Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Je vous ai ménagé jusqu’ici. Ce n’est peut–être pas le sentiment que vous avez mais je vous ai épargné mon amour pour le Country & Western.
Je vous ai déjà parlé des amis qui me faisaient écouter l’Incredible String Band en 1971 (les futurs Aksak Maboul). Ils vous diraient : « Paul aimait la même musique que nous mais il avait aussi cet amour bizarre pour le country ! » Et si c’est à Vincent que vous parlez, il ajoutera : « J’ai toujours des 33 tours à lui : un Hank Williams, un Jeannie C. Riley avec Harper Valley P.T.A. et un Hank Loughlin. Je m’en voudrai toujours de ne pas les lui avoir rendus ! »
Qu’est ce que j’aime dans le Country ? Le fond de ballade irlandaise mâtiné d’un million d’autres influences. La dimension guimauve propre au style n’est pas ma tasse de thé mais j’ai un faible pour le degré zéro de la rébellion qu’on y trouve surtout.
Waylon Jennings est mort en 2001. Il avait été, à ses débuts, le bassiste de Buddy Holly et il devait la vie au fait d’avoir cédé à « Big Bopper », l’auteur de Chantilly Lace, son siège dans l’avion marqué du sceau du destin.
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6 réponses à “Le degré zéro de la rébellion”
Un pays qui sait fabriquer de la musique aussi bonne ne peut pas être fondamentalement mauvais. Qu’on se le dise !
J’ai moi aussi beaucoup de respect pour la country music. Les amateurs de rock que nous fûmes tous dans nos jeunesses respectives (souvenirs souvenirs) n’ont pas eu assez conscience de l’importance que cette musique là a représenté dans la genèse de la nôtre.
C’est un lieu commun de dire que le rock ’n roll (blanc) vient du blues (noir) et beaucoup ont martelé la chose avec parfois mauvaise conscience et aussi un brin de masochisme. Je crois pour ma part que le passage de l’un à l’autre s’est fait par le filtre obligé de la country music.
La country music a aussi été le point de départ de la renaissance de la musique folk au début des années soixante. Celle-ci a elle-même ensuite contracté des mariages féconds avec des gens comme Dylan, Neil Young, David Crosby et sa bande, et bien d’autres encore que vous connaissez probablement aussi bien que moi.
De la country music sont sortis des musiciens fabuleux –je pense à un guitariste comme Doc Watson- dont la technique, la virtuosité et l’inventivité, n’ont rien à envier à des genres musicaux présumés plus nobles. C’est elle aussi qui a produit l’une des figures les plus attachantes de la musique américaine : Johnny Cash. Celui-là, autant par sa vie haute en couleurs que par ses positions politiques, a représenté presque l’antithèse de l’abruti chantant des Grandes Plaines, qui compose l’image généralement évoquée chez nous dès qu’il est question d’un artiste de country music.
Quant au « degré zéro de la rébellion » que vous évoquez à propos de ce style, et pour lequel vous auriez, à ce titre ( ?) un « faible » est-ce bien le problème ?
Pourquoi voir toujours de la rébellion dans des phénomènes artistiques de masse où il n’est de toute façon question que de commerce ?
Le sociologue Michel Clouscard voyait dans le rock l’un des rites initiatiques permettant le passage d’un capitalisme de production à un capitalisme de consommation -ou de « séduction » selon son propre concept- et son analyse était sans doute juste quelque part.
Il passait néanmoins lui aussi à côté de ce qui fut essentiel pour les consommateurs culturels enthousiastes mais au fond très distanciés que nous étions.
La musique populaire américaine a en effet représenté surtout pour nous l’utopie d’un langage universel transcendant toutes les barrières.
C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui encore, quand je vous parle de la condition des femmes de ménage en France et que vous m’envoyez en retour une vidéo de Cabrel (clone français du folk-rock américain), je sens que j’ai été bien compris, même si sociologiquement et géographiquement nous n’avons pas grand-chose en commun.
J’ai vu justement beaucoup de films musicaux –de fiction ou documentaires- consacrés à des artistes de musique populaire. Je tiens l’écrasante majorité d’entre eux pour des nullités cinématographiques absolues, dans leur travers à verser systématiquement dans l’hagiographie et la déification béate de leur sujet. Leur seul intérêt était donc –au moins pour les gens de ma génération- de nous donner à voir des gens que l’on avait d’abord appris à aimer en les écoutant.
S’il fallait sauver quelque chose de toute cette soupe, ce serait deux petits films, bizarrement sortis à la même époque, au tout début des années quatre-vingt.
L’un, semi documentaire, est « Rude Boys » de Jack Hazan ( ?), consacré au groupe punk The Clash (animé par le fort brave type et regretté Joe Strummer), le seul film a ma connaissance qui pose clairement la question : « A quoi sert le rock » ? Et lui donne tout aussi limpidement une réponse : politiquement… à rien.
Le deuxième, de fiction, est « Sweet Dreams » de Karel Reisz (lui je le connais) retraçant, par la grâce de la belle et si humaine Jessica Lange, la vie de la chanteuse de country music Patsy Cline.
Pourquoi je rapproche ces deux films de facture fort différente et traitant d’artistes si dissemblables ? Parce qu’ils procèdent tout deux à leur manière d’une démythification du genre, et que, par delà cette démolition en règle, nous sentons bien qu’il reste malgré tout, sous ces formes musicales d’apparence si futiles, quelque chose qui ressemble à de la grandeur.
Celle-là il fallait la ressuciter !!! C’est drôle, j’ai l’impression que chez nous l’on a fait bien pire depuis…
Waylon Jennings, OK.Mais Incredible String Band à Woodstock : la chanteuse avec une incisive en moins qui chante faux ne risquait pas de faire de l’ombre à Grace Slick de l’ Airplane . Qu’est-ce qu’il y dans votre verre, Paul ?
Allez, on en parle et puis je ne les montre pas !
Jeannie C. Riley
Patsy Cline
… et le maître lui-même, Hank Williams. Non, non : ce n’est pas une chanson de Norah Jones !