Eco89, lundi 3 novembre à 16 heures

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3 réponses à “Eco89, lundi 3 novembre à 16 heures”

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    Benoit

    – QUAND LA CULTURE AMERICAINE S’OPPOSE A LA SOLUTION –

    L’article de Dedefensa.org se refere explicitement a Paul Jorion :
    http://www.dedefensa.org/article-de_la_difficulte_de_ne_plus_etre_29_10_2008.html

    Titre de l’article :  » De la difficulté de ne plus être « , 29 octobre 2008.
    Extraits releves par mes soins :

    Comme nous tentons de l’expliquer par ailleurs, sur notre Bloc-Notes du jour, le système américaniste nous semble reposer d’abord sur une foi, sur une croyance. Il est très difficile de s’en défaire, si cela est possible. C’est avec cette idée à l’esprit, que nous développerons plus loin, dans notre commentaire, qu’il faut, à notre point de vue, apprécier l’affaire de l’article de Joe Nocera du 24 octobredans le New York Times.

    Cet article, très long et détaillé, est notamment présenté par le site trotskiste WSWS.org, dans une analyse en anglais du 27 octobre, avec sa traduction en français mise en ligne le 28 octobre. Marque notable d’estime de la part du WSWS.org trotskiste, l’article de Nocera est présenté comme un «un article exceptionnellement honnête publié dans le New York Times de samedi». Voici un extrait présentant et résumant l’article de Nocera.

    «Comme l’explique Nocera, le plan annoncé le 13 octobre par le secrétaire du Trésor Henry Paulson qui consiste à offrir $250 milliards d’argent des contribuables aux plus grandes banques, contre des actions non-votantes, n’a jamais vraiment eu pour objectif d’inciter ces dernières à recommencer à prêter aux entreprises et aux consommateurs, le but officiel du sauvetage. Son but premier était plutôt d’engendrer une rapide consolidation du système banquier américain en subventionnant une série d’acquisitions de plus petites firmes financières par les plus puissantes banques.

    »Dans son commentaire, Nocera cite une conférence téléphonique privée menée le 17 octobre par un haut dirigeant de JPMorgan Chase, le bénéficiaire de 25 milliards de dollars en fonds publics. Nocera explique qu’il a réussi à obtenir le numéro de téléphone pour écouter un enregistrement de la conversation, à l’insu du directeur dont il tait le nom.

    »Lorsque l’un des participants demande si les 25 milliards $ de fonds fédéraux vont “modifier nos politiques stratégiques de prêt”, le cadre répond: “Nous pensons que cela va nous aider à être un peu plus opportunistes dans le domaine de l’acquisition si l’on considère les banques qui sont encore en difficulté.”

    »Faisant référence à la récente acquisition par JPMorgan, avec l’aide du gouvernement, de deux importants compétiteurs, le directeur ajoute, “[e]t je ne crois pas que c’est terminé du côté des acquisitions même après les fusions de Washington Mutual et de Bear Stearns. Je crois qu’il y aura de grandes occasions pour notre croissance dans cet environnement, et je crois que nous avons la chance d’utiliser ces 25 milliards $ dans ce but, et aussi bien sûr, si la récession se transforme en dépression ou d’autres imprévus se présentent, cet argent pourra servir de protection.”

    »Comme l’indique Nocera, “[v]ous pouvez relire cette réponse autant de fois que vous le voulez, vous ne trouverez absolument rien là-dedans qui parle de prêts pour aider l’économie américaine.”

    »Plus tard, lors de la conférence, le même directeur déclara : “Nous pensons que le volume des prêts continuera à diminuer vu le resserrement du crédit, pour refléter le coût élevé dans le secteur des prêts.“ “C’est comme si, écrit le chroniqueur du Times, l’un des arguments clés du Trésor pour le programme de recapitalisation, c’est-à-dire qu’il fera en sorte que les banques prêteront de nouveau, était une feuille de vigne… En fait, le Trésor souhaite que les banques s’acquièrent entre elles et il utilise son pouvoir pour injecter du capital afin de forcer une nouvelle et importante ronde de consolidation des banques.“»

    Le même article de Nocera, qui a décidément marqué les esprits, est cité et utilisé par le nouveau Prix Nobel d’économie, Paul Krugman, également dans le New York Times, dans sa chronique du 27 octobre reprise dans l’International Herald Tribune (IHT). Krugman, qui donne un autre cas allant dans le même sens, – l’absence d’engagement sérieux du gouvernement US dans Fannie Mae et Freddy Mac, malgré les centaines de $milliards engloutis dans cette affaire, – entend ainsi illustrer son propos selon lequel le gouvernement des Etats-Unis se trouve incapable d’agir efficacement parce qu’il est intellectuellement, et même psychologiquement complètement prisonnier de son idéologie non-interventionniste.

    Cette affaire soulevée par Nocera ne faut que mettre en évidence les difficultés qu’affrontent les USA dans cette crise, et des difficultés qui sont spécifiques à ce pays. Au-dessus de tout cela se trouve, en effet, la question fondamentale de la mise en cause du capitalisme dit “à l’américaine”, également nommé laissez faire, essentiellement fondé sur le non-interventionnisme.

    Nous acceptons sans restriction la thèse de la “bonne foi” renvoyant à l’aveuglement ou l’impuissance, c’est selon, dues à l’idéologie. Cela n’empêche ni les magouilles, ni les mauvaises pensées, ni les complots évidemment, – mais tout cela ne constitue en aucun cas le fondement de la démarche.

    Ce qui est intéressant évidemment, c’est justement ce fondement, qui rejoint la perception américaniste de saisir avec lui l’axe d’existence fondamental de la raison d’être, voire de l’“identité” de l’Amérique en tant qu’être. C’est bien plus qu’une doctrine, – sans cela, sans le capitalisme tel qu’en l’état, hors de toute intervention dégradante (notamment de l’Etat), l’Amérique littéralement n’existe pas. La réflexion renvoie à un texte qu’un lecteur nous expédie ce jour même, et pour cette raison doublement bienvenu. Il s’agit d’un texte de Paul Jorion, extrait de La Revue du MAUSS, n°27, de juin 2006, – dont voici un extrait:

    «Les citoyens américains dans leur quasi-totalité considèrent le système économique qui est le leur comme idéal, n’envisageant sa réforme possible que sur des aspects mineurs. Suggérer à un Américain que certaines des institutions de son pays pourraient être améliorées si l’on s’inspirait de l’expérience d’autres nations, produit toujours chez lui la même consternation: s’il lui paraît admissible que certains détails soient révisables, l’idée que d’autres nations auraient pu faire mieux à ce sujet est pour lui inacceptable. Et c’est pourquoi on pourrait être tenté de qualifier le capitalisme tel qu’on le trouve aux États-Unis non pas de “sauvage”, mot qui suggère un certain archaïsme, mais de “fondamentaliste”.»

    Nous sommes sur le territoire de l’exclusif, dans une vision radicale et absolue, avec laquelle aucun compromis n’est possible. Les suggestions ou les agacements des réformistes (Krugman, voire le NYT), qui ont évidemment le vent en poupe aujourd’hui, sont absolument fondées mais ne justifient pourtant rien de décisif en elles-mêmes parce qu’elles se heurtent à la puissance du dogme, puissance non seulement intellectuelle, mais également psychologique à notre sens. Si elles étaient néanmoins poursuivies, notamment sous la pression de la crise, elles mèneraient tout droit à l’épreuve de force, du type courant dans cette sorte de régime, entre fondamentalistes et réformistes proches du relaps.

    La remarque du NYT concernant Sarkozy est significative; ce n’est pas tous les jours dans les colonnes d’un si distingué organe de l’américanisme qu’un dirigeant français, considéré en flagrant délit d’activisme interventionniste dans la tradition française, est pris a contrario comme référence contre les fondamentalistes du système. C’est une indication, d’une part du gouffre abyssal d’angoisse où se trouvent nombre de milieux du système, d’autre part de la force des pressions qui vont s’exercer sur le probable futur président Obama pour qu’il suive tout de même une voie réformiste qui le mettrait en opposition frontale avec les mêmes fondamentalistes.

    Quoi qu’il en soit, l’épisode décrit par Joe Nocera est caractéristique de la réalité de la situation. D’une part, il nous dit que, jusqu’à maintenant, le système n’a pas lâché un pouce de son terrain idéologique malgré la formidable pression de la catastrophe. Tout ce qui est arrivé est à classer dans la rubrique “accident”; ou mieux, dans la rubrique “je n’y comprends rien” inaugurée par Alan Greenspan, qui n’est assortie à aucun moment d’un “eh bien, cherchons autre chose”; ou mieux encore, dans la rubrique inaugurée par Paulson, qu’on pourrait qualifier de “méthode du bras d’honneur”, lorsqu’il déclare au New York Times: «I could have seen the sub-prime crisis coming earlier. I’m not saying I would have done anything differently.» (en gros: “j’aurais pu voir venir la crise plus tôt mais je n’aurais pas agi différemment”…).

    Les conséquences vont se poursuivre à bon train, sur un double plan:

    • A l’intérieur des USA, où la crise va se poursuivre, mettant de plus en plus à l’épreuve l’idéologie, les défenseurs de l’idéologie, contre les partisans d’une réforme de l’idéologie (sorte de “pré-gorbatchéviens” du système), – accentuant “la discorde chez l’ennemi”, selon le mot de De Gaulle.

    • Entre les USA et leurs alliés, ou bien entre les USA et le reste du monde. Cela vaudra évidemment pour Sarkozy, de plus en plus maintenu en état de surpression qui le pousse à développer une politique du plus grand intérêt pour nos esprits ébahis de plaisir ironique.

  2. Avatar de Benoit
    Benoit

    Article suivant, meme source :
    http://www.dedefensa.org/article-american_gorbatchev_29_10_2008.html

    – OBAMA SERA-T-IL UN GORBATCHEV AMERICAIN ? –

    • Aujourd’hui aux USA subsiste quasiment intacte une croyance dans le système, disons dans l’américanisme, aussi bien dans la direction du pays que dans la population, – l’une et l’autre s’accusant mutuellement de mettre en danger ce système en n’appliquant pas ses règles, en le trahissant, en le corrompant, etc.
    La seule tranche de la population US qui mette fondamentalement en question le système se trouve dans la littérature US et chez certains artistes, comme le peintre Hopper. La littérature US est une grande littérature, notamment parce qu’elle porte une critique impitoyable du système, de Melville à Henry Miller et à Kerouac.
    La période actuelle est capitale parce que cette “foi” est justement en train d’être soumise à rude épreuve, à l’épreuve des faits, soumise à l’épreuve de vérité par la crise financière qui met en cause le fondement du capitalisme US.

    Le capitalisme US repose plus sur une croyance que sur la raison, ou sur la raison manipulée par une croyance – la pire des manipulation étant de croire que cette croyance est rationnelle, sinon la raison elle-même.

    D’une certaine façon, la réforme radicale du système US est beaucoup plus difficile à cause de ce facteur psychologique essentiel : il y a une “liberté extérieure” aux USA mais pas de “liberté intérieure”, au contraire de l’ancienne URSS (voir notre F&C sur cette question). Il n’y a pas une psychologie à libérer (Gorbatchev et sa glasnost), mais une psychologie à transformer. L’aventure est beaucoup plus incertaine, si tant est qu’elle puisse être tentée après qu’on en ait réalisé la nécessité.

    • L’URSS hier et les USA aujourd’hui sont tous deux des régimes de type disons “totalitarisme systémique”, avec une manifestation dictatoriale de type systémique de la bureaucratie. En URSS, la brutalité terroriste et policière des normes faisait qu’on était prisonnier du système, mais qu’on se rendait compte de cette situation.

    Aux USA, il y a des prisonniers consentants, variante extrême de la “servilité volontaire”. L’expression est donnée comme référence : il n’y a pas volonté consciente mais « volonté inconsciente » d’une psychologie formée, ou formatée, avant même la conscience du jugement sur soi, si bien que l’on juge de soi avec une psychologie déformée. Cette psychologie américaniste, déformée, s’exprime notamment par des conceptions fondamentales faussées comme l’indéfectibilité et, surtout, l’inculpabilté.

    La contrainte en URSS était d’abord policière (avec une propagande grossière) ; la contrainte aux USA est d’abord celle de la communication (virtualisme plus que propagande). Le système US, quand il fonctionne, est beaucoup plus efficace lorsqu’il est isolé (vertu de l’isolationnisme). Sa fragilité est immense lorsque la virtualité de son affirmation, le virtualisme, ne parvient plus à contenir la réalité en étant confronté à elle. On se trouve alors devant la possibilité d’une crise psychologique. L’URSS, à l’inverse, se dilua à cause d’une crise politique engendrée par la libération d’une psychologie qui désirait cette crise. Lorsque et si les psychologies découvrent cet état de “servilité volontaire” qu’elles entretiennent, la crise est terrible.

    Un facteur primordial est que les USA ont été construits dès l’origine de cette façon, sans nation préexistante, – donc, que la “nation américaine” n’existe pas, non plus que l’“identité nationale” qui dépend d’artefacts symboliques (drapeau, Constitution, etc.). L’URSS fut bâtie sur la nation russe, et une forte identité nationale, très spiritualisée ; la nation ne mourut pas et c’est elle qui a permis le sauvetage de la Russie après l’effondrement du communisme et l’expérience d’américanisation par la déstructuration d’Eltsine.

    A une question récente qu’on nous posait, nous situions à 10%-15% la possibilité qu’un Obama devienne un “American Gorbatchev”… Mais le dîner avait été arrosé. Revenons de nos vapeurs et à plus de raison, pour situer cette possibilité entre 1% et 2%.

    Si Obama n’est pas cet “American Gorbatchev”, la chute sera totalement déstabilisante et déstructurante. Ce sera la chute d’un système total qui prétend être une civilisation, et qui exerce effectivement une influence quantitative à cette mesure; ce sera la crise d’une “civilisation” (cela ne fut certainement pas le cas avec la chute de l’URSS) qui est arrivée à constituer un système de destruction de la civilisation. Mais l’emploi du futur est peut-être de trop et le présent devrait commencer à faire l’affaire.

    Mis en ligne le 29 octobre 2008 à 10H00.

  3. Avatar de Benoit
    Benoit

    Je suis allé voir ce que les auteurs entendent par “Liberté intérieure” et “liberté extérieure”. Pour rappel, les auteurs estiment ci-dessus que les citoyens soviétiques, sous régime communiste, avaient une liberté « intérieure » (ils avaient conscience de la barbarie, une pensée critique, le désir d’autre chose), et n’avaient pas de liberté « exterieure » (privation des libertes formelles) ; pour les citoyens Americains, c’est l’inverse qui est vrai.

    Dedefensa, le 28 avril 2008 :

    “Liberté intérieure” et “liberté extérieure”.

    La liberté est une question théorique idéale et un problème pratique à la fois de comportement et de pensée bien délicat et ambigü. Nous savons, par nombre de témoignages de dissidents, que la “liberté intérieure”, après la phase d’abrutissement policier du stalinisme et dans la phase de décadence du régime qui commença après l’éviction de Krouchtchev en 1964, était une caractéristique notable du monde soviétique. Cela conduisait à des paradoxes instructifs. Boukovsky notamment, et d’autres dans le même sens, ont rapporté qu’ils se sentaient “plus libres” lorsqu’ils étaient en détention dans des camps que lorsqu’ils étaient “en liberté extérieure” (liberté de comportement). Dans le premier cas, ils se trouvaient “libres” d’exprimer leurs convictions intimes, toutes pénétrées du sens de la liberté, puisqu’ils se trouvaient ainsi en complète logique de comportement, en plus renforcés d’un puissant sentiment de subir une injustice. Boukovsky rapporte qu’il avait même trouvé le passe-temps amusant d’écrire au ministère de la justice pour réclamer l’application de ses droits selon la constitution complètement virtualiste de l’URSS (Constitution de 1935, accouchée par l’Ingénieur des Âmes, le Camarade Staline, et représentée dans la lettre comme “l’une des constitutions les plus libérales du monde”). Il recevait des réponses embarrassées de fonctionnaires qui tentaient de démontrer que la lettre était respectée bien que l’évidence orwellienne montrât que l’esprit en était absolument trahi.

    Bien sûr, il faut le préciser encore plus, cette sorte d’exercice n’était possible que dans l’URSS décadente, qui avait abandonné nombre des pratiques policières de la “grande terreur” et le systématisme paranoïaque de la terreur stalinienne contraignant les corps et les psychologies jusqu’à tuer toute possibilité de “liberté intérieure” par épuisement des capacités psychologiques. (Cette évolution ne fut pas un cadeau fait aux contestataires du régime mais une nécessité vitale. Staline mort, tout le monde, et les dirigeants “survivants” eux-mêmes, avaient réalisé que ce régime fou, le stalinisme, ne pouvait plus être appliqué parce qu’il emporterait tout le monde dans son délire liquidateur, y compris les dirigeants eux-mêmes. La libéralisation du régime fut une mesure de survivance.) Dans l’URSS décadente, il ne restait donc qu’un jeu que tout le monde jouait officiellement (on “jouait” à être marxiste-léniniste) et auquel personne ne croyait plus. La fameuse blague de l’époque brejnévienne, où l’URSS est figurée par un train rencontrant des difficultés de fonctionnement sans nombre, dit tout cela; la voici résumée:

    « Le train dirigé par Staline tombe en panne. Staline, qui est dans le train avec le Politburo, ordonne de liquider immédiatement le mécanicien, le chauffeur, les contrôleurs, les passagers et peut-être même quelques membres du Politburo. Quarante ans plus tard, le train dirigé par Brejnev tombe en panne. Brejnev, qui est dans le train avec le Politburo, prend la parole: “Camarades, faites comme moi, tirez les rideaux et dites ‘tchouc, tchouc, tchouc’”. »

    Tout cela signifie qu’en URSS, en 1984-85, quand Gorbatchev arrive, la “liberté intérieure” est très large mais la liberté formelle est toujours contrainte à une représentation de l’apparence d’une réalité. Cette contrainte, qui n’a plus la force de la terreur policière systématique pour elle, est en train de devenir insupportable à la psychologie, parce que la décadence poursuivie du régime, amolliente et anémiante pour le régime lui-même, la transforme en mascarade. La chose touche tous les échelons de la société. Si l’URSS n’envahit pas la Pologne de Solidarnosc en décembre 1981, c’est parce que sa direction sait que des unités de réserve devraient être rappelées et que les généraux craignent presqu’à coup sûr que les réservistes n’obéiront pas aux ordres de mobilisation. (L’Afghanistan avait déjà commencé à contribuer au climat dans ce domaine de l’expédition extérieure “libératrice” des “pays-frères” en jouant son rôle débilitant.)

    Le génie de Gorbatchev est d’avoir compris tout cela. (Génie ambigu si l’on considère le résultat radical [liquidation du communsme] obtenu par rapport au dessein originel [régénérer le communisme].) Sa glasnost ne libère pas l’esprit, elle libère les comportements en rétablissant le lien entre la “liberté intérieure” et la réalité, par la liberté de parole qui réduit vite à néant toute la mascarade de l’apparat marxiste-léniniste brejnévien qui ne fait plus rire personne. Lorsque la vérité éclate grâce à la liberté de parole qui exprime la “liberté intérieure”, la mascarade sombre dans le ridicule et disparaît. La tempête qui s’ensuit emporte tout, le bébé avec l’eau du bain.

    Dès l’origine, l’Amérique est construite sur la liberté. Inutile de se réjouir et d’applaudir des deux mains car ce n’est pas d’une vertu dont on parle, – c’est d’une nécessité quasiment alimentaire. L’Amérique est construite, par une oligarchie de possédants, sur l’économie et sur l’individualisme inscrits dans un messianisme religieux omniprésent qui absout la “philosophie” économico-individualiste de son matérialisme.

    Question de départ: comment faire tenir l’édifice, où l’on pourrait trouver un jour des contestataires capables de s’organiser? La réponse est qu’il faut façonner la “liberté intérieure” avec les contraintes du conformisme américaniste portant sur la psychologie. D’où l’importance essentielle de la communication sous toutes ses formes, – y compris l’éducation, qui est d’abord de la communication particulièrement soignée. Grâce à la liberté extérieure, la communication véhicule librement un message de conformisme et de contrainte qui forme les psychologies dès l’origine. En quelque sorte, les psychologies sont invitées à faire leur police elles-mêmes. (Si l’on veut, il pourrait s’agir d’un stalinisme sophistiqué qui aurait échangé la terreur policière contre la liberté de communication, – malgré la présence d’un appareil policier et carcéral US qui veille au grain éventuel, appuyé sur la sacro-sainte Constitution.) Les USA ont leur propre forme de totalitarisme, – car c’en est un évidemment, d’une puissance peut-être inégalée, – et n’ont pas besoin de “modèle(s)” extérieur(s). Là aussi, l’isolationnisme est de règle.)

    Aujourd’hui, nous aurions tendance à faire un parallèle entre l’URSS-1984 et les USA-2008, les deux “empires” arrivant, chacun dans leurs travers spécifiques, à un état de monstruosité, de décadence et d’impuissance assez similaire. Tout comme l’URSS en 1984, les USA sont en 2008 “en manque de réalité”. Mais ils sont dans une position différente: ce n’est pas une “prison extérieure” qu’ils ont à faire céder, mais une “prison intérieure”. Il est évident que les Américains n’ont guère de “liberté intérieure”, là où les Soviétiques étaient, eux, infiniment plus “libérés” qu’on ne voulait le dire. La partie est beaucoup plus difficile.

    Le cas est d’autant plus difficile que la “libération intérieure” n’a pas vraiment de référence où s’accrocher pour progresser. Les Americains n’ont pas leur “Ouest” mythique, comme les “dissidents” avait leur “Ouest” (l’Occident) comme référence, – même si certains, plus profonds que les autres, avaient compris de quoi il retournait. Le discours de Soljenitsyne à Harvard, en 1978, est une magnifique critique du système de l’américanisme, par un orfèvre en la matière, qui a subi dans sa chair et son âme l’indignité d’un système oppressif. Les applaudissements des auditeurs de Soljenitsyne, parmi lesquels on comptait le président Carter et sa femme, furent mesurés et un peu gênés.

    http://www.dedefensa.org/article-_obama_gorbatchev_orwell_et_la_liberte.html

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