La paralysie complète n’est plus qu’une question de jours

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Parmi les innovations qui font que la nouvelle version du plan Paulson a davantage de chances de passer, l’exemption de taxe de 39 cents sur les flèches utilisées dans leurs jeux par les enfants. Je plaisante bien sûr, mais vous pouvez vérifier : elle fait bien partie des mesures qui ont été ajoutées à la panoplie pour faciliter l’ingurgitation de la pilule amère par les parlementaires américains. Parmi les innovations donc, un relâchement des contraintes obligeant les compagnies à valoriser leurs avoirs au prix du marché. La mesure était réclamée à cors et à cris par le milieu des affaires et on lui donne donc gain de cause : il leur sera permis de valoriser davantage leurs actifs en se référant à un modèle maison. J’ai déjà eu l’occasion de dire ce que je pensais des modèles financiers maison.

Un article du Wall Street Journal analysant cette « amélioration » s’intitule à juste titre The lunatics are running the asylum : ce sont les fous qui dirigent l’asile. Ce qui a provoqué le tarissement du crédit, c’est que les banques ne savent plus quel risque elles prennent en traitant les unes avec les autres et donc, pour arranger les choses, on va leur permettre de valoriser leurs avoirs à un prix qui leur paraît plus « raisonnable » que celui, délirant en effet, que leur attribue le marché en ce moment. La confiance entre établissements va grimper en flèche, ça je vous le garantis ! S’il fallait parfois – ce qu’à Dieu ne déplaise – désespérer dans la nature humaine, ce seraient des cas comme celui-là qui vous y encourageraient !

Quelques graphiques qui mettent en évidence où en est la « confiance » entre banques : le TED (Treasury-Bill – Euro Dollar) : la différence entre le taux qui s’applique aux bons du Trésor américains à trois mois et le taux que les banques exigent l’une de l’autre pour un prêt à trois mois. Trois graphiques empruntés à l’agence Bloomberg ; l’échelle, à droite est en pourcents.

Le premier graphique montre trois ans d’évolution du TED. Le spread, l’écart entre les deux taux, était comme on le voit, traditionnellement, d’environ un tiers de pourcent.


© Bloomberg

Un tiers de pourcent, c’était l’évaluation que le marché produisait spontanément du risque existant pour une banque si elle prêtait à une consoeur plutôt qu’à l’Etat américain. Puis voyez, ce qui se passe au début août 2007 quand la BNP s’écria « Pas de prix ! ». L’écart se mit désormais à osciller entre 1 % et 2 % – plutôt que les 0,3 % d’antan.

Deuxième graphique, les 365 jours les plus récents.


© Bloomberg

Regardez bien : on oscillait entre 1 % et 2 %, et depuis quinze jours, depuis la mi-septembre, on passe à 3 % et on commence à osciller entre 3 % et 4 %. L’évolution des jours récents se lit beaucoup mieux sur un graphique qui représente les trois derniers mois.


© Bloomberg

Voilà où on en est : les banques ne se prêtent plus qu’à des taux prohibitifs, prohibant en fait toute transaction entre elles. Si rien ne change, la paralysie complète du système financier n’est plus qu’une question de jours.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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80 réponses à “La paralysie complète n’est plus qu’une question de jours”

  1. Avatar de Guy
    Guy

    Bon! chacun se propose en analyses et en prédictions, Nouriel Roubini est devenu une super vedette en cette matière d’autant plus qu’il tombe juste en matière de prévisions court et moyen terme et dans les détails, mais je soupçonne en raison de leurs compétences, que Roubini tout comme le Webmaster de ce Blog, sont tout à fait capable de se prononcer sur le long terme, mais comme la confiance est l’élément psychologique à protéger pour la pérennité du système je vous propose celle d’André Gorz.

    Nous survivons à cette bulle et on s’en tape une autre pour se remonter le moral ? Ça commence à faire !

    Faudrait peut être commencer à regarder la réalité et aligner un plan quinquennal si nous souhaitons survivre à la fin d’un monde et à l’accouchement d’un autre. Le plan Paulson c’est déjà du passé, en fait, ça c’était du passé avant même qu’on y pense !

  2. Avatar de Strategix
    Strategix

    L’accès au marché interbancaire et les nouvelles émissions (obligs, covered bonds, titres courts) ne sont plus des sources de financement substantiels possibles pour les banques.

    C’est avéré et le Ted spread en atteste.

    La gestion ALM cherche déjà à réduire les besoins générés par les actifs, notamment en réduisant la production nouvelle de crédits et en limitant le portage de lignes de tradings.

    Cela est déjà engagé, mais cela ne suffira pas à éteindre les besoins de refi des banques.

    Reste les refinancements auprès des Banques Centrales.

    Pour ce qui est du recours aux guichets permanents de pensions et de réescompte, il est vraisemblable que tout ce qui peut être mobilisé (compte tenu des critères d’éligibilité actuels) l’est déjà.

    Sans compter qu’à voir la dégradation de qualité des actifs désormais portés par la Fed, on voit bien les limites de l’exercice.

    Au fur et à mesure de l’arrivée à échéance des refis à 3, 6 ou 12 mois, les demandes auprès des banques centrales vont continuer d’augmenter.

    Mais tout le charme, et l’incertitude, de la situation est que tout repose alors sur la Banque Centrale et son acceptation de soutenir le système à bout de bras, le temps qu’il faudra. Pour ma part, je ne vois donc pas la réalité de la menace, dans la mesure où l’on peut raisonnablement attendre que les Banques Centrales fourniront toute la liquidité nécessaire et que le coût de celle-ci n’intégrera pas le Ted spread. Le plus drôle est que les banques alors rassurées sur leur accès au refi pour repartir de plus belle sur des lignes de trading massive.

  3. Avatar de Bruno Paul

    Bonjour Paul,
    J’avais publié un article exactement sur ce sujet des thermomètres de la santé des marchés que sont les spreads de taux:
    La finance en coma dépassé

  4. Avatar de Bruno Paul

    A ce propos également : je suis preneur d’un graphe sur le Libor-OIS spread (difference between the three-month dollar rate and the overnight indexed swap rate). Je n’en ai pas trouvé pour l’instant mais c’est également un excellent indicateur de la tension des credits interbancaires.

  5. Avatar de Gibus
    Gibus

    Bonjour,

    Les techniciens peuvent toujours gloser, supputer, peser, analyser, ils ne font pas avancer le « schmilblic » d’un pouce.

    Pourquoi? Parce qu’ils ont le nez dans le guidon, les mains dans le cambouis, et que l’effort mobilise toutes leurs ressources cognitives, et que la crainte, la peur de ce qu’ils entrevoient comme conséquences plus ou moins clairement affecte leurs capacités de jugement.

    La contemplation du tableau de Hopper que Paul a glissé dans l’autre fil du jour ne prend sa signification, son charme désuet et mélancolique qu’avec le recul nécessaire, non pas le nez collé contre.

    Il faudrait maintenant, c’est une exigence contradictoire bien sûr, que ceux qui sont en charge des affaires puissent prendre le temps de s’arrêter, de souffler, de se calmer, de prendre du recul, avant de décider de la meilleure route à tracer. Il leur faudrait, enfin, renvoyer les idées maléfiques de Hayek et Friedman aux oubliettes de l’histoire. Il leur faudrait pouvoir changer de PARADIGME maintenant.

    Mais, pour citer Lordon dans sa dernière livraison du Monde Diplo: « le canard continue de courir longtemps après qu’on lui a coupé la tête ». Nous sommes partis, me semble-t-il pour une bonne grosse dépression, « comme il en arrive une tous les cent ans », aux prolongements malheureusement trop prévisibles : « régimes politiques musclés », bruits de bottes, conflagration généralisée. Le cerveau reptilien de l’homme reprend le dessus quand le « stress » dépasse le seuil tolérable.

    A moins que….pour une fois il y ait vraiment des hommes de bonne volonté.

  6. Avatar de François Pignon
    François Pignon

    En poussant à l’extrême (même raisonnement que Strategix) : la liquidité qui trouve refuge dans les treasuries (à des prix insensés – yield de 0.75%) peut être réinjectée de manière illimitée dans le marché interbancaire par la Fed à des taux plus raisonnables- et même avec profit. La dette publique (très demandée donc facile à lever) se substitue progressivement à celle du secteur privé. Bref , fictivement, la nationalisation globale.

    Ce qui me semble intéressant à ce stade de la crise, ce serait d’estimer la part psychologique dans la précipitation des évènements. En principe, avec du temps et des mesures adéquates (parfois radicales), on devrait pouvoir à terme restaurer la confiance. On ne retrouvera par contre jamais les 1000 milliards envolés dans le subprime et les centaines de millions emportés par l’éclatement de la bulle financière .

  7. Avatar de Armand

    Quant à moi, tout me semble bien se dérouler jusqu’ici.

    L’étage supérieur de l’escroquerie pyramidale a implosé (la « finance », son effet de levier, ses banques d’« affaires », ses « produits », ses « fonds ») ; l’étage moyen est sévèrement atteint et peut s’effondrer en totalité (« le système bancaire » et son effet de levier, sa monnaie-dette), l’étage inférieur est lui aussi atteint et pourrait imploser (la monnaie fiduciaire)

    Sauf que les « Nous le Peuple » commencent à avoir la frousse, au lieu d’avoir le courage et l’esprit critique nécessaires. Ils n’hésiteront pas à accepter, voire à demander, le « secours de l’Etat », c’est-à-dire en fait à continuer de confier leurs libertés aux élites faillies qui les ont conduit jusque-là ; le risque de fascime et de dictature augmente ; tout est d’ailleurs prêt au plan législatif : merci « la guerre à la terreur », quelle belle création marketing !

    Heureusement quelques citoyens, assez nombreux semblent-il, continuent à refuser de payer pour la corruption et la cupidité des uns et la servilité des autres.

    @François Pignon : avec des taux quasi nuls et l’émission monstrueuse de notes ou bills (i.e. oblig à court terme en renouvellement permanent) que se passerait-il si les taux remontaient ? un crach obligataire. Comment USA Inc. pourra-t-il simplement payer les intérêts de sa dette déjà émise et de cette nouvelle dette qu’il crée, dans le cadre d’une récession ? (A propos la dette publique, USA Inc. a franchi ce mercredi soir le cap symbolique de 10 T$)

    Même la FED ne peut plus suivre son bilan est passé de 800 B$ à 1.2 T$ (+50%) en quelques semaines. Je ne parle pas des états européens : le PIB de la Teutonie Réunifiée est du même ordre de grandeur que le poids de la Deutsche Bank (qui est en levier 50 entre ses actifs et ses engagements). On est passé du « too big to fail » au « too big to save ».

  8. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Je rebondis sur ce qu’a dit Gibus.

    je remarque beaucoup de leaders d’opinion, d’experts, d’économistes, de penseurs, à la notoriété certaine notoriété, ou plus incertaine, partagent des idées très proches les unes des autres et offrent globalement un nouveau « paradigme », véritable alternative à l’idéologie dominante.

    Le problème c’est que souvent ils s’ignorent. il n’y a qu’à lire les bibliographies à la fin de leurs ouvrages publiés et leurs déclarations publiques.

    Cela m’a toujours frappé de constater que les personnes qui avaient la plus grande parenté de pensée ne se citent pas mutuellement. Si l’on considère que la recherche a une dimension politique et sociale, alors on se dit : quelle gaspillage d’énergies ! Ces dernières mises en commun pourraient créer de belles synergies. Mais pour cela il faut savoir se départir de son petit égo. Mais à situation exceptionnelle, comportement exceptionnel. Espérons.

  9. Avatar de vudailleurs
    vudailleurs

    Et si, pour résoudre tous les problèmes, on nationalisait les banques, ce qui se fait déjà par la force des choses, et les mettait sous la tutelle d’une banque mondiale cautionnée et contrôlée par les états. Une seule monnaie globale, la transparence et finis les paradis fiscaux. On serait ainsi certain de l’application de régulations universelles. Cela n’empêcherait pas divers services financiers de survivre et de prospérer dans le secteur privé (audit, conseil, prospection, etc.).

  10. Avatar de A-J Holbecq

    @vudailleurs

    Le problème, me semble t-il, c’est qu’il est difficile d’avoir une monnaie commune si l’ensemble des régles fiscales, sociales et autres ne sont pas, au moins, proches. ..; car sauf à cela, les pays les plus ‘économiquement performants’ refuseront de tirer les autres.

  11. Avatar de Armand

    Exactement, il suffit de regarder l’EuroLand pour se rendre compte de ce que dit A-J Holbecq : quand (si ?) les nordiques ne voudront plus soutenir les ClubMedistes, ou que ceux-ci ne voudront plus suivre ceux-là, l’euro implosera.

  12. Avatar de Jean Bayard

    Bonjour Paul,

    A mon humble avis, il existe une solution, simple de surcroît, pour éviter la paralysie complète du système bancaire que vous pronostiquez avec tant de lucidité.

    On prétend que la monnaie qui s’échange sur les marchés interbancaires est de la monnaie centrale. Je crois que la preuve vient d’être indubitablement apportée qu’il s’agit-là d’une monumentale imposture destinée à tromper l’opinion. La banque centrale ne maîtrise absolument pas le système bancaire et encore moins le pouvoir de création monétaire par les banques qui n’en font qu’à leur guise.

    Comme vous le savez, à la sortie de la compensation, les positions débitrices sont égales aux positions créditrices. En France, il existe deux systèmes à règlements nets, le SIT et le PNS selon l’importance des sommes traitées. Sauf erreur de ma part, les positions sont réglées dans le SIT de gré à gré entre les banques, deux à deux, tandis qu’elles sont réglées sur le marché interbancaire pour le PNS. Si mes informations sont exactes, il existe aux USA deux systèmes : le Chips comparable à notre SIT et le Fedwire comparable à notre PNS avec pour différence qu’aux Etats-Unis, ces systèmes sont à règlements bruts.

    Dans tous les cas, on remarquera que l’offre et égale à la demande !

    Vous savez également qu’en France, et je présume qu’il en est de même aux USA, la législation impose que toutes les opérations soient inscrites immédiatement après la compensation aux comptes des banques ouverts à la banque centrale. Cette réglementation laisse croire que la banque centrale fournit les banques débitrices en monnaie centrale, tandis que les autres en disposeraient, alors qu’il n’en est rien. La banque centrale ne sert que de chambre d’enregistrement, un point c’est tout !

    La solution que je préconise consiste à obliger la banque centrale à exercer son rôle de super-banque. Elle se substituerait aux marchés de gré à gré et interbancaires et imposerait sa monnaie comme règlement. Les unes seraient emprunteuses, les autres prêteuses vis-à-vis de l’autorité monétaire et non les unes vis-à-vis des autres, comme c’est le cas actuellement.

    Cela ne plairait pas à tout le monde, car la super-banque s’apercevrait que les banques profitent de la compensation pour « faire passer » une bonne partie de leurs opérations pour propre compte. Il y a longtemps en effet (milieu des années 80), que les banques françaises ne règlent plus leurs fournisseurs par chèque ou virement tiré sur la banque centrale.

    Ces dispositions font partie d’un vaste plan d’ensemble, sur lequel j’ai beaucoup travaillé. Il est destiné à remettre en ordre les systèmes monétaires nationaux qui n’en peuvent mais !

    Jean

  13. Avatar de Touano
    Touano

    Bonjour

    « Voilà où on en est : les banques ne se prêtent plus qu’à des taux prohibitifs, prohibant en fait toute transaction entre elles. »

    La FED et la BCE n’ interviennent elles pas pour justement eviter tout cela ??

  14. Avatar de A-J Holbecq

    @Jean

    Pouvez vous nous expliquer ce que vous comprenez dans le terme « refinancement » (par les banques Centrales)

    Merci

  15. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Jean Bayard dit:

    «  »La solution que je préconise consiste à obliger la banque centrale à exercer son rôle de super-banque. Elle se substituerait aux marchés de gré à gré et interbancaires et imposerait sa monnaie comme règlement. Les unes seraient emprunteuses, les autres prêteuses vis-à-vis de l’autorité monétaire et non les unes vis-à-vis des autres, comme c’est le cas actuellement. » »

    Tout à fait d’accord. Ce serait là déjà un procédé salubre si rien ne venait, comme souvent, faire dériver le traitement monétaire vers les intérêts privés les mieux placés dans le système, donc soumettant, de facto, le système financier à ses « directives ».

    Je pense que beaucoup savent sur ce blog, que la FED n’est nullement une banque publique mais bien une banque privée à actionnaires dont, historiiquement, les plus importants et déterminants font partie de la City de Londres, ce qui cadre « très bien » avec le fait que c’est le modèle financier anglo-saxon qui « régit » le monde depuis le XIXème siècle.

    L’intéressant article transmis par Glycogène – dans: « La crise parviendra-t-elle à traverser l’Atlantique? » ayant pour titre: « Ce que Wall-Street espérait gagner », par Pam MARTENS est – révélateur – des « mœurs » bancaires au plus haut niveau. Cela rappelle très bien les « circonstances » du vote de la loi américaine du 23 décembre 1913, loi qui « régit » depuis presqu’un siècle la Federal Reserve. Presque à la fermeture du congrès, 48 heures avant Noël et les vacanaces, presque vide, en catimini, dans l’indifférence générale, la coterie financière étatsunienne s’installait durablement, disons pour faire court mais exact, aux « commandes du monde ».

    Rappel

    Et il y a peu d’années, lorsqu’il fut quasi certain que Ben Bernanke allait être nommé à la tête de la FED, j’avais dit autour de moi qu’on savait quel serait le prochain – président du monde -, j’ai alors entendu mon entourage dire, condescendant de « pitié » à mon égard: « quelle c… il raconte encore celui-là ». Peu de semaines après, en feuilletant un N° du Nouvel observareur, j’y vis un petit article sur cette nomination signé Gabriel Fredet où il disait: « Ben Bernanke, le président du monde »…

    Espérons que cette période est bien finie, mais rien n’est encore gagné en cette période primordiale de gestation où certaines « décisions » passant inaperçues (par de tout le monde évidemment) auraient alors des implications durables dans le futur…

  16. Avatar de Jean Bayard

    @ A-J Holbecq

    Vous me posez une question très importante, celle du refinancement des banques par les banques centrales. A mon avis, la BC ne refinance plus depuis longtemps (si elle les a jamais refinancé) les banques dans leurs activités de création monétaire, mais elle le laisse croire : une imposture de plus pour cacher son impuissance !

    Les banques se financent à la banque centrale pour répondre aux obligations qui leur sont faites : 1) se fournir en monnaie fiduciaire (nécessité économique) et 2) constituer les réserves obligatoires (législation). A ma connaissance, c’est tout. J’ajouterai que l’abondance de monnaie centrale, car il s’agit bien ici de celle-là, réduit très sensiblement les besoins de « re »financement des banques. On trouve la preuve de l’abondance de monnaie centrale américaine si l’on examine le bilan de la Fed, d’une part, et dans les mesures prises depuis quelques mois par celle-ci envers le système bancaire américain, d’autre part. Vous savez en effet que la Fed n’a pas voulu augmenter les liquidités à destination du secteur bancaire, puisqu’elle a décidé d’échanger des titres pourris contre des bons du trésor qu’elle possédait à son actif, permettant ainsi aux banques emprunteuses d’obtenir les prêts que leur refusaient les banques prêteuses. Elle aurait pu en échange de ses titres alimenter les besoins des banques en difficulté, ce qu’elle n’a pas fait. Pourquoi ? Je ne vois qu’une explication : la monnaie centrale est déjà trop abondante. Quand l’on sait que seules les banques et le Trésor disposent de cette monnaie, on peut se poser la question de savoir ce qu’en auraient fait les banques bénéficiant de toutes ces liquidités. Il faut bien voir que ce qui manque aux unes vont aux autres. En théorie, elles pourraient se payer n’importe quoi !

    J’espère avoir répondu à votre attente.

    jean

  17. Avatar de Armand

    @Jean Bayard

    Dans les opérations de « swap » réputées créer de la liquidité dans le système bancaire, sans créer de monnaie centrale supplémentaire (inflationniste), que pensez-vous de la manipulation suivante :

    1) moi, la Bank Root, j’échange un actif potentiellement toxique et dont ne veulent pas mes consoeurs, contre des T-bonds de la FED. Jusque là nous somme d’accord, pas de création monétaire, aucun nouveau dollar (mais la qualité de ceux déjà émis en contre-partie des T-bonds est atteinte),

    2) au lieu d’apporter ces T-bonds à une de mes consoeurs prêteuse, à un taux délirant, de notre monnaie bancaire, je me contente de la gager à la FED en refi classique à un taux d’ami : il y a alors création de monnaie centrale.

    Ainsi mêmes ces opérations peuvent être détournées, la création monétaire est toujours là.

  18. Avatar de Paul Jorion

    Je vois que ReOpen911 me cite. Je leur ai envoyé le message suivant :

    Bonjour, cela ne me dérange pas que vous publiiez mon papier. Ceci dit je ne vous l’ai pas communiqué. Aussi veuillez bien supprimer cette mention : « Article communiqué par Paul Jorion »

    Amicalement,

    Paul Jorion

  19. Avatar de Strategix
    Strategix

    Ce weblog, est-ce un lien sérieux avec ReOpen911 ?

    On y trouve des articles honorables comme ceux de notre hôte et de Stiglitz, mais l’article attribué à Moore est plus étrange, surtout sa conclusion (et on ne le retrouve pas sur le site officiel de Michaël Moore), et tout cela en français.

  20. Avatar de Strategix
    Strategix

    @ Paul Jorion,

    Plus je regarde ce weblog 911, plus il me semble possible que ce soit un détournement de notoriété (attirer les internautes fans de Paul Jorion vers un site étrange, en se prévalant d’articles honorables qui leurs permettent de mettre des liens en place). L’adresse .com n’est pas reopen911 (c’est juste un préfixe). Et les propos y sont nettement plus farfelus que ceux tenus sur reopen911.info

  21. Avatar de Jean Bayard

    @ Arnaud,
    Bonjour. A mon avis, vous, Bank Root (!) disposant de T-bonds avez des besoins de trésorerie pour vous être adressé à la BC. Sans création de monnaie centrale, nous sommes d’accord. Je pense que contre ces titres de qualité supérieure, votre consœur vous accordera un prêt (dont vous avez besoin) à un taux normal, puisque le prêt est sans risque. Dans l’hypothèse que vous soulevez, à laquelle je ne crois pas, vous *paieriez* le taux du refi pour disposer de la monnaie centrale. Création bien sûr. Mais, vous bénéficieriez d’un intérêt seulement si vous remettiez cette monnaie centrale en excédent à la BC en reprise de liquidités. Opération nulle, me semble-t-il.
    jean

  22. Avatar de A-J Holbecq

    @Jean Bayard

    Vous écrivez  » Les banques se financent à la banque centrale pour répondre aux obligations qui leur sont faites : 1) se fournir en monnaie fiduciaire (nécessité économique) et 2) constituer les réserves obligatoires (législation).  »

    … je suis évidemment d’accord avec vous … mais l’expression « refinancement » (c’est à dire les montants que les banques Centrales mettent à la disposition, pour un temps déterminé et en échange de « garanties » – les prises en pension – plus ou moins valables), n’est ce pas justement cela ? C’est ce que j’ai toujours cru. Merci donc de m’indiquer, selon vous , la différence entre  » financement » et « refinancement »

    C’est votre phrase  » On prétend que la monnaie qui s’échange sur les marchés interbancaires est de la monnaie centrale. Je crois que la preuve vient d’être indubitablement apportée qu’il s’agit-là d’une monumentale imposture destinée à tromper l’opinion.  » qui me gêne … en quoi est-ce faux ?

    Par contre, je suis bien évidemment totalement d’accord avec vous sur votre conclusion  » La solution que je préconise consiste à obliger la banque centrale à exercer son rôle de super-banque. Elle se substituerait aux marchés de gré à gré et interbancaires et imposerait sa monnaie comme règlement. Les unes seraient emprunteuses, les autres prêteuses vis-à-vis de l’autorité monétaire et non les unes vis-à-vis des autres, comme c’est le cas actuellement. »

    … une couverture à 100% reviendrait sans doute au même résultat.

  23. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    A propos des théories conspirationnistes, on peut presque dégager une règle générale. Sur un site ou un blog traitant directement ou indirectement de sujets politiques, il y aura toujours un certain nombre d’intervenants adeptes des théories conspirationnistes. Personnellement, je crois qu’il s’agit d’une structure psychique invariante, une sorte de biais cognitif. Faute d’être capable d’admettre la complexité du monde, c.a.d. l’écheveau des intérêts qui s’entrechoquent, l’esprit humain simplifie grossièrement la réalité, en la ramenant à une seule cause agissante, de préférence diabolique. Même si sa théorie s’est avérée insuffisante, on ne le constate que trop ces jours-ci, un monsieur comme Hayek avait très bien analysé cette disposition de l’esprit humain. Le marché est un organisme hautement complexe, des millions d’agents prennent des décisions toutes les secondes. Par conséquent, on ne peut pas l’analyser comme s’il s’agissait de l’action d’un seul individu ou d’une classe d’individus, à fortiori si on leur attribue des intentions foncièrement malveillantes.

  24. Avatar de Armand

    @Jean,

    Je poursuis mon raisonnement conspirationniste, je suis la « bank shark », et j’estime que je me porte bien –enfin, moins mal que la plupart de mes consoeurs, qui sont aussi mes concurrentes. J’ai faim.

    En échangeant le plus possible de mes actifs plus ou moins douteux ou même de qualité honorable contre les T-bonds de la BC (qu’elle possède en nombre limité), j’empêche mes consoeurs qui en ont davantage besoin de le faire –ou à tout le moins je les gêne.

    En outre, remettant ces T-bonds à la BC contre des liquidités, je fais toujours concurrence à mes consoeurs dans les opérations de refi.

    De plus, même à taux d’intérêt identique, je paie la BC pas mes consoeurs.

    Bref ma demande tant sur les T-bonds de la BC que sur ses opérations de refi, fait monter les enchères : je saigne mes consoeurs que je pourai pousser à la faillite et racheter à pas trop cher. D’autant que même si ces opérations me coûte un petit intérêt mon bilan paraitra meilleur et je pourrai même m’offrir le luxe de payer avec ma propre monnaie de singe : mes actions.

    Exemple actuel, ‘C’ (Citi) s’offrait la partie rentable de WB (l’activité bancaire -et surtout les dépôts- de Wachovia) ; hier WFC (Wells Fargo) fait une surenchère en prenant tout WB pour 15.x Md$.

    Sauf que WFC « paye » uniquement en actions, pas en « vraie » monnaie ; Lorsque WFC a sorti ses derniers trimestriels (Q2) elle a annoncé un bénéfice alors que les analystes attendaient une perte. En regardant de plus près on s’apperçoit que c’est uniquement dû à une modification de leur règle du jeu : en augmentant le retard d’impayé de 120 à 180 jours avant de provisionner le prêt, WFC s’est offert un trimestre gratuit. A règle du jeu comparable, WFC sortait une perte supérieure à celle attendue : aurait-elle pu continue à jouer au monopoly ?

  25. Avatar de Jean Bayard

    @ A-J Holbecq
    Le terme de refinancement laisse supposer que les banques se trouvent contraintes de se financer auprès de la BC pour exercer leur faculté de créer la monnaie dite secondaire. A mon avis, là est la supercherie. Les banques n’ont à aucun moment besoin de recourir à la monnaie centrale, excepté pour répondre à leurs obligations 1) et 2). Je pense que vous êtes tombé vous aussi dans le piège, puisque vous me demandez de vous dire pourquoi ce n’est pas de la monnaie centrale qui s’échange sur le marché interbancaire. Sur ce marché, il ne s’échange que de la monnaie créée par les banques pour la circonstance (monnaie de contrepartie), puisqu’elle échappe à l’autorité monétaire. La monnaie centrale ne quitte jamais l’Institut d’émission. Pour l’utiliser, il faut la faire passer d’un compte à un autre tous deux nécessairement ouverts chez elle. Le simulacre de fonctionnement par inscription en comptes auquel on assiste à la sortie de la compensation ne suffit pas pour prétendre qu’il s’agit de monnaie centrale.
    En ce qui concerne la couverture à 100%, je ne puis ici développer les arguments qui s’y opposent. J’ai fait une étude assez fournie que je pourrais vous passer. Demandez à Etienne de ma part de vous communiquer mon adresse électronique.
    jean

  26. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    @ Ton vieux copain Michel,

    Je suis d’accord sur le fond, les théories conspirationnistes sont réductrices par définition.
    Mais il semble que Monsieur Hayek que vous citez est tout aussi réductionniste.

    Ne cherche-t-il pas dans les lois du marché la cause unique de toutes les actions humaines, sociales et économiques confondues ? Si c’était le cas, il me semble que sa théorie n’est pas simplement insuffisante mais est elle-même une forme de constructionnisme qui ne s’avoue pas.

    Hayek pose la possibilité d’un ordre socio-économique spontané, mais cet ordre ne peut lui même exister qu’en s’opposant aux pratiques et théories constructivistes. Il a donc dès le départ une portée politique. D’ailleurs le grand combat de la vie de Hayek a été de se faire le propagandiste de ses conceptions sociales et économiques. Et ce n’est pas faire du conspirationnisme que de dire que l’idéologie néo-libérale doit beaucoup à Hayek.

    Une société dont les individus produisent l’ordre économique optimal résultant des interactions individuelles ne se produit pas spontanément, mais est elle-même le résultat d’une certaine configuration sociale, politique et autres. Il faut donc en créer les conditions. Et pour arriver à la situtation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, il a bien fallu qu’un état, des intérêts privés, et donc curieusement les groupes que Hayek dénonce lui-même comme une entrave à la liberté individuelle des agents, soient intervenus en ce sens. La spontanéité de l’ordre Hayékien ne renvoie qu’à Hayek et sa théorie.

    Lorsque des politiques se sont inspirés de sa pensée et ont dérégulé donnant toute latitude au libre jeu des interactions individuelles, on a vu à quoi cela a abouti. Par exemple, une sphère financière déconnectée de l’économie réelle.

  27. Avatar de A-J Holbecq

    @Jean Bayard
    Je veux bien essayer de vous croire mais tel n’est pas l’avis de gens comme Plihon, Chaineau ou d’autres. Vous ne m’avez pas expliqué à quoi correspondent les sommes pharamineuses de « refinancement » et pourquoi elles sont nécessaires si, comme vous le dites, sur le marché interbancaire ne s’échange que de la monnaie créée par les banques pour la circonstance (monnaie de contrepartie),

    D’autre part il me semble qu’aucune monnaie scripturale « ne quitte » jamais un compte à un quelconque moment, même lors d’un virement .. un transfert c’est juste un ordre (et un engagement interbancaire) de créditer d’un coté et de débiter d’un autre.

  28. Avatar de vudailleurs
    vudailleurs

    Bonjour.

    @ Paul Jorion et Strategix

    Le véritable site francophone demandant la réouverture d’une enquête indépendante sur le 11/9 est http://www.reopen911.info/ et non http://www.reopen911.org qui est en anglais et comme on le voit, bien moins fourni. Après recherche sur reopen911.info , reopen911.org serait le site de l’initiateur du mouvement, Jimmy Walter. Vous pouvez chercher l’interview de ce dernier sur le site francophone.

    J’ai cherché ce matin le mot « jorion » sur ces deux sites et n’ai rien trouvé. Ont-ils retiré votre papier, Paul? Ou auriez-vous plus de précisions?

    @ Ton vieux copain Michel

    Je ne fais pas partie de ces organisations mais je m’intéresse à leur travail car cela le mérite. Il faut se poser des questions. Ces gens y répondent le plus souvent d’une manière scientifique, font très attention à ce que leurs raisonnements et l’évidence qu’ils fournissent soient très solides. A ne pas confondre avec une flore inévitable d’opportunistes sur internet, ceux-ci ne sont pas des illuminés ni des « complotistes » comme la presse conformiste le raconte pour satisfaire les intérêts des magnats et des fonds qui la contrôlent. Mille cinq cent érudits, professeurs, spécialistes, pilotes d’avion, ingénieurs, architectes, scientifiques, juristes, représentants, familles de victimes, pompiers, témoins, artistes, hommes d’affaire et plus de la moitié des américains demandent une nouvelle enquête.

    Je crains donc fort que la folie simpliste que vous décrivez d’une manière condescendante, ainsi : « l’esprit humain simplifie grossièrement la réalité, en la ramenant à une seule cause agissante, de préférence diabolique », ne puisse s’appliquer à un tel mouvement. Je pense que vous êtes vous-même sérieusement tombé sous l’influence de ces média eux-mêmes tragiquement simplificateurs et mysticistes, vieux copain, et qu’il est temps de vous secouer un peu pour vous débarrasser de la gangue qu’ils jettent sur les esprits.

    Ceci dit, nous nous écartons du sujet, mais comme tout est lié, la question du 11 Septembre risque de réapparaitre assez souvent dans le débat sur le monde financier.

  29. Avatar de Jean Bayard

    @ A-J Holbecq

    Je vous invite cordialement à prendre connaissance de mon article sur le pouvoir de la banque centrale sur l’émission monétaire.

    Je cherche en vain les sommes pharamineuses dont vous me parlez. L’étude du bilan de la Banque de France au 31 12 2006 montre au contraire que le poste refi s’élève à 15,8 mds €, alors que l’Institut d’émission a créé pour 120,2 mds € de billets de banque et que les banques ensemble détiennent 26,4 mds € de réserves obligatoires. Ce qui veut dire que pour alimenter leurs besoins en billets et en réserves obligatoires d’un total de 146,6 mds €, les banques dans leur ensemble ont fait appel à la BDF seulement à hauteur de 15,8 mds €. Il faut savoir que la BDF, et toutes les BC, créent de la monnaie centrale, lorsque elles achètent des devises (réserves) souscrivent à des bons ou obligations du Trésor (USA) ainsi que dans toutes leurs opérations avec l’extérieur à leur établissement. Cette abondance de monnaie centrale semble inconnue des gens que vous me citez.

    En ce qui concerne la deuxième question, le transfert d’un compte à un autre, d’une banque à une autre, correspond bien à un engagement interbancaire, comme vous le dites, et c’est précisément la raison pour laquelle les banques en présence doivent s’entendre sur le financement interbancaire qui en découle obligatoirement.

    J’espère avoir apporté la réponse que vous attendiez.

    jean

  30. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    @ Pierre-Yves D.

    J’ai mentionné les théories conspirationnistes non pas pour évoquer les attentats du 11 septembre (en ce qui me concerne je trouve ces théories parfaitement absurdes) mais pour évoquer une certaine disposition d’esprit, plus générale, et qui concerne toute approche d’un phénomène hautement complexe, comme celui des marchés financiers. L’erreur, constatée par Hayek, est d’appliquer à un système complexe, massivement parallèle pour reprendre le terme en usage en informatique, une logique individuelle. Non, on ne peut pas réduire le fonctionnement d’un système complexe à l’action d’une seule cause. La main invisible n’est pas une main concrète pliant le marché à son bon vouloir mais l’interaction de millions de mains cherchant désespérément à maximiser leur utilité dans un environnement aléatoire, incertain et à information partielle. Il va de soi que certains acteurs du marché sont mieux informés et outillés que d’autres, et que d’autres part, il peut exister des collusions d’intérêts et des ententes, mais il n’en reste pas moins qu’il est impossible d’isoler une seule cause agissante. Les ententes ne resteront que locales.

    Les théories conspirationnistes vont encore un pas plus loin. Elles ajoutent une dimension diabolique (souvent occulte) à cette présomption de causalité. Non seulement, la main invisible est réduite à une seule main, mais en plus elle est démoniaque.

    En ce qui concerne Hayek, cela fait longtemps que je l’ai lu, mais je me souviens qu’il n’était pas un adepte du laissez-faire intégral. Certes, pour lui, seul le mécanisme de marché était en mesure de déterminer la valeur et le prix d’un bien ou d’un service mais il ajoutait que ce marché devait être encadré et régulé. Hayek a témoigné d’une confiance peut-être excessive dans la vérité du marché, il n’empêche qu’on lui fait un mauvais procès, tout comme à Adam Smith d’ailleurs, qui vaut beaucoup mieux que ce qu’on lui a prêté.

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