Jeanne d’Arc

Je n’ai pas pu résister : ça me fait mal chaque année, cette appropriation de Jeanne d’Arc par le FN. On en parlait l’autre jour dans les commentaires, de la sincérité, on en parle aujourd’hui, du courage, de « faire énergiquement [sa] longue et lourde tâche dans la voie où le sort a voulu [nous] appeler » (Vigny), de la résistance indispensable à l’intolérable.

Leonard Cohen aussi a vu dans Jeanne d’Arc, le feu, pas celui destructeur du Vieux-Marché à Rouen : le feu intérieur.

Joan of Arc

Now the flames they followed Joan of Arc
As she came riding through the dark;
No moon to keep her armour bright,
No man to get her through this very smoky night.
She said, I’m tired of the war,
I want the kind of work I had before,
A wedding dress or something white
To wear upon my swollen appetite.

Well, I’m glad to hear you talk this way,
You know I’ve watched you riding every day
And something in me yearns to win
Such a cold and lonesome heroine.
And who are you? she sternly spoke
To the one beneath the smoke.
Why, I’m fire, he replied,
And I love your solitude, I love your pride.

Then fire, make your body cold,
I’m going to give you mine to hold,
Saying this she climbed inside
To be his one, to be his only bride.
And deep into his fiery heart
He took the dust of Joan of Arc,
And high above the wedding guests
He hung the ashes of her wedding dress.

It was deep into his fiery heart
He took the dust of Joan of Arc,
And then she clearly understood
If he was fire, oh then she must be wood.
I saw her wince, I saw her cry,
I saw the glory in her eye.
Myself I long for love and light,
But must it come so cruel, and oh so bright?

Merci à Rumbo, d’avoir évoqué Jeanne d’Arc.

Puisque notre cause est celle de la Justice, combattons, même avec nos moyens dérisoires, ainsi c’est Dieu qui remportera la victoire (Jeanne d’Arc, selon Rumbo).

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6 réponses à “Jeanne d’Arc”

  1. Avatar de Vince

    c’est ce que j’essaie de faire ! 🙂

  2. Avatar de emmanuel
    emmanuel

    Merci également à Paul de prendre position sur le FN il vaut mieux être explicite s’agissant de ces phénomènes de pourrissements de la pensée et continuer à s’en méfier beaucoup….

  3. Avatar de Daniel DRESSE
    Daniel DRESSE

    Allez ! En cette belle fin d’été, j’ai envie de me faire mal voir et de poser la question qui fâche : Pourquoi le FN n’aurait-il pas le droit de se réclamer de Jeanne d’Arc ?

    Mon objection s’appuie (outre l’inévitable « La Guerre de Cent Ans » de Jean Favier / Fayard) sur le très complet ouvrage de Roger Caratini /Archipel 1999 « Jeanne d’Arc, de Domrémy à Orléans et du bûcher à la légende » et le très long commentaire qu’avait tiré de ce livre Jean François Kahn (l’intellectuel extrémiste identitaire bien connu) dans Marianne du 25/10/99 (il est possible de facilement retrouver cet article captivant dans les archives en ligne du magazine).

    Vous voulez voir dans ce personnage historique hors norme un symbole de « la résistance », mais de quelle résistance parlez-vous, pour celle qui fut surtout partie prenante dans une terrible guerre civile où le « camp du Bien » -pour reprendre une terminologie omniprésente dans nos obsessions contemporaines- est bien malaisé à identifier ?

    Résumons brièvement la situation politique de la France en ces décennies qui marquent le début du quinzième siècle. Pour des raisons liées à la fois aux usages de la loi salique (qui excluait les femmes de la lignée dynastique) et aux frasques sexuelles d’Isabeau de Bavière, épouse du roi fou Charles VI, la légitimité du Dauphin, le futur Charles VII –fils hypothétique de la reine mère et d’ailleurs répudié par elle- se trouve contestée par une partie des élites politiques et religieuses du royaume. L’assassinat du plus haut représentant de cette faction –Jean Sans Peur Duc de Bourgogne- par les partisans du Dauphin achèvera l’embrasement et la plongée du pays dans le chaos.

    Le fait nouveau de ce conflit fratricide est qu’il touche l’ensemble du corps social dans ses profondeurs, alors que, jusqu’à présent, les couches inférieures de la société féodale ne se sentaient guère assez concernées pour s’impliquer dans les querelles des princes.

    Quelles sont donc les forces en présence au moment de l’entrée en scène de Jeanne ?

    Le parti bourguignon regroupe les élites du Nord, nobles et ecclésiastiques fidèles au pape de Rome (n’oubliez pas qu’il y a encore deux papes en 1410, l’un à Avignon l’autre à Rome), le peuple de Paris, activement encadré par les corps de métier, et les élites parisiennes – notamment l’université, le Parlement et les échevins.

    La première dimension de ce parti est donc d’être un parti intellectuel, de clercs et de juristes. Il a aussi une dimension internationale, car il a derrière lui le puissant et riche Duché de Bourgogne –un véritable empire qui s’étend de Besançon jusqu’à la Hollande- et la force des troupes anglaises qui occupent des pans entiers du pays.

    Dans la terminologie contemporaine nous dirions aussi qu’il possède une dynamique « progressiste » voire « révolutionnaire » puisqu’il vise à brider l’absolutisme de la règle royale. Préfigurant les évènements de 1789, le tiers état parisien se souleva au printemps 1413, sous l’impulsion du boucher Simon Caboche, pour imposer au roi « l’ordonnance cabochienne », première tentative française de contrôle parlementaire du pouvoir royal, jugé arbitraire, dépensier et dépravé.
    Il est à noter d’une part que c’est ce même tiers état parisien –et bourguignon dans l’âme- qui s’opposera plus tard farouchement par les armes, à l’entrée des troupes de Jeanne dans la capitale. D’autre part, l’ordonnance cabochienne fut rédigée en partie par un intellectuel intransigeant que nous retrouverons lors du procès de la pucelle, Pierre Cauchon, le futur évêque qui la condamna à mort !

    Le parti adverse, plus connu sous le nom de parti armagnac (dû probablement à Bernard VII d’Armagnac, puissant seigneur garonnais et l’un des plus fermes soutiens au Dauphin) fait typiquement figure de camp conservateur.

    Il regroupe les féodaux du centre et du midi et, d’une manière schématique, les seigneurs des territoires situés aux « marches du royaume » (la Lorraine, d’où est issue Jeanne, en offre un bel exemple) et restés fidèles au prétendant légitime à la couronne, tel que déterminé par la loi salique.

    L’attachement envers la monarchie absolue et l’hostilité à toute réforme mettant en cause ce principe –l’ordonnance cabochienne par exemple- constitue leur fond commun.

    Le trait essentiel de ce parti réside cependant dans sa très forte assise au sein de ce qui constitue l’écrasante majorité de la population de l’époque, à savoir la paysannerie.

    Ce fait marquant, à la fois par son ampleur et sa nouveauté, pose question.
    Faut-il y voir un repli proprement « réactionnaire » de populations rurales, bouleversées par les proportions cataclysmiques qu’ont pris la guerre et la maladie au cours des décennies précédentes ?

    Il y aurait alors ici une tentative désespérée de se raccrocher à un système en péril et que l’on pensait immuable, la rassurante verticalité qui découle de l’ordre de dieu et de son prince sur la terre.

    (Je crois que c’est Froissart, qui faisait allusion dans l’une de ses chroniques sur ces temps troublés, à une épidémie de suicides par pendaison dans les campagnes –mort hautement symbolique qui visait à renouer le lien avec le ciel, dans un monde en ruine où l’on se sent abandonné par Dieu).

    En tout cas, c’est de cette masse paysanne que jaillit le puissant mouvement, identifié par les historiens comme l’éveil du sentiment national, qui permit, en l’espace de deux ans à peine, de retourner complètement la situation en faveur de Charles VII et au détriment des armées anglaises.

    Toute communauté humaine se construit à la fois AVEC et CONTRE (que l’anthropologue qui me lit me reprenne s’il estime mon propos simpliste). Avec les siens et contre les autres, ces derniers étant perçus par l’imaginaire collectif comme une entité omniprésente –source de tous les maux- et aisément reconnaissable. En ce sens peut-on avancer que la France s’est forgée au quinzième siècle en un combat forcément fratricide contre l’autre, l’étranger aux nôtres, le fauteur de malheurs, « l’Anglais ».

    Dans ce processus Jeanne d’Arc ne joua que le rôle de catalyseur, galvanisant les énergies par la grâce d’une personnalité sans doute exceptionnelle.

    A ce sujet, même si cela n’est étayée par aucune preuve –que des présomptions et des coïncidences troublantes- et ne le sera sans doute jamais, l’hypothèse selon laquelle elle aurait été un agent formé et manipulé par Yolande d’Aragon, la belle mère de Charles VII, est la seule qui permette sérieusement d’évacuer la dimension légendaire et merveilleuse du personnage (la bergère qui se met soudain à monter à cheval et manier l’épée comme un soudard), pour le restituer dans la réalité plausible de l’histoire.

    Quelques mots maintenant sur le jeu du royaume d’Angleterre. C’est une erreur grossière de voir dans la situation de la France de 1429 une sorte de reflet moyenâgeux de la France de Vichy des années quarante, occupées par l’armée allemande. A la lumière de ce que j’ai écrit précédemment et pour que les deux situations se recoupent, il faudrait en effet imaginer une invasion de notre territoire par les armées hitlériennes à la faveur d’une guerre civile, et une alliance des mêmes armées avec les démocrates contre les réactionnaires de Vichy !

    Sur le plan stratégique, et à ce que je sache, Hitler ne s’est jamais embarrassé de considérations diplomatiques une fois ses blindés ayant forcé nos frontières. Il en va tout autrement des Anglais dans la deuxième phase de la guerre de cent ans.

    Certes il y eut la déroute d’Azincourt, une sorte de réconciliation ludique de circonstance entre les frères ennemis bourguignons et armagnacs, et qui s’acheva en désastre –sans doute l’acte de décès définitif de la chevalerie féodale dans notre pays.

    Mais au-delà cette bataille, les Anglais se sont glissés prudemment dans les affaires françaises, et en un temps on l’on parlait aussi bien notre langue à la cour de Londres qu’à celle de Paris. Je crois que si l’on voulait absolument trouver un équivalent à leur manège à notre époque, ce serait plutôt celui de la Syrie pendant la guerre du Liban.
    Sur le plan militaire, la confrontation directe entre l’armée anglaise et celle de Jeanne d’Arc est extrêmement brève. Elle part d’avril 1429 (la délivrance d’Orléans) à juin 1429 (la victoire de Patay à laquelle elle ne prend même pas part) soit à peine trois mois !
    Tout le reste des campagnes de Jeanne d’Arc est composé de fait de guerre contre les bourguignons où, une fois que Charles VII prit ses distances avec elle, d’actes de mercenariat beaucoup plus troubles contre d’obscurs seigneurs de la guerre.

    Nous touchons là à un non-dit de la carrière de notre héroïne nationale et présumée « résistante » devant l’éternel. La déchéance et la mort de Jeanne d’Arc furent une affaire STRICTEMENT française.

    Capturée à Compiègne par un mercenaire picard, elle fut livrée à un nobliau français, qui la céda au duc de Bourgogne, lequel la fit transférer à Paris sur requête de l’université et au nom de l’église inquisitoriale. Pas un Anglais n’intervînt dans ce parcours complexe.

    De même, la cinquantaine de personnes composant le tribunal qui la condamna au bûcher, outre le fameux évêque Cauchon, étaient tous des dignitaires d’église de l’université parisienne (la laïcité alors n’existait pas) où des diocèses de l’Ile de France.

    Même la main qui mit le feu au bûcher était française.

    Pour conclure ce bref exposé et revenir à ma proposition scandaleuse du début, je laisse parler Jean François Kahn dans l’article déjà cité : « Ici apparaît donc un contexte politique et idéologique que l’on escamote généralement de nos jours : la droite, pour ne pas reconnaître que Jeanne, plus encore qu’elle ne luttait contre l’Angleterre, s’engagea en réalité dans une terrible guerre civile franco-française ; la gauche, pour ne pas risquer d’admettre que, dans cette optique, la Pucelle avait effectivement choisi le camp de la « droite », c’est-à-dire de la monarchie absolue de droit divin ».

    Et un peu plus loin encore : « …Son sens de la hiérarchie féodale, sa phobie de l’anarchie parisienne, ne se démentiront jamais. D’ailleurs, quand en Bohême (actuelle Tchéquie) éclate un brutal mouvement de contestation sociale et religieuse, le mouvement hussite (dont l’inspirateur Jean Hus avait été brûlé vif sur ordre l’église, ce qu’elle trouvait normal) elle fulmine un texte de condamnation de cette rébellion d’une rare violence… ».

    Choix et engagement en faveur de la monarchie absolue et refus de toute remise en cause de ce dogme par la loi parlementaire, soumission à l’ordre divin, nationalisme ombrageux tirant ses racines de la terre sacrée et s’exprimant à travers la haine de l’étranger et du parti de l’étranger, culte des armes et du chef de guerre, nous voilà même bien au-delà des rodomontades de l’aventurier boulevardier et très jouisseur dictateur de PME qu’est Jean Marie Le Pen.

    En tout cas, que ceux qui voient un hiatus entre ce programme là et les intentions exprimées explicitement ou implicitement présumées dans le fatras idéologique du Front National m’écrivent.

    Je plaisante bien sûr, tout bonnement parce que les deux époques ne sont pas comparables, et c’est la leçon que je propose d’ailleurs de tirer de ce rapprochement douteux.

    Je crois qu’il faut se méfier des analogies en histoire, sous peine de voir toute investigation historique bornées par les impératifs moraux obligés et indépassables que seraient « l’innommable » ou « l’intolérable » (je sais que vous n’allez pas aimer ça Paul mais tant pis).

    Il y va tout de même de l’intelligibilité des faits historiques et du danger de tomber dans des espèces d’anachronismes à rebours complètement insensés.

    Les faits historiques sont les faits historiques, tous uniques dans le contexte bien précis du temps et du lieu où ils se produisent, un point c’est tout. Toute classification, Toute synthèse, ne doivent jamais perdre de vue cette règle là. Il n’y a pas de leçon à tirer de l’histoire, il n’y a que des repères lesquels peuvent parfois aider à la lucidité. Parfois…

    Mais bien sûr nous sommes en république, et je n’empêcherai jamais Luc Besson de contenter la frange célibattante et féministe de son public en imaginant une Jeanne d’Arc prenant l’épée suite au viol par la soldatesque anglaise de l’une de ses proches (ce genre d’exaction -dans un contexte de guerre civile au quinzième siècle- étaient tellement banal et intériorisé par les victimes du peuple qu’une telle hypothèse frise le ridicule).

    Je n’empêcherai pas plus qui que ce soit de se demander si Louis XIV était un roi facho, Saint Louis un roi antisémite, Philippe le Bel un roi sexiste, voire, s’il n’y avait pas un monarque gay faisant son « outing » derrière la démarche de Dagobert, le célèbre roi qui avait mis sa culotte à l’envers.

    Je n’ai rien contre Léonard Cohen non plus. J’ai même appris à jouer de la guitare –pas trop mal 35 ans après- en planchant sur ses arpèges. Disons que je lui ferais moins confiance pour ses analyses historiques.

    Daniel DRESSE.

  4. Avatar de catherine
    catherine

    Bien entendu, tout le monde peut se réclamer de tout , je suis d’accord avec vous, on peut certes le regretter mais jamais l’empêcher, nous ne sommes pas les Fouquier-Tinville de ce nouvel ordre.

    La pensée est une usine à créer des illusions, si on ne pense pas comme ceci, on pense comme cela, mais ça finit très souvent à côté de ce qui est, non ?

    L’idéologie est du côté de la réalité, les faits sont du côté de la vérité.

    Reste aux hommes à faire le tri en confrontant cette pensée à ce qui est, ils auront la réponse à leur question, si peu qu’ils cherchent un peu, mais personne ne peut faire ce chemin à leur place ce serait dénier à l’humain sa part de responsabilité, ça leur revient, on peut juste tenter de débroussailler ce qui risque d’obscurcir leur vision.

  5. Avatar de Paul Jorion

    Et Jehanne, la bonne Lorraine,
    Qu’Anglois bruslèrent à Rouen ;
    Où sont-ilz, Vierge souveraine ?…
    Mais où sont les neiges d’antan !

    François Villon

  6. Avatar de Alain A
    Alain A

    Merci M. Dresse… Je m’étais toujours demandé qui pouvait bien être, historiquement et pas folkloriquement, cette bergère qui était devenue cheffe d’armée (suis pas Français)… Me voilà informé. Le FN est donc cohérent d’avoir pris cette donzelle comme symbole, sauf sur un point quand même: si je ne m’abuse, les fachos considèrent que la place de la femme est plutôt à la cuisine, non ? Les trois K des nazis Allemands pour définir la place et rôle des femmes n’était-il pas « Kirche, Küche, Kinder » (mille excuses pour l’orthographe, suis pas germaniste non plus…) : à l’église, à la cuisine et à s’occuper des enfants…

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