Mediapart, vendredi 17 octobre

Un article très intéressant de Ludovic Lamant, dont le titre est éloquent : Crise : la grande faillite des économistes.

Vous lirez la suite mais en voici les deux premiers paragraphes :

Nous sommes en janvier 2007. Non sans mal, l’anthropologue Paul Jorion vient de trouver un éditeur pour publier un essai intitulé Vers la crise du capitalisme américain? (La Découverte, 2007). Sa thèse est explosive, presque trop énorme pour être prise au sérieux : le capitalisme financier aux Etats-Unis est sur le point d’imploser, victime de ses pratiques spéculatives. Mais cette crise, prévient-il, n’éclatera pas en Bourse. Elle surgira depuis le cœur des marchés immobiliers. A l’appui, une description pointilleuse de ce que Jorion nomme alors le « secteur sous-prime du prêt hypothécaire », le fameux « subprime » qui fera la Une des journaux quelques mois plus tard.

En somme, l’un des seuls livres, en langue française, à avoir anticipé la crise des crédits immobiliers aux Etats-Unis a été rédigé par un… non-économiste. Au moment de sa publication, l’ouvrage fera l’objet, au mieux, d’une indifférence polie de la part des confrères économistes. « J’ai bâti une théorie économique qui a été jugée irrecevable, jusqu’à ce que la crise vienne la confirmer », résume Paul Jorion à Mediapart, en attendant la sortie, début novembre, de son prochain livre, La Crise (Fayard).

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32 réponses à “Mediapart, vendredi 17 octobre”

  1. Avatar de François
    François

    ha! je ne demande qu’à vous croire et je vous crois même sur parole!
    mais il faut encore payer … et par paypal (voir les règles de confidentialité)
    payer pour savoir comment nous allons être assaisonnés …
    ha! pourquoi? privilège de la victime: goûter la sauce avant le maître pour savoir s’il n’y a pas de poison…

    juste un peu désespéré
    pardonnez-moi

  2. Avatar de Lantique
    Lantique

    Une partie de la suite…

    Depuis les remous de l’été 2007, quid des économistes? Les plus médiatiques n’ont cessé de défiler, à tour de rôle, dans les colonnes des journaux, pour dire que non, vraiment, il ne fallait pas s’inquiéter, et que, oui, c’était certain, le plus dur était passé. Dans un entretien aux Echos du 13 août 2007, Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis, chiffrait à 26 milliards de dollars les risques de pertes liées au «subprime» pour les banques américaines, avant de conclure: «Ce n’est pas avec un montant pareil qu’on détruit la finance internationale.» Le FMI a chiffré en mars 2008 le coût provisoire de la crise à 1.000 milliards de dollars.
    Frédérik Ducrozet, directeur des études économiques du Crédit agricole, estimait quant à lui, le 13 mai 2008, toujours aux Echos, que «l’idée selon laquelle le pire de la crise financière serait passé semble faire son chemin». Dans une tribune publiée le 7 octobre 2008 par le Wall Street Journal, le prix Nobel américain Gary Becker y allait de son mea culp: «J’admets avoir fortement sous-estimé l’ampleur de la crise.»

    Pourquoi la plupart des économistes n’ont-ils rien vu venir? Pourquoi certains se sont même complètement fourvoyés? Et pourquoi «les jeunes stars de la macroéconomie n’ont rien à dire sur la crise», pour reprendre l’accablant constat de Thomas Philippon, économiste enseignant à l’université de New York?

    Parce que l’école de pensée dominante est incapable de théoriser les «crises endogènes», répond sans hésiter Michel Aglietta, économiste au Cepii. «Pour ces économistes libéraux, qui s’appuient sur l’hypothèse des marchés efficients*, toute crise vient forcément de l’extérieur, et elle est donc par nature imprévisible!» explique Aglietta.
    Lui défend une autre approche, plus minoritaire, dite de l’instabilité financière, formulée par l’Américain Hyman Minsky. Théorie qui présente l’avantage de pouvoir, selon lui, expliquer la crise actuelle:

  3. Avatar de Benoit
    Benoit

    @ Giant Cuckcoo , @ Paul , @ tous…

    Giant cuckcoo dit a Paul, hier matin 17 octobre 2008 (Fil du 15.10 : « Canal Argent ») :

    Pour la question de ne pas avoir d’affiliation, ou d’affection, et de subir l’estimation péjorative de la société ( médias, confrères…), la seule solution est d’assumer fièrement votre statut d’indépendant.
    Le jugement social que son entourage ( famille, collègues, …) porte sur une jeune fille de 35 ans, célibataire, est effroyable a vivre. Il faut assumer ce que l’on est. Et encaisser les jugements comme une fatalité.

    En Thailande ou je vis, on s’abstient d’exprimer des pensees jugeantes sur autrui et devant autrui. On s’abstient de « definir autrui ». Cela est considere comme extremement aggressif, a-social.
    Faire de la peine a autrui par les mots est tres, tres, tres mal considere. Les moqueries depreciatives ne font rire personne. La personne qui se comporte ainsi, qui deprecie et se moque de son prochain, s’expose a la solitude. Elle n’est pas encouragee par la societe, ah non loin de la… !!! Il faut dire que les Thais, a 95 %, pratiquent le Bouddhisme, et ce, depuis 2500 ans. Leur langue, leurs idees, leurs concepts, tout en est impregne.

    J’en temoigne : Il est merveilleux, ce sentiment de liberte que l’on eprouve la-bas, a ne plus etre juge, soupese, estime, malaxe par la pensee de l’autre, par la pression des autres, a ne plus etre envahi par les mots cinglants, les sarcasmes, envahi dans notre intimite, nos choix, nos echecs, nos amours. On sent qu’on a le droit d’exister. Les gens nous sourient.

    Il est merveilleux, oui…, ce sentiment ineffable de liberte et de respect envers notre personne, et je souhaite a toute personne sensible et delicate, affectee par les paroles et les regards des siens jusqu’a en pleurer, de pouvoir y gouter un jour…

    Cher giant cuckcoo, vous employez deux mots : « effroyable » et « encaisser ». Ils disent bien de quoi il s’agit. Et je les approuve, ils sont justes. Mais en Occident, on n’ose que tres rarement « le » dire.

    Les Thais, eux, en sont convaincus et ils « le » disent : oui, il s’agit bien ici de violence.

    La violence des mots quotidiens qui font plus mal encore que les coups ( les coups appellent a la revolte, et sont condamnes unanimement, eux ! ). Cette violence banale des mots trop facilement baptisee « liberte d’expression » (!) en Occident, engendre tant de souffrances et accumule tant de colere… de la colere contre tous, contre la vie,… contre soi-meme ! Depreciation de soi, depression, suicide. Violences physiques, conflits haineux, guerres. Le malheur commence par le mot.

    Alors je vous dit merci d’en avoir avec qq mots bien choisis, temoigne ici, dans ce Blog, parmi nous tous qui esperons un monde meilleur. Le monde ne pourra jamais etre meilleur si nous ne changeons pas la facon de nous parler. Si nous n’y reflechissons pas, aussi… Cette question ne peut pas etre « une petite chose », moins importante que l’argent, moins decisive que les belles et grandes idees. Et ca peut commencer ce matin, au reveil. C’est l’avantage.

    Merci. Merci se dit en thai (langue que je parle desormais au quotidien, au milieu de ma nouvelle famille, sur les bords du Mekong…) : « je suis au bord de toi », « je suis a la lisiere de ton coeur » :

    « – Khoop-khoun… Khoop-d’jay… « Petite soeur », Nong-saao… » 🙂
    Benoit.

  4. Avatar de TL
    TL

    Paul,

    L’idée a déjà été émise : pourquoi ne pas prévoir un déplacement en France à l’occasion de la sortie de votre prochain livre ? Il faudrait s’organiser le cas échéant pour vous faire passer dans divers coins. Je peux pour ma part vous arranger un passage à l’université d’économie de Bordeaux (ou d’anthropologie, c’est vous qui voyez), et éventuellement à la librairie Mollat.

  5. Avatar de Étienne Chouard

    @ Benoit :

    Merci pour ce message passionnant. Je l’ai relu et je le relirai sans doute maintes fois pour améliorer autant que possible mes institutions (qui n’ont pas d’autre prétention que de bâtir ensemble un exemple à vertu pédagogique) chargées de protéger la liberté d’expression.

    Mais je devine déjà que ce respect mutuel, si désirable dans la profondeur de nos esprits, est quasiment inaccessible au droit, qui ne forge que les apparences et pas les pensées (heureusement).

    Précieuse réflexion que la vôtre, merci.

    Benoit, y aurait-il en Thaïlande des INSTITUTIONS qui, selon vous, seraient de nature, non pas à entraîner mécaniquement, mais au moins à susciter ou favoriser ce respect mutuel ?

    Des institutions dont nous pourrions nous inspirer, peut-être ?

    Amicalement.

    Étienne.

  6. Avatar de jacques
    jacques

    @ Benoit
    Total respect . Au plaisir de vous lire plus souvent.

  7. Avatar de Étienne Chouard

    Cher Paul,

    À propos de compréhension des véritables rouages de « la crise » (je lis votre premier livre, étonnamment pédagogique et clairement exprimé, et j’attends le second), j’aimerais savoir ce que vous inspire cet assemblage d’informations qui me vient à l’esprit ce matin :

    1) Et si les faillites bancaires n’étaient principalement causées que par UNE RÈGLE COMPTABLE STUPIDE (pas stupide pour tout le monde, peut-être) ?

    2) Certains décrivent un COUP MONTÉ (avec des FAILLITES BANCAIRES NON NÉCESSAIRES) pour engranger de nouvelles fortunes (d’origine publique) et pour concentrer encore plus les pouvoirs.

    3) Alors, ma question est celle-ci : selon vous, ces analyses sont-elles une manifestation de plus d’une paranoïa complotiste de nonistes incompétents et manipulés (accusation infamante de conspirationnisme négationniste portée par les « journalistes professionnels ») ?

    Ou bien la situation ressemble-t-elle bel est bien, au contraire, à une nouvelle malfaisance à grande échelle des barons voleurs, de mieux en mieux protégés par des constitutions factices, des médias subordonnés et un contrôle social devenu scientifique ?

    Peut-être préférerez-vous une explication plus nuancée ? 😉

    Voici donc les deux articles qui m’amènent à vous :
    ____________________________

    1) Sur l’incroyable EXPLICATION COMPTABLE DE LA FAILLITE DES BANQUES, voyez l’article de Marianne « L’autre scandale financier: les banques ne savent plus compter ! ».

    On y lit ceci :

    Pour mieux comprendre la crise financière, Marianne2 interroge des économistes sur ses épisodes marquants. Aujourd’hui, Didier Marteau, professeur à l’ESCP-EAP et spécialiste des marchés d’options, décrypte ces normes comptables qui ont plongé dans la faillite des banques pourtant parfaitement solvables.

    Où est passé tout cet argent ? Sans crier gare, ensorcelés par la crise, les comptes des établissements financiers, pleins d’actions et de créances, se sont vidés de toute valeur. Certes la crise des subprimes a fait plonger des titres, rendus invendables… mais pas au point de voir sombrer les plus grandes banques et assurances occidentales dans l’abîme de la faillite ! A côté de la société de prise de participation de l’Etat et de la société de refinancement annoncées par Christine Lagarde, une mesure plus nébuleuse a été avancée sur l’obscure « norme comptable IFRS », responsable selon la ministre de l’Economie d’une grande partie des maux que connaît aujourd’hui la finance.

    Comment des banques riches de milliards d’euros d’actions se sont-elles retrouvées en faillite du jour au lendemain ?

    Didier Marteau, professeur à l’ESCP-EAP et chargé de cours en 3è cycle à l’Université Paris I Sorbonne et à Paris Dauphine.

    Si les subprimes sont à l’origine de l’effondrement de beaucoup de valeurs, les normes comptables ont été la vraie raison de l’amplification et de la propagation de la crise. Pour calculer leurs résultats, toutes les banques du monde utilisent le même outil de calcul : la norme IFRS (International Financial Reporting Standards : références internationales de comptabilité financière). Selon cette norme, la valeur des créances dont une banque dispose dans son stock doit être calculée suivant le prix du marché. Si une banque dispose de 100 unités d’une créance et que le cours de cette créance sur le marché est de 10€, la banque devra déclarer 1.000€ de réserve.

    Or, après les subprimes, les banques ont commencé à se méfier énormément les unes des autres. Cette crise de défiance a énormément réduit les échanges car tout le monde a eu peur de se voir vendre des produits pourris, des créances « contaminées » par la crise. Mais les banques avaient tout de même besoin de vendre et se sont mises à céder des valeurs de bonne qualité à des prix bien en dessous de leur valeur réelle. Sur les 100 unités de tout à l’heure, au lieu d’en vendre 90 par jour, la banque n’en vendait plus que 10 mais, au lieu de les vendre à 10€, elle les bradait à 3€, un prix «distressed» («cassé»).

    Le problème qui s’est posé c’est que, pour calculer leur bilan, les banques ont dû appliquer le prix du marché – qu’elles avaient cassé pour pouvoir vendre – à leur stock d’actifs. Dans notre exemple, même si la banque n’a vendu que 10% de ses créances à 3€, elle doit appliquer ce prix à tout le reste de son stock pour déclarer son bilan. Du coup, au lieu d’avoir 90 unités à 10€ (leur prix normal), lui garantissant 900€ de réserve, elle doit comptabiliser ces 90 unités au prix cassé du marché 3€ et n’a donc plus que 270€ de réserve. Trois fois moins !

    Au moment de faire leurs comptes, les banques ont donc dû déclarer des pertes considérables qui étaient simplement causées par la défiance des marchés qui les obligeaient à brader leurs actifs. Or, selon la réglementation Bâle II qui définit les critères de solvabilité d’une banque, une banque doit toujours disposer de réserves égales en valeur aux prêts qu’elle a émis, sans quoi elle est déclarée en faillite. Par conséquent, certaines banques qui disposaient de stock d’action largement suffisant mais qui ont vendu aux prix cassés du marché durant la crise ont été obligées de se déclarer en faillite.

    Dans cette situation, où se trouvent de nombreuses banques européennes ou américaines, il y a trois possibilités :

    1.Vendre d’autres actifs pour renflouer les caisses mais on multiplie ainsi le nombre de titres en circulation et on fait baisser leur valeur : le serpent se mort la queue.

    2.Recapitaliser les banques. C’est ce qui a été décidé dans le cadre du plan européen par lequel les Etats ont racheté des parts des banques pour qu’elles disposent de fonds propres pour couvrir les emprunts émis.

    3.SUSPENDRE LA NORME COMPTABLE IFRS, ce qu’a également proposé Christine Lagarde.

    La troisième solution consiste à changer de référence : au lieu de calculer les fonds en se basant sur le prix du marché (mark to market), on fixe une valeur modèle qui sert de référence à toutes les banques dans le calcul de leur bilan (mark to model). Si on revient à notre banque de tout à l’heure, au lieu de compter les 90 unités qu’elle a en réserve à 3€, qui est le prix cassé du marché, on va établir une référence à 9€ pour comptabiliser ses fonds propres. Au lieu de se retrouver à déclarer 270€, la banque pourra déclarer 810€. Elle aura certes subi une forte perte mais cela pourra lui éviter de se déclarer en faillite alors que la valeur des actions qu’elle a en réserve ne s’est effondrée qu’à cause du climat de défiance.

    Didier Marteau est membre de la Société d’économie politique. Il est l’auteur de Monnaie, Banque et Marchés Financiers paru en mars 2008 aux éditions Economica.

    Vendredi 17 Octobre 2008 – 18:27
    Propos recueillis par Sylvain Lapoix

    Si cela est vrai (qu’en pensez-vous, Paul et les autres ?), on peut s’étonner que nos « représentants » choisissent la solution n°2 qui est proprement RUINEUSE et qui enferme un peu plus les peuples et leurs simili démocraties dans la PRISON DE LA DETTE, non ?

    _________________________________

    2) Au chapitre des INTRIGUES RÉVÉLÉES –paranoïaque peut-être, mais pas forcément –, je relie cette information comptable qui paraît essentielle (ci-dessus) à cette analyse complotiste assumée de F. William Engdahl : « Derrière la panique, la guerre financière pour le futur pouvoir bancaire mondial ».

    On peut y lire :

    Ce qui ressort du comportement du marché financier européen ces deux dernières semaines, ce sont les anecdotes dramatiques de la crise financière et la panique qui servent délibérément à certaines factions influentes, dans et en dehors de l’Union européenne, à façonner la face future de la banque mondiale suite à la débâcle du subprime (prêt à haut risque) et des titres adossés à des créances (ABS) aux États-Unis.

    Le développement le plus intéressant des derniers jours est la position allemande unifiée et forte de la chancelière, du Ministre des Finances, de la Bundesbank et du gouvernement de coalition. Tous sont opposés à un super-fond de renflouage bancaire du style étasunien dans l’Union européenne. Pendant ce temps-là, le Ministre étasunien des Finances, Henry Paulson, continue son copinage envers le capitalisme (Crony Capitalism) au détriment de la nation et au profit de ses copains du monde financier. C’est un cocktail inutilement explosif.

    La chute de 7 à 10 pour cent de la bourse par jour fait les gros titres dramatiques de l’actualité et sert à susciter un grand sentiment de malaise proche de la panique chez le citoyen ordinaire. Les événements des deux dernières semaines dans les banques de l’UE, depuis le sauvetages de la situation dramatique des banques Hypo Real Estate, Dexia et Fortis, et l’annonce d’Alistair Darling, le Chancelier de l’Échiquier au Royaume-Uni, d’un changement radical dans la politique du traitement des banques en difficulté au Royaume-Uni, ont commencé à révéler les grandes lignes des diverses réponses européennes, à ce qui est en réalité une crise fabriquée aux États-Unis (« Made in USA »).

    De sérieuses raisons font penser que Henry Paulson, l’ancien directeur général de Goldman Sachs, n’est pas stupide en tant que ministre des Finances. Il y a aussi des raisons réelles de croire qu’il agit en fait en fonction d’une stratégie à long terme bien pensée. La façon dont se déroulent à présent les événements dans l’UE tend à le confirmer. Comme me l’a dit un haut responsable banquier européen lors d’une discussion privée, « Une guerre est en cours entre les États-Unis et l’Union européenne pour définir la face future de la banque européenne. »

    Du point de vue de ce banquier, la tentative en cours du Premier ministre italien Silvio Berlusconi et de Nicolas Sarkozy en France, de créer un « fond » commun en Union européenne, avec peut-être plus de 300 milliards de dollars pour sauver les banques en difficulté, serait de facto jouer directement dans la stratégie à long terme de Paulson et de l’establishment étasunien, en affaiblissant en réalité les banques et en remboursant les titres véreux d’origine étasunienne détenus par les banques de l’UE.

    UTILISER LA PANIQUE POUR CENTRALISER LE POUVOIR

    Comme je le documente dans mon prochain livre, Power of Money: The Rise and Decline of the American Century, (Le pouvoir de l’argent : essor et déclin du siècle étasunien), dans toutes les grandes paniques financières aux États-Unis depuis au moins celle de 1835, les titans de Wall Street, surtout la Maison JP Morgan avant 1929, ont déclenché délibérément la panique bancaire en coulisses pour consolider leur emprise sur la banque des États-Unis. Les banques privées ont utilisé la panique pour contrôler la politique de Washington, notamment la définition exacte de la propriété privée de la nouvelle Réserve fédérale en 1913, et pour consolider leur contrôle sur l’industrie, comme US Steel, Caterpillar, Westinghouse et ainsi de suite. En bref, ils sont les vétérans de ce genre de guerre financière pour l’élargissement de leur pouvoir.

    Ils doivent maintenant faire quelque chose de semblable à l’échelle mondiale afin de pouvoir continuer à dominer la finance mondiale, le cœur de la puissance du siècle étasunien.

    Cette pratique, du recours à la panique pour concentrer leur pouvoir privé, a créé une concentration extrêmement puissante de pouvoir financier et économique entre quelques mains du secteur privé, ces mêmes mains qui, en 1921, créèrent l’influent groupe d’expert en politique étrangère étasunienne, le Council on Foreign Relations, pour guider la montée du Siècle Étasunien, tel que l’appelait le fondateur de l’époque, Henry Luce dans un essai capital en 1941.

    Il devient de plus en plus évident que les gens comme Henry Paulson, qui, par la façon dont il fut l’un des promoteurs les plus énergiques de la révolution de l’ABS à Wall Street, avant de devenir ministre des Finances, sont animés par des mobiles qui dépassent de loin leurs instincts de cupidité. Dans ce contexte, la propre expérience de Paulson est intéressante. Dans le passé, à l’aube des années 70, Paulson entama sa carrière en travaillant pour un homme célèbre nommé John Ehrlichman, l’impitoyable conseiller en politique intérieure de Nixon qui, à l’époque du Watergate, avait créé les fameux Plombiers pour réduire au silence les adversaires du Président, et que Nixon a abandonné « à être forcé d’exister sans soutien » en prison pour lui.

    Paulson semble avoir pris de la graine de son mentor de la Maison Blanche. Selon un article du New York Times, quand il était coprésident de Goldman Sachs, il a fait partir de force en 1998 son coprésident, Jon Corzine, dans ce qui équivalait à «un coup d’État».

    Il devient évident que Paulson, et ses amis de Citigroup et JP Morgan Chase, ont une stratégie, de même que le parrain de la titrisation des hypothèques et de la déréglementation bancaire, l’ancien président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, comme je l’ai exposé en détail dans la partie IV de ma précédente série, Financial Tsunami.

    Étant sûrs qu’à un moment la pyramide de billions de dollars de subprimes douteux et des autres titres adossés à des prêts hypothécaires à hauts risques allaient s’effondrer, ils étaient apparemment déterminés à propager le plus possible dans le monde entier les ainsi nommés « déchets toxiques » de l’ABS, pour attirer les grandes banques du monde, plus particulièrement celles de l’Union européenne, dans leur piège à miel.

    Ils avaient de l’aide. Lors de son dernier témoignage sous serment, Eric Dinallo, le directeur du New York Insurance Department, a déclaré à l’audition de surveillance du renflouage d’AIG de Paulson, que la réduction du financement ces dernières années dirigées par le gouvernement de Bush-Cheney, avait réduit la fiabilité du département, qui devait contrôler ou veiller sur 80 billions de dollars de titres adossés à des créances (ABS), incluant le subprime empoisonné, les titres hypothécaires de catégorie Alt-A et bien d’autres. Le gouvernement Bush a réduit son personnel de plus de 100 personnes à une seule. Oui « UNE, » ce n’est pas une faute de frappe.

    Est-ce que c’était juste une coupe de budget par ferveur idéologique, ou était-ce délibéré ? Est-ce que le responsable garantissant qu’aucune personne efficace au gouvernement ne supervise l’explosion de la titrisation des actifs hypothécaires était l’ancien homme de Goldman Sachs, l’homme qui avait convaincu le Président d’embaucher Paulson, l’ancien directeur de l’Office of Management and Budget (OMB) de Bush, l’actuel chef d’état-major du Président : Joshua Bolten ?

    Ce sont peut-être des questions que le Congrès ferait bien de poser à des gens comme Henry Paulson et Joshua Bolten, au lieu de questions de diversion du genre de la hauteur de la prime reçu par Richard Fuld a Lehman. N’y a-t-il pas, là sur le cadavre, les empreintes digitales de M. Bolten ? Et pourquoi n’y a-t-il aucune question sur le rôle de Paulson en tant que directeur général de Goldman Sachs, le promoteur de Wall Street le plus agressif en faveur des titres exotiques et des autres produits de titrisation adossés à des actifs ?

    Il semblerait aujourd’hui que la stratégie de Paulson était d’utiliser une situation de crise, de crise préprogrammée, prévisible dès 2003, quand Joshua Bolten est devenu chef de l’OMB, au moment où tout ça a éclaté, pour affoler les gouvernements les plus conservateurs de l’Union européenne en les précipitant au secours des actifs toxiques des États-Unis.

    Si cela devait arriver, ça détruirait ce qui reste de bon dans le système bancaire et les institutions financières de l’UE, rapprochant d’un pas de plus le monde vers un marché monétaire contrôlé par les copains de Paulson, des copains du style capitaliste étasunien. Le «copinage capitaliste» est certainement une explication appropriée ici. Robert Rubin, le prédécesseur de Paulson à la fois chez Goldman Sachs et aux Finances, aimait accuser les banquiers asiatiques de Thaïlande, d’Indonésie et des autres pays frappés en 1997 par les attaques spéculatives des fonds de couverture sponsorisés par les États-Unis, de «copinage capitaliste» donnant l’impression que la crise avait sa source en Asie et n’était pas la conséquence d’attaques délibérées des institutions financières parrainées par les États-Unis pour objectif d’éliminer entre autres le modèle du Tigre asiatique et transformer l’Asie en bailleur de fonds de la dette étasunienne.

    Il est intéressant de noter que Rubin est à présent directeur de Citigroup, manifestement l’une des banques survivantes des «copains de Paulson», la banque qui a dû jusqu’ici passer par pertes et profits la plus grande somme en actifs titrisés empoisonnés.

    Si l’allégation de panique planifiée est exacte, dans le style de la panique de 1907, et c’est un grand si, alors le plan a réussi . . . jusqu’à un certain point. Ce point est tombé pendant le week-end du 3 octobre, par hasard au moment des vacances de l’unification nationale de l’Allemagne.

    L’Allemagne lâche le modèle étasunien

    Dans la soirée du dimanche 5 octobre, lors de pourparlers à huis clos, Alex Weber, le patron réaliste de la Bundesbank, Jochen Sanio, le dirigeant de BaFin, et des représentants du gouvernement de coalition à Berlin de la chancelière Angela Merkel, ont lancé pour Hypo Real Estate (HRE) un plan de renflouage d’un valeur nominale de 50 milliards d’euros. Toutefois, derrière ce chiffre considérable dans les gros titres, comme le soulignait Weber dans une lettre rendue publique du 29 septembre au ministre des Finances Peer Steinbrück, non seulement les banques privées allemandes ont proposé 60 pour cent de ce chiffre, avec 40 pour cent pour l’État, mais en plus, compte tenu de l’attention avec laquelle le gouvernement, en coopération avec la Bundesbank et BaFin, ont structuré l’accord de crédit de secours, dans le pire des scénarios, la perte maximale possible pour l’État, serait limitée à 5,7 milliards, et non pas à 30 milliards d’euros comme beaucoup l’ont cru. C’est toujours de l’argent, mais pas le chèque en blanc de 700 milliards de dollars que le Congrès des États-Unis, contraint par les quelques jours de chute des cours boursiers, a décidé de donner à Paulson.

    La rapidité d’action du ministre des Finances Steinbrück à virer la direction de HRE, en contraste frappant avec Wall Street où les mêmes délinquants fraudeurs restent dans leur bureau à récolter d’énormes primes, montre aussi l’approche différente. Mais cela ne tranche pas le nœud du problème. La situation de HRE provient, comme noté précédemment, des excès de sa banque filiale auxiliaire, en propriété exclusive, DEPFA en Irlande, un pays de l’UE connu pour sa réglementation libérale relâchée et son bas régime fiscal.

    Changement dans la politique britannique

    Au Royaume-Uni, après le stupide et coûteux renflouage de Northern Rock en début d’année, le gouvernement du Premier ministre Gordon Brown vient d’annoncer un changement politique radical allant dans le même sens que l’Allemagne. Les banques britanniques obtiendront exceptionnellement 50 milliards de livres (64 milliards d’euros) de renflouage du gouvernement et des prêts de secours de la Banque d’Angleterre.

    Le trésor public a déclaré que le gouvernement allait acheter des actions privilégiées de la Royal Bank of Scotland Group Plc, de Barclays Plc et d’au moins six autres banques, et fournira environ 250 milliards de livres de garanties de prêts pour refinancer la dette. La Banque d’Angleterre mettra à disposition au moins 200 milliards de livres. Le plan ne précise pas combien obtiendra chaque banque.

    Tout ça signifie que le gouvernement britannique nationalise, au moins partiellement, ses banques internationales les plus importantes, au lieu de racheter leurs prêts véreux dans le style d’un plan inapplicable à la Paulson. Dans ce genre d’approche, le coût pour le contribuable du Royaume-Uni sera bien moindre, car, une fois la crise calmée et les affaires revenues à la normale, le gouvernement pourra vendre des parts de l’État aux banques en bonne santé avec peut-être un bon bénéfice pour le trésor public. Le gouvernement Brown a sans doute réalisé que la couverture de garantie accordée à Northern Rock et Bradford & Bingley en début d’année n’a fait qu’ouvrir les vannes des dépenses gouvernementales sans arranger le problème.

    La nouvelle politique étasunienne de nationalisations, par rachat des obligations sans valeur détenues par des banques sélectionnées que Paulson a choisi de sauver, plutôt que de recapitaliser les banques pour leur permettre de continuer à fonctionner, contraste énormément de l’approche idéologique du « marché libre » de Paulson.

    Les lignes de la bataille se dessinent

    Que se dégage-t-il des grandes lignes des deux approches opposées face au développement de la crise ? À présent, le plan Paulson fait manifestement partie d’un projet visant à créer trois géants financiers mondiaux colossaux : Citigroup, JP Morgan Chase et, bien entendu, la propriété de Paulson, Goldman Sachs, devenue maintenant assez opportunément une banque. Ayant utilisé avec réussite la peur et la panique pour arracher 700 milliards de dollars de renflouage au contribuable, désormais les trois grands essayeront leurs muscles hors du commun à ravager les banques européennes dans les années à venir. Tant que les plus grandes agences financières de notation du monde, Moody’s et Standard & Poors, sont épargnées par les scandales et les auditions au Congrès, le pouvoir financier réorganisé de Goldman Sachs, Citigroup et JP Morgan Chase pourrait potentiellement se regrouper et accélérer leur ordre du jour mondial dans les prochaines années, en marchant sur les cendres de la faillite de l’économie étasunienne, mise en banqueroute par leurs folies.

    En s’accordant sur la stratégie de nationalisation des banques que les ministres des Finances de l’UE estiment « trop stratégiques par leur caractère systémique pour faire faillite » tout en garantissant les dépôts bancaires, les plus grands gouvernements de l’UE, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont opté, contrairement aux États-Unis, pour ce qui ira dans le plus long terme, en permettant aux géants bancaires de résister aux attaques financières prévues de leurs homologues, Goldman ou Citigroup. La liquidation spectaculaire des actions sur les bourses d’Europe et d’Asie est en réalité un problème secondaire de loin le moins critique. Selon des rapports du marché, ce bradage est alimenté surtout par les fonds de couverture (hedge funds) étasuniens qui tentent désespérément de remonter le niveau des espèces, car ils réalisent que l’économie étasunienne se dirige vers une dépression économique, celle à laquelle ils se sont exposés et pour lesquelles le plan Paulson ne règle rien.

    Un mécanisme restaurant la solvabilité du système bancaire et interbancaire est de loin le plus stratégique. La débâcle de l’ABS était « Made in New York » Néanmoins, ses effets doivent être isolés et les banques viables de l’UE défendues dans l’intérêt public, et non pas, comme aux États-Unis, dans le seul intérêt des banques des «copains de Paulson». Les instruments non réglementés à l’étranger, comme les hedge funds et les banques et assurances non réglementées, se sont tous engagés dans la construction de ce que j’ai appelé un tsunami de 80 billions de dollars en ABS. Certains des gouvernements les plus conservateurs de l’UE ne sont pas sur le point d’acheter le remède proposé par Washington.

    Tout en s’emparant des gros titres, la baisse coordonnée des taux d’intérêt de la BCE et des autres banques centrales européennes ne fait pas grand chose en réalité pour traiter le vrai problème : la peur des banques à se prêter entre elles tant que leur solvabilité n’est pas assurée.

    En amorçant un état partiel de nationalisation dans l’UE, et en rejetant le système de renflouage des Berlusconi-Sarkozy, les gouvernements de l’UE, cette fois menés de façon intéressante par l’Allemagne, mettent en place une base saine pour sortir de la crise.

    Restez à l’écoute, c’est loin d’être terminé. Il s’agit d’une lutte pour la survie d’un Siècle étasunien en construction depuis 1939 sur les piliers jumeaux de la domination financière et militaire : l’éventail complet de la dominance étasunienne.

    Les banques asiatiques, gravement endommagées par la crise d’Asie de 1997-98 pilotée par Wall Street, sont apparemment très peu exposées aux problèmes étasuniens. Les banques européennes sont exposées de différentes façons, mais aucune ne l’est aussi sérieusement que le système bancaire mondial étasunien. »

    Qu’en pensent notre anthropologue préféré et ses lecteurs ?

    Amicalement.

    Étienne.

  8. Avatar de TL
    TL

    @ Etienne

    1) Clairement, oui les règles prudentielles ont rendu cette crise sans cesse plus oppressante. Elles sont comme une digue qui ne laisserait plus sortir l’eau une fois qu’elle a été débordée. Mais attention, tous les banques US n’appliquent pas les normes IFRS (seules une dizaine de grosses banques internationales).

    Oui, certaines banques mises en faillite étaient viables à long terme (elles ont d’ailleurs été rachetées intégralement, je ne compte pas Lehman dans celles-là), et c’est parce que l’on évalue l’actif net en temps réel qu’on obtenait des situations de « quasi-insolvabilité instantanée ».

    C’est d’ailleurs pour cela que les véhicules spéciaux de titrisation ont été utilisés : au lieu d’investir directement en actions ou en ABS, je le fais via des fonds ad hoc à qui je prête, et à mon bilan apparaît une créance (sur ces fonds) de valeur beaucoup moins volatile que les actifs eux-mêmes. En période rose, quand tout monte (immobilier, actions) il vaut mieux avoir les actifs directement dans son bilan (puisque leur valeur de marché monte, le bilan s’améliore), et quand ça va mal, il vaut mieux passer par des écrans de fumée (bilan à peu près inchangé).

    Mais on peut aller plus loin dans la critique de ces normes : elles ont aussi alimenté la bulle ! Lorsque les prix des actifs montaient, votre actif net (= capitaux propres) aussi, donc votre ratio de solvabilité (= capitaux propres / actifs pondérés par le risque) aussi, ainsi ces normes vous permettaient d’acheter encore plus en restant dans les clous, donc elles permettaient d’entretenir la bulle. Il y a eu procyclicité à la hausse et à la baisse.

    2) Quand je vois à quel point on nous rebat à propos des 600 millions perdus par la Caisse d’Epargne, je me demande en effet si on n’essaie pas d’affoler la population pour faire passer n’importe quoi. Car il faut le dire : 600 millions ce n’est rien, vraiment rien, à peine 2% du déficit annuel de la France, et 0,17% des 360 milliards que l’Etat français s’est dit prêt à mettre sur la table. Mme Lagarde est proprement ridicule, tant dans ses commentaires que dans ses apparitions à ce sujet.

  9. Avatar de Benoit
    Benoit

    Merci, Jacques. Encourageant.

    @ Etienne

    Je suis tres touche par votre reaction. Par votre interet.
    Votre interet humain, je n’en doutais guere a vrai dire, mais le fait que vous reliez immediatement le fait relationnel au fait institutionnel me fait infiniment plaisir : vous en percevez d’emblee la pleine dimension civilisationnelle, « politique », et sa probable brulante « actualite » pour construire un futur vivable entre les hommes.

    Vous me demandez :

    Benoit, y aurait-il en Thaïlande des INSTITUTIONS qui, selon vous, seraient de nature, non pas à entraîner mécaniquement, mais au moins à susciter ou favoriser ce respect mutuel ?
    Des institutions dont nous pourrions nous inspirer, peut-être ?

    Institutions au sens large du terme, au sens de Cornelius Castoriadis : « institutions imaginaires de la societe », oui sans aucun doute. Si vous le souhaitez, je vous en ferai part ici meme par petites touches vivantes, au fil de ma disponibilite.

    Institutions au sens habituel : je ne sais, c’est probable, mais c’est un vrai travail de recherche. Il faut que je me renseigne, que j’en discute d’abord autour de moi pour voir s’il y a des pistes, en tout premier avec ma compagne qui est une femme remarquablement lucide sur la nature humaine et avec les moines / maitres Bouddhistes que je connais.

    Votre demande me rejouit. Depuis trois annees, je me demande en effet :
     » Mais pourquoi donc les Europeens ne s’interessent-ils pas a cette etonnante societe ? » ( autrement que pour en « profiter », la denigrer et la salir, ah… s’ils savaient ! )

    Par exemple : comment font les parents thais pour avoir des enfants joyeux et libres qui ne geignent pas, ni ne hurlent lorsqu’ils s’amusent ? Par quel mystere ? Par quelle education ? Comment chez eux s’articule le respect, sans que celui-ci ne s’accompagne aussitot de malaise, de rancune, de sentiment de perte d’existence, de contraintes ?

    Nous aurions tant a apprendre d’eux…

    Nous gagnerions a les observer, a les ecouter. Eux, savent ecouter sans interrompre, et leurs yeux vous disent qu’ils sont avec vous. C’est un Peuple etonnant, unique.

    Oui, vous avez raison Etienne, il y a surement des choses a transposer, a adapter, et notre Culture aurait tant a gagner a se metisser un peu avec la leur. Ce qui n’est pas vraiment desagreable, croyez- moi sur parole ! 😉
    Tres amicalement.
    Benoit.

    PS – Il y a quelques jours, j’ai imprime votre texte « Tirage au sort ou election » (10 pages), pour le lire a tete reposee des que possible. « Ah !, enfin du nouveau… », me suis-je dit avec jubilation !

  10. Avatar de Benoit
    Benoit

    @ Etienne
    …Ah, si , j’ai une premiere piste à vous proposer !

    Une initiation à ce métissage auquel je fais allusion (mais l’auteur de l’ouvrage ci-dessous, américain, ne nomme ni la Thailande, ni le Bouddhisme). Après mon apprentissage, cet « Art de la Relation » m’a très vite permis d’etre accepté par les Thais (« comme un des leurs », disaient-ils). Il y a donc bien une parenté Culturelle avec le relationnel thai dans cette approche née aux USA.
    J’aimerais, par mon témoignage, etayer l’idee que les ponts sont possibles entre ces Cultures à priori « opposées », voire incompatibles : oui, il y a bien une part de notre Culture « qui s’y prete » (*). Elle demande à etre explorée, soutenue, encouragée. Il y a deja quelques chercheurs occidentaux qui s’y emploient, je pourrai y revenir si vous le souhaitez.
    Voici l’ouvrage :

    « LES MOTS SONT DES FENETRES (ou bien ce sont des murs) » de Marshall B. Rosenberg à La Découverte.

    Si vous ne connaissez pas, c’est vraiment un must indispensable. Un livre plein d’anecdotes vécues, il se dévore ! C’est du solide… dans l’esprit de votre réaction calme, l’autre jour, face à scaringella qui vous « définissait » avec « un peu » de rudesse ! 😉
    Benoit.
    (*) je veux dire : qui se prete a acceder a la leur.

  11. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    A propos du point 2 soulevé par Etienne Chouard, à savoir un article conspirationniste d’un certain F. William Engdahl, la première question qu’il faut se poser est la suivante? Qui est exactement le dénommé F. William Engdahl? D’où sait-il tout ça? Quelles sont ses compétences? Quelles sont ses références? Est-il banquier? Un financier? Quelles sont ses sources? Où les a-t-il trouvées? Les a-t-il recoupées? On n’en sait rien. Pour autant que je puisse en juger, il s’agit d’un ramassis d’hypothèses gratuites.

    La fiche wiki du bonhomme dit qu’il est économiste de formation et qu’il s’exprime sur des sujets géopolitiques (il est vrai dans des revues obscures). Je constate que l’article est paru sur un site qui s’est fait une spécialité de collectionner toutes les thèses complotistes, dont bien sûr, celle de l’écrivain Thierry Meyssan..

    En d’autres termes, cessons de prendre n’importe quelle élucubration pour de l’argent comptant. Je dis ça parce que l’autre jour, je suis tombé sur une explication abracadabrante, une de plus, à propos des attentats du 11 septembre. En regardant de plus près, je me suis rendu compte que l’auteur de l’article était un obstétricien français, ce qui le rend évidemment particulièrement qualifié pour parler des attentats terroristes. En cette époque de démocratie d’opinion, on s’imagine à tort qu’une parole en vaut une autre. Mais ce n’est pas parce que les experts se trompent que le premier venu a nécessairement raison, loin de là.

  12. […] Je réponds spécifiquement à un commentaire d’Étienne Chouard. […]

  13. Avatar de Clemence DAERDENNE

    PAUL JORION N’EST PAS SOUS L’EGIDE DU DENI DE L’INCONSCIENT

    Je suis Psychothérapeute-Analytique, passionnée, entre autres, d’économie, et lectrice de la première heure des livres d’économie de Paul JORION (dont le premier dès sa parution début 2007).

    Ce que j’apprécie dans l’approche théorique de M.JORION, c’est sa vision holistique, globale, inter et trans disciplinaire de l’économie. Je suis sensible à sa capacité créative à emprunter les chemins de traverses pour étayer ses analyses dans ce secteur si balisé, je dirai presque à faire l’école buissonnière.

    Pour moi, les principales forces de ses analyses sont de contester la sagesse toute-puissance de la fameuse « main invisible » du marché et d’autre part, la plus importante, de rappeler que le marché est juste constitué d’êtres humains soumis à leurs pulsions et à la puissance de l’AUTRE fameuse « main invisible», l’Inconscient, cher à notre ami Freud et aux psychanalystes dont je suis.

    Dans la théorique économique mon principal étonnement est celui ci : comment a t-on pu créer des théories économiques avec comme pierre angulaire le déni de l’Inconscient ? L’économie est surtout une science humaine à forte composante émotionnelle, pulsionnelle donc irrationnelle et certainement pas une science exacte rationnelle. Le marché est crée par des êtres humains. Tous les acteurs qui le constituent sont des personnes humaines fortes de leur compétence, leur savoir, leur expérience mais, c’est oublié trop souvent, soumises aussi et j’allais dire surtout, à leur monde émotionnel conscient et inconscient.

    Je dirai, pour faire un mot d’esprit, que n’apprécierai peut-être pas A. Smith, que le marché est bien commandé par « UNE MAIN INVISIBLE », mais c’est LA MAIN INVISIBLE DE L’INCONSCIENT.

    Aujourd’hui, nous assistons à l’explosion d’un déni. La dérégulation des années Reagan-Thatcher a donné un blanc-seing au monde pulsionnel où le hors-limite et sans-limite sont devenus la règle – gain maximum, tout tout de suite, frustration minimum, avidité, cupidité, toute-puissance et tous leurs cortèges d’avatars. Mais comme elle n’est pas si simple a assumer, cette primauté au monde pulsionnel a été refoulée, bien dissimulée, transformée en politiquement correct. Dépulsionnalisée pour une sur-rationalisation avec l’aide d’une pléiade de prix-Nobel mathématiciens qui ont œuvré pour mettre les échanges financiers (et donc humains) en équation et atteindre ainsi le fantasme du contrôle total des risques, être Dieu comme Peter-Pan dans son monde merveilleux du jamais-jamais. Titrisation, produits dérivés, complexification etc. … mais tout ça sur le mode du ni vu, ni connu.

    Sur le plan inconscient, le terme dérégulation est entendu comme une autorisation tacite au « tout est permis » pour atteindre la satisfaction maximale. Bien-sur, personne consciemment ne reconnait être dans une telle dynamique. C’est justement comme cela qu’agit le déni aussi bien individuel que collectif. Mais, nous voyons aujourd’hui avec l’éclatement du déni et l’éruption du retour du refoulé que la majorité des acteurs de ce désastre financier étaient mus exclusivement par la cupidité, l’avidité vorace et ont sombré dans un délire de toute-puissance qui leurs a fait prendre des risques insensés. La majorité d’entre eux a quitté le principe de réalité pour sombrer dans le monde chimérique du principe de plaisir maximal.

    Voilà, il me semble que c’est ce que nous dit Paul JORION. Peut-être est ce parce que son approche de l’économie est emprunte de psychologie qu’il est visionnaire ???

    Je résumerai en disant que PAUL JORION est un économiste-Anthropologue qui n’est pas sous l’égide du déni de l’Inconscient.

  14. Avatar de Paul Jorion

    @ Etienne, Ton vieux copain Michel

    A propos de Enghdahl, sur Wikipedia :

    Engdahl now believes that petroleum is not produced from remains of prehistoric zooplankton and algae, which had settled to a sea or lake bottom in large quantities under anoxic conditions (the theory supported by physical evidence as well as the majority of petroleum geologists and engineers). Instead he believes in the hypothesis that petroleum is produced underground by unknown materials, conditions and forces deeper down in the Earth’s core. Engdahl calls himself an « ex peak oil believer ».

  15. Avatar de A-J Holbecq

    A propos de Enghdahl
    Pourquoi faut-il juger un homme sur ses croyances avant de jauger ou analyser ce qu’il écrit ?
    N’aurait-il pas fallu rejeter les théories d’Einstein parce qu’il croyait également à l’effet bénéfique du régime végétarien sur le tempérament des hommes ?
    Etienne pose simplement une question dans son commentaire  » Qu’en pensent notre anthropologue préféré et ses lecteurs ?  »
    Une réponse sur le fond serait plus intéressante que de savoir sur quel site est paru l’article de Enghdahl… mais sur le fond, « Ton vieux copain Michel » a répondu : « Pour autant que je puisse en juger, il s’agit d’un ramassis d’hypothèses gratuites. »
    .. mais qui est donc « Ton vieux copain Michel » ?

    PS : je précise que je ne crois pas du tout à la théorie du pétrole abiotique

  16. Avatar de TL
    TL

    @ AJH

    Je ne mange quasiment plus de viande.

    Pour être tout à fait honnête, je ne savais pas qu’Einstein avait dit cela, mais je serais enclin à considérer en effet (pour l’avoir remarqué sur moi) que la consommation de viande favorise certains comportements agressifs. Après, est-ce intrinsèquement lié à la viande, ou aux conditions de production actuelles de la filière, où les animaux sont entassés et nourris à base de céréales qui leur étaient inconnues jusqu’il y a 50 ans… je ne puis le dire.

  17. Avatar de Grégory
    Grégory

    C’est intéressant de regarder Enghdahl sur wikipedia:
    http://en.wikipedia.org/wiki/F._William_Engdahl

    Et de suivre le lien vers l’hypothèse qu’il supporte sur la formation du pétrole:
    http://en.wikipedia.org/wiki/Abiogenic_petroleum_origin

    On voit qu’à défaut d’être dominante ce n’est pas non plus une hypothèse complètement absurde. Ca ne doit pas être plus ésotérique par rapport au domaine qu’un certain nombre de choses que Paul professe ici de temps à autres… souvent à raison 😉

    Ceci dit tout celà est décourageant. Je vois très bien ce qu’Etienne Chouard appelle dans un autre commentaire « notre soif de comprendre le monde » mais ces échanges sont tout simplement vertigineux. J’ai du plaisir à lire Paul sur l’économie ou Etienne C sur l’Europe, je trouve amusant d’apprendre que la formation du pétrole n’est pas un sujet clos pour tout le monde (même si pour ma part les travaux d’Eric Laurent et le sens de la politique US me laissent peu de doutes sur la réalité du pic…), mais tout ces sujets vont de très difficile à réellement impossible à assimiler.

    En particulier l’économie me semble à jamais hors de ma portée. Je réalise que je m’enquille un certain nombre d’articles avec intéret, mais au final, je vois bien que ma modelisation mentale du systeme n’est pas seulement insuffisantes, mais totalement, profondément, irrémédiablement insuffisante. Je comprends à peu près le lexique utilisé (et encore sans grande aisance) mais à l’étage des interconnexions et des rapports de quantité, j’en suis réduit à croire ce qu’on me dit dès que la démonstration a plus de deux étapes.

    Je soupçonne d’ailleurs au passage que celui qui se sent sur à 100% de prédictions ou explications (même les simples explications à posteriori sont polémiques!) est foncièrement malhonnête des que l’on étudie des phénomènes un peu complexes. Le spectacle des débas sur la question montre bien que l’élite des gens formés sur la question se déchirant sur leurs analyses en est une démonstration assez immédiate.

    Ce qui me donne l’occasion de dire à Etienne pourquoi, malgré l’intelligence et la pédagogie de son billet (et nonobstant son ton, effectivement contre productif ) je trouve que Paul sort agréablement du lot des commentateurs économiques. Outre que oui, c’est vrai, il a à peu près dis tout ce qui allait se passer plus d’un an à l’avance (et vous, non. Si ?) et l’explique en des termes à la fois simples et imagés, il est capable d’exprimer souvent ses doutes et parle souvent sur un mode « ce que je vais vous dire n’est que ma conclusion personnelle, et je ne jette pas la pierre aux décideurs avec lesquels je suis en désaccord car je vois bien la difficulté d’avoir des certitudes » qui me semble tout de suite plus convaincant que le « laissez moi vous expliquer la vie » si fréquent ailleurs, y compris dans votre commentaire.

    En tous cas, pour revenir à la question « comprendre l’économie », j’en viens à me demander si on ne devrait pas limiter les règles de la finance international pour garantir une mécanique raisonnablement intelligible non seulement par ses artisans, mais par les citoyens que ça intéresse. Ce ne serait peut être pas un optimal économique ni productiviste, mais ce serait certainement meilleur démocratiquement, politiquement et philosophiquement, non ?

  18. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Loin de toute polémique ici hors de propos, je partage, c’est fréquent, l’avis de A-J Holbecq et ses réserves, et le sens des propos de Catherine.

    L’on en renviendrait, par un raccourci, à retrouver la « théorie du complot »? Mais, ce n’est pas la théorie du complot qui nous avancera. Car cette expression a été « lancée », pour disqualifier d’avance quiconque fourre son nez où il ne faudrait pas. « Fourrer son nez » aussi bien les « détectives », ou pseudo ceci ou cela, au service d’officines et d’idéologies malsaines, que les détectives n’ayant que le souci de la probité professionnelle pour informer le mieux possible. Cela fait beaucoup de nuances entre ces deux qualités.

    J’avais déjà cité l’exemple de l’investigateur Anthony Sutton qui était, disons ainsi pour faire court: anti théoricien du complot, mais dont les résultats tous archi documentés (voir ses ouvrages pour qui domine couramment l’anglais, répercutés en leur temps en français par Pierre de Villemarest qui était ma source) et qui mettaient au jours les collusions soviéto-lobbies occidentaux au plus haut niveau durant toute la durée de l’ex-Urss. Ses résultats, parallèles aux « théories du complot », n’avaient nullement besoin de ces « théories ».

    Maintenant, je ne connais Enghdahl que d’avoir lu dans une revue argentine des passages cités de lui concernant la recherche de la proportion d’augmentation des cours des denrées alimentaires dues à la spéculation quand, il y a quelques mois, les spéculateurs se ruèrent sur ce marché, avec les tensions alimentaires que cela avait procoqué, en particulier dans des pays du continent africain (cours un peu retombés depuis je crois, affaire à suivre), j’ai trouvé son propos, enfin ce que le journaliste argentin en a rapporté, mesuré et prudent.

  19. Avatar de Grégory
    Grégory

    Tiens, toujours a propos du pétrole abiogenic, le fameux article qui met feu au poudre :

    http://www.financialsense.com/editorials/engdahl/2007/0925.html

    Dans l’ensemble et à mon maigre niveau c’est assez intriguant. L’auteur semble bien connaitre son sujet et son résumé est instructif ; plusieurs de mes objections préalables sont traitées. A la fin, l’auteur inclue le déclin des grands champs saoudiens dans son raisonnement, ce qui crée une contradiction apparente. Je suppose qu’il faut lire son livre pour mieux comprendre sa théorie…

  20. Avatar de Benoit
    Benoit

    Liberté d’expression et cordialité.

    Je suis personnellement convaincu que la libre expression de nos idées n’a rien a craindre de l’usage de la cordialité. Qu’ils peuvent etre les meilleurs amis du monde.

    Paul lui-meme nous en donne l’exemple jour apres jour. Il évite soigneusement de blesser quiconque, et pourtant demeure tres libre d’exprimer ses idees, et de les défendre, pied à pied s’il le faut.

    Sur ce sujet, Etienne Chouard écrivait pas plus tard qu’hier soir (en fin de la file « Tout notre débat sur la monnaie », 31/07/08) à Etienne X , nouvel intervenant (« tonitruant » 😉 ) sur le Blog :

    (…) Bref, sur le fond, je vous suis reconnaissant d’exprimer clairement, rigoureusement, précisément ce que je pense aujourd’hui sur la création monétaire (à part quelques petits détails sur lesquels nous reviendrons peut-être) ; et à la fois, sur la forme, je vous en veux de votre brutalité contre Paul (parler d’autisme à son égard n’est pas brillant, sans compter qu’il est regrettable d’utiliser cette maladie comme cela), brutalité qui n’est pas nécessaire et qui est même contre-productive : j’ai failli rater l’essentiel de votre argument tant sa forme hostile et agressive était repoussante, au premier abord.
    Mais j’espère que ce n’est qu’un de vos propos qui était brutal, et pas vous. J’espère que ce « coup de gueule » ne vous ressemble pas, d’une certaine façon.
    Au plaisir de vous lire à nouveau, cher Étienne (ce n’est pas souvent que je peux dire cher Étienne, laissez-moi faire, s’il vous plaît.)
    Amicalement.
    Étienne Chouard.

  21. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    @ A-J Holbecq

    Que voulez-vous que je vous dise ? Il existe une secte qui croit que la terre est creuse et que les êtres qui y résident tirent toutes les ficelles de notre monde. J’imagine que ça doit être des arrière-cousins à Paulson. On ne peut pas empêcher les gens de croire aux elfes et aux farfadets et bien sûr, au méchant Voldemort – sans lequel il n’y aurait pas de bonne histoire – si ça leur chante.

    Plus sérieusement, je crois qu’il y a une énorme différence méthodologique entre 1. Ceux qui analysent un système, capitaliste pour dire son nom, dont l’objectif parfaitement explicite et revendiqué comme tel par ses nombreux acteurs, petits ou grands, est celui du profit, et dont les mécanismes mis en place engendrent des bulles spéculatives et des crises et 2. Ceux qui croient que les crises elles-mêmes sont des machinations programmées depuis toujours par un petit groupe afin de satisfaire ses objectifs occultes de domination. Dans le premier cas, il s’agit d’une analyse rationnelle, ouverte à la discussion. Dans l’autre, il s’agit d’une construction imaginaire et mythique.

    Les livres de Paul Jorion et d’autres appartiennent à la première catégorie. L’article de Engdahl appartient à la deuxième catégorie.

  22. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Ton vieux copain Michel @

    Attention tout de même de ne pas développer un type d’ « opposition dialectique » dont on connaît trop d’effets négatifs, pour ne pas dire plus. En poussant le bouchon, il y eut las cas historique de Lyssenko, « biologiste » soviétique de sinistre mémoire qui alla jusqu’à pratiquer la dialectique de la science prolétarienne versus la science bourgeoise…

    Autre chose sur un sujet historique pourtant très connu tel que la crise démarrée en 1929. Il y eut 10 ans de chomage massif dans le monde d’alors, 10 ans (pas moins!) de « manque d’argent »… Et puis, tout d’un coup, du jour au lendemain, il y eut un flot d’argent pour financer la guerre… À cet instant, Franklin Roosevelt perdit une occasion de se taire en se fandant de la réflexion suivante: « je n’accepterai pas de non sens financier »…

    Ainsi dans cet exemle historique, en 1930 et suivantes l’essentiel des infrastructures productives s’étaient donc évaporées? Et il n’y avait plus de possibilités de produire de manière suffisante? On sait que la demande s’était rapidement effondrée, mais alors, il n’y avait strictement aucun remède financier possible? Pourtant, la possibilité physique de produire existait toujours et le remède financier était, à l’évidence, façile à mettre en œuvre. Où aurait été la difficulté majeure après ces années folles de bourse? C’est la sottise boursière regrettée qui l’emporta sur la sagesse? Ceci n’aurait pas presque « anéanti » la possibilité de produire en 1930 (admettons 1931).
    Quoiqu’il en soit il y a là une « attitude » des milieux financiers qui « parle ». Ça ne veut pas dire qu’il y ait eu complot, mais le mot attitude a ceci d’éclairant qu’il désigne ce que les homme font (ou ne font pas). Ce qu’il y a derrière le mot attitude, à la limite, relève d’un autre débat, également intéressant celui-là, mais pas forcément prioritaire.

  23. Avatar de Candide
    Candide

    @ Ton vieux copain Michel,

    Je ne suis pas un adepte du conspirationnisme ni un fan inconditionnel de la théorie du complot, considérant que le rasoir d’Hanlon (« N’attribuez jamais à la malignité ce que la stupidité suffit à expliquer. ») ne s’est jamais beaucoup émoussé avec le temps, même si le « jamais » est à relativiser avec prudence.

    J’ai néanmoins une question à vous soumettre, en ces termes :

    De 2 choses l’une, soit la déclaration attribuée à David Rockefeller (prononcée devant la commission trilatérale en 1991) est exacte, soit elle est fausse.

    Si elle est exacte, comme l’interprétez-vous ? Simple mégalomanie de l’intéressé ?

    Si elle est fausse, il serait intéressant que quelqu’un apporte la preuve qu’elle n’a jamais été prononcée, ce qui aurait le mérite de clôre enfin cet aspect du débat…

  24. Avatar de A-J Holbecq

    @Ton vieux copain Michel
    Je pense qu’il y a une 3° hypothèse intermédiaire (je n’ai jamais été défenseur de la logique aristotélicienne)
    C’est que « à l’occasion d’une crise » qui n’est pas nécessairement la conséquence d’une « machinations programmées depuis toujours par un petit groupe afin de satisfaire ses objectifs occultes de domination », le système à la capacité de réagir très vite pour ses propres avantages car il dispose des leviers déjà en place (Paulson, Bernanke, Trichet, Sarko, Bush , etc) … leviers que « le système dominant » a mis lui-même en place pour le servir.

  25. Avatar de Grégory
    Grégory

    @ Ton vieux copain michel

    Je pense que vous gagneriez à lire les liens que j’ai donné. Je précise que je n’avais pas plus de connaissances préalables que vous ; j’ai juste googlé et wikipédié Engdahl et suivi quelques liens. Ce qui m’a appris :

    – que bien qu’il y ait un relatif consensus sur l’origine biologique du pétrole, il n’est pas et n’a jamais été universel. Ca c’est wikipedia qui le dit, et comme vous le savez peut-être le systeme rédactionnel de wikipedia est assez efficace à rendre compte de l’état des consensus

    – qu’Enghdal écrit depuis 30 sur le pétrole et qu’au demeurant son changement de conviction est récent. En général les gens qui croient au lutin y croient depuis toujours, non?

    – ensuite si vous lisez son article vous allez voir que son opinion est très documentée. Si les faits qu’il présente sont vrais, ce sont des indications très forte en faveur de sa théorie (essentiellement le fait que les russes ont trouvé tout leur pétrole grace à cette théorie)

    – il se trouve que celà cadre avec les travaux d’Eric Laurent: alors que celui-ci a réussi à avoir des indications sur l’état des gisements saoudiens (en fait, de tous les gisements), il s’inquiete du vide absolu d’informations sur ceux des Russes. Celà cadre avec une exploitation persuadée que la question est sans importance.

    Il y a néanmoins des incohérences apparentes (enfin au moins une) et des questions non résolues, mais à moins de fonctionner sur une base de « croyance » (c’est à dire au fond le nerf de la guerre pour ceux qui pensent que le monde des idées se divise entre les théories du complot et les théories « légitimes », alors que la seule question est et reste de savoir si ces théories, quelles qu’elles soient, sont valides) il n’y a aucune raison rationnelle de réfuter par principe le discours de ce monsieur. Ca ne force pas à y adhérer mais comme toujours, il faut s’informer pour rendre un verdict… Ou s’assoir dessus !

  26. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    La proposition de A-J Holbecq me paraît la plus « raisonnable ».

    La difficulté réside peut-être dans le fait que l’approche socio-économique de la crise est beaucoup plus difficile
    à étayer qu’une approche des seuls mécanismes financiers sur fond d’analyse macro-économique.

    En théorie cela semble faisable, et la théorie des champs de Bourdieu pourrait parfaitement faire l’affaire.

    La crise ne serait plus alors l’analyse de nombreux aspects techiques sur lesquels on porte certaines appréciations en fonction de l’idée que l’on se fait de l’économie, de ce qu’elle est ou devrait être selon nos valeurs propres, mais un processus beaucoup complet. Les décisions, les actions, des divers agents économiques, financiers, politiques seraient indentifiés en s’attachant à restituer les positions respectives qu’occupent les divers acteurs aussi bien au sein des champs spécifiques dans lesquels ils évoluent (financier, économique, politique) ceci en tenant compte des parcours individuels professionnels, idéologiques de chacun, que d’un champ par rapport à un autre, étant entendu que degré d’implication d’un acteur peut aller de son appartenance à tous les champs à un seul.

    Le problème est souvent qu’à chaud l’on ne dispose que d’informations en quantité limitée et assez hétérogènes, surtout comparé à la masse d’informations chiffrées concernant les aspects « techniques » de la crise. Ici une déclaration de Paulson dans un grand journal, là les révèlations d’un tradeur sur un quelconque blog, ou encore, par exemple, des propos rapportés de seconde main forment un matériau bien maigre. Les théories du complot font leur succès en mêlant habilement explication globale d’un phénomène et faits épars, assez hétérogènes, qui donnent un coté plaquéqui ne satifsfait pas la curiosité intellectuelle et les critères scientifiques.

    Ceci dit il se pose un autre problème concernant l’analyse bourdieusienne qui cette fois est une limite plus théorique.
    J’ai la très nette impression que la théorie sociale de Bourdieu, celle afférente aux champs économique, culturel, politique, etc …. est calquée sur le modèle du fonctionnement de l’économie capitaliste. En effet il n’y est question que d’accumulation de capital économique, culturel etc … que chacun des acteurs sociaux essaie de conserver, améliorer, convertir d’une espèce en une autre. Cette théorie semble très pertinente, car l’intérêt individuel, est le paradigme universel à l’aune duquel on analyse les faits sociaux depuis l’époque moderne. En gros, en toutes choses on ne cesse de poser la question : « quoi profite à qui et pourquoi ? » Mais, l’est-elle dès lors que l’on changerait de paradigme social ? Autre question : jusqu’à quel point les acteurs de la crise actuelle, au stade où elle en est maintenant, se situent-ils eux-mêmes dans un cadre d’analyse rationnelle coût-bénéfice (économique ou en terme de prestige) personnel ? Peut-on imaginer que certains acteurs en arrivent à jouer à contre emploi, dérivant alors des espaces possibles du champ, des champs, dans lesquels ils étaient impliqués.

    Autrement dit, se peut-il que dans les situation de crise, cetains acteurs, « dépassés par les évènements » se mettent à imaginer des solutions qui n’étaient pas a priori dans leur intérêt ? Paul Jorion semble le dire de Paulson (voir « Lehman Brother, le plan diabolique du Dr Paulson ». J’aimerais avoir plus de précisions à cet égard surtout quand on sait que Paul Jorion s’est intéressé à l’approche sociale de l’économie développée par Bourdieu. Une analyse anthroposociale et économique nous serait très utile pour comprendre ce qui se passe et, peut-être, avoir des raisons d’espérer et éviter les théories du complot lesquelles renforcent les croyances dans l’état antérieur, et donc déjà dépassé, d’un système en crise. Si c’était le cas, cela serait une bonne nouvelle. Paulson, à rebours de ses intérêts passés et immédiats oeuvrerait, à l’insu de son plein gré, pour sortir du système actuel. Mais rien n’est moins sur, évidemment, la thèse des pessimistes a aussi beaucoup d’arguments pour elle.

  27. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    Je ne suis pas un spécialiste des théories conspirationnistes, ni du groupe Bilderberg et j’ignore ce que Rockefeller entendait par là. Mais je constate d’abord que pour une soi-disant « société secrète » qui prend des décisions à huis-clos, le discours de Rockefeller n’est pas si secret que ça puisqu’il fait le tour d’Internet. Il faudrait aussi décrypter ce qu’il voulait dire. Les lobbies aux USA et en Europe sont monnaie courante. Ils ne cachent pas leurs idées, leurs objectifs et leurs méthodes. L’agenda, le programme de Bilderberg est sans doute le même que celui de dizaines d’autres groupes de pression ultra-libéraux et libertariens. Ils sont pour la libération totale des marchés, le libre-échange global, la dérégulation, le moins d’Etat possible, la réduction massive des impôts. Ils sont pour les riches. Ce programme n’a rien de secret. Tout le monde le connaît. Et comme ce programme est mis en œuvre à peu près partout depuis Reagan, on comprend que Rockefeller a des raisons de se réjouir. Autrement dit, il n’y a rien de particulièrement secret là-dedans.

    Ça ne veut pas dire pour autant qu’ils sont capables de tout, et notamment, d’avoir manigancé et fabriqué cette crise toutes pièces. Là, on tombe dans le délire. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que si c’est le cas, le résultat n’est pas très probant. En effet :

    1. En dépit du fait que certains n’ont pas cessé de tirer la sonnette d’alarme (y compris l’hôte de ce blog), la crise a surpris tout le monde par sa violence. Personne n’a été capable d’imaginer son ampleur et surtout, son caractère systémique. Paulson pas plus que les autres. Et peut-être un peu moins que d’autres car il n’y a pas si longtemps, il était un adepte fervent du « fondamentalisme de marché » et du laissez-faire.

    2. Des trillions de dollars d’actifs sont partis en fumée. Des entreprises multinationales ont vu leur capitalisation fondre de 30%-50%. Des petits et grands actionnaires ont perdu leur culotte.

    3. Les banques américaines ne sont pas si bien loties que ça. Certaines ont fait faillite (Lehman, Wamu). D’autres doivent se restructurer. Certaines banques non-américaines s’en tirent beaucoup mieux : les banques japonaises et certaines banques européennes comme Santander ou HSBC. Des fonds souverains asiatiques et arabes sont entrés dans le capital des banques américaines.

    4. A priori, on n’a pas l’impression que Paulson a chouchouté une ou deux banques en particulier. Les neuf plus grandes banques nationales ont été recapitalisée à hauteur sans doute de leur situation, et il y a encore un montant équivalent de 125 milliards pour les plus petites. Comme il l’a dit aux banquiers : « C’est le destin de « l’industrie » qui est en jeu ». Autrement dit, il cherche à sauver le secteur bancaire américain. Comme Sarkozy, le secteur banquier français ou Brown, les banques anglaises. Il n’y a rien de particulièrement étonnant à cela.

    5. Presque tous les commentateurs s’accordent à dire que les USA sortiront considérablement affaiblis de cette crise. Le secteur des banques d’investissement est en ruine. Celui des hedge funds aussi. Les USA entrent en récession. La fête est finie pour tous les tenants de la dérégulation débridée.

    6. Certaines entreprises et banques vont sortir renforcées après cette crise. Et alors ? C’est toujours le cas. Il y en a qui se démerdent mieux que les autres. Ça ne signifie pas que celles qui sortiront renforcées ont fabriqué la crise mais seulement qu’elles été plus prudentes, qu’elles avaient plus de cash et moins de dettes, qu’elles ont mieux anticipé les événements et qu’elles ont mieux exploité les opportunités engendrées par la crise.

  28. Avatar de Benoit
    Benoit

    @ Ton vieux copain Michel
    Merci, merci, merci. Il faut quand meme bien dire les choses comme elles sont, nom de Dieu !
    … ASSEZ DE PARANOIA !!!

  29. Avatar de Candide
    Candide

    Autrement dit, « better safe than sorry ». Ou bien, ne vaut-il pas mieux être trop sur ses gardes que pas assez ?

    Après tout, « si vis pacem, para bellum »…

    Mais je garde le rasoir d’Hanlon sous la main (”N’attribuez jamais à la malveillance ce que la stupidité suffit à expliquer.”), même si le “jamais” est à relativiser avec prudence, comme je le disais plus haut.

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