Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Blumenbach est connu comme l’inventeur de l’ »ethnologie » conçue à cette époque, dans la lignée ouverte par Adanson, Tournefort, Linné, comme la classification des animaux à partir de leur apparence visible, et en particulier de leur squelette, appliquée pour la première fois à l’espèce humaine. Le terme « caucasien » pour désigner les Européens – terme encore utilisé aux États–Unis – lui est dû.
L’expérience tourna court (j’ai beaucoup écrit à ce sujet dans les années 1980) quand on s’aperçut que ces classements obligeaient à regrouper des populations humaines qui n’étaient pas liées historiquement (du moins dans un passé connu), et l’on se tourna alors vers un classement des hommes fondé sur leur culture (« cultural anthropology » américaine) ou sur leurs institutions (« social anthropology » britannique) pour créer l’ethnologie « moderne ».
Cet aspect du travail de Blumenbach a abouti aux poubelles de l’histoire. Beaucoup plus intéressantes à mon sens, sont ses recherches sur la domestication des espèces, les changements de leur apparence et de leur comportement dus à leur domestication par l’Homme. Son observation que l’histoire humaine révèle que notre espèce s’est soumise elle-même à la domestication, avec les mêmes conséquences, est ce à quoi je renvoie quand j’évoque les mânes de Blumenbach.
Le moyen que la nature s’est offerte pour se surpasser :
Qu’un résultat partiel ait pu être obtenu est d’autant plus surprenant que notre hostilité à l’égard de nos congénères a toujours été extrême et que, comme l’avait déjà bien perçu l’anthropologue Johann Friedrich Blumenbach (1752–1840), nous avons été forcés, à l’instar de ce que nous avons imposé à de nombreuses espèces animales et à de nombreux végétaux, de nous domestiquer nous–mêmes à l’échelle de l’espèce tout entière.
L’économie a besoin d’une authentique constitution :
A la fin du XVIIIè siècle, l’anthropologue Johann Friedrich Blumenbach avait observé que nous avons soumis notre propre espèce au même régime que celui que nous avons réservé à certaines autres : nous nous sommes domestiqués. Cette domestication, qui a pacifié nos rapports mutuels, n’est pas complète.
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6 réponses à “Johann Friedrich Blumenbach (1752–1840)”
j’imagine qu’il y a un rapport à la violence lorsqu’on parle de domestication de l’homme. domestiquer pour juguler ce qui est, après tout, commun à toutes les espèces animales…
et vous faites bien de faire un parallèle avec le capitalisme « prédateur », ce qui conforte mon idée selon laquelle la régulation est absolument nécessaire. ou alors on abandonne le capitalisme ! ce qui ne me semble pas très réaliste…
C’est un équilibre fragile, la domestication. Un conseil d’anciens, avec ou sans mânes, a dû imposer quelques règles de survie à la tribu dans un contexte particulier, puis la transmission a dû s’opérer de générations en générations, avec des aménagements. Mais le cerveau d’un nouveau-né est une éponge qui s’adapte à la domestication à coups de névroses… Comment nous libérer du cerveau reptilien ? Je m’étonne moi-même parfois, lorsque je dépasse les limites de la domestication de façon soudaine, guidé par un instant de colère. Il faudrait saisir cet instant de colère pour peindre, chanter, danser, le rendre « art », « l’artiser » !
Merci pour ce billet, il est vrai que pour le commun des mortels, l’expression « ô manes de Blumenbach », c’était la messe en latin, même si elle n’était pas le fondement du texte, elle éveilla ma curiosité d’être domestiqué.
Ce blog, c’est une vraie manne ! 😉
Plusieurs difficultés se présentent :
– quelles sont les modalités exactes de la domestication humaine ? l’établissement de règles de vie en société ? Mais ces règles sont faites par un petit nombre de citoyens, à leur profit la plupart du temps et même lorsque l’enrobage s’appelle démocratie. La démocratie « représentative » met au pouvoir des représentants qui s’élèvent au-dessus des autres et coupent progressivement les liens avec leurs électeurs (à plusieurs exceptions près, et en-dehors des périodes électorales, bien sûr). La démocratie directe ne peut s’exercer qu’avec un petit nombre de citoyens (pour des questions pratiques) et ne reflète que l’avis des plus dégourdis, des plus enthousiastes et de ceux qui osent prendre la parole ; les positions des timides, des inhibés, des « auto-censurés » n’apparaissent pas.
– sur quels principes éthiques reposerait la constitution économique ? Comme les constitutions politiques, elle doit s’établir pour le profit de tous. Mais qui en choisirait les termes ? Les plus éclairés ? Donc des économistes ?
– quel lien y aurait-il entre la constitution politique et la constitution économique ? Ne faudrait-il pas plutôt envisager un processus de domestication global, où l’économique et le politique seraient liés ?
@ sandrine
le seul lien que je vois entre le politique et l’économique serait le rapport maître/esclave. Les deux ne DOIVENT PAS être « dilués » dans une rhétorique globale, le politique doit être AU DESSUS de l’économique – qui n’est après tout qu’une de ses composantes, l’aurait-on oublié ? -, c’est donc au politique de définir l’économique.
Concernant les produits alimentaires, par exemple, que s’est-il passé ? ça spécule, ça achète des contrats, les prix grimpent, des gens en souffrent, mais qu’est-ce qui a justifié l’envolée des prix ? je veux dire, fondamentalement ? le réchauffement climatique ? comme si en un an ou deux, hop ! c’est la sècheresse partout ? soyons sérieux… un exemple de règle serait tout simplement d’établir des seuils spéculatifs maximum (en %) de préférence réduits, pour simplement empêcher que le prix du blé fasse +15% en un mois.
Facile à dire mais pas facile à faire ? je précise que je ne suis pas économiste ! 😉
Je ne suis pas économiste non plus, et je suis totalement d’accord avec le fait que l’économie doit être subordonnée à la politique.
La politique oeuvre (théoriquement…) pour le bien de tous, alors que l’économie libérale ne flatte que l’intérêt particulier. L’effort pour être un animal politique (responsable vis-à-vis de sa cité, au sens antique du terme) est beaucoup plus difficile aujourd’hui qu’au temps d’Aristote, lorsque l’économie n’était que « la loi de fonctionnement de l’unité de production de base » (c’est-à-dire la maison, au sens étymologique du terme). Aussi n’était-il pas besoin d’encadrer une économie « privée » (ne concernant pas la cité), seule la politique étant « publique ». Aujourd’hui, le rapport de force s’est inversé : l’économie reste « privée » (à but individuel) mais semble avoir pris le pas sur les politiques publiques (qui ont avant tout, on dirait, un but économique, mais pas forcément de régulation économique).
bonjour jai un livre tres vieux de johann friedrich je veux savoir la valeur et la date je peux vous envoiye des foto merci