La semaine dernière, je me posais la question Lehman Brothers : est-on reparti pour un tour ?
La réponse semble aujourd’hui être oui : le titre s’est vendu dans un vent de panique à la bourse de New York, chutant de 13,64 % (23,75 $ en clôture) et entraînant le marché boursier tout entier à sa suite (-1,68 %). Après une faible reprise jeudi dernier, les affaires n’allaient déjà pas très bien, le titre ayant perdu 12,4 % de sa valeur entre le mercredi 4 juin, date de mon récent papier et la date d’hier.
Lundi dernier, Richard Fuld, le P-DG de Lehman, annonçait que la firme se recapitalisait à concurrence de 6 milliards de dollars, une somme à comparer à la valeur que la bourse assigne à celle–ci aujourd’hui : 19,2 milliards de dollars. 6 divisé par 19.2, cela fait 31,25 %, c’est dire si les actionnaires de Lehman ont dû rire jaune à l’annonce de la nouvelle : pensez, une dilution de la valeur du titre de près d’un tiers ! Le même jour, Fuld annonçait une perte probable pour le 2ème trimestre de 2,8 milliards de dollars, un montant quatre fois plus élevé que celui auquel s’attendaient les analystes.
J’évoquais en passant dans « Un incident, une bêtise, la mort de votre jument grise… », « … une nouvelle ère : celle d’une déliquescence lente où l’on ment – comme les grandes banques américaines qui revalorisent les pertes encaissées sur leurs dettes comme « gains », même si de tels « gains » ne pourront jamais se concrétiser », dans le cas de Lehman, de tels gains s’élevaient, pour la période qui s’étend du 1er janvier 2007 au 29 février 2008, à 1,9 milliards de dollars, soit en moyenne 400 millions de dollars par trimestre.
A propos de Fuld, Johnathan Weil, le chroniqueur de Bloomberg rappelle aujourd’hui que celui-ci avait déclaré en avril : « Le pire est derrière nous ! », et en tire une leçon à portée générale : « Méfiez-vous des P-DG qui disent « Le pire est derrière nous » ».
Que va-t-il se passer maintenant ? Certains, sur les marchés financiers, affirment que Lehman est à l’abri d’une aventure semblable à celle de Bear Stearns et ceci parce que la Fed a depuis étendu aux banques d’investissement la discount window qu’elle offrait jusque-là uniquement aux banques commerciales et qui leur permet d’obtenir des crédits en mettant en pension des obligations puisées dans leur portefeuille. Ce type d’opération empêche en effet une dégradation brutale comme celle qui entraîna Bear Stearns par le fond mais cela ne résout pas l’ensemble des problèmes de la firme. Pourquoi ? Parce que, même si Lehman tirait parti de cette option – ce à quoi elle hésite, comme l’a montré sa promptitude la semaine dernière à dénier qu’elle y avait eu recours – les opérations auxquelles elle peut encore se livrer sont d’un faible rendement et le moment pourrait rapidement se présenter où elle aurait épuisé le fonds d’obligations qu’elle est susceptible de mettre en gage de cette manière, mais, et avant même qu’elle n’en arrive là, il se pourrait que la Fed mette le holà à sa capacité d’emprunter parce qu’il s’agit après tout – même si c’est de manière indirecte aux États–Unis – de l’argent du contribuable et que celui-ci n’a guère apprécié le sauvetage de Bear Stearns où il a vu ce que les Anglo–Saxons appellent un « moral hazard », ce que je traduirai par « une prime à l’imprudence ».
7 réponses à “Lehman Brothers : ça ne s’arrange pas (mise à jour 2)”
ma petite chronique des aventures de LEH : http://000999.forumactif.com/les-hard-investors-f7/-t8230-60.htm
Le site de L. Larouche (je suis curieux soit dit en passant de connaitre votre avis sur ce personnage) titre:
« Lehman Brothers : la banque de Felix Rohatyn frôle la faillite »
extrait:
« Personne n’est réellement convaincu que la banque puisse réunir les liquidités. Les Echos note que « Lehman Brothers n’a pas révélé le nom des investisseurs qui ont souscrit à l’opération… (…) Selon la presse américaine, ce seraient des investisseurs de renom. L’Etat du New Jersey pour les retraites de ses fonctionnaires, ainsi que CV Starr, un fonds monté par l’ancien patron de l’assureur AIG, Maurice Greenberg, auraient souscrit. » »
L’ensemble de l’article.
Selon Boursorama, par contre, pas d’inquiétudes à avoir:
AOF le 11/06/2008 14h18
Lehman Brothers serait sur le point de conclure un marché avec des établissements financiers coréens, selon le «Financial Times», dans le cadre de son projet d’augmentation de capital de 6 milliards de dollars. La levée de capital fait suite à l’annonce d’une perte trimestrielle de 2,8 milliards de dollars, la première depuis l’introduction en Bourse de la société. La banque d’affaires est à la recherche d’un partenariat stratégique hors des Etats-Unis depuis plusieurs années.
Les groupes coréens concernés sont, entre autres, la Korea Development Bank (KDB), ainsi qu’un établissement commercial comme Kookmin Bank ou Korea First Bank.
PS: un deuxième article est paru sur ce site (qui « appartient » (55,81 %) à la société générale…) expliquait que les 6 milliards de dollars pouvaient être trouvés auprès d’investisseurs US mais que bla bla bla… l’article n’est resté en ligne que 3/4 d’heure…
conclusion: vivement la suite!
à propos de Larouche, il me semble intéressant de vous communiquer une réponse de Philippe Barbrel, responsable de ContreInfo. On peut également s’étonner de ses positions « anti-britanniques » systématiques et quasi viscérales. De plus, il paraît qu’il conteste les conséquences liées au réchauffement climatique, de quoi, en effet alimenter certaines zones d’ombres, pour reprendre l’expression de Mr Barbrel :
Reuters le 12/06/2008 14h58
12 juin (Reuters) – Le directeur financier de Lehman Brothers Erin Callan a démissionné, rapporte la chaîne de télévision CNBC jeudi.
La chaîne ajoute que le directeur général adjoint Joseph Gregory part également.
L’action Lehman a chuté de plus de 6% en avant-Bourse à cette nouvelle.
@karluss
Sur Larouche :
Pour ma part, les rapports du GIEC c’est du VENT, ce blog n’est pas forcément le lieu approprié pour en parler, mais autant je conçois pleinement des évolutions climatiques contemporaines, autant les arguments avancés par Al Gore et sa clique (principaux bénéficiaires directs des mesures préconisées) c’est pas parce que ça fait la une des journaux que j’y accorde le moindre crédit…
Pour les amateurs, la lecture du hors série 04 de la revue « diplomatie » est édifiante…
Cela dit Larouche est effectivement un trouble personnage, sa position sur le nucléaire me dérange et ce n’est rien à coté de sa mégalomanie maladive.
D’un autre coté, on ne peut pas dire qu’il n’a pas prévenu des risques de crises économiques avec une pertinence du premier ordre… De même ses analyses politiques et géopolitiques se vérifient régulièrement.
Pour ses positions “anti-britanniques” systématiques et quasi viscérales, c’est troublant; de mon point de vue tout ne pas être rejeté en bloc sans y prêter attention, mais ça n’engage que moi…
A mon avis il y a pas mal de paranoïa chez Larouche, comme dans le docu « anti-GIEC » qui avance l’hypothèse d’une manipulation dont les objectifs seraient – si j’ai bien tout compris – 1. organiser le bizness « vert » et 2. empêcher le développement industriel de l’Afrique, ce qui me semble quand même assez trivial… Quid du « buziness vert » par rapport au buziness du pétrole ?? Les éoliennes ? euh… les panneaux solaires ? Ce n’est pas très sérieux… Quant à empêcher le développement de l’Afrique, là aussi il faut m’expliquer car TOUTES les firmes en profiteraient, le problème de l’Afrique c’est la défiance des investisseurs par rapport à la situation politique qui est toujours très instable. Enfin ce n’est que mon avis….
Les nouvelles : Reuters le 16/06/2008 17h56
Lehman Brothers Holdings a confirmé lundi une perte de 2,8 milliards de dollars au deuxième trimestre de son exercice (…).
La banque a rétrogradé sa directrice financière et son directeur général adjoint. Erin Callan a été remplacé à la direction financière par le directeur administratif Ian Lowitt et Joseph Gregory, directeur général adjoint, par Bart McDade, responsable mondial des opérations boursières..
* RÉSULTAT NET.
Lehman accuse une perte de 5,14 dollars par action pour le trimestre clos le 31 mai, contre une bénéfice net de 1,27 milliard, soit 2,21 dollars par titre, un an plus tôt.
* BOURSE.
Le titre de la banque d’investissement gagne 6,16% à 27,40 dollars sur le Nyse.
* RÉACTIONS D’ANALYSTES.
« Le marché était très concentré sur ces résultats de Lehman », a estimé Peter Kenny, directeur général de Knight Equity Markets. « Ils ont été rigoureusement conformes aux prévisions du groupe ».
« Le marché étudie de près la comptabilisation des actifs difficiles à valoriser pour apprécier si de nouvelles dépréciations sont à craindre », a-t-il ajouté.
* DÉPRÉCIATIONS.
La banque a passé 3,7 milliards de dollars de dépréciations au titre du deuxième trimestre y compris sur son portefeuille de titres hypothécaires. Les banques et d’autres institutions financières ont déprécié pour 400 milliards d’actifs.
* PBN.
Le produit net bancaire est ressorti négatif de 668 millions de dollars au deuxième trimestre en raison de l’impact des dépréciations contre +5,5 milliards de dollars pour la période correspondante un an auparavant.
* RATIO DE FONDS PROPRES.
Le ratio de fonds propres durs (Tier 1) du groupe est d’au moins 12,5%, selon le directeur financier de la banque qui a précisé que les agences de notation sont à l’aise avec son niveau de fonds propres.
* PERSPECTIVES.
Lehman s’est dit confiant sur sa capacité à dégager un rentabilité des fonds propres de l’ordre de 15% même dans l’environnement de marché actuel tout en précisant que cet objectif impliquait un PNB de l’ordre de 5 milliards de dollars par trimestre.
…jusque là, tout va bien… jusque là, tout va bien…