In vino veritas

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

A propos de Siné, dans l’extrait de Wikipedia que j’ai reproduit hier, il est dit

Il présentera ultérieurement des excuses à la LICRA, affirmant avoir été ivre au moment de ces déclarations.

De la même manière, à propos du passage d’un article de Herbert Schui que j’ai reproduit dans Les hypothèses orphelines :

Sir Alan Budd, qui travaillait au ministère des Finances britanniques dans les années 1970 et a été un des promoteurs les plus radicaux du monétarisme dans les années 1980, quand Margaret Thatcher dirigeait le gouvernement, a expliqué très clairement ce que cela signifiait sur le plan politique : le but du monétarisme a été et reste l’affaiblissement systématique de la position des salariés. Selon Budd, nombre de ceux qui étaient alors au gouvernement « n’ont jamais cru que l’on pouvait combattre l’inflation par le monétarisme. Ils reconnaissaient certes que le monétarisme pouvait être très utile pour augmenter le chômage… »

je me suis dit après l’avoir lu : « Quand il a dit ça, Sir Alan Budd devait avoir un coup dans le nez ! »

Quand j’étais étudiant, nous avons passé une très longue soirée avec l’un de nos professeurs qui s’est soudain mis à expliquer qu’il ne s’était tourné vers les activités pour lesquelles nous l’admirions tant qu’à la suite d’une déception : lorsqu’il s’était rendu compte qu’il n’avait pas de talent pour la vocation qu’il s’était longuement imaginé être la sienne. Nous étions consternés, nous aurions tous préféré qu’il en soit resté au verre précédent.

J’ai dit hier à propos de l’ironie, que c’est une manière de mettre des guillemets autour de ce qu’on dit. C’est un défi que l’on propose à qui vous écoute : m’imagines-tu capable de dire une chose pareille ? Un moment interloqué, il vous regarde, puis il éclate de rire : « Non, c’est tellement ‘pas toi’ ! » Dire qu’on était ivre, c’est aussi une manière de mettre des guillemets – des guillemets qui viennent alors que la table est déjà desservie et qu’on est obligé de placer sur le tard parce qu’en fait personne n’avait ri – parce que tout le monde s’est dit au moment-même : « C’est lui tout craché ! In vino veritas ! »

Mais s’agit-il bien de la vérité ? Il s’agit sans doute de quelqu’un d’autre qui parle : l’avocat du diable intérieur, voire le diable lui-même. C’est en tout cas révélateur, révélateur d’une autre voix, d’une autre voie possible. Octave Mannoni, dans « Je sais bien, mais quand même… », avait analysé comment deux représentations contradictoires peuvent coexister dans la même âme, toutes deux vraies, chacune à sa manière.

Ce qui m’a fait penser à cela, c’est l’échange de correspondance entre André-Jacques Holbecq et Valéry Giscard d’Estaing.

Message initial (N°16)

Réponse et commentaires

Rien ne me fait penser que l’ancien Président soit de mauvaise foi : l’explication qu’il propose est l’explication classique.

Je sais bien, mais quand même… j’aimerais quand même bien entendre celle qu’il aurait à offrir, un jour, au petit matin, entre les cadavres de verres à fine et les mégots de Cohibas.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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4 réponses à “In vino veritas”

  1. Avatar de Benoit
    Benoit

    In vino veritas… Oui.

    Finalement, c’est assez terrifiant ce genre de justification :
     » Excusez-moi pour ma sincérité, je n’étais pas en état de la dissimuler : j’étais ivre. »
    Ou mieux !, par extension :
     » Ma parole « ne vaut pas » : j’étais sincère !!  »

    On se prend à halluciner : Mais alors que pensent-ils tous… « pour de vrai » ?
    Brrrrr… Grand frisson…

    Ça me rappelle mes mésaventures aux USA, où je croyais que ma parole pouvait « VALOIR »… puisqu’elle était sincère ! Et bien non, elle fâchait !!! A bon entendeur… mentons. Enfin, pas tout à fait, elle ne fâcha pas tous ceux que je rencontrai : les « Peuples Premiers » appréciaient… ma langue « non-fourchue ». Ils apprécient la convergence en un point unique d’une attitude de l’esprit, du corps et du regard. La congruence, comme dit notre ami Jacques Salomé.

    Sur ce sujet, celui d’une parole sincère et non torve, … attention : non-alcoolisée (!), celle dont parfois nous rêvons en secret, notamment dans nos couples, on peut rêver… on doit rêver encore, oui oui ! , …

    J’ai trouvé admirable, une merveille de pédagogie, le livre de Jean-Jacques Crevecoeur :
    « RELATIONS ET JEUX DE POUVOIR ».
    Un grand livre. Il n’y en a pas tant que ça.

    Depuis, j’ai essaye de le vivre, de suivre les conseils de Jean-Jacques, précisément en couple. Là où c’est le plus difficile ?

    Echec : avec ma compagne française, qui s’y est refusée. Suivi d’une rupture.
    Réussite : avec ma compagne thaïe, sur les bords du Mékong. La vertu bouddhiste applique ces préceptes depuis 2500 ans. L’enchantement ! Pour qui s’en donne les moyens…

    Paul, ton papier : un délice…, des « petits-fours ».

  2. Avatar de bernard
    bernard

    Il faut aller jusqu’au bout de l’idée:
    le passage dans l’isoloir devrait requérir la fréquentation préalable et active d’un bar de bistrot et le test d’alcoolémie (positif) obligatoire pour valider le vote!

  3. Avatar de Benoit
    Benoit

    Ah ah ah… elle est excellente !

    On peut imaginer aussi le quidam titubant, debout face aux Juges en robe, imperturbables et sévères, le quidam tendant au bout d’un bras hésitant une main droite tremblotante, au-dessus d’un tonneau de Beaujolais nouveau, et déclarant solennellement face aux Juges :
    –  » Sur ce tonneau de Beaujolais, hips !, je jure, hips-juuuure… te dire LA vérité, pfffoui rien… que la véri-hips!-té, toute la hips!véritips, JE LE JURE OUAIS !! (hips…!)  »
    –  » Très bien, dit le Juge… Voila un citoyen honorable. Les débats peuvent commencer… »

  4. Avatar de vince

    « Il s’agit sans doute de quelqu’un d’autre qui parle : l’avocat du diable intérieur, voire le diable lui-même. »

    Quel style enflammé !

    😀

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