Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Je rédige en ce moment le chapitre consacré à la France d’un nouveau livre, ce qui m’oblige de me pencher à nouveau, sept mois plus tard sur les péripéties de l’ »affaire Kerviel ». L’ »affaire » est intéressante parce qu’elle révèle la manière dont une importante banque française choisit de traiter, du moins dans la phase initiale de la crise, la façon dont le tarissement du crédit consécutif à la crise des subprimes affecta ses recettes : en mettant en avant les pertes subies à l’occasion d’opérations spéculatives d’un trader isolé, opérations qualifiées de « fraude ».
Une telle présentation, centrée sur un employé « fou », plutôt que sur la crise profonde de la finance que constituait le naufrage de la titrisation des crédits de l’immobilier résidentiel américain, dont l’imminence aurait dû être décelée et comprise par la direction d’une grande banque, exonérait celle-ci de toute responsabilité. Tous les commentateurs ne lurent cependant pas l’incident selon l’éclairage souhaité par la direction de la Société Générale, ainsi, le 29 janvier, soit cinq jours seulement après que la « fraude » ait été révélée dans un communiqué tonitruant annonçant une « fraude exceptionnelle », l’International Herald Tribune titrait : « Trading scandal diverts attention from Société Générale’s subprime losses » : « Le scandale de trading détourne l’attention des pertes de la Société Générale liées aux subprimes ». L’article, signé par Julia Werdigier, débutait par ces mots :
Les opérations non-autorisées de Jérôme Kerviel coûtent 4,9 milliards à la Société Générale mais elles constituent également une diversion qui permet d’éloigner à point nommé les projecteurs des 3 milliards de dollars de pertes de la banque liées à la crise des subprimes ».
Ce que la direction de la Société Générale n’avait certainement pas prévu, c’est que les réserves exprimées par la presse vis-à-vis de la version officielle des faits contribueraient à diriger le phare de l’actualité sur deux traits de la finance internationale sous sa forme contemporaine : d’une part, sur la proportion importante des revenus des grands établissements financiers reposant sur des paris spéculatifs aux montants astronomiques et dont le théâtre est celui de leurs salles de marché et, d’autre part, sur les rémunérations extravagantes qui caractérisent le secteur financier et dont bénéficient en particulier les dirigeants des établissements bancaires.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
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