La chute libre

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Je regarde les rapports qui circulent, les analyses qui sont faites. Un rapport que je viens de transmettre à quelques amis, soumis au sénat américain jeudi – qui avait alors d’autres préoccupations – s’intitule : « Le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars est beaucoup trop peu et vient beaucoup trop tard pour mettre fin à la crise ; beaucoup trop gros et beaucoup trop tôt pour le marché obligataire américain » (Weiss Research Inc.). Il n’existe plus de réserves qui pourraient absorber les pertes qui se dessinent ni plus de marché où l’on puisse se procurer les sommes qu’il faudrait trouver.

Jusqu’au weekend dernier on pouvait encore découvrir ici ou là des commentateurs dits « réalistes » qui affirmaient : « certains exagèrent ! ». Maintenant, c’est terminé, ils ont disparu. On n’entend plus dire qu’une seule chose : « C’est encore bien pire que ce qu’on pouvait imaginer ! ». Je l’écrivais il y a quinze jours dans Le dernier carré : « … aucun des innombrables coupe-feux en place au sein du système financier n’aura pu retarder d’une seule seconde l’avancée de l’incendie. Maintenant, ne subsiste plus que son cœur-même, alors que toutes les défenses sont tombées ».

Et le fait est que le système est désormais en chute libre, et si l’on s’agite vainement sans parvenir à trouver un filet, il est clair aussi qu’avec la vitesse qu’il a acquise, aucun filet ne pourrait même le retenir.

Le Président de la République française a dit il y a deux jours, après avoir brièvement résumé des analyses du type de celle que je propose dans mon article « L’après-capitalisme s’invente aujourd’hui » dans le dernier numéro du Débat : « Non ! Le capitalisme n’est pas mort ! ». Mais il ne suffit plus de le prétendre, il faut désormais en apporter la preuve.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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28 réponses à “La chute libre”

  1. Avatar de helios
    helios

    Il est vrai que le système financier US est le seul à ne pouvoir être sauvé QUE par lui-même… Parce que « Too big to save » ! Sans compter que le reste du monde s’apprête à encaisser le tsunami financier en approche… La crise va être rude. Mais je n’arrive pas à envisager une faillite du système financier US, pourtant ça ne peut être exclu ; c’est fou…

  2. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Attention tout de même.

    À pas si long terme, je l’ai déjà dit ici et là à plusieurs reprises, il pourrait bien sortir de cette
    – crise financière – une genre de « monnaie mondiale », appelons-la: euro-dollar, cette « combinaison » « hausserait » le dollar de 50% et « baisserait » l’euro de 50%. Façon planétaire de faire payer au moins 50% (sinon plus, je simplifie) au « reste du monde », zone euro en tête, les dettes et pertes abyssales des États-Unis.

    Je ne pense pas en général que l’histoire se répète vraiment, même si parfois elle bégaie. Mais, simple rappel: durant les 45 années passées, le dollar a déjà varié au change du simple au double, au moins 1 fois (sinon plus). Ce qui fit payer (entre tant d’autres choses!) aux non étatsuniens: et la guerre du Vietnam, et le pied sur la Lune. C’est comme ça que la haute finance américaine, dont il faut se méfier au plus haut degré jusqu’au bout, vampirise et s’approprie les biens essentiels et vitaux de ce monde avec le vent des baudruches du dollar, tout en sapant les autres nations et entités économiques et monétaires.

    Jusqu’à présent, le bluf magistral et la concurrence, ou pseudo-concurrence – interne – à la haute finance étatsunienne faisait croire encore qu’ « on allait maîtriser » la crise, ainsi la « descente » n’était pas en chute libre… Mais cette fois, les artifces ne semblent plus fonctionner. Tout au plus peut-on parier qu’il y aura une « divine surprise » d’ici ce soir dimanche par un « accord » sur le « repêchage des banques », cette fois, enfin, ce serait le « bon »!!… Et que les bourses vont à nouveau rebondir, et même superbondir, dès demain matin lundi …

  3. Avatar de Armand
    Armand

    Sur les publications de Martin Weiss :
    http://www.marketoracle.co.uk/Article6404.html
    et un historique de ses publications sur ce même site :
    http://www.marketoracle.co.uk/UserInfo-Money_and_Markets.html

    Et j’espère bien que le capitalisme n’est pas mort, c’est lui qui est à la base du progrès. Mais le véritable capitalisme, celui ou l’on apporte et investit une richesse réelle : travail, savoir-faire, épargne (c’est-à-dire de la véritable monnaie, pas une monnaie créée à l’infini en contre-partie d’une dette) dans le but de créer de nouvelles richesses qui répondent à des besoins réels.

    Ce qui doit crever c’est la finance et les « money makers », ce qui doit disparaitre ce sont leurs complices : les banques centrales et leurs monnaies de singe, et ce qui doit maigrir c’est la banque. (c’est très schématique évidemment !)

    @ Hélios : imagine simplement que tu es un citoyen soviétique du début des années 90, que ton « pays » fait des guerres civilisatrices à l’extérieur, que la pravda te confirme que tout va bien :le plan quinquenal est tenu –jamais d’ailleurs les usines n’avaient produit tant d’armes, ni le budget financé de telles dépenses ; que tu devras bientôt voter démocratiquement pour choisir entre deux membres du politbo, etc…

  4. Avatar de hopfrog
    hopfrog

    @ Paul Jorion

    « Et le fait est que le système est désormais en chute libre, et si l’on s’agite vainement sans parvenir à trouver un filet, il est clair aussi qu’avec la vitesse qu’il a acquise, aucun filet ne pourrait même le retenir », écrivez-vous.

    Je remarque que cette fin du système, vous l’évoquez par une comparaison avec la chute d’un objet ou d’un corps, mais vous ne la démontrez pas.

    Cependant, mon objection principale sera la suivante : qu’y a-t-il pour vous derrière le mot « système » ?

    Si ce mot renvoie au fonctionnement actuel du marché mondial, tous les indices convergent actuellement pour suggérer que sa fin est proche, voire imminente.

    En revanche, il est loin d’être certain que le capitalisme EN TANT QUE TEL soit appelé à disparaître prochainement. Peut-être (pure hypothèse de ma part) en reviendra-t-on plus ou moins au système de capitalisme régulé qui fut celui de l’économie française jusqu’au milieu des années 70 ?

    Je crois d’ailleurs que l’on retrouve là (à ma très modeste échelle) la question que François Fourquet vous posait dans ses « 25 thèses sur le capitalisme », auxquelles vous nous aviez promis une réponse…

  5. Avatar de helios
    helios

    Il semble qu’en tant que système on ne parle plus de capitalisme, mais du corporatisme de l’administration Bush. D’ailleurs les nationalisations ne les dérangent pas puisqu’elles servent à préserver leurs intérêts.

  6. Avatar de Paul Jorion

    @ hopfrog

    Je n’oublie pas la réponse à Fourquet. Cela commencera par un rappel que le capitalisme ce n’est pas la concurrence entre marchands du système de marché, c’est un système social composé de capitalistes, de marchands et de travailleurs, et que ce système est appelé « capitaliste » parce qu’il est dominé par les capitalistes, les investisseurs. Ce système dominé par les capitalistes est très, très mal en point.

    Dans les commentaires faits à vif pendant le discours de Sarkozy rue89, jeudi 25 septembre à 18h 30, j’écris :

    La crise actuelle n’est peut–être pas la crise ultime du système économique fondé sur le marché, mais c’est très certainement une crise du *capitalisme* : le « capitaliste », c’est celui qui apporte le capital, c’est–à–dire l’investisseur. La spéculation est en train de tuer l’économie et également le système des marchés, mais elle est malheureusement au cœur-même du capitalisme : la spéculation, c’est la méthode-même du capitaliste.

    J’envoie les épreuves corrigées du nouveau livre chez Fayard mardi soir, et après cela mes deux priorités immédiates sont : la réponse à Fourquet et un éditorial pour Anthropology Today.

  7. Avatar de coco
    coco

    @ Armand
    pour moi ce qui est à la base du progrès c’est « l’énergie »….
    si il n’y avait pas eu le charbon ou le pétrole…. capitaliste ou pas, le 20ème siècle n’aurait jamais eu l’essor qu’il a eu…

    Et quand on me dit capitaliste, je pense à « toujours plus vite, plus loin, plus souvent pour moins cher »…
    et ça c’est « à fond dans le mur »….
    juste un petit exercice de mathématiques :

    avec 5% de croissance, tous les 15 ans on la multiplie par 2
    ce qui fait qu’en 100ans on la multiplie presque par 128….
    comment vont faire les marketeux et les investisseurs pour nous faire gober qu’on va devoir acheter « 128 téléphones portables » pour se sentir mieux ?
    et ou va t’on trouver la matière première pour produire 128 fois plus que maintenant ?

    ce qui arrive actuellement me désespère car les plus pauvres vont encore trinquer…
    mais de savoir que quelques millions d’investisseurs et autres boursicoteurs vont y laisser leurs chemises
    en revanche….

  8. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Qu’est-ce que je vous avais dit aujourd’hui il y a quelques heures ! (à 11h32)

    http://www.lefigaro.fr/international/2008/09/28/01003-20080928ARTFIG00015-le-plan-bush-a-franchi-une-etape-.php

    Voir aussi dans ce lien l’intretien avec Félix Rohatyn mondialiste à la énnième puissance…

  9. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Rumbo, j’ai lu l’article que vous avez référencé.
    ce qui me frappe surtout c’est que mêmes des journaux de droite ou du centre, comme Le Monde, vont interviewer, des experts, économistes, très critiques du néo-libéralisme. C’est un signe qui ne trompe pas. Les suports médiatiques du système ne savent plus à quels saints se vouer ! Ils ont perdu la foi. On n’entend plus parler des Alain Minc et autres affidés de la « ‘mondialisation heureuse ». L’idéologie néo-libérale est morte. Reste le capitalisme …
    Vous trouvez Royatyn très mondialiste, moi je lui trouve surtout un discours très « new deal ». Evidemment cela n’en fait pas un révolutionnaire.

  10. Avatar de hopfrog
    hopfrog

    @ Paul Jorion

    Super. Merci pour cette réponse.

  11. Avatar de Jean-Baptiste

    Je pense que la crise est en train de « rétablir » les choses. La masse financière représentait plusieurs fois la richesse réelle, 1 fois au moment courant, 1 fois a moyen terme, 1 fois à long terme c’est à dire autant de fois qu’il y a de termes aux marchés. Quand tout d’un coup cela doit « recoller » avec l’instant tout le système s’effondre. On a préféré payer les gens aujourd’hui moitié moins qu’il y a trente ans pour un métier équivalent en leur permettant de vivre de la même manière grâce au crédit. L’apparence a suffi aux gens et a permis de fluidifier la masse financière équivalente devenant disponible. Cependant là où l’on a cru créer de la richesse on a seulement créé de l’argent sans créer la contrepartie au moment présent mais seulement dans une hypothèse de croissance future qui dans l’imaginaire pouvait être exponentielle. Le jour où l’on doit payer (aujourd’hui) hélas il faut retrouver une contrepartie réelle et nous sommes à ce moment là.

  12. Avatar de Mike Girard

    Selon le NY Times d’aujourd’hui les 30,522 employés de Golman Sachs ont gagné une moyenne de $600,000 l’année passée, moyenne qui prend aussi en compte les secrétaires, mais pas les nettoyeuses…. ce qui fait grosso merdo 18 milliards de dollars de salaire en 2007. Tout ceci pour des cols blancs qui se branlent dans des réunions de money managers, devant des colonnes de chiffres sur Internet et souvent au golf… multipliez ce nombre par les autres banques d’affaires spécialistes de l’argent virtuel (Lehman, Merryl, JP Morgan and so on ) puis multipliez ce chiffre par 15 (ans). Vous aurez ainsi une idée des revenus de la bande de joyeux lurons (d’autres diront gangsters… ) qui manipulent le pognon, principalement à NYC, Londres, Paris, Genève….. MG 29 sept 2008

  13. Avatar de guillaume
    guillaume

    Espérons que F. Rohatyn soit de meilleur conseil pour une future régulation internationale qu’il ne l’a été pour Lehman Brothers, banque pour laquelle il travaillait en tant que président de son comité consultatif international et en tant que conseiller principal de son président, Richard S. Fuld, Jr….

    Le 9 octobre 2004, sous les auspices du Princeton Project on National Security, le Rohatyn Center for International Affairs et le Woodrow Wilson School of Public and International Affairs de Princeton ont co-parrainé une conférence sur le thème, « La privatisation de la sécurité nationale » au Middlebury College du Vermont. Une bonne dizaine d’universitaires, d’anciens membres du gouvernement et d’officiers à la retraite s’y trouvaient réunis en vue de préparer l’extension de la privatisation des activités militaires au profit de différentes PMC (private military companies). Ils ont pu entendre, entre autres, Felix Rohatyn, qui était également co-organisateur de l’événement. Tout un programme…

  14. Avatar de guillaume
    guillaume

    La roue tourne!

    extrait d’un article de l’Expansion (Ces banques d’affaires qui enfièvrent Wall Street) , du 1/10/2006:

    « Chez Bear Stearns, Michael Alix se tient lui aussi en alerte. Son indicateur de risque double depuis un an. « En 2005, j’ai eu seulement sept jours de perte. Le risque est là, mais on le tient. » Ce risque, il vit avec, il en connaît toutes les humeurs, comme un proche, et finit par ne plus en avoir peur. Ou peut-être fait-il semblant. « Pour les banquiers américains, résume Georges Ugeux, ancien directeur international du New York Stock Exchange reconverti en banquier d’affaires, le doute, c’est un luxe d’Européen. »

  15. Avatar de Mike Girard

    Et maintenant les obligations d’Etat américaines, les bons du Trésor, seront probablement la prochaine bulle à éclater sur les marchés financiers, la confiance dans la capacité des Etats-Unis à rembourser leur immense dette est mise en doute…. Bref dans peu de temps les bons du trésors US feront tout exploser. » MG, 29 sept 2008

  16. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    guillaume,
    merci pour ces précisions. Rumbo avait raison. J’ignorais le lourd passé de Riohatyn. Le Figaro a réussi à me faire croire qu’il interrogeait un homme très critique à l’égard du système. A droite on repeint en rouge la boutique des néo-libéraux.
    Le recyclage commence. Mais au moins cela montre que la bataille idéologique menée par les néo-libéraux depuis quelques décennies a désormais plus que du plomb dans l’aile. Les anciens « croyants » et autre « gourous » de la finance ont perdu de leur superbe. Le balancier semble repartir vers la gauche. Enfin, espérons.

  17. Avatar de karluss  hervé
    karluss hervé

    Paul dit : « J’envoie les épreuves corrigées du nouveau livre chez Fayard mardi soir, et après cela mes deux priorités immédiates sont : la réponse à Fourquet et un éditorial pour Anthropology Today. »

    – le concours, le concours, le concours !!!??
    titre : Le Capital décapité…

  18. Avatar de Ice

    Bonjour,

    je passais par là, le monde de la finance n’est pas du tout le mien mais j’avais envie de laisser un petit comment (sans doute trivial, mais bon..)
    certes, comme le dit un commentaire plus haut, P.Jorion nous livre ses sentiments plus qu’une démonstration, mais ‘jai l’impression que dans cet univers de la finance ce sont les sentiments qui « drive » le système (et aussi que les prévisions les plus pessimistes, dans cette affaire, se réalisent toujours) – et c’est ca que je trouve frappant, regardant plutot les choses avec un point de vue de scientifique: qu’à situation donnée (chifrres, bilans, etc…), l’état mental et le ressenti des acteurs, à eux seuls, puisse en faire une situation difficile certes, mais surmontable, ou un cataclysme. Je trouve sidérant que le sort de masses monétaires si importantes, et, au final, de la prospérité ou non d’états entiers, soit laissé à la merci de ce qui parait n’être principalement que des mouvements de foule, présentement de panique collective (c’est l’image que j’en retiens), digne d’un troupeau de moutons poursuivis par un chien et qui se jettent du haut de la falaise… Quelle est la part du réel et du ressenti, dans la spirale négative de la situation actuelle ? Ce que je dis là est certainement trivial – mais qd on me dit « le systeme s’écroule parce que plus personne n’a CONFIANCE », je ne peux m’empêcher de me dire « comment un systeme aussi important peut-il ne reposer que sur qqch d’aussi volatil que la, confiance … »

  19. Avatar de Alain A
    Alain A

    Ce jour, en Belgique, tous les médias ne parlent que de cela : les gouvernements du Benelux viennent de sauver le bancassureur Fortis en lui apportant quelque 11,2 milliards d’euros – 4,7 milliards venant du gouvernement belge, 4 milliards du néerlandais et 2,5 milliards du luxembourgeois. A l’issue de ces opérations, chacun des trois Etats détiendra 49,9% de l’entité dans laquelle il aura injecté des fonds (dans les réseaux bancaires, pas dans le holding sommital). En agissant ainsi de concert, les autorités politiques ont ainsi préféré une nationalisation à une reprise par une banque étrangère, en l’occurrence BNP Paribas, qui était ouvertement sur les rangs.

    Le ministre (libéral) des Finances se multiplie pour justifier la décision. Même discours qu’aux USA : too big to fall, protection des épargnants, pas des actionnaires, mais aussi le mensonge selon lequel les banques ne font que collecter l’argent des épargnants pour soutenir l’économie réelle.

    Les messages rassurants n’ont pas l’effet attendu et ce midi l’action Fortis perdait encore 5,7% de sa valeur. Il faut dire que les infos précises fournies par la banque sont moins rassurantes : « En raison de la détérioration de l’environnement économique et de la décision de renforcer l’immunisation du bilan par rapport aux risques, les corrections de valeur devraient, selon les prévisions, s’établir à 5 milliards d’euros après impôts au troisième trimestre, suite, notamment aux actifs d’impôts différés, au goodwill sur les gestionnaires d’actifs gérés séparément et le portefeuille de crédit structuré « . Le portefeuille de CDO de Fortis n’est pas non plus bien en point. « En moyenne, 78% du portefeuille d’origination a été déprécié », souligne un communiqué qui précise en outre que « les actifs ‘high grade’ devraient, selon les prévisions, être dépréciés à 25% et le portefeuille de CDO mezzanine et ‘warehouse’ de 10% ». Au total, l’exposition nette résiduelle sur le portefeuille d’origination de CDO s’élèverait à 1,1 milliard d’euros. Le groupe prévient également que « parallèlement aux dépréciations sur le portefeuille d’origination de CDO, de nouvelles dépréciations devraient, selon les prévisions, être comptabilisées sur le reste du portefeuille de crédits structurés ». Enfin, il « dépréciera 1,2 milliard d’euros d’impôts différés américains ». Fortis réaffirme cependant sa solidité financière. « Les mesures annoncées ce jour porteront [ses] capitaux propres à environ 30 milliards d’euros, soit 9,5 milliards d’euros de plus que la cible. (…) Le capital légal total de Fortis Banque selon Bâle II est estimé à environ 13% »

    Peut-être que Fortis va s’en sortir grâce aux 3 Etats et à leurs citoyens mais la cible suivante est désignée : ce lundi matin l’action de Dexia a encore perdu 28,95% de sa valeur en 4 heures. Comme les collectivités locales sont des propriétaires importants de cette banque, les conséquences seront encore plus terribles pour les simples citoyens. La chute libre continue…

  20. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Ice,
    Je ne retrouve plus l’article en question, mais j’ai lu quelque part sur ce blog une analyse de Paul Jorion, très logique, et non pas sentimentale, qui précisément tord le coup à l’idée que la perte de confiance serait à l’origine des Krachs.
    Pour ne parler que de la crise des subprimes il dit notamment que c’est l’insovabilité des ménages qui a été le facteur déclenchant. La dérégulation des banques d’affaires est quant à elle le facteur qui a créé les conditions de la survenue de la crise.

    La confiance joue son rôle évidemment. Le marché suppose des acteurs qui parlent un même langage et il faut que les uns et les autres s’accordent mutuellement un crédit moral. Comme l’a montré Karl Polanyi, un marché n’est pas un mécanisme économique qui fonctionnerait hors de la sphère culturelle. Le marché est une institution, laquelle ne s’est d’ailleurs pas construite en un jour. Le marché implique des croyances particulières (foi dans le progrès, calvinisme) et de nombreux acteurs sociaux, des Etats, un système éducatif approprié, des infrastructures. Les croyances sont faites aussi des théories économiques elles-mêmes, qui apportent une description du fonctionnement du système. Comme il n’y a pas de système de rechange tout prêt à l’emploi, lorsque le système, en un de ses points, un de ses aspects, touche ses limites, menaçant alors directement les intérêts des acteurs du marché, l’adhésion inconditionelle au discours réconfortant de ses représentants les plus emblématiques disparaît. C’est donc dans la nature du système et son état à un moment donné qu’il faut chercher la cause des phénomènes moutonniers. La peur n’est qu’un symptome de la crise et non point sa cause.

  21. Avatar de Olivier
    Olivier

    Il faut bien voir qu’il y a deux capitalismes : celui des créateurs d’entreprise, les Ford, Renault et Peugeot, qui ont créé la prospérité de l’occident, et d’autre part, celui des financiers, parasites profiteurs et irresponsables, qui ont détruit le potentiel industriel de l’occident pour augmenter le bénéfice de leurs actionnaires en délocalisant en Chine. Les politiciens actuels ne sont que leur faire-valoir, style l’histrion Sarkozy invité sur le yacht de ses amis milliardaires. M’est avis que ce n’est pas seulement pour ses beaux yeux…

    L’économiste Maurice Allais a montré que la courbe de la hausse du niveau de vie et celle du taux d’échanges et d’ouverture sur les marchés extérieurs sont corrélées de façon inverse : celle du niveau de vie diminue depuis 1965 et celle du taux d’échanges augmente depuis la même époque : elles se croisent vers 1975. Le taux de croissance du niveau de vie est devenue négatif depuis 1990, en d’autres mots, notre niveau de vie baisse depuis cette époque et cette baisse ne fait que s’amplifier. La logique du mondialisme financier est de chercher le plus grand avantage immédiat, autrement dit, de mettre en concurrence le travailleur européen avec le travailleur Chinois ou Hindou. La profonde réflexion d’Henry Ford selon laquelle le producteur doit aussi être un consommateur s’est complètement perdue : le résultat est que le producteur a d’abord cessé d’être un producteur, et maintenant va cesser d’être un consommateur, du fait de la baisse de son niveau de vie !

    Cela dit, les Français n’ont que ce qu’ils méritent. On ne vote pas pour des clowns pendant 30 ans sans avoir à en payer les conséquences…

  22. Avatar de Bizz
    Bizz

    Tout à fait d’accord !

    Dire que la perte de confiance est la cause d’un crack, c’est ne pas vouloir chercher pourquoi il y a eu cette perte de confiance ou empecher que l’on recherche des causes plus reelles …

    De meme qu’en temps normal, une banque ne prete pas à un particulier insolvable, une banque ne prete pas à une autre banque si cette dernière est insolvable ou ne peut pas prouver qu’elle est solvable. Jouer ce poker menteur avec qq particuliers a fonctionné un temps jusqu’au depassement du point limite, jouer le jeu avec des banques, visiblement ca marche pas bien !

    La confiance sans la transparence, c’est de la roulette russe ! Quand des banques bluffent sur leur solvabilité face à d’autres soupconnées aussi de bluffer sur la leur, il n’y a plus rien de previsible. Le jeu est d’attendre que des joueurs s’eliminent pour esperer faire partie des derniers qui pourront remonter la pente.

    Le problème de la crise, c’est que les banques, les grands investisseurs et les hommes politiques ont joué avec la vie des gens, avec leur argent, avec la société plus qu’avec leur personne propre. Jouer à la roulette « russe » sur la tete de qqun d’autre c’est de la folie, de l’inconscience…

  23. Avatar de Jean Jégu

    Ils nous demandent d’être confiants ; ils n’osent pas dire crédules. Pourtant depuis des siècles les banques prêtent de l’argent qu’elles n’ont pas. Et nous restons assez crédules pour ne pas voir ce subterfuge. Seules des collectivités réellement solidaires – et donc incapables de faillites – seraient crédibles dans une émission monétaire dématérialisée et assainie.
    Alors confiance ou crédulité ? Ah, si la perte de confiance pouvait être le début de la fin de notre crédulité ! Hélas, à l’heure qu’il est, je ne vois rien venir.

  24. Avatar de Ice

    @ PYD et Bizz

    oui je suis d’accord avec vous, je crois – ce que je voulais dire, j’imagine, ce n’est bien sur pas que la perte de confiance est la cause premiere du krach: c’est plutot que cette histoire de confiance ou non (qui en effet, implique une transparence qui n’existait pas vraiment, dirait-on – on peut à ce moment là s’interroger sur la part, ces dernieres années, de ce qui était de la confiance fondée, et ce qui était de l’ordre de l’aveuglement collectif) jouerait comme un feedback sur une situation donnée, situation qui, elle, résulte bien d’un enchainement d’évenements économiques réels. Et comme c’est un feedback fort , qd la situation va bien, elle va de mieux en mieux tres loin au-dessus de qu’elle devrait etre – et vice-versa. Ca diverge, quoi. Je trouve donc étonnant qu’on tolère de tels feedbacks – alors qu’on en est pas à la premiere « divergence » – dans un système qui a un tel impact sur la marche du monde, et dont justement une des premieres qualité, il me semble, devrait être une certaine stabilité.

    Mais bon, tout ca n’est sans doute que de la dissertation de labo en fin de journée 😉

  25. Avatar de Thibault
    Thibault

    Votre analyse est intéressante, mais vous n’explorez jamais les causes profondes du vacillement du système, sinon ses effets. Je vais me permettre une petite hypothèse : je crois que le problème vient du rendement décroissant de l’innovation. pas celle du capital si cher à Marx, mais du rendement décroissant lorsque l’essentiel de l’innovation dans des pays à tendance politique centralisatrice consiste à changer d’échelle pour aller du macroscopique vers le microscopique: transition du cheval au tracteur, du tracteur au moteur électrique et à l’électron… On eut généraliser à presque tous les champs (agronomie, médecine, aéronautique…) Ces transitions vers le microscopique s’accompagnent d’un gain en efficacité décroissant malgré des investissements toujours plus lourds.

    Il existe d’autres voies d’innovation, notamment l’augmentation des interactions entre systèmes, dont Internet est l’un des plus formidable exemples. mais ce développement exige une société foncièrement démocratique et décentralisée, ce que nos société vieillissantes ne sont plus prêtes à tolérer. En fait, je pense que le système n’est pas victime de la cupidité de quelques crétins de banquiers, ce serait trop simple. La génération précédente, même encadrée par un surmoi plus fort, n’était pas foncièrement meilleure. Mais de la perte de vitalité démocratique avec une population de plus en plus vieillissante dans un contexte d’innovation essentiellement centrée sur la recherche de progrès dans la transition macroscopique-microscopique. Si cela est vrai pour nous, ce le sera encore plus pour les pays totalitaires (Chine, Russie…). rien à craindre de ces pays. Dans ce contexte, on comprend que nos sociétés, en panne de création d’innovation ont créé des droits de tirage encore plus loin sur les générations futures via le crédit à outrance. Il est intéressant d’ailleurs de noter que les pays où la crise est la plus forte sont probablement les pays où la démocratie est la plus vivante, signe intéressant pour les pays latin qui continuent à vouloir faire croire à leurs enfants qu’ils valent moins que la génération précédente en ne reconnaissant l’ampleur de la crise. Peut-on voir cette crise in fine dans les pays anglosaxons comme la preuve de leur vitalité démocratique ? Peut-être. Au moins ont-ils plus tôt reconnu que ces montagnes de dettes ne devaient pas être supportées par les générations futures, signe d’une mentalité égalitariste intergénérationnelle.

    Si notre problème est un problème d’innovation, le sursaut ne pourra provenir que d’un approfondissement de la démocratie, de la libération et du soutien des petites structures innovantes qui créeront l’innovation par l’augmentation de leurs interactions (le fameux effet système, le système dégageant plus que la somme de ses constituants), à rebours des inepties de nos dirigeants qui ne pensent qu’en terme de « champions nationaux », autrement dit, en terme de protection des rentes si mal acquises. D’où viendra le sursaut dans les pays latins ? En sommes nous capables ?

    1. Avatar de Crapaud Rouge

      En tout cas merci Thibault d’avoir remis cet article sur le devant de la scène, car il donne une assez bonne idée du sentiment de catastrophisme qui surgit avec le début de la crise. Ce sentiment était salutaire, mais il n’a pas duré.

  26. Avatar de Crapaud Rouge

    Pas mal, pas mal, mais fort aisément critiquable. L’idée de départ, « rendement décroissant de l’innovation », est impossible à prouver faute de pouvoir discerner des inputs et des outputs pour faire un bilan entre les deux. Quel serait par exemple le « rendement » de l’invention de l’imprimerie ? Ou de son remplacement par des écrans d’ordinateurs et l’encre électronique ?

    « petites structures innovantes qui créeront l’innovation par l’augmentation de leurs interactions » : vieille lune. Vous devriez savoir que les petites structures finissent presque toujours par se faire manger par les grosses, car il est rare qu’elles parviennent à financer leur croissance sans perdre leur autonomie.

    Mon opinion est que l’innovation, sur le plan économique, ne joue qu’un rôle différentiel. Après qu’une invention s’est largement répandue, tout se passe comme si elle n’avait jamais eu lieu.

    1. Avatar de Thibault
      Thibault

      L’idée de rendement décroissant est simplissime: revenez à la thermodynamique. Quelle énergie pour transmettre l’information entre un journal et un mail. facile à calculer. L’école russe d’ingénierie a développé depuis les années 50 la méthoide TRIZ de résoliution de problèmes techniques et de prospectives. Tout était dessiné depuis déjà 50 ans. Je vous invite à vous y plonger, passionnant. Les rendements sont effectivement décroissants:

      Quant à l’argument que les jeunes pousses sont toujours mangées par les grosses, vous soulignez en fait un point intéressant, ou plutôt 2: les grosses structures, en position de rente, n’ont aucune incitation à innover, autrement dit, à remplir un besoin avec moins de ressources, car elles ont leur rente et d’autre part, monopolisent l’accès au capital. Plus que le fait que l’innovation est importante, je souligne la panne d’innovation comparée à l’espérance en une augmentation indéfinie de nos satisfactions. C’est ce décalage qui pose problème et qui a trouvé une solution temporaire dans la fuite dans le rédit. La France a résolu le problème en reportant tous les problèmes sur les jeunes générations (logement, salaires…). D’où encore mon sentiment de l’égalitarisme finalement plus prégnant dans les société anglosaxonnes. Elles sont peut-être à l’origine de la crise, mais elles ont plus tôt souligné l’intenable disparité de condition entre jeunes et moins jeunes dans les pays développés.

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