Ceux qui parlent de réformes…

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Un journaliste français m’appelle ce matin : « Que pensent de la crise les banquiers américains à qui vous parlez ? »

Je suis obligé de le décevoir : les seuls spécialistes de la finance américains à qui je parle sont mes anciens collègues et nous cherchons tous du travail – depuis près d’un an.

« Ah ! et les banquiers français ? »

– Je ne connais pas de banquier français.

– Mais, les hommes politiques qui vous consultent ?

– Ils ne me consultent pas.

Il est un peu désarçonné, mais il enchaîne : « Croyez-vous que ceux qui parlent de réformes soient sérieux ? »

Et je lui réponds ceci :

« Avec les mesures prises aux États–Unis les jours derniers, la pièce est tombée sur la tranche mais comme elle n’y restera pas, ce sera soit le côté pile et les mesures qui s’imposent seront prises, côté face, et ce ne sera que du vent.

Vous les journalistes, m’appelez en ce moment tous les jours et permettez que les vues que j’exprime soient connues du public, et le courant d’opinion auquel je participe semble bien refléter le sentiment de la majorité. Mais les financiers et les politiques ne prennent pas le relai, et ceci me fait penser que malheureusement non, ceux qui parlent en ce moment de réformes ne sont probablement pas sérieux ! »

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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60 réponses à “Ceux qui parlent de réformes…”

  1. Avatar de Alain A
    Alain A

    Et le fait que les deux dernières banques d’affaires des Etats-Unis aient accepté de sa ranger sous les règles des banques commerciales, règles bien plus strictes, et ce afin de pouvoir profiter des prêts consentis à ces dernières, cela signifie-t-il la fin d’un certain capitalisme « casino »? Les hedge funds seront-ils dès lors les plus exposés aux difficultés à venir?

  2. Avatar de hydrom
    hydrom

    Pourquoi réformer quand des millions d’Americains arnaqués les banques – ne se révoltent pas ? Aujourd’hui on leur propose de payer pour sauver les institutions qui les ont ruinées.

    L’apathie de la population est invraisemblable, je n’arrive pas à l’expliquer. J’aimerai beaucoup comprendre l’état d’esprit qui règne aujourd’hui aux US ? En 1929, on avait assisté à des émeutes pour des faits similaires. Je ne dis pas que ça reglerait qq chose mais les élites seraient peut-être plus incitées à se remettre en cause et à mieux repartir les richesses.

    J’aimerai beaucoup un avis de Paul Jorion, de l’intérieur des US, sur cet aspect de la crise, car de l’extérieur, l’absence apparente de réaction des populations expulsées par millions, est tout simplement incompréhensible !

    Merci !

  3. Avatar de Hudson
    Hudson

    @hydrom, pourquoi s’étonner aujourd’hui? Depuis des années les peuples sont écrasés sans rien dire… cela ne date pas d’hier… on garde les masses sous controle avec la TV et la société de consommation… les gens n’ont presque rien mais ce presque rien est suffisant pour les faire taire (la volonté de faire une France de propriétaires n’est pas fortuite) … Maintenant que ce « presque » disparait pour une frange tjs plus grande de personnes, il y aura peut être explosion…

  4. Avatar de Dani

    Je ne suis qu’à mi-bouquin, mais j’ai l’impression que le dernier livre de Naomi Klein (La stratégie du choc) répond assez bien à la préoccupation exprimée par « hydrom » !

    Et je ne pense pas que seuls les U.S.A. soient concernés….

    Dani

  5. Avatar de sounion
    sounion

    Il suffit de consulter le New York Time en ligne pour se rendre compte que les américains hurlent ! Mais c’est comme sur ce blog, il est probable que les politiques ne lisent pas les posts, ce qui tôt ou tard amènera les gens à défiler dans les rues…La crise devient certesj’ai l’impression économique mais depuis quelques jours ( voir aussi les réactions de la Chine ), qu’elle devient politique.

  6. Avatar de Florent
    Florent

    @hydrom

    J’habite à Los Angeles également. Les gens (plus de 50% c’est certain) ne sont en effet pas très préoccupés par la situation car ils n’en savent rien. Les gens sont sous informés, car les media ne sont pas pédagogues (vision extrêmement simplifiée des choses), ou complètement partisan (Fox News, MSNBC).

    Après l’immense majorité n’en a rien à foutre, ils sont plus préoccupé de savoir si les Dodgers vont gagner le prochain match de base ball, que de savoir si ils vont pouvoir payé leur crédit à la fin du moi. Ils ont tous tous paniqué quand le baril a atteint des sommets, mais 1 mois après ils n’y pensent déjà plus (en tout cas ça a disparu des sujets de conversation habituels) !

    Concernant les gens qui se font expulser, la plupart des gens te diront « Il ont prit un prêt à taux variable, il faut être con pour faire ça, ils n’ont que ce qu’ils méritent ». Ils considèrent que ces personnes ont pris une mauvaise décision et ils n’ont pas envie de payer pour des gens qui ont fait de mauvais choix (j’ai envie de dire trop tard, vous allez payer quand même). De plus 5% de la population qui est concerné, ce qui ne semble pas être le seuil de rébellion des Américains.

    Autre point, ils s’intéressent de plus en plus a des politiques alternatives (écologiste, socialisme, phénomène Ron Paul, libertarian ou autre). Donc attendons un peu pour voir ce que cela va donner. Tout dépendra si ils ont accès aux grand média. Ces courants sont quasi inexistants si l’on ne regarde que les grand média, mais beaucoup de jeunes sont très au fait de tout ça (je précise que étant essentiellement dans le milieu étudiant de Californie du sud, donc population plus éduquée que la moyenne, qui sera certainement l’élite dans quelques années).

  7. Avatar de hydrom
    hydrom

    @Florent, Dans un pays de Winner, j’ai l’impression que ça ne le fait pas, de se retrouver à la rue. En même temps, cette logique de la responsabilité (dans le cas où elle est bien réelle), je la trouve très saine, malheureusement cette logique n’est pas appliquée entièrement et avec un cynisme spectaculaire.

    La leçon du 11 septembre, il y a bien eu des sortes de réformes…

    On laisse la crise s’installer, devenir critique, aiguë… La panique arrive et se transforme en une formidable opportunité d’imposer des changements radicaux, sans passer par la case « démocratie » / « raisonnement ».

    Les USA vienne d’inventer la VAD politique et ça marche !

  8. Avatar de Florent
    Florent

    la solidarité n’est pas vraiment leur fort, il n’y a qu’a voir le nombre de vétérans qui sont SDF.

    et il est vrai que les gens ont plus peur du gouvernement ou de la police que des terroristes.

    bientôt ils devront tous faire un effort de solidarité pour sauver leur système bancaire, système bancaire qui a pris des risques fous mais qui s’en sortira juste avec une petite tape sur les doigts. C’est trop injuste comme dirait Calimero.

  9. Avatar de egdltp
    egdltp

    QUestion à Paul Jorion : pourquoi le régulateur préfère sauver les intermédiaires qui ont construit le système qui est en train d’exploser plutôt que de soutenir ceux qui font défaut car le système les a placés dans une situation impossible ?

    Si les gens ne sont plus expulsés et que leur prêt deviennent a taux fixe, « raisonnable », on est capable de calculer la perte et les maisons étant occupée, il n’y a plus de sur offre sur le marché immobilier. La crise se dégonfle et seuls payent ceux qui ont vendu des services impossibles et ceux qui les ont soutenu.

    Cela ne limitera t il pas la casse ? Ou la situation d’endettement étant trop pourrie, il n’y a rien a faire pour purger le système sinon le remettre à plat ?

    Dans cette direction, a quand les « experts » du FMI au chevet des USA comme ils l’ont été à celui de pays d’Amérique Latine et de l’Afrique 😉

    Merci pour vos éclairages.

  10. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    N’oublions pas le bras de fer qui se déroule actuellement au Sénat américain. Paulson a joué finement en ayant soumis son plan de renflouement le jour où la panique des marchés était à son comble mais les sénateurs, en particulier les démocrates, ne veulent pas lui donner un chèque en blanc. Ils ne veulent pas et on les comprend, que les 700 milliards ne servent qu’à renflouer les banques (y compris les gros bonus de leurs dirigeants) au mépris des citoyens les plus endettés. Les sénateurs rechignent également devant une situation inédite : celle de remettre en quelque sorte les pleins pouvoirs financiers entre les mains d’un seul homme, Paulson, qui décidera en dernier ressort qui seront les bénéficiaires de la manne publique. Il va de soi que tout le monde se presse au portillon, comme le relate le New York Times, pour que l’Etat fédéral rachète les crédits pourris et que les plus grosses institutions ont mis des bataillons de lobbyistes sur le coup.

    http://www.nytimes.com/2008/09/23/business/23cong.html?_r=1&hp&oref=slogin
    http://www.nytimes.com/2008/09/23/business/23skeptics.html?hp

  11. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Je crois que, statistiquement, le taux d’abstention aux élections est plus élevé aux États-Unis qu’ailleurs, en France notamment, ce qui va avec ce qui précède plus haut et ce qui suit ici.

    Le fond encore anglo-protestant de la société américaine pense, comme le dit en substance Florent plus haut, que le choix, le mérite, dans la pensée américaine, se retrouve dans les situations vécues. Ainsi, si vous êtes pauvre, c’est que vous le méritez… La prédestination n’est jamais loin. Tout l’inverse que nos « manies françaises » de se pencher sur le : comment ça marche ? Et de « bidouiller » les mécaniques en pensées bien sûr, en paroles tout le temps, par action parfois mais de moins en moins! Par omission de plus en plus…

    Le système économique des États-Unis mérite d’être connu. Cela clarifie nombre de faits, de données et d’éléments déterminants et qui nous font, finalement, abandonner ce regard d’extase qu’innombrables dans le monde avons sur ce gros jouet d’outre Atlantique, ou cette grosse poupée géante lumineuse et clignotante comme dans le film Ghostbuster, qui finalement se frippe et se liquéfie. Ce film m’avait énormément marqué, à plus d’un titre d’ailleurs. Je crois qu’il révèle vraiment quelque chose de l’essence de la société américaine et l’ « ensemble » qui va avec.

    Quand on pense que les États-Unis, disons en simplifiant, mais c’est la réalité stricte, font gonfler et dégonfler, au fil des décennies, la baudruche du dollar pour faire payer leur niveau de vie par le reste du monde, que les transferts masssifs de matières premières, mais surtout, c’est bien plus grave, transferts massifs de matière grise, ne cessent d’alimenter ce « vortex étatsunien » qui veut aspirer le monde, que nombre de « hauts cadres » du monde entier sont formés dans des universités aux USA et rapportent, seulement lorsqu’ils reviennent dans leur pays, des méthodes et des principes artificiels mis en œuvre ici et là dans le monde pour sa ruine (sauf ~ 15%), on comprend, oh, certes pas tout, mais une très large proportion, majoritaire, des erreurs entraînées par la quasi seule promotion de la rapacité et du pillage en col blanc… Beau résultat!

    Et à cette heure même, notre agent américain à NewYork, Nicolas Sarkozy, « brocarde » le système économique et financier qu’il a largement cautionné durant sa déjà longue carrière politique…. quel ghostbuster!…

  12. Avatar de Benoit
    Benoit

    La catastrophe est un fait Culturel.
    Si le Changement n’est pas Culturel, il sera un vernis, ou mieux : un lait de chaux.
    Il ne durera que le temps de vie d’un lait de chaux…
    Dans les Cyclades : un an.

  13. Avatar de Benoit
    Benoit

     » Vous les journalistes, m’appelez en ce moment tous les jours et permettez que les vues que j’exprime soient connues du public, et le courant d’opinion auquel je participe semble bien refléter le sentiment de la majorité. Mais les financiers et les politiques ne prennent pas le relai, et ceci me fait penser que malheureusement non, ceux qui parlent en ce moment de réformes ne sont probablement pas sérieux ! « 

    Cela reflète mon sentiment présent, mais qui a bien pu écrire cela ?

    J’éprouve un tel sentiment d’impuissance devant le fait que les plus compétents d’entre nous ne soient même pas sollicités, entendus, écoutés. Qu’ils n’enseignent pas. Quelle société où les Sages et les Anciens ne sont plus écoutés ? Est-elle une société ?

    Faudra-t-il un jour que le sang coule ? Mais jamais le sang versé n’a apporté la sagesse.

    Pendant ce temps, la vie se meurt sur la Planète qui agonise sous les plastiques.

    Mon cœur est broyé par la tristesse. Je veux partir avec la dernière marée.
    Mon Dieu, oh emmenez-moi !
    Benoit.

  14. Avatar de Olivier
    Olivier

    Bonjour

    Je vous signale une recension des livres parus sur la crise actuelle dont vos écrits par : Yann Moulier Boutang, « Le prisme de la crise des subprimes : la seconde mort de Milton Friedman. Financiarisation et crise des subprimes: cartographie des parutions récentes », dans La revue Internationale des Livres et des Idées n° 7.

  15. Avatar de emmanuel
    emmanuel

    @florent

    les Américains ne sont concernés qu’à 5 % par la crise, les médias chez nous n’en parlent à contre-coeur que le temps minimum ; La situation n’est-elle pas grave, m’interroge-je ? OK, bon, peut-être, mais que peut-on y faire ? Ma réponse : Essayer de comprendre – surprend toujours beaucoup !

    Au delà de la dérégulation financière finement analysée ici, on assiste à la désorganisation généralisée du monde, stratégique, médiatique, politique, culturelle si on veut, ce qui en fait un théâtre idéal type années folles pour toutes nos irremplaçables réjouissances, FOX, Dodgers, et allez PSG !

    Je ne crois pas que les élites aient jamais apporté le changement politique, ils l’orchestrent… Si le libéralisme est un jour *abrogé* ou s’il choît comme le Mur de Berlin, alors tout deviendra clair rétrospectivement et on comprendra tout… Faudrait bien que ça arrive ce truc…

  16. Avatar de Paul Jorion

    Comme cela me paraît pertinent dans la discussion que certains d’entre vous ont engagée, un chapitre de « Vers la crise du capitalisme américain ? » (La Découverte 2007 : 186-192).

    L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme

    Les citoyens américains dans leur quasi-totalité considèrent le système économique qui est le leur comme idéal, n’envisageant sa réforme possible que sur des aspects mineurs. Suggérer à un Américain que certaines des institutions de son pays pourraient être améliorées si l’on s’inspirait de l’expérience d’autres nations, produit toujours chez lui la même consternation : s’il lui paraît admissible que certains détails sont révisables, l’idée que d’autres nations auraient pu faire mieux à ce sujet, lui est inacceptable. Et c’est pourquoi on pourrait être tenté de qualifier le capitalisme sous la forme qu’on lui trouve aux États-Unis, non pas de « sauvage », mot qui suggère un certain archaïsme, mais de « fondamentaliste ».

    Il n’est donc pas superflu de réexaminer la thèse de Max Weber relative à la consubstantialité du capitalisme « fondamentaliste » et du protestantisme et pour ce qui touche à ce dernier, à sa forme spécifique aux États-Unis, le Puritanisme, et à la source de celui-ci dans l’enseignement de Jean Calvin. Le calvinisme suppose la prédestination : Dieu réalise son dessein du triomphe historique du bien sur le mal et chaque individu a son rôle à jouer dans le déroulement du drame, positif pour l’élu et négatif pour celui qui est exclu de ce nombre. La place de chacun dans la réalisation du plan divin a été déterminée antérieurement à ce qu’il soit déployé dans l’histoire. En conséquence, le libre-arbitre est une illusion : l’individu est seul, prisonnier d’un destin qui s’effectue malgré lui, apte seulement à constater quel est celui-ci au sein du projet de la divinité.

    Selon Weber le capitalisme moderne fut fondé en Nouvelle-Angleterre au XVIIe siècle par les Pèlerins, un groupe de colons puritains. Cela paraît incontestable. Je résume brièvement sa thèse qui fait émerger du calvinisme l’individu possédé par l’esprit d’entreprise.

    Tout sujet ignore s’il appartient ou non au cercle des élus. Cette incertitude est source d’anxiété et il guette les signes éventuels de son élection. Sa capacité à se préserver du péché, ainsi que sa réussite personnelle dans les entreprises séculières, telle l’obtention du confort matériel, voire même de la fortune , constituent le test de son élection. L’apparition de signes encourageants le motive davantage. L’enthousiasme ne tarde pas à engendrer le succès qui confirme le sujet dans le sentiment qu’il appartient bien au nombre des élus. On assiste à un renforcement progressif, une amplification, où chaque succès contribue à assurer la réussite de nouvelles entreprises. Le processus est celui d’une « rétroaction positive », où le succès engendre le succès. Convaincu désormais d’appartenir au camp des « bons » au sein du drame cosmique, le sujet s’enhardit : sa confiance en soi devient infinie. La preuve est faite à ses propres yeux, mais aussi à ceux du reste des hommes, que Dieu compte sur lui dans la réalisation de son dessein.

    Plusieurs auteurs se sont interrogés sur l’époque à laquelle cette domination idéologique du puritanisme aux États-Unis a pris fin, certains considèrent qu’elle entre en déclin au début du XVIIIe siècle, d’autres pensent qu’elle ne s’éclipsera qu’au début du siècle suivant. Pour ma part, je considère que cette influence n’a probablement pas connu d’interruption puisque je l’observe encore dominante à l’heure actuelle. Ses formes sont sans doute sécularisées aujourd’hui à des degrés divers mais elle demeure intangible : les tentatives demeurent constantes d’instaurer en institutions des règles morales dont le respect est laissé dans des contextes moins répressifs à la délibération de chacun. Ainsi les prohibitions anciennes ou actuelles de l’alcool, du tabac, de la marijuana, de la nudité, de l’euthanasie, ainsi les infractions de la Federal Drug Administration à ses propres règlements dans l’interdiction à la vente libre de la pilule dite « du lendemain ». Bien entendu, aucune société moderne n’est réellement unanimiste et il existe sur toute question un éventail d’opinions, il n’en demeure pas moins que les vagues migratoires successives qui ont suivi la fondation de la colonie de Plymouth par un groupe de puritains anglais appelés « les Pèlerins » n’ont jamais réussi à modifier le moule : elles se sont toutes assimilées sur le plan idéologique au courant à dominante puritaine après en avoir adopté, bon gré mal gré, l’éthique. Il en est allé ainsi pour des ethnies que l’on imaginerait mal assimilables au modèle calviniste : pour les Irlandais et les Italiens, chacun catholique à sa manière, pour les Russes et pour les Arméniens, pour les Juifs.

    Les États-Unis se vantent à juste titre d’être une société plurielle sur le plan religieux qui n’a jamais connu de guerre civile sur ces questions. Il s’agit en effet d’une gageure. Steve Fraser suggère dans son Every Man a Speculator consacré à l’influence de Wall Street sur la vie américaine au fil du temps que l’unification s’est faite autour de Mammon. Évoquant l’état d’esprit dans lequel baignait l’opinion publique en 2005, alors que de nouveaux scandales étaient découverts journellement dans le fonctionnement du monde financier, il écrivait : « Même au sein de la tourmente causée par les fraudes les plus choquantes depuis le krach de 1929, le public demeure enamouré. Les retombées politiques sont mineures. Les sources de la contestation semblent taries. Non seulement – et la chose est essentielle – dans le monde politique, mais plus intimement dans la manière dont le public se représente la relation qui existe entre Dieu et Mammon, par exemple. Ceci bien entendu au cas où l’idée les effleurerait…. Ou dans la manière dont nos fictions littéraires et cinématographiques, voire notre dose quotidienne de journalisme, présentent le règne du marché libre, chez nous comme à l’étranger, comme étant d’une inéluctabilité fatidique ».

    Certains immigrants italiens qu’évoque Lendol Calder dans son Financing the American Dream évoquent en riant l’unanimité qui s’est faite autour des « dolci dollari ». Sentiment partagé qu’il définit de la manière suivante : « L’éthique de la gestion pécuniaire victorienne devint prévalente dans la culture américaine non parce qu’elle transforma les salariés de misérable en millionnaire ou les employés de la classe moyenne, de la vie duraille à la vie de pacha, mais parce que ses doctrines servaient les intérêts, tels qu’ils les percevaient, des misérables autant que des puissants ». J’avais observé, à ma grande surprise, parmi les pêcheurs bretons, le même assentiment à un système économique dont ils pouvaient apparaître a priori comme les perdants.

    Le gouvernement de George W. Bush se distingue de ses prédécesseurs en ce qu’il constitue le retour à une forme peu sécularisée du Puritanisme. Un journaliste allemand commentait à la radio à l’occasion de sa visite en Europe en février 2005, je cite de mémoire : « Nous avons aussi connu des dirigeants qui parlaient en termes de certitudes dans leurs discours. Nous ne pouvons plus faire confiance à quiconque affirme ‘Dieu nous enjoint de faire ceci ou cela’. Nous avons déjà donné ! ».

    Dans son adresse à la nation, à l’occasion de sa seconde inauguration en janvier 2005, le Président annonçait : « Nous allons de l’avant avec une confiance absolue dans le triomphe ultime de la liberté. Non pas parce que l’histoire progresse du train de l’inévitabilité : ce sont les choix humains qui animent les événements. Non pas parce que nous nous considérons comme une nation élue ; Dieu meut et choisit comme il l’entend. Nous avons confiance parce que la liberté est l’espoir permanent de l’humanité, la faim dans les ténèbres, l’aspiration de l’âme […] L’histoire voit la justice fluer et refluer mais elle possède aussi une direction visible, définie par la liberté et par l’auteur de la liberté ». (J’ai rendu par « liberté » l’anglais freedom ainsi que l’anglais liberty).

    Le message créa la consternation, y compris aux États-Unis. Si bien que le Président se vit obligé d’en clarifier la signification quelques jours plus tard. Il précisa alors qu’il s’agirait pour la réalisation de son programme du « travail de plusieurs générations ». Certains commentateurs évoquèrent le ton « messianique » du message. Ce qui le caractérisait en fait n’était pas le « messianisme », mais le recours à la rhétorique calviniste : l’évocation d’une théocratie mondaine construite selon un plan divin, une Cité de Dieu préfigurant par sa forme le Royaume des Cieux. La tombe de Phoebe Gorham décédée à Cap Cod dans le Massachusetts en 1775 a pour épitaphe : « Dès à présent mon Âme, dans l’Unité la plus douce, rassemble les deux supports du bonheur humain dont certains affirment à tort qu’ils ne peuvent se rejoindre : le Vrai Goût pour la Vie, et la pensée constante de la Mort ». Les Puritains ne se détournent en effet pas du monde matériel d’Ici–Bas qui ne se limite pas à être une antichambre de la vie future : le bonheur s’acquiert d’abord dans ce bas–monde, du moins pour l’élu.

    Je me suis livré à un petit exercice : j’ai légèrement retouché le discours de Bush, en remplaçant le renvoi à la notion de liberté par celui à la volonté divine. Mes retouches sont en italique, voici ce que ses paroles deviennent à la suite de ce petit traitement : « Nous allons de l’avant avec une confiance absolue dans le triomphe ultime de la volonté divine. Non pas parce que l’histoire progresse du train de l’inévitabilité : ce sont les choix humains qui animent les événements. Non pas parce que nous nous considérons comme une nation élue (parce que ce sont les hommes qui sont élus à titre individuel par la prédestination et non les nations) ; Dieu meut et choisit comme il l’entend. Nous avons confiance parce que la volonté divine est l’espoir permanent de l’humanité, la faim dans les ténèbres, l’aspiration de l’âme […] L’histoire voit la justice fluer et refluer mais l’histoire possède aussi une direction visible, définie par la volonté divine et par l’auteur du dessein divin ».

    Il peut bien entendu sembler que la teneur du message a changé de manière radicale : la notion de libre–arbitre à laquelle le mot de liberté est attachée a été entièrement éliminée, comme c’est le cas en effet pour le calvinisme. La substitution a, au passage, éliminé la contradiction, sinon flagrante, entre deux passages : « ce sont les choix humains qui animent les événements » et « Dieu meut et choisit comme il l’entend ».

    Le sentiment que la majorité, dans une nation dont le succès révèle qu’elle bénéficie incontestablement de la sollicitude divine, comprend nécessairement l’ensemble des élus de Dieu dans la population, conduit à l’absence de sollicitude envers les autres, les losers. C’est à cette dureté du « Vae victis ! », du « Malheur aux vaincus ! », d’un État vis–à–vis de ses propres citoyens que pensait de Tocqueville, quand il évoquait la « tyrannie de la majorité » :

    « Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu’on l’a organisé aux États–Unis, ce n’est pas, comme beaucoup de gens le prétendent en Europe, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible. Et ce qui me répugne le plus en Amérique, ce n’est pas l’extrême liberté qui y règne, c’est le peu de garantie qu’on y trouve contre la tyrannie. Lorsqu’un homme ou un parti souffre d’une injustice aux États-Unis, à qui voulez-vous qu’il s’adresse ? À l’opinion publique ? C’est elle qui forme la majorité ; au corps législatif ? Il représente la majorité et lui obéit aveuglément ; au pouvoir exécutif ? Il est nommé par la majorité et lui sert d’instrument passif ; à la force publique ? La force publique n’est autre chose que la majorité sous les armes ; au jury ? Le jury, c’est la majorité revêtue du droit de prononcer des arrêts : les juges eux-mêmes, dans certains États, sont élus par la majorité. Quelque inique ou déraisonnable que soit la mesure qui vous frappe, il faut donc vous y soumettre ».

    Mais il s’agit en même temps, avec les États-Unis, d’une société qui avait découvert avec le New Deal de Franklin Roosevelt une voie moyenne, respectueuse des libertés, ni fasciste, ni communiste. Ce qui avait permis ce développement, c’est la perplexité du Puritanisme lorsque la nation tout entière se retrouve en difficulté, quand la majorité se retrouve elle aussi dans la dèche, dans ce cas–là, la distinction entre élus et exclus du dessein divin se brouille. Il faut alors se retrousser les manches, provisoirement tous ensemble, jusqu’à ce que des temps plus cléments permettent à nouveau de s’y retrouver entre les bons et les méchants.

    Le rejet spontané des « paresseux » par les Américains est dans la droite ligne du calvinisme : celui qui n’aime pas le travail produit du fait même la preuve qu’il se situe en-dehors de la sphère des élus. Le reproche le plus généralement adressé aux Noirs américains est celui de paresse, c’est là une manière pratique de signifier leur exclusion du cercle des élus. À l’inverse, bien entendu pour les fermiers, dont le caractère industrieux les situe à leurs antipodes. La conséquence, c’est l’acceptation de principe de la ségrégation par la fortune, plus insidieuse que celle par des lois discriminatoires puisqu’il est dans sa logique de se reproduire, sans nécessité pour cela de mesures oppressives, et qui apparaît en surface à l’occasion d’une catastrophe comme celle de la Nouvelle–Orléans, quand l’Amérique blanche découvre avec stupeur sur ses écrans de télévision que ces événements calamiteux n’ont pas lieu en Haïti mais sur le territoire national.

    Pourquoi alors ce rappel de Weber, parce qu’à mon sens, c’est cette confiance dans la Providence qu’exprime le « In God we trust » qui conduit le citoyen américain à outrepasser en permanence les limites de la prudence financière. Le fait de se savoir, sur un plan religieux, au rang des élus plutôt que se constater simplement bénéficier, sur un plan profane, de la chance, vient renforcer l’optimisme qui caractérise déjà a priori celui ou celle qui a choisi le pari de l’émigration et ses aléas, plutôt que de se satisfaire de la médiocrité qui constituait son lot au pays natal.

  17. Avatar de sounion
    sounion

    Oui merci de ce rappel.
    Un petit témoignage qui a lieu de décourager ceux qui pensent que la spéculation peut s’arrêter un jour.
    Dans un déjeuner où se réunissait aujourd’hui la crème de la communication boursière, un intervenant se moquait de la décision de suspendre les ventes à découvert sur les financières en France et expliquait qu’il suffisait ( comme le font les hedge funds pour détourner ces interdictions parait-il ) de vendre à découvert l’indice CAC et de racheter les valeurs non financières…N’étant pas spécialiste j’ai juste observée avec intérêt que tous les initiés ont bien rigolé…

  18. Avatar de Paul Jorion

    @ Sounion

    Oui, j’écrivais hier dans un e-mail à des amis :

     » Il a sans doute été interdit provisoirement de parier à la baisse sur les titres des firmes les plus menacées mais il s’agit d’un jeu d’enfant de détourner une mesure de ce type (par le marché des options et celui des CDS) et le bénéfice effectif d’une telle mesure est minime, son mérite essentiel est qu’il est facile d’en expliquer le principe dans la presse, et avec elle les autorités visent cyniquement à propager la nouvelle qu’« on a pris le taureau par les cornes ». « 

  19. Avatar de catherine
    catherine

    Ré-former, n’est-ce-pas vouloir changer les conditions de vie à l’intérieur de la prison, ne faut-il pas lui préférer la suppression de la prison?

  20. Avatar de Boris
    Boris

    Un article intéressant publié hier par Jacques Sapir directeur d’études à l’école de hautes études en sciences sociales, notamment le chapitre II « Changements dans les représentations et enseignements. »

    http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/09/22/816-sept-jours-qui-ebranlerent-la-finance

  21. Avatar de Ton vieux copain Michel
    Ton vieux copain Michel

    « Decisions by the Secretary pursuant to the authority of this Act are non-reviewable and committed to agency discretion, and may not be reviewed by any court of law or any administrative agency. »

    Ce passage du plan Paulson semble donne des sueurs froides aux sénateurs et ouvre la porte à toutes les manipulations. En quelque sorte, ça revient à s’attribuer les pleins pouvoirs.

  22. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Je trouve décidément ce blog très intéressant. Les propos les plus techniques sur le monde de la finance y font bon ménage avec la réflexion politique, sociale, culturelle, anthropologique et même philosophique. C’est suffisamment rare pour le souligner.

    La bonne audience de votre site, même si elle n’était pas « prédestinée », est donc tout à fait méritée !!

    S’agissant de l’éthique protestante et de l’esprit du capitalisme j’aimerais faire une remarque. S’il est vrai que le calvinisme a fourni une éthique au capitalisme à même de le justifier aux yeux de ceux qui en sont les acteurs et a donc en ce sens contribué à son dynamisme, il n’explique pas tout. Vous le savez aussi bien que moi, mais il me semble qu’il faut le rappeler car sinon on mesure mal l’ampleur de la crise que traverse aujourd’hui l’humanité dans son ensemble, crise dont la crise financière n’est qu’un symptome. La crise est d’abord celle du modèle de la croissance infinie pour un monde aux ressources illimitées. Le monde est (re)devenu fini mais nous agissons, pensons encore, et ce d’autant plus s’agissant des acteurs économiques, comme si le monde était encore celui qui existait à l’aube de la Révolution industrielle. Adam Smith pouvait croire en un monde meilleur où la richesse des nations résulterait de la somme des intérêts individuels car le monde d’alors semblait receler des richesses inépuisables. Mais ce temps est révolu. Les crises de l’energie, écologiques, climatiques sont passées par là.

    Mais nous pouvons remonter encore plus loin dans le temps pour trouver les origines du capitalisme, son substrat anthropologique, son noyau conceptuel. La rupture s’est faite lorsque à une éthique de pauvreté, de charité portée par l’Eglise s’est substituée, sous la Renaissance, une éthique de l’intérêt individuel. Paradoxalement c’est au sein même de l’Eglise que le mouvement a pu s’enclencher lorsque la haute bourgeosie montante désireuse de se racheter une bonne conduite en vint à acheter des indulgences que l’Eglise vendait alors pour asseoir sa puissance. Le mouvement religieux dit de la Réforme — dont le calvinisme fut un moment fort — n’était pas autre chose qu’une réaction à cette dérogation de l’Eglise à ses propres principes. Mais curieusement, c’est le mouvement réformiste qui allait incarner le mieux la nouvelle éthique de l’intérêt individualiste en reprenant à son compte la vision d’un homme calculateur et, j’ajouterais, prudent en afffaires. La Réforme inventait la passerelle idéale pour faire coincider monde divin monde matériel et c’est ce qui lui donne autant de puissance.

    Mais il n’en reste pas moins vrai que le paradigme de l’homme calculateur, autrement dit l’homme de l’intérêt qui calcule au mieux la rentabilité financière de ses entreprises et vise déjà des marchés réguliers, préexistait à la Réforme (le premier capitalisme est né dans les cités italiennes, comme Florence, Milan, Venise) et donc à l’éthique protestante. L’humain, d’un être jusqu’ici défini qualitativement, devient lui-même l’objet d’un calcul et tous les secteurs de la vie sociale entrent dans ce domaine.

    Dans le domaine politique Machiavel est emblématique de ce nouvel état d’esprit. Bref, peu à peu s’est constituée une société de marché. Ce qui veut dire que, comme l’avait très bien analysé Karl Polanyi, il n’y a pas d’un coté le monde de l’économie et de l’autre tout le reste. Le marché est une institution qui tend à englober tous les aspects de la vie sociale. Le marché suppose aussi une construction sociale porté par un imaginaire fort sans lequel il ne pourrait perdurer. Nous vivons toujours sur ces conceptions qui ont présidé à la destinée de l’occident depuis cinq siècles, avec une montée en force progressive si bien qu’aujourd’hui le paradigme de l’homme calculateur a colonisé les esprits de pratiquement tous les habitants de la planète, que ceux-ci y adhèrent ou le subissent à leurs corps défendant. La Chine en particulier, domaine qui m’est familier, a dépassé son ancien maître occidental. Sans éthique protestante elle place ses pions un peu comme au jeu go. Elle investit massivement en Afrique, achète par exemple en Asie du Sud-est des terres pour y assurer son approvisionnement en caoutchouc dont elle est une grande consommatrice. Je ne parle pas des fonds souverains et maints autres aspects de la stratégie à la chinoise qui consiste à avancer à petit pas en contournant les obstacles. L’électrochoc (anti) culturel de la Révolution culturelle (1966-1976) a coupé les Chinois de leurs racines culturelles séculaires, plongeant le pays dans la mondialisation sans transition, lui faisant acquérir dérechef les réflexes occidentaux de l’homo économicus.

    La métaphore de Paul Jorion de la pièce en équilibre instable sur sa tranche est très parlante. En effet, du cours que vont prendre les èvènements aux USA va dépendre le sort du monde financier et donc économique des années qui viennent.

    Mais le sort du monde ne dépend plus seulement des USA. Les Chinois, par exemple, sans messianisme calviniste, peuvent très bien imposer au monde un capitalisme à la chinoise en reprenant du capitalisme ce qui constitue le noyau, cette conception de l’homme calculateur congruent à la logique de la croissance économique exponentielle.

    Evidemment il ne faut pas naturaliser la Chine, de par sa tradition philosophique — même si cette dernière a été fortement occultée par le pouvoir en place pour n’en garder que les aspects utilitaristes –, dispose des ressources intellectuelles, tout comme nous, pour penser un nouveau monde. La tradition confucéenne, taoiste est à titre d’exemple imprégnée de l’idée de régulation. Rien n’est plus étranger à la pensée chinoise traditionnelle que l’idée de croissance illimitée. La période actuelle que traverse la Chine comporte à cet égard certaines similitudes avec celle que fut le Premier empire chinois, dictatorial, voué à la course à la puissance.

    L »humanité a vécu des millénaires sans l’institution du marché et cet esprit d’intérêt privatif qui lui est consubstantielle.

    De là l’idée que la question de la régulation des marchés financiers, ou celle des questions liées aux cycles économiques, est loin d’aborder le fond du problème, qui est celui des limites atteintes par le système du monde-marché.

    Je rejoins donc beaucoup des commentaires et des analyses de Paul lui même qui insistent sur le caractère culturel, anthropologique de la crise actuelle.

    La question essentielle est donc : où se trouvent les leviers pour susciter l’émergence d’un nouvel imaginaire social propre à constituer une économie fondée sur d’autres bases anthropologiques ?
    Sinon, faudra-t-il une catastrophe majeure — économique, écologique — pour renverser la tendance actuelle à l’autodestruction des équilibres sociaux, économiques, écologiques ?

  23. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Intéresant et rafraîchissant la mémoire, Paul, votre intervention. Entre autres choses bien vues et rappelées, ceci:

    «  »La place de chacun dans la réalisation du plan divin a été déterminée antérieurement à ce qu’il soit déployé dans l’histoire. En conséquence, le libre-arbitre est une illusion : l’individu est seul, prisonnier d’un destin qui s’effectue malgré lui, apte seulement à constater quel est celui-ci au sein du projet de la divinité. » »

    Il y a également une attitude fataliste, mais très spécifique, dans l’Islam…

    Autre chose qui étonne toujours et encore, c’est l’extraordinaire actualité (environ 170 ans après!) des écrits de Tocqueville sur la société américaine. Ça pourrait être écrit aujourd’hui! Alors que les États-Unis n’avaient peut-être que 50 ans d’existence environ.

    Pierre-Yves D.
    Il est bien vrai que l’origine de la « banque moderne » se trouve chez les Lombards aux XIV et XVèmes siècles (à Londres il y a la Lombard street). Les tenants du protestantisme n’ont fait que reprendre et afiner ce système bancaire, le développer et le déployer comme on ne sait que trop à travers le monde à partir de la souche anglo-saxonne.

    Quand à la Chine, je crois que c’est bien vu de votre part. J’ajouterais que le grand intérêt de l’actuelle entrée en lice de la Chine est son caractère Yin (féminin, introverti et équivalences symboliques), en oposition au caractère Yang (masculin, extraverti et équivalences symboliques) de l’Occident, toujours et encore extraverti et conquérent, au moins depuis Alexandre le Grand, puis Rome, puis les cinq principales nations colonisatrices le Portugal et l’Espagne, la France, les Pays-Bas, l’Angleterre (1), jusqu’aux États-Unis aujourd’hui, sur leur fin semble-t-il. Pendant que la Chine, féminine et impériale par nature, bâtissait ses grandes murailles, durant les mêmes temps historiques, l’Occident, masculin et conquérant par nature, s’élançait à la conquête du monde. Il y a là une authentique qualification géographique et historique grâce au Yi King.

    Comme vous le dites si bien, et je rejouterais: sans idéaliser personne: « (….) La tradition confucéenne, taoiste est à titre d’exemple imprégnée de l’idée de régulation. Rien n’est plus étranger à la pensée chinoise traditionnelle que l’idée de croissance illimitée(….) ».

    Avec l’importance croissante de la Chine, ça va être probablement être un grand changement dans la nature des rapports dans le monde.

    (1) quant à l’Allemagne, elle « percola » durant la première moitié du XXème siècle avec le nazisme, car privée d’un vrai empire colonial, si elle en avait eu un, ça l’aurait sans doute vaccinnée, ou déviée du nazisme

  24. Avatar de Alain A
    Alain A

    La lecture de ce blog me convainc de plus en plus que « économie + anthropologie = philosophie politique ». La lecture par Paul de l’héritage de l’esprit puritain/calviniste aux Etats-Unis est très éclairante. Les interventions de Pierre-Yves D. et de Rumbo abordent, elles aussi, cette approche que je tente d’approfondir depuis quelque temps. Je me sens dès lors encouragé à vous propose la lecture de deux analyses lparues sur le site d’Etopia http://www.etopia.be (le centre d’étude et de prospective des écologistes francophones de Belgique). La première analyse est de André Verkaeren http://www.etopia.be/IMG/pdf/verkaeren.pdf et s’intitule «Europe et écologie politique : une approche anthropologique». La seconde, que j’ai commise en juillet 2007 est une tentative de mise en perspective de l’excellent livre anthropo-économique de Jacques généreux « La dissociété »: http://www.etopia.be/spip.php?article686&var_recherche=adriaens .
    Je constate aussi que beaucoup de ce qui se dit sur ce blog recoupe les textes que j’explore progressivement et qui sont publiés par le MAUSS (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales) . Pas étonnant que « La revue permanente du MAUSS » se trouve dans les liens recommandés par Paul.

  25. Avatar de catherine
    catherine

    Je viens de lire l’extrait d’Alexis de Tocqueville, on croirait un texte écrit aujourd’hui!

    Les tenants du pouvoir américain détournent de manière fallacieuse la conception de la prédestination gratuite qui n’a bien sûr rien à voir avec leur univers, ceci bien sûr pour asseoir et justifier leur domination éhontée.

    Le pire dans l’histoire, c’est qu’ils finissent par y croire à leurs balivernes,ils font corps avec ce qu’ils disent, quand ça atteint un tel degrè de congruence, ça s’appelle en psychopathologie, du délire.

    La caractéristique d’un délirant c’est l’incapacité totale à critiquer, c’est le tableau clinique d’une société psychotique avec déni de la réalité et création d’une néo-réalité, c’est vraiment tout à fait ça, vous ne trouvez pas.

    Amusant, c’est eux qui ont inventé la Bible de nos chers psychiâtres, le fameux dcm 4 ou 5…

  26. Avatar de Henri B
    Henri B

    Bonjour,

    je lis Jorion et ce site depuis quelques jours avec un maximum d’intérêt.
    Je suis perplexe devant les aspects « anthropologiques » qu’on peut y lire de plus en plus. Weber et Tocqueville c’est pas un peu poussif comme poncif ? Mhmm ? Les origines coloniales et ségrégationnistes des USA (et de l’Angleterre) ne suffisent-elles pas à éclaicir bien des choses d’un point de vue purement historique ?
    Les envolées vers la Chine me paraissent carrément saugrenues. Si je lis bien on fait un amalgame entre Confucianisme et Taoisme qui sont précisément les deux faces antagonistes traditionnelles, tout aussi convenues, de la Chine ( Tao/Anarchisme/Juridisme vs Confucius/Tradition/Rite /Famille/Empire), et après ?

    Amicalement

  27. Avatar de kercoz
    kercoz

    Bonjour.

    Je suis perplexe devant les aspects “anthropologiques” qu’on peut y lire de plus en plus. Weber et Tocqueville c’est pas un peu poussif comme poncif ? Mhmm ? Les origines coloniales et ségrégationnistes des USA (et de l’Angleterre) ne suffisent-elles pas à éclaicir bien des choses d’un point de vue purement historique ?

    Je ne le pense pas.
    Les dérives actuelles du système de gestion des groupes humains me semblent remonter a des fondamentaux plus évidents.

    Il me semble que le problème est un problème de « taille » et de changement d’ « outil ». Depuis l’animalité, l’homme s’est formaté comme animal social, et ce pendant des millions d’années. Ce formatage a utilisé des notions de « face » et de « rites » pour annihiler l’ »agressivité intra-spécifique (K Lorenz et Goffman) et permettre la socialisation.

    Ces interrelations necessitent des groupes « restreints « ou chaque face connait l’autre. Cette gestion est complexe et tres stable (Théorie du Chaos/ Attracteurs étranges/ E Morin (Paradigmes perdus).
    Vouloir augmenter la taille du groupe c’est utiliser des outils de gestion « simplifiés « , linéaires et non complexes donc instables et fragiliser le système.

    C’est pour moi, la cause des echecs répétés et des hypertrophies catastrophiques actuels.

    Un système naturel vivant n’augmente sa taille que par une seule procédure : La scissiparité, qui lui permet de conserver la complexité.

    Le gigantisme actuel et passé des systèmes humains, ne respectant pas la « face sacrée » des individus et les systèmes complexes des interractions sont voués a l’echec et ne peuvent faire notre bonheur.

  28. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    J’aurais voulu mettre ceci il y a quelques semaines, mais je n’en ai pas eu le réflexe et m’en veux un peu. Voir:

    http://www.monetary.org/2008schedule.html

    J’ai eu le grand plaisir de faire la connaissance il y a quelques semaines de Stephen Zarlenga, président de l’American Monetary Institute (A.M.I.) à l’occasion d’une conférence (en traduction simultanée) qu’il donna au Canada.

    Depuis quelques années, il y a maintenant une rencontre de l’A.M.I. à Chicago. Cette année viennent également des intervenants que je connais très bien. Ainsi des avancées se font. La route est déjà longue, elle le sera encore, mais le cadre de la crise financière accélère le mouvement! C’est en se concentrant sur son sillon et sans dévier du cap à prendre qu’on fait le meilleur travail.

  29. Avatar de catherine
    catherine

    Trouvé dans Rhinehart:

     » j’en ai marre de ramener des patients malheureux à l’ordre normal de l’ennui! »

    « …et si on joue le jeu, c’est la meilleure façon de continuer à faire fonctionner leur foutu système.

    Alors, ça m’a fait enrager de voir combien on m’avait eu. Toute ma tendresse, ma miséricorde, ma douceur, ça n’a servi qu’à laisser le système écraser tout le monde sans scrupule. »

    « Ou tu travailles dur pour faire marcher la machine et t’es un brave type ou bien tu déconnes ou tu essayes d’arrêter la machine et t’es un coco ou un dingue! »

    « Pour changer l’homme ce qu’il faut changer, c’est l’environnement qui lui fournit les critères d’après lesquels il se juge.Un homme se définit par son public. »

  30. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Un complément d’information en français à mon message ci-dessus. Bel encouragement de voir croître le nombre de ceux qui ont compris la PRIORITÉ des priorités:

    http://www.monetary.org/frenchneedformonetaryreform.htm

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