Lueur d’espoir ?

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

On a la gentillesse de me dire ces jours-ci que j’ai été un « visionnaire », que mes prévisions « se vérifient à cent pour cent », etc. et cela me fait énormément plaisir. Le fait est que j’ai pris énormément de risque. Pas sur le plan économique et financier sans doute, où je me sentais – et me sens toujours – très assuré quand je tire mes plans sur la comète, parce qu’ils sont l’aboutissement d’un raisonnement qu’il m’est toujours possible de réexaminer. Sur le plan politique, c’est une autre affaire : j’ai travaillé davantage à l’intuitif, et comme je ne sais pas comment travaille mon intuitif – ni celui de personne d’autre – je lui fais beaucoup moins confiance.

Je pense en particulier à un passage de Vers la crise du capitalisme américain ? (2007 : 252-253) où j’avance que quand les États–Unis auront atteint dans la crise le degré de catastrophe que je prévoyais, ils ne seront pas tentés par la voie totalitaire mais adopteront la social-démocratie. Je n’étais, honnêtement, pas très sûr de mon fait. Je cite ce passage :

Ce qui émerge de ce portrait bigarré, c’est le visage extrêmement dur que l’on voit aujourd’hui à la société américaine, « colonisatrice » au sens où on utilise le mot pour désigner une espèce d’insectes envahissants, mais c’est aussi l’hypothèse de l’existence d’un mécanisme rassurant à l’œuvre en arrière-plan, l’inverse du fascisme qui trouve lui un terrain fertile à son émergence aux époques de tumultes. Jusqu’ici, les événements historiques de l’histoire américaine sont compatibles avec mon analyse. Les agents de ces réajustements qui produisent la diversité des formes, ce sont ces étonnants électeurs « indécis » qui aux jours sombres de 1932 créent le raz-de-marée démocrate qui porte Roosevelt au pouvoir, et qui vingt ans plus tard, en 1952, sont la cause cette fois du raz-de-marée républicain qui rend possible le McCarthysme. Infirmerait au contraire mon analyse, une fascisation de l’opinion publique américaine dans les périodes troublées : le « malheur aux vaincus » florissant cette fois dans les temps de pénurie.

Ce qui me fait penser à cela, ce sont les signes apparus dans la journée, qu’après des interventions que l’on pouvait qualifier si l’on était optimiste de « pragmatiques » et si l’on était pessimiste, de « navigation à vue », les autorités américaines – gouvernement et Federal Reserve – sont en train de mettre au point un plan aussi ambitieux que le New Deal rooseveltien de 1933. Je pourrais ironiser – comme je l’ai déjà fait – sur le fait que la bourse de New York s’enthousiasme à chaque fois que les États–Unis font un pas de plus dans la voie de la social-démocratie mais je m’abstiendrai ce soir parce que la déliquescence du système financier a déjà dépassé de beaucoup le stade de la « bonne leçon » pour tourner au cauchemar, un cauchemar dont les conséquences se font sentir à l’échelle de la planète et dont les premières victimes – « surprise ! surprise ! », dit-on en américain – en sont comme d’habitude le sel de la terre qu’un système injuste génère comme ses scories et dans sa totale indifférence.

Ne nous faisons pas trop d’illusions : il s’agit peut-être toujours de demi-mesures. Si c’est le cas, elles échoueront et il faudra une fois de plus rectifier le tir dans la bonne direction. Et même si elles réussissent, il se trouvera bien sûr, dès que les choses iront un tout petit mieux, de faux optimistes – mais de vrais filous – pour dire que toutes ces mesures ne sont désormais plus nécessaires du fait que « le système a radicalement changé dans la voie de la stabilité » et c’est ce qui nous oblige à exiger aujourd’hui des solutions véritables : qui éliminent une fois pour toutes le retour des crises tout en offrant à chacun une vie à l’abri du besoin.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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62 réponses à “Lueur d’espoir ?”

  1. Avatar de Rumbo
    Rumbo

    Catherine dit:
    22 septembre 14h44

    «  »S’ils n’utilisent pas leur bon sens, et qu’ils compliquent les choses à foison, c’est qu’il y a tout intérêt à ce qu’il en soit ainsi, n’est-ce-pas?

    J’ai bien essayé de m’y mettre à cette difficile tâche de comprendre ce monde si particulier, mais vraiment , tout est fait pour nous en dissuader, pourtant j’en ai le désir mais d’ici à ce que ça réalise vraiment, je pense qu’il se passera encore du temps, alors imaginez ce que ça peut être pour le quidam sans volonté particulière de le comprendre.

    Le nom est déjà rédhibitoire, enfin, pour moi!

    C’est associé à prise de tête, ennui, et je sais que ce sera un long chemin de Damas….et pourtant c’est le nerf de la guerre , c’est essentiel d’en avoir une idée précise, beaucoup de choses peuvent se dénouer là, on ne peut nous avoir à l’esbrouffe, sous les graphiques, et les pluies diluviennes de chiffres qui nous noient, mais ça requiert vraiment une forte détermination. » »

    N’ayez aucun scrupule vis à vis du monde de l’ « économie » et de la « finance ». Parfois, si ce n’est souvent, l’ignorance est plus proche de la vérité que des montagnes de savoirs. La technique peut paraître compliquée, et elle l’est souvent, n’est pas physisien ou biologiste (etc) qui veut. Simplement n’importe quel savoir « technicien » est sensé ne pas tricher avec la réalité qui l’occupe. Le seul fait de découvrir des bribes de compréhension (au moins de cette réalité-là physique ou biologique, etc) comble le physicien, ou le biologiste (etc). Il y a là une démarche, en principe, entièrement positive (1). Mais ici, la physique ou la biologie, etc, sont des matières qui ont la – réalité – naturelle pour objet. Tandis que le système financier sort entièrement des cerveaux des hommes, et non de la nature, ou de Dieu, ou plutôt de la nature et Dieu à la fois.

    Retenez bien que vous avez autant d’ « autorité » pour penser que le système financier doit fonctionner selon la vérité, tout comme un moteur fonctionne selon toutes les – lois vraies – découvertes à ce jour, par les inventeurs et les metteurs au pont des moteurs, donc jusqu’au moteur d’aujourd’hui (et comme ceux de demain) qui comporte toutes les expériences perfectionnées et accumulées depuis le premier moteur. Dans le système financier cela ne se présente pas comme ça, mais on ne le dit pas, et on l’explique encore moins. Le perfectionnement technique dans le système financier est seulement au service de l’ – outil -, et non pas pour le but originaire de l’outil, c’est à dire rendre service pour éviter les corvées, par exemple, comme les machines.
    Résultat la production des biens ne correspond pas à leur distribution mise sous scellés par les détournements financiers parfaitement injustifiés et voleurs.

    L’ACTUALITÉ FINANCIÈRE PARLE D’ELLE-MÊME. Avant que ce soit une actualité guerrière ainsi que le passé nous l’a si souvent montré et démontré???… Sommes nous donc incapables de répété autre chose que ce passé?

    Vous pouvez lire ceci (lien qui suit) du pédaguogue hors pair Louis EVEN. Il n’y a que des chapitres très courts et particulièrement accessibles au public. C’est un rappel du rôle de l’argent, son ‘pourquoi’ ou sa raison d’être, à retenir en priorité sur le ‘comment’, c’est à dire comment fonctionne l’argent, car les compétences qui abondent peuvent être mises au service de la Justice au lieu des profiteurs. Ici, par exemple, Paul Jorion est irremlaçable. Il y a dans cet ouvrage de Louis EVEN une dimension religieuse, mais pour qui ne désir pas y faire référence, ce travail, vraiment archi facile à lire, peut être abordé et lu pour lui-même et pour soi-même. Certains qui ont lu Louis EVEN se sont écriés après: « j’en ai plus et mieux appris avec Louis EVEN qu’à l’université! ». Voir:

    http://michaeljournal.org/signe.HTM#table%20des%20matieres.htm

    Catherine dit aussi:
    «  »Je remets, je remets toujours!

    Comment pourrions-nous agréger des forces alternatives sans nous enrôler dans un parti politique ou un syndicat pour contrebalancer ce mouvement et aller vers ce que vous nous proposez?

    La pression citoyenne pourrait-elle se faire entendre? » »

    Ne pas mélanger l’objet des syndicats et des partis politiques avec ce qui est ORGANIQUE. Un système financier juste ne peut être qu’ORGANIQUE. C’est à dire en amont de la politique. Les syndicats peuvent faire avoir quelques petits sous en plus. Mais, c’est une évidence ces petits sous sont vite léssivés par l’inflation, les coûts et prix de revients supplémentaires, les impôts indirects et directs injustifiés et iniques, démontrant seulement que le pays auquel nous « appartenons » n’a plus de souveraineté, etc.
    Il faut garder les choix que vous avez, donc rester autant que faire se peut libre avec eux en les gardant ou en les refusant, et considérer que le système financier qui nous détermine tant et tant est seulement une affaire d’hommes, d’humains. Vous avez voix au chapitre comme tout le monde, à plus forte raison si vous faites partie de la société civiles productrice et ainsi avez votre simple et irremplaçable droit au sens positif de la vie, sens qui comporte vos vrais revenus, sans rien verser à un système de ‘maîtres chanteurs’ qui faussent toute la vie.

    (1) aux exigences financières près (et aussi militaires), éloignant souvent les sujets que nous sommes du but noble de la science, – science – dont l’étymologie veut dire: Sagesse. En Espagnol, c’est le même mot qui désigne le Sage et le Savant.

  2. Avatar de Bizz
    Bizz

    L’education, l’esprit critique, l’interet pour la société, la memoire ce sont des choses qui permettent d’ecouter ce qui se dit, d’analyser par soi meme, d’eviter d’etre manipulé, d’etre desinformé et d’être détourné de sujets compliqués et pas toujours passionnants. Ca demande des efforts mais ceux ci sont moins durs lorsqu’ils sont fait progressivement et commencés tres tot.
    Par exemple, s’interesser aux elections presidentielles 3 mois avant ca ne sert pratiquement à rien vu que n’importe quel candidat pourra raconter le contraire de ce qu’il a fait auparavant sans que nous le sachions. En 2012, pour ce qui est de l’election principale francaise, se souviendra t-on que notre president avait proposé des subprimes à la francaise et qu’une crise a eu lieu à cause de cela ? mettre en relation de vouloir rendre tout le monde proprétaire alors que l’endettement de ceux auxquels est adressé ce message publicitaire-electoral est en accroissement, c’est une betise qui a deja été dite ailleurs. Faire disparaitre les illusions qui nous sont adressées n’est pas simple c’est certain !
    Je concois tres bien que c’est difficile, plus ou moins difficile, plus ou moins futile dans sa vie, que ca n’apporte pas forcement de joie, que ca gache le plaisir de « decouvrir » des problemes… mais chacun est responsable d’une partie de la société. En se desinteressant, en se laissant desisnteresser, en laissant le « système » desintérésser les gens, mettre un bulletin dans une urne devient un geste alétoire, conditionné et sans aucun sens de la responsabilité de celui-ci.

    Appartenir à un parti, un syndicat, une association … sont autant de moyens de reflechir (de faciliter la comprehension) dans un sens commun sans etre obligé d’adhérer totalement à toutes les idées. Etre « enrolé » dans un groupe est un terme fort qui dénigre un engagement, une adhesion qui n’est pas contrainte et illimitée mais volontaire et temporaire ! Dénigrer l’intérêt de ces mouvements a conduit à une perte de connaissances politique, syndicale, associative et à une difficulté plus grande pour déterminer son degré d’accord avec les grandes tendances des mouvements démocratiques.
    Ce blog de M.Jaurion dit des choses qui me semblent très justes mais un seul avis n’est pas suffisant pour se faire une idée « complète ». C’est la meme ouverture d’esprit qu’il faut avoir dans un parti, un syndicat,… ou meme en dehors !

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  1. Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…

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