la pression des bas prix et l’ère de la « camelote » se relacher.
Nos pays devront redéployer leurs moyens de production pour réintégrer dans leur circuit les fabrications délocalisées en Chine et réorganisant leur fiscalité douanière et sociale et afin de protéger désormais, avec mesure, leur marché.
L’avenir des sociétés occidentales est à la stabilité de productions re-localisées, à la créativité technologique, la protection juridique des innovations la diminution du chomage grandissant.
Rien de tout cela ne sera durable et efficace sans éradiquer les plaies que sont la recherche du profit par la seule spéculation financière, le rétablissement de rémunérations équitables des travailleurs et une politique sociale solidaires.
Cela n’écarte en rien des convergences avec les pays d’Asie quand cela représente une évolution compatible et avantageuse pour les parties prenantes.
L’Europe dans sa version actuelle n’est pas du tout en phase avec ce qui précède et la France devrait reprendre sa liberté pour rétablir la politique qui fut celle des années 1960 et qui vit un réel décollage de son économie en tandem avec l’Allemagne qui elle maintenant navigue en toute liberté d’action dans sa sphère d’Europe Centrale nous laissant carrément sur place embourbé par la gestion calamiteuse qui est la nôtre depuis des lustres.
Un Europe fédérale ne sera qu’une calamité supplémentaire imposée à la France. Il ne faut pas rêver, la politique sociale a été repoussée par la pensée néo-libérale anglo-saxonne alors qu’il s’agissait d’une union a 5 puis 6 nations et 50 ans après le Traite fondateur de Rome il n’en est toujours pas question. Il serait naïf de croire q’une fédération bancale de 27 états complètement disparates en permettrait l’avènement.
Sans ces bases sociales de solidarité il ne peut être possible d’équilibrer nos économies en face de celles pratiquant le dumping social. Profitons de la nouvelle orientation qui se profile en Chine principalement pour remettre la maison France en bon état de marche.
La démolition de notre économie a été le fait de l’aveuglement des notre soi disant élite qui a pratiqué depuis 1970 une désinformation systématique en manipulant des contre vérités plus ou moins énormes touchant à la solidarité des peuples en voulant donner du travail aux pauvres du monde entier hors nos pays occidentaux. Il était affirmé que les salaires augmentant l’équilibre s’établirait alors qu’il ne s’agissait pas de quelques dizaines de millions de travailleurs potentiels mais d’une masse de 2 à 3 milliards de bras mobilisables.
Cela a permis a quelques centaines de malins de tout poil de s’organiser importateurs des productions à bas prix accumulant des profits énormes soigneusement placés hors des pays consommateurs pour en partie augmenter les capacités de production exogènes et pourquoi pas souscrite aux emprunts des états qu’ils auront pillés.
Oui le redéploiement de l’économie chinoise vers son marché intérieur serait bénéfique pour tous. En ce qui concerne les créance chinoises sur les Etats Unis les américains sont en position de force car ils maitrisent fort bien le dollar, le produisant, le manipulant à loisir; ils peuvent parfaitement temporiser la réalisation de la masse détenue par la Chine qui n’enverra surement pas l’armée populaire en Amérique pour se payer sur la bête. Barak Obama nous l’espérons, sera un homme de négociation etr de paix mais il a été élu par les citoyens américains pour résoudre leurs problèmes non ceux des autres.
Si l’on en croit les derniers chiffres du commerce extérieur chinois, la crise n’affecte pas les exportations chinoises au même rythme que les ventes de GM ou Ford.
En progressant de 21,9 % depuis le début de l’année, les exportations chinoises signent une performance, certes légèrement inférieure à celle de 2007 (26,5 % si j’ai bien compté) mais qui ferait palir d’envie tous les gouvernements occidentaux.
Dans une phase de récession, une des questions clés pour savoir qui va ramasser le mistigri du chômage est celle des parts de marché. Il n’est pas certain que la Chine soit si mal placée que cela sur ce terrain :
1) elle a évincé pas mal de concurrents dans nombre de ses secteurs d’activités principaux
2) elle bénéficie toujours de coûts attractifs par rapport aux pays occidentaux et développe sa productivité,
3) le prix est un levier clé en période de récession
4) les mesures protectionnistes seront difficiles à prendre alors que, l’industrie locale a dans pas mal de cas disparue et n’est plus capable de faire face à une re localisation.
Pour l’instant, la Chine peut donc peut-être se permettre d’attendre plus facilement.
>Franck
Ce que vous oubliez dans votre raisonnement, c’est que les besoins de croissance de la Chine sont plus grand que ceux de l’occident, pour des simples raisons de stabilités sociales, et donc politiques.
La limite pour la stabilité est fixé au alentour de 8%: la Chine officiellement fait actuellement 8,5%…
Sachant qu’une part des statistiques chinoises ne sont pas fiables, parce que remaniées pour des raisons politiques et souvent manipulées après coup pour coïncider avec la réalité macro-économique du moment, il vaut mieux avoir une attitude un peu réservé envers ces chiffres.