Les Everly Brothers

J’essaie bien sûr de joindre l’agréable à l’utile et puisqu’il me faut de toute manière lire le Wall Street Journal, je me suis plongé ce matin avec enthousiasme dans un compte rendu de la tournée de concerts qu’entreprennent en ce moment conjointement Alison Krauss et Robert Plant, dans le sillage de leur album de l’année dernière intitulé Raising Sand. La combinaison est a priori un peu inattendue : d’un côté l’égérie du blue grass et de l’autre, le chanteur solo du Led Zeppelin – qui passait à une époque pour un groupe de hard rock (si, si, je vous assure mon bon Monsieur !). Rien de surprenant toutefois si l’on pense aux autres duettistes de choc de l’année dernière : Emmylou Harris et Mark Knopfler de Dire Straits et leur excellent album All the roadrunning.

Et je lis ceci, sous la plume de Jim Fusilli, le commentateur du Wall Street Journal, à propos de Krauss et Plant : « Leurs voix se mêlent si bien lorsqu’ils chantent à l’unisson dans une harmonie serrée, contrôlée, de type Everly Brothers, le Rich Woman par lequel ils débutent la soirée ». (*)

Je ne rédigerai pas ici un traité sur les Everly Brothers (je compte sur vous pour cela), qui n’ont bien entendu pas inventé l’unisson harmonique, mais puisqu’on parlait d’influences l’autre jour, il faut bien dire que rares ont été les duettistes de pop anglo-saxonne qui n’ont pas pensé aux frères Don et Phil quand il s’est agi de chanter à l’unisson. Les premières chansons de Simon et Garfunkel (à l’époque où ils n’étaient encore que Tom & Jerry) en constituaient d’ailleurs un simple démarcage.

Tout ceci m’a rappelé quelques paragraphes que j’ai consacrés aux deux frères dans des notes prises en 2003 et que voici exhumées de la naphtaline à votre intention.

Et on fait comme ça de gaieté de cœur son deuil d’un million de choses « pour faire plaisir à ses parents ». Et ces deuils portent sur ce qui est peut–être pour vous essentiel, alors qu’il ne s’agit de la part des parents que de caprices fondés sur des expériences personnelles mal interprétées, voire de simples erreurs de jugement. Parce que les millions de petits deuils qu’on a faits, on n’en a même pas conscience. J’en donne un exemple, d’il y a quelques années, de l’époque de Brenda et de Laguna Beach. J’ouvre un jour le journal et je lis « Concert des Everly Brothers à San Juan Capistrano ». Oh ! On ne peut pas rater ça ! Et nous allons effectivement les écouter, avec à notre table un couple anglais dans la cinquantaine dont la femme pleurera d’émotion sans discontinuer pendant toute la durée du concert, et ils chantent dans cette salle genre saloon Wake up little Susie et All I have to do is dream et bien sûr ils ont soixante ans mais, comme dit la chanson : la voix est là, le geste est précis et ils ont du ressort.

Et en sortant du Stage Coach, j’ai le sentiment d’une extraordinaire victoire sur le temps. J’ai dû à un moment de ma vie me dire quelque chose du genre : « Il est maintenant trop tard : tu n’assisteras plus jamais à un concert des Everly Brothers ». Non pas que ça me tarauderait outre mesure, mais il doit y avoir des millions de deuils minuscules comme celui-là, qui s’accumulent et qui – littéralement – vous tuent, et pour la plupart d’entre eux, il y a en réalité encore quelque chose à faire, il existe encore une parade.

——————
(*) Vous apprendrez avec satisfaction, qu’ils rendent également hommage à Bo Diddley en interprétant Who do you love ? que Mr. Plant ponctue d’un solo d’harmonica qualifié par Fusilli, de « perçant ».

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7 réponses à “Les Everly Brothers

  1. Avatar de zoupic

    Bonjour, dans le même style 3 guitares 3 voix qui sont fantastiques et traversent le temps : CSN&Y : Crosby Stills & Nash qui ont encore fait une tournée avec Neil Young pour l’album Living with war, critiquant le gouvernement Bush et la guerre en Irak.

    http://www.neilyoung.com/lwwtoday/index.html

  2. Avatar de karluss
    karluss

    difficile aussi de ne pas penser aux Beatles en écoutant les frères ; pour Robert, j’ai toujours pensé qu’il avait un harmonica Planté dans le gosier… remember « Immigrant song » !

  3. Avatar de kabouli
    kabouli

    Peter Paul et Mary c’était pas mal aussi

    http://fr.youtube.com/watch?v=cLe9pJSRas0

  4. […] The Beatles, Can’t buy me love […]

  5. […] alors très très bien. J’ai évoqué les gens qui chantent à l’unisson à propos des Everly Brothers, ici, c’est le contraire : elle entrelace sa voix dans et autour de la sienne, c’est – […]

  6. Avatar de thierry cordonnier
    thierry cordonnier

    merci pour ce petit mot sur les everly !
    je les admire depuis 1961 !!!!
    je les ai vus sur scène à oxford en novembre 2005 (à peu près) et c’était l’avant dernier concert de leur carière…
    Si vous les aimez je vous recommande particulièrement :
    it’s everly time + a date with the everly brothers ces deux disques FABULEUX sont enfin disponibles en cd chez warner (pas pour longtemps)

    Voila

    Thierry

  7. Avatar de uzshar.net

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