J’ai mis en ligne ma tribune sur la foi du témoignage de certains d’entre vous qu’elle n’avait pas été publiée dans Le Monde. En fait, elle est donc dans le supplément Monde-Economie daté du 12-13 octobre.
Un Bretton Woods dont l’espèce se souvienne
publié sous le titre : « La survie de l’espèce l’exige »
La situation actuelle est très grave : il n’existe aujourd’hui aucune position de repli. Il faut comprendre ce qui s’est passé et produire à partir de là, des solutions neuves : entièrement neuves, car les demi-mesures, on l’observe chaque jour, en Europe comme aux États–Unis, sont aussitôt emportées par la bourrasque.
Une refonte radicale des accords de Bretton Woods passe par une redéfinition des fonctions exercées par les banques centrales.
Dans le cadre du capitalisme, le capitaliste avance un capital à un entrepreneur qui fera fructifier celui-ci par son entreprise. Il se partagent ensuite le surplus généré par la combinaison de ces avances et du travail humain (et des rayons du soleil, ajoutaient les auteurs anciens). Or depuis 1975 environ, les investisseurs – les « capitalistes » – et les dirigeants d’entreprises ont eu la folie de substituer à la part déclinante du surplus revenant aux salariés, le crédit à la consommation. La réalité les a rattrapés et nous payons aujourd’hui tous le prix d’une telle cupidité.
Les banques centrales ont joué ici un rôle particulier, devenant des machines de guerre entre les mains des investisseurs seuls, manipulant les taux d’intérêt pour faire taire les entrepreneurs sous la menace de la fermeture d’entreprise et les salariés sous celle du chômage.
Les intérêts récompensent le capitaliste des avances consenties à l’entrepreneur. Pour que les intérêts puissent être versés, il faut que ces avances aient créé une authentique richesse. Or, le prêt à la consommation ne remplit pas ces conditions : le versement des intérêts est ponctionné sur le salaire de l’emprunteur, produit de son labeur, et nullement sur un surplus généré grâce aux avances. Lorsque les salaires déclinent, les ménages empruntent davantage. Les fonds ne constituent pas une avance productive mais le bouche-trou d’un salaire insuffisant. Du coup, les ménages gèrent leur budget à l’instar d’une « cavalerie ». Il vient un moment où la masse salariale décline à ce point que la cavalerie rentre dans le mur. C’est ce qui vient d’arriver
Une mission délicate avait été confiée aux banques centrales : s’assurer que la monnaie reflète la richesse créée comme surplus et non, comme c’est le cas aujourd’hui, le montant des paris faits partout dans le monde. Il faut que cette mission redevienne d’urgence leur tâche essentielle, réduisant la masse monétaire quand la richesse se contracte et l’accroissant quand elle est en expansion. Ce rôle, elles l’ont assumé par le passé, mais dans un cadre faussé de deux manières. Faussé premièrement parce que représentant les intérêts des seuls investisseurs, alors qu’elles devraient représenter la nation tout entière : investisseurs, dirigeants d’entreprises et salariés, dans le cadre d’une redistribution juste de la richesse entre eux. Faussé deuxièmement, parce qu’aveugle à la nature finie du monde que nous habitons : comptabilisant comme bénéfice net le pillage des ressources naturelles non-renouvelables alors que la richesse doit se juger à sa juste mesure : à l’aune de la santé de la planète, où son épuisement doit être enregistré au passif.
Un Bretton Woods II ne doit pas viser à modifier la nature humaine : il s’y casserait les dents. Mais le système financier est en morceaux. Le rebâtir ne sera pas un luxe car ce qui est en cause aujourd’hui, c’est la survie de l’espèce. Celle-ci réclame un Bretton Woods dont elle puisse se souvenir, où l’on définisse des principes à valoir pour les siècles des siècles : ceux d’une constitution pour l’économie axée sur la reconstruction du système financier et qui lui rende sa fonction première d’être le système sanguin de l’économie réelle, celle de la production, de la distribution et de la répartition des richesses. Une constitution veille à ce que les états de fait ne dictent pas leur loi : elle se désintéresse du cas par cas pour se contenter d’énoncer des principes directeurs établissant un cadre de référence qui permette de juger non seulement ce qui est mais ce qui adviendra.
45 réponses à “Un Bretton Woods dont l’espèce se souvienne”
@Etienne
Sacré Etienne, fin politique qui maintenant noit le poisson. Et qui parle du fond quand sur la forme ses interventions sont indéfendables. Belle rhétorique mais éculée. Le fond malheureusement ne tient pas plus l’analyse que la forme la décence. Allez sur le bulletin de Paul « Constitution ou pas » voir comment avec des gens raisonnable et décents on peut croiser le fer intellectuel (Merci a Pierre Yves D pour nos échanges).
Faites aussi vos excuses aux croyants. Dur ça hein ! Moi je leur présente pour vous. Que Dieu vous pardonne 😉
Tout « autodidacte informaticien ex prof de sport » que vous êtes, vous n’en êtes pas moins « formaté », comme la plupart des individus habitant cette planète, par un héritage (endoctrinement pour certains) religieux immémorial qui nous (car je m’inclus) fait voir le monde à travers un prisme déformant simpliste et trop souvent profondément névrotique.
Pour moi, les religions ne relèvent absolument pas de la culture mais simplement de la civilisation, lesquelles sont, du moins à mes yeux, deux notions différentes, bien qu’évidemment liées. C’est pour cela que j’ai réagi quand vous avez associé les deux termes dans une même phrase : « un manque de culture sur ce que sont les religions ». Mais je comprends sans peine qu’il s’agisse là d’une position que tous ne partagent pas.
Évidemment, il y a le cas de l’art religieux. Je ne l’avais pas cité dans mon message précédent, estimant, j’espère que vous me le concéderez, qu’il ne s’agit que d’un « produit dérivé » (by-product) qui n’a globalement pas le même impact que la religion qui l’a inspiré.
Maintenant, je ne peux être que parfaitement d’accord avec vous quand vous dites : « Les religions sont encore LA civilisation dans bien des pays. »
En revanche, je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre constatation : « Nous mêmes laïcs ne pouvons nous définir comme laïcs sans elles. » Ça ne vous paraît pas un peu facile, usé, artificiel, en un mot « agaçant », de lier systématiquement de la sorte un état et son contraire ? Cela fait des années que l’on sait que tout est dans tout et réciproquement, mais bien que ce ne soit pas faut ça ne contribue jamais à clarifier les choses. « Laïc » se définit par opposition à « religieux » et réciproquement, « athée » par opposition à « croyant ». Et alors ? Il n’en demeure pas moins, et c’est finalement l’essentiel, que chaque état possède une spécificité forte et, en l’espèce, une vision du monde radicalement différente.
Et c’est bien là le problème. S’il s’avère nécessaire de faire table rase du passé afin de construire une nouvelle « civilisation » (qui pourra porter différentes « cultures »), j’aimerais autant que cela se fasse autrement qu’à travers le prisme déformant des religions. Je ne pense donc pas qu’une approche religieuse des événements, n’en déplaise « aux croyants de passage », soit souhaitable, notamment dans le cadre de ce fil de discussion.
Autrement dit, ce n’est pas parce que les religions ont jusqu’ici toujours influencé l’Histoire des civilisations qu’il est indispensable et inévitable qu’elles continuent de le faire jusqu’à la fin des temps…
scaringella,
Pour se bagarrer, il faut être deux et ce sera sans moi.
Je vous laisse à vos provocations de troll.
Aucun intérêt.
Étienne.
Merci pour l’article « la survie de l’espèce l’exige ». L’analyse de la crise est l’exacte intuition que j’avais sans pouvoir jamais l’exprimer aussi bien! Pierre LARROUTUROU économiste au PS français dit aussi très clairement la même chose, mais malheureusement en vain depuis au moins 3 ans, en ce qui concerne l’endettement américain public et privé américain et son rapport notamment avec les bas salaires.
La baisse de la part des salaires dans le PIB de 11% au profit du capital (identifiée au cours des 25 dernières années grosso modo dans tous les pays d’europe) ne vient-elle pas accréditer fortement votre propos?
Comment contribuer à diffuser cette analyse de la crise économique fondamentalement social-démocrate, qui aboutit à poser d’une manière responsable, la question de la redistribution des richesses, pour éviter toute régression de nos concitoyens à « tendance socialiste » dans la représentation qu’ils ont de la vie économique?
Parenthèse : cela fait bien plus de trois ans que Pierre Larrouturou annonce l’impasse du système actuel et se bat pour le faire comprendre ! Après le mouvement pour la semaine des 4 jours, il avait fondé « nouvelle donne » qui a fait naufrage aux législatives de 2002, vote « utile » oblige. Il est alors retourné au PS, estimant que les choses allaient bouger suite au départ de Jospin, et qu’il fallait en être. Pas facile, chez les pachydermes… Aujourd’hui, il anime « nouvelle gauche » (nouvellegauche.fr), et soutient la motion de Mélenchon.
scaringella,
Je penses que c’est la première fois, depuis plus d’un ans que je fréquente ce blog, que je perçois une forme d’agressivité dans les propos d’un intervenant; Et ce dés votre première intervention-j’avais donc bien compris-sur ce post.
Il est vrai que de nombreuses passions alimentent le discours de chacun dans bien des débats, mais, constatant que votre critique se situe plus dans l’opposition idéologique gratuite que dans les propositions factuelles, je ne vous cache pas que je regrette la forme que prend l’échange…
Ce message ne doit pas perçut comme un soutient d’arrière garde à Etienne, mais bien comme une attente de responsabilisassions de chacun. Cela afin de permettre que ce -rare- lieu d’échange, riche de nombreuses participations passionnantes, qu’est le blog de notre hôte reste ce qu’il a toujours été: un lieu de respect.
En espérant que ce message ne tombe pas dans le travers dénoncé, je vous souhaite à toutes et à tous ainsi qu’à vous Bernard, une bonne continuation à ce que l’on pourrait appeler la « communauté Jorion », pour participer à la construction des nécessaires évolutions que notre société devra savoir entreprendre.
Amicalement
guillaume
@guillaume (13 octobre 2008 à 12:06) : c’était évidemment de l’ironie de ma part !
@Nicolas Bernabeu (12 octobre 2008 à 22:08) : disons qu’on trouve une réponse possible dans les énormes ventes à découvert que tenait JPM sur un certain marché alors que BSC était lui, long. Mais ce serait une autre thèse complotiste.
Armand,
OK, sincèrement désolé, j’ai foncé tête baissée… ça, c’est un piège d’internet, j’ai beau apprécier chacune de vos interventions je ne suis toujours pas foutu de percevoir un deuxième degré…
Je suis régulièrement choqué par le mécanisme de discrédit (visiblement efficace) que je précise dans le post en question (discrédit de l’individu quand le travail est relativement inattaquable), aussi, je ne pouvais accepter ce raisonnement au regard de l’importance du travail de Madame Lacroix-Riz, votre ironie me laisse agréablement penser qu’il en est relativement de même pour vous…
Au plaisir de vous lire à nouveau,
@Etienne
Juste un petit signe de complicité pour vous dire que vous avez été d’une totale correction et qu’il faut être plus que susceptible pour se sentir attaqué par vos propos modérés. Parlant de modération, j’espère que nous pourrons continuer à échanger sans elle sur ce blog : c’est rapide, parfois vif et toujours éclairant. Mais j’ai connu bien des assemblées ou une centaine de personnes étaient empêchée de travailler démocratiquement par la faute de 1 ou 2 f.. d… m… (censuré) troublions. Ils sont cependant repérables par le sophisme de leurs propos. Votre attitude d’esquive est la meilleure. Sur votre excellent blog vous conseillez la patience aux intervenants et je constate que vous la pratiquez vous-même. Comme quoi, le dire et le faire peuvent être en adéquation.
Bonjour à tous
un lien sur une allocution hier de Yves Cochet à l’assemblée, qui ne m’a semblé hors sujet ni dans le ton, ni dans le contenu……
http://www.yvescochet.net/wordpress/?p=153
J’ai lu avec un très grand intérêt une moitié des échanges de ce fil, et le propos initial de Paul, bien sûr.
Je retiens en particulier le message de Louis Maitrier (11 octobre 2008 à 22:12) et je l’en remercie grandement. Une question :
Puisque le crédit à la consommation est nuisible, et puisque les entrepreneurs ont pu à ce point fonctionner sur fonds propres, ne faudrait-il pas en venir – quand on aura écrêté cette énorme excroissance financière – à un système de couverture du crédit bancaire à 100% ? Ce qui reviendrait, je crois, à ce que la masse monétaire « mobile » à l’instant t soit égale à celle de la monnaie fiduciaire ?
samedi @
Sauf confusion de ma part, c’est l’une des PRINCIPALES demandes de l’Association pour les Droits Économiques et Démocratiques, ADED, dont je suis membre, voir:
http://assoc.pagespro-orange.fr/aded
Comme tout l’ensemble de l’ADED, les Bulletins de Liaisons écrits par Denis GAUCI son président sont concis et d’une clarté qui ne quitte jamais le cœur de ce sujet, ici bas, central.
@Tous,
Waouou, qu’est-ce que je prend… Mais merci de ne pas me louper. Pour mieux appréhender les problèmes de culture
je ne peux que vous enjoindre a lire René Girard, ou le dernier livre de Philippe Descola. L’anthropocentrisme occidental me navre, c’est ainsi. Ou aussi quelques sages comme Krishnamurti pour bien comprendre les mécanisme de la dualité. Pour eux c’est clair pas de bien sans mal, de bonheur sans malheur.
C’est là une icompréhension de base sur mes propos. Je ne suis pas en train d’opposer, mais de souligner des contradictions qui sont inhérentes à notre humanité. Encore une fois la contradiction n’est pas un rejet. Débattre c’est se contredire. Je fais réellement l’effort d’être rationnel. C’est sur que je défend pied à pied mes positions. Je fais des propositions concrètes comme de demander aux partis politiques d’expérimenter leur propres idées en leur sein.
Cordialement Bernard.
[…] The original piece in French can be found here. […]