Demain, nous fêtons l’assomption de la Vierge Marie, à qui j’ajoute toutes les mères d’enfants martyrisés ou disparus dans des circonstances dites troublantes.
Ce devait être mardi dans Libération, pour le premier anniversaire de la panne du crédit, un long entretien avec Lauryn Ortiz. Ç’aurait dû être remis au samedi 16, le lendemain de l’Assomption.
Comme je n’ai eu aucune nouvelle, j’affiche l’entretien ici comme commentaire. Quand on y verra plus clair, j’en ferai un billet proprement dit.
9 réponses à “Libé, samedi 16 août (mise à jour 4)”
le tirage de Libé va exploser, pas bon pour les forêts, il faut mettre en ligne rapidement !
Bonjour,
Il est où votre article dans libé de ce jour…
A quand un billet de P. Jorion sur papier journal ?
Bien à vous
Bonne question : vous parlez sans doute de la version imprimée et je ne vois rien non plus sur la toile. Ce n’est pas très sérieux. Je viens d’envoyer un message à Lauryn Ortiz avec qui j’ai eu l’entretien. S’il s’avère que la publication a été une fois de plus retardée, et cette fois-ci sans que l’on ne m’en avertisse, j’afficherai le texte ici aussitôt.
Le château de sable qu’est l’immobilier résidentiel américain continue de s’écrouler, emporté par les fameux prêts hypothécaires accordés aux ménages les plus modestes (subprimes). L’inquiétude touche désormais les prêts Alt-A (catégorie entre subprime et prime), souscrits par des foyers pourtant plus solvables. Est-ce à dire que, depuis un an, les responsables politiques, laissant les ménages surendettés se bruler les ailes, n’ont pas réagi ?
Jusqu’à il y a une quinzaine de jours, ils n’ont pas fait grand-chose. Le credo d’Henri Paulson, secrétaire d’Etat au trésor, c’était de laisser le secteur privé se débrouiller. Car s’ils avaient pris conscience du mal, les dirigeants ne savaient pas en localiser la racine. C’est une série d’auditions de banquiers et de patrons de hedge funds au Sénat – qui a donné lieu à des échanges assez vifs – qui a fait émerger un portrait sombre de la situation : les investisseurs ne savaient pas ce qui se passait. Ces non-réponses étaient une information en soi… Aujourd’hui, Paulson opère un revirement. Face aux pertes colossales des deux agences semi-privées (Government Sponsored Entities) qui possèdent ou garantissent 96% de l’industrie du prêt immobilier, Fannie Mae et Freddie Mac, il a annoncé des mesures dignes d’un plan de renationalisation.
Quelles sont ces mesures ?
L’Etat a déjà subventionné des banques en difficulté et l’autorité de la Bourse américaine (SEC) a durci les règles, avec l’interdiction de parier sur la baisse des cours des actions de la banque Lehman Brothers et celle de répandre des rumeurs sans fondement à son sujet. Maintenant, il prévoit de racheter les actions de Fannie Mae et Freddie Mac en créant des « actions privilégiées » (preferred shares). De fait, il en deviendra l’actionnaire majoritaire et seul subsistera l’illusion qu’elles appartiennent au secteur privé.
Pourquoi s’évertuer à sauver Fannie Mae et Freddie Mac ; parmi les plus grosses capitalisations boursières à New York, ne sont-elles pas responsables de leurs erreurs ?
C’est une question de crédibilité sur la scène de la finance internationale. Les obligations adossées aux crédits hypothécaires (mortgage-backed securities) ont été achetées pour des sommes astronomiques par les Chinois, le Japon, la Corée du Sud et la Russie. Par ailleurs, les agences de notation sont sur la sellette. Après avoir été accusées de laxisme pour ne pas avoir signalé les risques à temps, cette fois, elles ne laisseront pas passer les Etats-Unis plus qu’un autre. Or pour l’Etat américain, il est impensable d’avoir une note de crédit médiocre, car il ne peut se permettre de payer une surprime à l’égard de ses créanciers.
Et les ménages, va-t-on les sauver ?
Ce n’est pas encore officiel, certes, mais les Etats-Unis vont reproduire ce qu’ils ont fait par le passé. C’est un New Deal (le plan de Roosevelt lancé en 1933 pour sortir de la Grande dépression, ndlr) qui se profile. Pour l’instant, on laisse les banques agir de manière volontaire en leur proposant d’apurer les prêts au niveau de la valeur actuelle de la maison hypothéquée. Sauf que le prix de l’immobilier est toujours en chute libre. On observe même une accélération due au durcissement des conditions de crédits. Dans six mois, on constatera donc que cette solution n’a pas marché. Il faudra alors continuer dans le nouveau sillage de Paulson. Notons à cet égard qu’avec la crise, on est passé outre-Atlantique d’un régime ultra- libéral, façon Alain Madelin, à ce qui pourrait être du Jean-Pierre Chevènement, à gauche de la gauche. Et aux prochaines élections du Congrès (4 novembre, ndlr), il faut s’attendre à un raz-de-marée démocrate.
Et pour la présidentielle ?
Je ne sais pas, car Barack Obama n’a pas de propositions claires et John Mc Cain soutient toujours la guerre en Irak. Or ce New Deal est difficilement compatible avec la guerre. L’Etat américain est déjà très endetté, et le coût de l’un comme de l’autre est énorme. Il y a donc fort à parier qu’il retire rapidement ses troupes, l’ardoise potentielle de Fannie Mae et de Freddie Mac s’élevant à 5000 milliards de dollars. Ca serait assez drôle que ce soit Mc Cain qui s’y colle. Dans tous les cas, on aura une politique de gauche, de type sociale-démocrate.
Vous évoquez le New Deal. Vous pensez donc que la crise économique actuelle est aussi grave que celle qui a suivi le krach de 1929 ?
Oui. Les mesures de Paulson arrivent trop tard. La crise, partant de l’immobilier, a eu le temps de se propager à de nombreux secteurs, comme un métastase. A la Bourse, bien sûr, mais pas seulement. Les investisseurs qui se sont détournés des subprimes sont aller spéculer sur les matières premières et le pétrole, ce qui a contribué à la flambée des prix de l’alimentaire et de l’essence. Du coup, d’un côté, les consommateurs, étranglés, surveillent leur carte de crédit. De l’autre, les compagnies aériennes et automobiles sont frappées de plein fouet par la hausse du pétrole. Les pertes d’emploi augmentent, le chômage s’installe.
Spéculateurs, industriels, ménages… : tout le monde devient l’ennemi de tout le monde ?
Exactement, d’où un retour du politique. La direction du groupe Wal-Mart a mis récemment en garde ses contre-maîtres du risque d’un raz-de-marée syndical. Car le revenu disponible des individus commence à être limité par le niveau des salaires, faute d’un accès facile au crédit et de plus-values réalisables sur sa résidence.
De là à un changement de mentalité, nourri par un émiettement du rêve américain largement basé sur le culte de la propriété ?
On observe déjà que la proportion de propriétaires diminue, de 69,3 % avant la crise, le chiffre doit aujourd’hui être retombé près des 60 %.
Quel est l’impact sur l’économie mondiale ?
Dans ces conditions, la Chine pourrait vite devenir la première puissance mondiale. Reste à savoir si son marché intérieur peut remplacer le marché américain, quand 30% de la consommation mondiale est encore le fait des ménages américains.
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1) Vers la crise du capitalisme américain ? (janvier 2007)
2) L’implosion, la finance contre l’économie (mai 2008), et un ouvrage en cours.
Je viens de lire ceci, il y a cinq minutes.
Voilà une heure de vérité de plus qui s’approche? Très bien! À quand le remboursement des intérêts, (intérêts composés) payés par d’innombrables pays pauvres? Et d’autres pays autres bien sûr. Et ceci, particulièrement depuis 1980-82, ces intérêts représentent plusieurs fois le « capital emprunté ». Pour 1 dollar emprunté en 1980, des pays en avait déjà remboursé 7 en 2002…
Interview de bonne facture, dommage que Libération la laisse de côté…
Juste pour une petite info, Jean Pierre Chevènement n’est pas un homme politique que l’on peut classer à la « gauche de la gauche ». Son parti, le MRC, est plutôt centre gauche. La gauche de la gauche, si l’on parle de la situation interne du PS, cela serai plutôt Jean-Luc Mélenchon
@ Rumbo
Ce dont parle Le Figaro était l’objet de mon billet de mercredi Un scandale financier ordinaire.
@ Otman
Vous avez raison : ma comparaison avec le revirement, correspondant à un glissement qui aboutirait à une position du type Jean-Pierre Chevènement, est à mon sens correcte. Dire que Chevènement représente la « gauche de la gauche », ne l’est pas. Ce serait faux de toute manière par rapport à la nouvelle donne en Amérique.
C’est là le danger que présentent les interviews reconstituées à partir de notes prises au cours d’une longue conversation. Le texte m’a été soumis pour approbation, cela m’a malheureusement échappé.
Paul a écrit
Oui, autant pour moi, les approches d’informations sont trompeuses, et surtout, je vais trop vite, car j’avais bien lu ‘Un sandale fianncier ordinaire’.
À propos de Libération qui semble ne pas vouloir publier l’enttretien de Paul, j’ai oublié de rappeler que ce journal appartient pour 1/3 à Rothschild…
@ Rumbo
Je ne pense pas qu’il y ait une intention quelconque de ne pas publier cet entretien. Je suis sûr qu’il s’agit de priorités. Un entretien « anniversaire » doit nécessairement faire place à l’actualité. La veille du 15 août semblait sans doute a priori comme le meilleur moment pour placer ce genre de choses : « Plein soleil ! »
C’était compter sans l’Ossétie Méridionale.
J’avais été prévenu du premier contretemps, mais pas du second.