Ce texte est un « article presslib’ » (*)
On nous pose de très bonnes questions à Jean-Luc Gréau et à moi-même pour un entretien en face-à-face à paraître dans Marianne. Les questions sont nombreuses et la place, très limitée, et il faut donc répondre de manière lapidaire. J’ai le loisir ici d’offrir une réponse plus détaillée.
A propos des réformes que nous préconisons, assimilées à se débarrasser d’une vulgate néo-libérale, il nous est demandé ceci :
Quelles sont les forces politiques selon vous capables de mettre en œuvre ce projet en France et au sein de l’Union Européenne ?
En fait, ces forces politiques n’existent pas aujourd’hui. Commençons par la droite : elle s’est engagée tout entière aux côtés du système qui s’écroule sous nos yeux par pans entiers. La gauche, de son côté, est tétanisée depuis la chute du mur de Berlin. Le centre-gauche s’est lui rallié au néo-libéralisme. La gauche-gauche s’est montrée incapable en vingt ans de proposer le moindre projet de société alternatif. L’extrême-gauche a toujours été une pépinière d’idées neuves mais les applications et tentatives d’applications de celles-ci couvrent un éventail qui va du peu convaincant au catastrophique. Les verts nous ont appris que la richesse se mesure à la santé de la planète mais là aussi je ne vois pas émerger de réels projets : des utopies très indigestes oui, souvent très anciennes d’ailleurs.
Le mouvement « décroissant » est sans doute le plus cohérent mais j’ai déjà fait état de mes objections à son égard. En deux mots : la décroissance ne peut être un projet, elle est un symptôme. Elle a lieu sous nos yeux en ce moment-même où elle accompagne une crise financière et économique sans précédent. Lorsque les effets du « peak oil » se feront sentir – ce qui n’est pas encore le cas mais ne saurait tarder – la décroissance aura lieu si le solaire n’a pas été pleinement maîtrisé d’ici-là. Mais un symptôme n’est pas un projet et celui-ci reste à définir.
Les seules forces politiques susceptibles de forcer le pouvoir dans la voie d’un changement de paradigme émaneront donc de la base, et pour pouvoir constituer une majorité, devront ignorer les clivages politiques traditionnels. Cette base est constituée de tous ceux qui partagent le sentiment que l’espèce est menacée dans son existence, dans l’immédiat par la crise et dans dix ans par l’épuisement des ressources non-renouvelables. Un tel sentiment est par nécessité planétaire, mais non centré sur l’environnement conçu comme la planète sans nous : la justice sociale fait partie de son horizon. Planétaire au sens de Gaia : le système dans son entier, et une solution des problèmes fondée sur l’éthique. Deux soucis à première vue divergents ont empêché jusqu’ici la coalition nécessaire d’émerger et il faut rappeler aux deux bords : pas de redistribution sans survie, mais pas non plus de survie sans redistribution.
Un projet de cette nature peut produire de l’absolument neuf mais est également exposé à toutes les dérives. Il faut que les politiques se réveillent, se rallient à ce mouvement de la base et mettent leur expérience de la chose politique au service d’une canalisation de cette colère dans un cadre qui doit demeurer à tout prix démocratique parce que les ennemis de la démocratie sont prêts et s’agitent déjà dans les marges où la crise est évoquée dans une perspective critique.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
69 réponses à “Les forces politiques face à la crise”
La décroissance est peut-être un symptôme, et non un projet.
C’est surtout -à titre individuel- une façon de percevoir le rationnement qui s’imposera comme une punition-frustration ou au contraire comme une chance à saisir.
Faire le choix conscient de la frugalité avant que celle-ci ne s’impose permet de s’habituer, en quelque sorte et de vivre cette inévitable transition aussi sereinement que possible.
@ Jide
ce que vous dites c’est déjà de l’éthique. La sobriété, la frugalité qui à mon sens ne sont pas forcément antinomiques de la générosité et d’une certaine abondance, comme dirait Masshals Sallins, cet anthropologue qui fit sensation lorsqu’il posa un Age de pierre, age d’abondance, à rebours des théories évolutionnistes qui expliquait l’évolution en ayant recours
à l’idée que l’évolution par stades économiques des sociétés étaient motivés par l’état pénurique. Soit dit en passant Adam Smith lui-même reprit cette idée dans sa Richesse des nations, cela en dépit des observations des explorateurs de l’époque qui avaient observé que les société amérindiennes d’Amérique du nord sur lesquels Smith se basait, n’avaient rien de pénuriques.
Paul n’aime pas l’idée de décroissance car il s’associe à une autolimitation d’ordre métaphysique, à une soumission au divin qui fait les affaires d’une certaine pensée qui théorise et légimise le pouvoir des plus forts.
RIen n’interdit en effet de penser qu’un jour l’homme ira dans les étoiles. Si la société humaine n’a plus un projet, à quoi bon en effet !
Il faudrait peut-être, certainement même, trouver une notion plus positive que celle de la décroissance à connotation négative.
Si effectivement il y a un certain vide politique c’est que beaucoup des courants qui s’opposent au néo-libéralisme se posent en mouvements contre, comme par exemple le mouvement anti-capitaliste de Besancenot, appelé NPA (nouveau parti anticapitaliste) même si, il faut le reconnaître, ce ne serait pour lui qu’une étiquette transitoire. Espérons-le en tous cas.
Il faut aussi s’entendre sur le mot décroissance. S’il s’agit de décroître le prélèvement de l’humanité sur les ressources non renouvelables, il y a urgence. Et, à mon sens, des politiques doivent y viser sans attendre un pic oil. De même la croissance du PNB ne devrait plus être un objectif, car faute d’une « constitution de l’économie », entre autres, les externalités négatives ne sont pas prises en compte. Il faudra plus qu’une fiscalité incitative pour orienter les économies vers le moindre gaspillage, la durabilité des produits industriels. C’est tout l’imaginaire de la société de consommation qui est à revoir.
Evidemment tout dépend aussi de la gravité de la crise actuelle. Si s’agit seulement d’une perte de quelques points de croissance au niveau mondial, les effets globaux sur l’environnement seront toujours aussi délétères, et la crise écologique va s’approfondir. Ce serait alors le scénario de la mort lente des éco-systèmes par prolongation des tendances actuelles. Car les chinois, les indiens et autres consommeront toujours plus d’automobiles et de ressources non renouvelables etc…. Tant que la prédation pourra continuer je ne vois pas ce qui pourrait la freîner.
Par contre, s’il y a grave dépression économique, nous entrons directement dans l’état pénurique et, en effet, l’objectif de la décroissance paraîtra dérisoire.
Paul veut sans doute souligner le fait que la décroissance ne constitue pas un projet. Une économie, un société. J’en suis bien d’accord. Tout le débat sur la monnaie, sur les institutions est crucial et doit être amplifié, devenir une cause commune parmi tous les citoyens.
Mais il me semble tout de même simplificateur de réduire les « décroissants » à des frugaux culpabilisés et bornés. Il y a chez beaucoup d’entre eux un réel humanisme, une ouverture au monde. Y compris dans la contemplation, d’aucuns penseront cette attitude passéiste, mais pas forcément. A coté des apétits voraces de ceux qui nous conduisent à l’abime — et nous y avons consenti souvent nous-me^mes — depuis des décennies, leur attitude n’est-elle une prémisse, éthique, au changement ?
Notre mépris des ressources de ce monde, naturelles et humaines, ne vient-il pas aussi de notre incapacité, pour beaucoup d’entre nous, à nous émerveiller de simplement ce qui est. L’homme est un projet, mais l’exploration de la beauté du monde, y compris via la recherche scientifique, n’est-ce pas une forme de croissance, certes surtout qualitative, mais tellement plus désirable dans notre monde actuel voué à la seule accumulation des biens ? Certes, comme le rappelle Paul, le préalable est tout de même que la répartition des biens soit juste et au delà du minimum de survie, sans quoi l’état pénurique conduira sans doute à une sorte de néo-féodalisme.
L’éthique ne suffit donc pas, le débat – démocratique – doit croître et se multiplier dans toute la société.
Contrairement à ce que vous écrivez, aucun système ne s’écroule sous nos yeux sauf peut être le fonctionnement du monde occidental au profit d’un autre qui n’est pas le paradis que vous espérez et encore moins la frugalité demandée par certains. Le capitalisme asiatique sera d’une violence que l’on n’a pas connu depuis la seconde moitié du XIXème siècle européen, celle de la montée en puissance de la machine à vapeur, du charbon, des premières industries métallurgiques, de l’urbanisation croissante liée aux progrès du chemin de fer, en Europe et ensuite sur la Côte Est américaine.
Ce n’est pas en faisant du vélo à Paris et en votant Obama aux USA que l’on arrivera à contenir le capitalisme asiatique qui demain matin en se débarrassant de ses T Bonds pourrait nous faire revenir à une sorte de quasi âge de pierre en trois semaines. Le monde occidental s’est enkysté dans la dette tandis que le monde asiatique accumulait les industries de production et les réserves financières.
On peut remodeler la finance mondiale mais il faudra bien un jour que l’on repense à travailler, à gagner de l’argent et à investir et aux USA et en Europe. Nous en sommes loin. Aujourd’hui on ne pense qu’à demander à l’Etat de nous protéger dans la recherche des boucs émissaires, on ne pense qu’à faire grève pour tenter de conforter des avantages acquis et qui sont de toute manière condamnés.
Ces deux citations me paraissent quelque peu contradictoires, mais je note que vous concluez sur la seconde, qui est nettement plus porteuse d’espoir et qui répond plutôt bien à l’interrogation suscitée par la première…
Et avec quelle énergie ? À court terme, c’est peut-être le scénario qui va s’esquisser, mais le capitalisme asiatique sera tout comme le capitalisme occidental victime d’une pénurie de ressources d’une violence que, pour le coup, l’on n’a jamais connue et que l’on a clairement du mal à imaginer, et qui a toutes les chances de briser son élan.
@ Paul
Oui, le terme « décroissance » peut avoir une connotation défaitiste qui ne saurait que vous déplaire, comme le relève Pierre-Yves. Alors renommons-le « URRL ? utilisation responsable des ressources locales», ce qui impliquerait l’abandon de notre addiction à la possession personnelle au profit d’une mise en commun non seulement de nos réflexions mais de nos moyens de communication et de tout le reste.
– Je suis effaré de constater ce que peut consommer un PC actuellement de gamme moyenne (le PC et tous les serveurs qui relaient les données Internet dans le monde) et la simple consultation de sites de plus en plus sophistiqués adoptant le mode de communication sophistiqué de la publicité.
– Parlant de la « base », il me semble qu’aucune « base » ne peut se constituer à partir de réseaux de communications via Internet ; ce média (c’est juste ça, même si c’est déjà ça) serait plus efficace s’il était utilisé par des groupes auto-constitués plutôt que par des individualités ; la « base » c’est d’abord des relations réelles entre gens réels, discutant et réagissant à des propositions ou documents importants, et qui trouvent des moyens de se manifester dans le monde réel. Sinon c’est juste du bruit, qui dérange ou qui fait plaisir, au mieux une source de remise en question mais sans action réelle sur le monde.
Il n’y avait aucun sentiment de frugalité quand, enfants, nous découvrions quelques nougats ou speculoos dans nos chaussures le 6 décembre : c’était même un vrai miracle. N’y a-t-il pas une réelle remise en cause à opérer sur ce qui est réellement nécessaire, sur ce qui est un plaisir partagé, et sur ce qui est devenu une façon d’affirmer son pouvoir individuel, voire la dette qu’on impose aux autres ? Ce mot FRUGALITE est bien loin de mes souvenirs les plus intimes !
Frugalité ? Comme y ont été contraints les cubains ? Ha ! ce genre de frugalité injuste leur a pourtant permis de préserver leur dignité, et de trouver des solutions inédites, frugales certes, mais dont nous ne pourrons pas faire l’économie à notre tour…
Ceci sans aucune connotation religieuse ou idéologique ; juste l’évidence d’une expérience de vie, et de l’évidence d’une lamentable dérive consumériste sans fin ne renonçant à aucun moyen pour obtenir notre consentement forcé. Il est clair que ce temps maudit est terminé.
Si seulement nous pouvions éviter des famines, ici et à travers le monde, en Afrique et en Asie, (je ne parle pas d’émeutes : eux seuls décideront), si nous pouvions éviter l’apparition de régimes politiques criminels… alors nous pourrions faire l’expérience d’un monde plus fraternel.
Mais ça nécessite bien plus qu’une réforme monétaire mondiale, bien plus qu’un bretton wood II, et bien plus que ce pauvre commentaire.
C’était juste pour vous dire qu’en fait de PROJET: malgré la frugalité, il n’en manque pas!
@Paul,
tu suggères une épistémologie constructiviste ? Relire Herbert Simon ? Et construire les sciences sociales et concevoir la politique à partir de cette épistémologie ?
La decroissance n’est pas qu’un symptome, c’est surtout une idée qui combat le gaspillage. Pas seulement le gaspillage des ressourses (qui devient une contrainte) mais le gaspillage de la consommation du court-termisme (qui est inutile)
En moyenne changer son telephone tous les 2 ans, changer sa voiture tous les 5 ans, ses logiciels tous les 2 ans, … meme si tout marche bien et meme si c’est pour racheter quasiment la meme chose… Il faut faire consommer regulierement, au rythme choisi par les entreprises elles memes. Il faut rendre irreparable les choses ou dissuader de les reparer pour alimenter cette croissance. Il ne faut pas produire des choses trop simples qui conviennent à l’usage des gens et qu’ils pourraient conserver trop longtemps …
– L’OCCIDENT BAT EN RETRAITE –
… C’est la debacle !
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2295
Alllons-nous assister a la chute de l’empire americain, seulement ?
Ou bien… allons-nous vivre la chute historique de tout l’Occident dans son ensemble ?
La vraie> fin de la colonisation ? (sauf colonisation blanche des Ameriques et de l’Australie qui semble a cette heure irreversible)
cher Paul,
Nous avons assisté en France à la fragmentation des différents partis de gauche, en différents petits courants, incapables de s’ accorder sur un projet commun, verrouillés qu’ ils étaient (et sont encore) dans une idéologie sensée être la seule pertinente pour gagner l’ élection présidentielle.
Le débat sur la monnaie que nous avons eu sur ce blog, au moment ou il était moins connu, les intervenants etant nécessairement les acteurs les plus en avance sur le questionnement et la comprehension de la crise, est un exemple qui prouve la supériorité du cerveau collectif par rapport au dogme.
Je souligne ici l’ importance et la supériorité de l’ écrit par rapport au debat oral avec ses effets de manches, pour générer ce que j’ appelle une « comprehension collective ». Cette comprehension collective génère en chacun de nous une adhésion plus ou moins forte à ce produit du cerveau collectif.
La multiplication de ces « comprehensions collectives » sur divers sujets importants pourrait mettre, l’ acteur politique individuel dans un état de connaissance élevé, non seulement du sujet traité, mais aussi de l etat du cerveau collectif par lequel il souhaite etre élu.
Le politique avisé devrait sentir qu’ il y aura une prime pour celui qui comprendra le mieux cette crise, et en tirera toutes les conséquences pour adapter son programme, y enlever ce qui serait trop dogmatique et serait alors, en trop flagrante contradiction avec ces « comprehensions collectives » , ces dernières étant si utiles pour provoquer l’ adhésion.
Politiques, il va falloir bosser !
Ce qui m’impressionne le plus, chez vous, Paul, c’est votre capacité à faire évoluer le débat tranquillement, tantôt en réaction aux événements et à ce qui se dit, tantôt en avance considérable, anticipant sur des questions que peu de gens se pose encore comme vous l’avez fait sur la monnaie et auourd’hui sur les conséquences politiques très larges de la crise.
Cela donne à ce qui se déroule sur ce blog, un équilibre que je n’ai jamais vu ailleurs, entre profondeur des échanges et tranquillité de la réflexion.
Je rejoins totalement la manière dont vous posez la crise. Cette crise est celle de la survie, de la survie de l’espèce qui a engendré face à elle sa propre négation. Celle de la survie, non à échéance de 50 ans, mais dans une échéance entre aujourd’hui et dans 10 ans.
Je crois que, face à cette crise, deux courants politiques majeurs vont émerger et s’affronter.
Ceux qui pensent qu’il faut prioritairement assurer la survie d’un système qui nourrit leur privilèges exorbitants et qui est leur cadre d’existence moral et matériel, cadre dont ils ne peuvent et/ou ne veulent sortir. A des degrés divers, ceux-là se rangeront derrière les plus déterminés parmi eux et seront prêt à vouer à la disparition complète les trois quart de l’humanité, y compris certains de leur propres partisans pour atteindre leur but. (but par ailleurs inatteignable sur le long terme, puisque ces gens là sont leur propre problème en un certain sens).
Face à cela, devra s’organiser, le courant de ceux qui veulent changer le système pour sauver l’humanité. Ceux là devront lutter dans une situation très difficile,très violente pour résister à la fois à la dégradation générales des conditions de vie et à la pression permanente exercée par le premier camp. Au contraire du premier camp, ceux là devront en permanence penser en termes de solidarité, et notamment de solidarités avec les plus faibles. Ils devront penser à s’unir toujours plus largement. Il devront savoir voir le monde à travers le regard des plus démunis car cela seront la force décisive du changement. Les formes politiques que prendra ce camp pour se constituer politiquement sont imprévisibles. Cela se fera avec des moyens existants (je pense aux partis de gauche, aux syndicats) qui seront détournés de leur fonction actuelle et avec des forces nouvelles crées spontanément.
Dans le langage du 20 ème siècle, le premier camp s’appelle le fascisme. Je me rappelle avoir lu, il y a quelques années, un texte d’un militant ouvrier américain, expliquant que, lorsque le fascisme reviendrait, il ne le ferait pas sous la forme folklorique des néo-nazis mais sous l’apparence de gens très bien, jeunes, beaux portant costume et attaché-case. Je crois qu’on en voit clairement les premiers signes aujourd’hui.
Le projet du deuxième camp portait le nom de socialisme, qui aujourd’hui est associé, pour beaucoup, à quelque chose d’assez différent, des régimes étatiques, peu avancés sur le plan économique, plus ou moins dictatoriaux.
Ce projet doit pour moi, en tous cas, porter un idéal de libération. C’est le principal défaut de la décroissance que de laisser dans l’ombre cet idéal. Cela me faisait dire dans un commentaire précédent que la décroissance devait être en premier lieu la décroissance du temps de travail.
Je suis ce qu’on appelle un cadre supérieur dans une grande entreprise nationale. Je vois au quotidien les souffrances psychologiques et physiques que ce système, prétendument riche inflige à ceux qui le font vivre. Les cadres, les cadres supérieurs sont loin d’être épargnés par cette souffrance généralisés. Même les cadres dirigeants ne le sont pas. Si nous avons moins de pétrole demain, moins d’énergie artificielle même, nous pouvons nous donner tout de suite plus d’humanité. La première énergie que ce système exploite et gaspille, c’est celle qu’on appelle la ressource humaine (ce seul terme en dit long). Nous avons en chacun de nous un réservoir d’humanité dont l’expression libre peut déjà changer notre vie.
En résumé, si la société humaine est riche, la plupart de ses membres n’ont jamais été aussi pauvres. Je suis d’accord avec vous, Paul, pour dire, (et c’est un très beau slogan) « pas de redistribution sans survie, pas de survie sans redistribution ».
Nous avons au mieux dix ans devant nous pour y parvenir.
@ Tigue
Brillante remarque et belle apologie d’internet. On a cru l’écrit en voie de disparition, il n’en est rien, bien au contraire. Les échanges épistolaires permis par ce média sont offerts à l’ensemble du monde, non pour être copiés (hou le vilain mot !) mais pour être partagés et enrichis par d’autres.
Décroissance
Elle n’est pas une alternative à la civilisation de la consommation, de la surconsommation, du gaspillage et du bien être matériel (il faut bien le reconnaître). Elle n’est pas seulement un symptôme non plus. La déplétion des ressources fossiles et minières est inéluctable que cela nous plaise ou non. Nous semblons avoir atteint le pic de « production » de ces richesses naturelles et non renouvelables (du moins à l’échelle humaine, car dans dix millions d’années, nous aurons surement à nouveau du pétrole…). Ce pic ne marque pas la fin du pétrole, du gaz ou du cuivre, mais nous interdit toute croissance dans son exploitation. Nous ne pourrons donc jamais dépasser les produtcions actuelles et devons nous attendre à une baisse d’ici peu. C’est mathématique !
La décroissance c’est donc la fin de la croissance, la fin du « plus qu’hier et moins que demain ».
Notre système économique et social était basé sur ce principe depuis deux siècles, aidé en cela par une énergie (le charbon puis le pétrole et le gaz) de plus en plus abondante et de moins en moins chère. Mais cette époque est finie ! L’énergie sera de plus en plus rare et de plus en plus chère que cela nous plaise ou non !
Peut-être faut-il rappeler ce qu’est la croissance d’un point de vue mathématique car beaucoup (surement pas ici !) semble l’avoir oublié. Pour faire court une croissance continue de X% par an c’est un doublement (!) assuré en un nombre d’année bien déterminé. 10% par an c’est un doublement en sept ans ! Tous les sept ans, la Chine double sa production, sa consommation, son gaspillage, ses destructions de forêts ou de terres agricoles… Une croissance de 1% par an signifie un doublement en soixante dix ans. La population mondiale croît de 1% par ans (la population de la France en PLUS par an), elle doublera donc dans soixante dix ans. Volens, nolens !
Pas besoin de calculatrice pour trouver ce chiffre magique, il suffit de diviser 70 par le chiffre du pourcentage et vous obtiendrez plus ou moins grossièrement le nombre d’années nécessaires au doublement. Par exemple, 3% par an donnent un doublement en 23 ans ; 7% en 10 ans, 5% en 14 ans…
Nous avons donc le choix entre une décroissance subie ou une décroissance organisée.
Encore une fois merci à Paul et à tous les participants de ce blog.
« Vivre simplement pour que les autres puissent simplement vivre ». La frugalité vécue dans la solidarité et la bienveillance des uns envers les autres sera peut-être le point majeur sur lequel il faudra se concentrer.
Nous sommes en pleine régression économique, financière et sociale (voir la loi Hadopi en France) et vos commentaires confirme la désagréable impression que vous ne rêvez que de redonner vie à la DDR.
@ DDR
c’ est quoi la DDR ? de la mémoire vive dans un PC ?
@ Paul
Sur les partis : entièrement d’accord. Sur la suite aussi.
J’ai hâte de lire l’article dans Marianne.
@Alexis
Vous pouvez avoir une croissance économique annuelle de 10%, et une augmentation ou un ralentissement du rythme de destruction des ressources naturelles. Il n’y a pas de lien strictement proportionnel entre les deux. Qu’on se le dise !! C’est une affaire d’éthique, de conscience et éventuellement d’incitation budgétaire.
@ Frank Marshal :
Vous dites :
10 ans (maximum), cela me parrait un peu tôt pour l’extinction de l’espèce humaine. Etes-vous sérieux en affirmant cela ? Ou est-ce un effet de style ?
Merci d’avance
La DDR, c’était la RDA en français … République Démocratique Allemande … l’Allemagne de l’Est quoi …
Je rebondis sur le commentaire de TL. Une économie moins destructrice de la nature et moins vorace en énergie est-elle néccessairement une économie de décroissance ? Ne peut-on envisager de système qui, à la fois, respecte mieux la planète tout en permettant à l’espèce humaine de s’y dévelloper encore (dans le sens d’améliorer encore ses conditions de vie).
Un petit commentaire pour Candide, à propos de l’Asie et de son dévellopement : la Chine est assise sur des réserves de charbon qui peuvent lui permettre de poursuivre son dévellopement économique pendant plusieurs décennies. Comme tous le monde, ils en manqueront un jour … mais pas tout de suite …
Cordialement.
C’est effectivement de la base que peut sortit la solution; le nouveau paradigme c’est une mondialisation relocalisée ; remplacer l’idée de régulation du système par la relocalisation, c’est à dire un autre système. Un système complexe/un système simple. C’est l’anthitèse de la conception d’un monde marchandise et la mise en oeuvre d’un monde à vivre.
D’autre part seul la limite géographique du « local » peut permettre l’application stricte du principe de démocratie par l’auto gestion collective de ces espaces de vie; seule la limite géographique du local peut permettre une mondialisation : la mondialisation industrielle et économique tuent la mondialisation.
Je suis pour le lancement de démarche locales impliquant les élus locaux et les citoyens autour de la réflexion /action sur ce problème de notre realtion au monde et de comment localement s’organiser autrement.
Excusez les fautes de frappe !
Croissance et décroissance, mais de quoi ? du PIB, produit intérieur brut, données comptables des biens et services produits.
Pourquoi ces données sont si importantes ? fondamentalement, pourquoi, à population constante, une croissance de production est censée être bénéfique voire indispensable à notre société ? Je vois des réponses selon axes, non exclusifs :
– socialement, pour permettre à la population de progresser en qualité, en « confort » de vie. C’est ce qui est communément compris, me semble-t-il ; Les socialistes diront que les richesses produites doivent être réparties équitablement, les libéraux diront que chacun doit tirer le maximum qu’il peut de la croissance selon sa propre habilité à le faire, tous diront que leur approche sera la plus à même d’entretenir cette croissance.
– techniquement, pour permettre de payer les intérêts de l’argent créé par les prêts qui ont permis le développement ; ça, c’est ce que j’ai compris à la lecture de ce blog. Dans le débat sur la monnaie, des solutions ont été exposées pour s’affranchir de ce coût.
Le premier point sous-entend que le confort de vie dépend du volume des biens produits. Qu’est-ce c’est, le « confort », à quoi ça sert ? Il y a quelques temps, je ne sais plus où malheureusement, j’avais lu les résultats d’un sondage récent aux USA qui posait la question toute bête « êtes-vous heureux ? », question qui avait été posée dans un premier sondage au cours des années cinquante (ou soixante, je ne sais plus). Les résultats sont les mêmes, bien sûr. Les gens ne se sentent pas plus heureux maintenant, malgré un PIB multiplié par N.
Il est certain que retourner vivre dans les conditions des années cinquante nous rendrait assez malheureux. On s’habitue au confort. Mais pourquoi en vouloir PLUS ?
Autre question : j’ai toujours entendu dire qu’il fallait 3% de croissance au moins pour faire (réellement) baisser le chômage. En deçà, le chômage monte, ou bien il est masqué par une généralisation des temps partiels subis. Mais pourquoi donc, alors que la population en âge de travailler n’augmente pas ? N’y aurait-il pas la question des gains de productivité, colossaux depuis quelques décennies, qui entrerait en compte ?
Vous voyez où je veux en venir. Il me semble que la décroissance, ou plutôt la vie sans croissance est possible :
1. En changeant les règles de création monétaire, et en encadrant les mécanismes financiers, de façon à rediriger la part du PIB vers les salaires.
2. En réduisant le temps de travail de tous, de façon organisée, parallèlement aux gains de productivité.
3. En acceptant l’idée que la qualité de vie n’est pas liée à la quantité de biens produits.
Les points 2 et 3 sont complètement liés. Pour citer Pierre Larrouturou, la réduction du temps de travail est plus un problème philosophique qu’un problème économique.
Que faire du temps libre, si on ne consomme pas ?
Puisse cette crise faire évoluer les mentalités…
@ Riquet
Avec une restriction toutefois : le charbon ne permet pas tout. Il ne remplace pas totalement le pétrole. D’autre part, la Chine rencontre déjà de gros problèmes de pollution, et un recours accru au charbon n’arrangerait rien.
En outre, mis à part son gigantesque marché intérieur, la Chine risque de se retrouver coincée niveau exportations si l’Occident n’a plus les moyens – ou, on peut rêver, la volonté – de lui acheter autant de produits qu’aujourd’hui.
Il me semble donc que la Chine devrait elle aussi privilégier un développement durable plutôt qu’une croissance effrénée.
bonjour !
Je découvre votre site … Avec intérêt !
Je réagis à cet article, dont j’ai pris connaissance sur le site « contre info ».
Je rejoins globalement certaines de vos réflexions.
Pour autant, je souhaite apporter ma maigre contribution pour éclairer nos consciences respectives.
– « La décroissance est un symptome… » : Oui, c’est exact si elle est observée dans le contexte actuel dont nou sommes spectateurs, certains bénéficiaires, d’autres victimes, etc…
Dans le cadre d’un réel projet, ce dernier se compose d’une methodologie et d’un calendrier. Ce dernier sera composé de séquences et « d’opportunités. Maintenant, « incrémentons » cette décroissance dans le cadre d’un projet alternatif…. L’on observe alors, que selon les phases de ce REEL projet, La décroissance demeure un symptome, …mais devient un outil … et un appui . En cela, vous l’avez compris, j’ai volontairement incrémenter dans ma réflexion , le paramètre du temps durée, ce dernier se composant des temps séquences et « opportunités ».Pour terminer sur cette réflexion, et si j’ai bien compris votre réflexion, ce réel projet suppose , sur le plan tactique, une initiative impulsive conduisant à des effets majeurs immédiats , et durables ( renvoyant de ce fait aux paramètres des temps…. ) .
– « …ignorer les clivages politiques traditionnels… » : surtout pas ! c’est une grave erreur dans le domaine stratégique. Au contraire, » le groupe » batissant un réel projet doit maintenir une veille concernant ces clivages politiques traditionnels, tout en étant dans sa posture médiatique INDIFFERENT, autant que faire se peut. Mais il ( le groupe…) doit pouvoir réagir en ouvrant le terrain -toujours davantage- et contraindre, par sa propre action, ces clivages politiques traditionnels à l’affaiblissement… la maladie…. la mort! GANDHI l’a bien compris , et nous a montré une possibilité ( dirais je « option »???) . Le jeu de GO , nous montre d’autres possibilités, via une ouverture semblable …. Sur ce point, la stratégie chinoise s’inspire, en partie, du jeu de GO, à ceci près que la chine a un talon d’achille qui tente, pour sa propre survie de résorber: la cohesion sociale. Si elle se rapproche trop du modèle capitalisme, elle s’expose à de graves déconvenues et une implosion interne.
A vous lire …. Cordialement!
@ Ricquet
On est bien d’accord. Il y a une confusion dans les termes : on confond « croissance économique » (simple agrégat comptable, arbitraire, manipulable, et finalement assez neutre quant au contenu de la production) et « pression sur les ressources naturelles ». Je ne nie pas qu’il y ait une corrélation historique entre les deux, mais 1) elle n’a pas été constante, 2) elle n’est pas une fatalité.
@ Di Girolamo
La manière dont vous le formulez risque repousser, ou au moins ne pas attirer, beaucoup de monde (« permettre l’application stricte du principe de démocratie par l’auto gestion collective de ces espaces de vie » par exemple) mais sur le fond je suis d’accord, à un détail prêt : le marché, lorsqu’il est bien régulé, est un formidable instrument d’allocation, mais encore faut-il que les prix veuillent dire quelque chose. Il faudrait qu’ils intègrent notamment les coûts environnementaux des différentes types de production. C’est à l’Etat de faire que les prix aient un SENS. Si les prix n’ont pas de sens, le marché ne sert à rien.
Où peut-on signer ? Quand est-ce qu’on commence ?
@Di Girolamo
Connaissez-vous les « Transition Towns » http://www.transitiontowns.org/ ?
@ Franck Marsal et à tous,
Vous lire m’apporte un peu de réconfort. Le combat contre ce système aberrant est le combat de tous, quelque soit la position sociale que l’on occupe. Chacun a un rôle à jouer pour que la crise actuelle ne dégénère pas en enfer, pour que s’accomplisse une transition émancipatrice. Peu de cadres supérieurs sont lucides et mobilisés mais ils existent et vous en êtes la preuve. Le conformisme n’est pas le privilège d’une classe sociale. Ce sont les « électrons libres » comme vous qui permettront que la période actuelle soit effectivement la transition qui permettra l’avènement d’un nouveau monde, solidaire, participatif, créatif, écologique. Il faudra compter aussi sur tous ceux qui perdront leurs emplois, les désespérés qui malgré leurs conditions matérielles ne jetteront pas toutes leurs énergies dans une destruction suicidaire, mais au contraire seront des forces politiques de premier plan. Votre remarque concernant les partis politiques est très pertinente, rien empêche ceux-ci, au moment critique, qu’ils servent, pour une fois, des intérêts qui les dépassent. Dans la tourmente les esprits de certains se ferment mais d’autres s’ouvrent peut-être même n’attendaient-ils qu’une occasion pour donner le meilleur d’eux-mêm
Je pense comme vous qu’avec l’exacerbation des contradictions du système, et au premier chef dans la tension de plus en plus grande qu’il y aura entre l’impératif de sa refonte, ressenti, pensé par certains, et la lenteur, voire le coté regressif de certaines politiques, pratiques, la mobilisation politique et sociale ne peut que s’amplifier.
Le blog de Paul Jorion joue actuellement un rôle irremplçable. Paul y a mis toute son intelligence, non seulement de savant, d’intellectuel mais aussi son intelligence pratique, tout un, et c’est ce qui fait sa grande force. Dans le grand public assidu d’Internet qui connaissait Paul Jorion il y a encore un ou deux mois ? Désormais il est cité partout ou presque. Certaines de ses idées feront forcément leur chemin, difficile de dire comment et selon quelle progression mais elles le feront.
La façon dont Paul Jorion a pensé et conçu son blog lui donne une certaine force opérationnelle, et c’est justement ce qui manque le plus cruellement à nous tous. C’est un aiguillage, un amplificateur, un bouillon de culture pour toutes les ressources intellectuelles, morales nécessaires à la sortie de crise. Mais, dans les mois, les années qui viennent, Paul et les autres, c’est à dire nous, devront aller plus loin encore dans le coté opérationnel. Si une situation de chaos économique et social s’installait, il ne resterait plus qu’Internet pour fédérer les intelligences, les énergies, les bonnes volontés tout simplement, pour reconstruire.
Il faudra alors que les blogs catalysateurs d’idées comme celui de Paul profitent de leur position privilégiée pour apporter un soutien logistique à tous ceux qui sont désireux de poser les bases d’un nouveau monde, plus humain, viable et désirable. Je crois qu’il n’existe nul part sur Internet un tel blog à la fois intellectuel et opérationnel. Soit il s’agit de mettre des individus en relation à la façon de myspace ou facebook mais alors il n’y a pas de contenu intellectuel motivant, soit il s’agit de diffuser des information voire de permettre le débat mais alors il n’y a pas le coté relationnel direct.
Dans « Ce qu’il est raisonnable de comprendre,et partant d’expliquer » http://www.pauljorion.com/blog/?p=173, Paul évoque une notion très utile pour comprendre la nécessité d’un projet de site mixte. Il s’agit de l’idée de gradient. Le gradient dans l’ordre de la pensée est cette pente naturelle qui se crée et fraie un lit à un certain développement de la pensée et donc par voie de conséquence une certaine action. Ce n’est pas le tout qu’un blog, un site, permette l’échange démocratique des idées, il faut encore qu’il y ait un substrat intellectuel, une idée force qui rende possible l’échange FECOND et mobilisateur pour des actions concrètes. Le blog je Paul le permet déjà d’une certaine façon.
Evidemment on peut imaginer toutes sortes de variantes, plus ou moins de débat, plus ou moins de relationnel et de logistique. Pour l’heure, le blog de Paul Jorion me semble être une magnifique esquisse, de par sa forme et son contenu, de ce qui pourrait être un tel site mixte, voué à la fois à la réflexion et l’action opérationelle en vue de construire le nouveau monde que nous appelons tous de nos voeux.
@ Archimondain
Je ne dis pas que l’espèce humaine aura disparu dans les 10 ans. Je dis que ma conviction est que si nous ne changeons pas dans les 10 ans, des phénomènes irréversibles risquent de mettre en question notre survie.
Il y a eu de nombreuses alertes par exemple des spécialistes du climat sur le fait qu’il existe un stade au delà duquel le réchauffement climatique non seulement sera irréversible mais s’auto-alimentera jusqu’à un nouvel équilibre, avec une ampleur de réchauffement supérieure à la fin d’une glaciation.
Notre système d’énergie n’est pas durable. Notre agriculture est basée sur une haute consommation énergétique et est également non durable. La vie « sauvage », poissons, insectes, espèces végétales est menacée et la desertification progresse. Chacun de ces problèmes pris isolément semble réversible mais nous savons qu’il existe un stade où l’accumulation de ces effets changera radicalement les conditions de vie sur la planète.
Mais, comme le souligne Paul, la question environnementale est indissociable de la question économique et sociale. L’équilibre social de notre civilisation est basée sur la croissance économique et il n’y a pas aujourd’hui de visibilité sur la manière dont la croissance pourra se poursuivre à un rythme suffisant. Au contraire, les réactions déjà perceptibles à la crise économique et sociale nous mènent sur un chemin très très dangereux. La situation du Pakistan, puissance nucléaire, en quasi guerre interne et extérieure aujourd’hui ruiné par la crise financière en est probablement le meilleur exemple. D’une certaine manière, l’agressivité déployée par les USA depuis quelques années en est un autre.
En même temps, il existe beaucoup d’exemples de résistances, de prises de conscience et de signes positifs. 10 ans, c’est court, mais nous ne partons pas de rien et c’est un temps dans lequel beaucoup de choses impensables aujourd’hui pourront se développer. De puissants mouvements sont déjà en marche, souvent à un niveau très local, mais pas seulement.
A sa manière, ce blog est un signe très positif.
François dit @
31 octobre 2008 à 00:30
« »(….)Internet ; ce média (c’est juste ça, même si c’est déjà ça) serait plus efficace s’il était utilisé par des groupes auto-constitués plutôt que par des individualités ; la « base » c’est d’abord des relations réelles entre gens réels, discutant et réagissant à des propositions ou documents importants, et qui trouvent des moyens de se manifester dans le monde réel. (….)
C’était juste pour vous dire qu’en fait de PROJET: malgré la frugalité, il n’en man,que pas! » »
–>La preuve!
Le swap, ou comment avoir plus sans dépenser 1 franc(suisse)
par Carole Pantet
Une nouvelle monnaie virtuelle lancée mercredi permet de tout vendre ou acheter gratuitement.
boîte interactive
Le site de Easyswap
Vous souhaitez prendre des cours d’allemand mais vous n’en avez pas les moyens? Vous n’utilisez plus votre vélo et pourriez le céder? Grâce à Easyswap, sans débourser 1 franc, vous pourrez vous acheter les services et objets dont vous avez besoin. Pour cela, il suffit d’avoir gagné le nombre de swaps nécessaires en vendant ou louant un de vos biens ou une de vos compétences.
Lancée mercredi (29 octobre 2008) par une association issue des Services sociaux de Lausanne, easyswap.org est la première plate-forme internet du monde qui permet de faire des échanges dans une monnaie virtuelle au taux équivalent à 1 franc. «On ne peut pas parler de troc, puisque l’on vend et on achète tout en swap», explique Jonathan Rochat, cofondateur du projet. Dans le monde Easyswap, il est impossible de s’endetter. Tout swap dépensé est un swap préalablement gagné. Le projet, à vocation sociale, a vite convaincu la Ville, puis la Banque Cantonale Vaudoise. Gratuit et accessible à toute la Suisse en cinq langues, le site est aussi présent sur «Second Life».
Pour lancer la machine, Lausanne va injecter 80 000 fr. en offrant 40 swaps aux 2000 premiers Lausannois inscrits qui mettront en vente un bien ou un service. D’autres villes ou sociétés devraient suivre.
Voilà un exemple urgent de ce qu’il faut faire!!
Tout au début de sa carrière, le prix Nobel d’économie Amartya Sen avait conduit un certain nombre d’expériences qui en disaient long sur notre aliénation ou notre dépendance vis-à-vis des biens matériels. Elles montraient aussi que notre degré de satisfation (ou d’utilité subjective pour reprendre le terme en usage) était dépendant du contexte social, c’est-à-dire de notre rapport à autrui. Rapports de compétition, rapports mimétiques, course au standing etc. Sen avait constaté la chose suivante. Un individu gagnant 80 entouré de voisins ou de proches gagnant approximativement comme lui, c’est-à-dire 80 se dit plus heureux qu’un individu gagnant 100 et entouré de gens gagnant 120. Autrement dit, le contexte et la pression sociale des semblables est absolument déterminante au niveau du degré de satisfaction éprouvé. J’avais lu une anecdote à ce sujet à l’époque du boom Internet. Des avocats new-yorkais qui gagnaient, mettons 5 millions de dollars par an, étaient malades de jalousie en voyant leur clients, des gamins de 25-30 ans gagner dix fois plus qu’eux. Ces avocats, partners dans des cabinets importants, avaient largement de quoi vivre confortablement mais la comparaison avec des gamins surgis d’on ne sait où et qui gagnaient bien plus qu’eux les rendaient littéralement malades (certains avaient développé des symptômes somatiques).
Moi je suis « malade » de cela :