Heidegger, ennemi de Socrate

Fabrice Flipo défend une position qui se situe au sein du mouvement qui milite en faveur de la décroissance. J’ai déjà eu l’occasion de le citer, dans « Pourquoi Paul Jorion est-il contre la décroissance ? » et je lui ai directement répondu dans Un nouveau paradigme doit être en prise avec le monde tel qu’il est.

Ces jours derniers, le débat est reparti au sein du MAUSS sur une question précise : quel est le rapport entre le mouvement décroissant et la pensée de Heidegger. Fabrice a rédigé ce matin une longue lettre à ce sujet.

J’ai déjà eu l’occasion de parler ici de Heidegger. Je l’ai fait dans Le philosophe H. et pour ce qui touche plus spécifiquement à « décroissance et Heidegger », dans Pourquoi je ne suis pas en faveur de la décroissance.

J’ai adressé tout à l’heure la lettre suivante à Fabrice Flipo.

Fabrice,

Merci d’avoir pris la peine de rédiger cette lettre : elle te permet d’expliquer les choses très clairement, elle nous rappelle aussi de manière dérangeante que les religions joueront nécessairement un rôle quand notre espèce aura pris la pleine mesure du fait que sa chemise craque aux entournures et elle me montre surtout qu’entre la position que tu défends – une variété que j’appellerai « radicale » de la décroissance – et la pensée de Heidegger, le lien n’est pas accidentel mais conscient et délibéré : il ne repose ni sur une ignorance de sa pensée, ni comme il a été dit, d’un « éclectisme » à la Victor Cousin, où l’on se sent autorisé à constituer son propre système à partir d’éléments empruntés ça et là et qui – dans cette recombinaison – sont automatiquement extraits de leur contexte.

Autrement dit, la pensée de Heidegger t’intéresse au sein de son contexte. Or nous avons été plusieurs ces jours derniers, à te rappeler que le contexte de cette pensée déborde l’univers des leçons qu’il a prononcées et des textes qu’il a écrits. Certains d’entre nous ont insisté sur le politique : le nazisme, et une position qui ne peut pas être qualifiée de tiède au sein de celui–ci, j’ai voulu moi insister sur la pensée elle–même : sur sa philosophie et – comme tu le rappelles – sur le rapport de celle–ci avec la théologie.

Pour résumer ma pensée, la position prise par Heidegger – sans aucun doute, l’un des plus grands philosophes (*) – est le premier grand coup de force anti-socratique au sein de la philosophie depuis le Moyen Âge, la première tentative moderne – d’ampleur magistrale – de re–subordonner la philosophie à la théologie. Tu sais que Socrate fut condamné pour athéisme, pour avoir conseillé aux hommes d’écouter leur voix intérieure (que l’on appela ensuite « conscience » ou « raison ») plutôt que les oracles obscurs délivrés par les dieux. Heidegger se réclame des pré-Socratiques (tous des mages, selon moi) pour remettre Dieu au sommet de la pyramide et, comme je l’écrivais l’autre jour à son propos dans notre correspondance : il appartient « à la tradition scolastique « théologique » – par opposition à la tradition « logique » – où le mystère prévaut sur le savoir, qui doit lui générer la crainte. »

Tu écris :

L’un de mes anciens profs disait que chaque système comporte sa faille logique et que les philosophes la recouvrent d’un post-it : « Dieu », ce qui signifie : « à résoudre plus tard ». Pour moi il n’y a pas, et ne peut avoir, de système logique clos. Pas plus chez Heidegger qu’ailleurs, le sens ne se laisse forclore dans nos textes. D’où l’herméneutique et sa vogue actuelle.

Tu sais ce qu’il fallait rétorquer à ton ancien prof : ce que Laplace aurait répondu à Napoléon : « Sire, je n’avais pas besoin de cette hypothèse ! » mais tu as raison : le message de Socrate était bien le message inverse de celui de Heidegger, pour Socrate, « le sens se laisse forclore dans nos textes », autrement dit, « il n’y a pas de sens à attendre en provenance du ciel : le sens est dans la raison et dans la raison seule ». Il en découle bien entendu de manière immédiate que changer le destin des hommes est entre leurs mains et leurs mains seules. C’est cela qui nous sépare toi et moi : le monde où je vis moi est un monde clos où les hommes peuvent seulement – et je citerai ici un autre grand athée – « compter sur leurs propres forces ».

Les choses sont claires désormais parce que tu les as très bien clarifiées et je me contenterai donc pour conclure de reprendre – bon sang ne peut mentir – les paroles d’un grand poète belge :

Adieu Curé je t’aimais bien
Adieu Curé je t’aimais bien tu sais
On n’était pas du même bord
On n’était pas du même chemin
Mais on cherchait le même port

Paul

(*) J’aimerais pouvoir critiquer Heidegger comme il a lui critiqué Hegel (je pense au cours donné à Fribourg durant l’hiver 1930–1931 : La « phénoménologie de l’esprit » de Hegel, Gallimard 1984).

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48 réponses à “Heidegger, ennemi de Socrate”

  1. Avatar de karluss
    karluss

    il ne faut pas oublier Nietzsche, le philosophe au marteau, présocratique lui aussi et grand défenseur de l’esprit libre contre les dogmes religieux assassins de la puissance de vie.

    « L’homme est une corde tendue entre l’animal et le surhomme, – une corde au-dessus d’un abîme.
    Ce qui est grand en l’homme, c’est qu’il est un pont et non une fin : ce qu’on peut aimer en l’homme, c’est qu’il est un passage et un déclin. » F. Nietzsche

  2. Avatar de Paul Jorion

    Nietzsche était un vieux farceur, comme Socrate lui–même d’ailleurs. Nietzsche est, parmi les philosophes, le plus socratique de tous : il parle du même lieu exactement que Socrate, celui du dialogue pur de l’homme avec sa raison – ce qui l’oblige en particulier à écarter de la philosophie son fatras judéo–chrétien, pour rendre à son discours une qualité proprement grecque.

    Fabrice m’a répondu ce matin, il me reproche, quand je dis, « compter sur ses propres forces », d’ignorer que l’homme se trouve au sein de la nature. Je lui ai répondu ceci :

    Bien entendu, l’homme est dans la nature, est la nature, a une nature et sur ce dernier point, c’est toi qui te trouves en retrait : la nature de l’homme tu n’en tiens pas compte. Hegel notait cette capacité toujours renouvelée que nous avons à ignorer l’histoire. Quand je dis « Il faut tenir compte du fait que la race humaine n’a pas de freins », c’est lire l’histoire pour en faire une observation sur la nature de l’être humain et en faire l’une des données de base pour une réflexion ultérieure. Et à ce point de vue là, dire « Que faut-il faire pour revenir à des communautés de 30.000 personnes ? », excuse-moi, mais c’est démontrer qu’on est soit incapable de lire l’histoire, soit croire qu’il n’y a rien à y lire, ce qui est sans doute pire.

    La question de l’extériorité ne se pose pas vis–à–vis du couple homme / nature mais de celui physique / métaphysique : il n’y a pas de monde métaphysique dont nous devrions attendre qu’il nous apportera un jour la solution-miracle (sans jeu de mots) toute cuite, toute rôtie [millénarisme] ou bien qui devrait nous paralyser dans la nostalgie du sein maternel en raison de son immensité (terrifiante), de sa transcendance (confondante), etc. etc. [scolastique « théologique » – Heidegger].

    Quand je dis donc « compter sur nos propres forces », cela ne signifie pas « forces de l’homme », contre « forces de la nature » mais « forces physiques » contre « forces métaphysiques » : ne pas compter sur le surnaturel pour nous tirer du pétrin, ne pas invoquer le surnaturel comme justification de l’immobilisme et de la résignation. « Retroussons nos manches! » contre « À quoi bon devant la puissance infinie de Dieu ? »

    Paul

    1. Avatar de pablo75
      pablo75

      « Nietzsche est, parmi les philosophes, le plus socratique de tous : il parle du même lieu exactement que Socrate, celui du dialogue pur de l’homme avec sa raison ».

      Il n’aurait pas été content, Nietzsche, de vous lire… Il haissait Socrate:

      « Par sa naissance, Socrate appartenait à la couche la plus basse de la plèbe: Socrate était peuple. On sait, on peut même encore voir, combien il était laid. Mais la laideur, qui est déjà en soi une objection, était pour les Grecs presque un motif de refus. Socrate, d’ailleurs, était-il grec? […] Ceux des criminalistes qui sont anthropologues nous disent que le criminel caractérisé est laid. [….] Socrate était-il un criminel caracterisé? Tout au moins, cela ne serait pas en contradiction avec ce célèbre jugement d’un physiognomoniste, que les amis de Socrate trouvaient si choquant. De passage à Athènes, un étranger qui s’y connaissait en fait de visages, dit à Socrate, en pleine face, qu’il était un monstre et qu’il cachait en lui les pires vices et les pires appétits. Socrate se contenta de répondre : « Comme vous me connaissez bien !  »
      (Oeuvres philosophiques complètes. Gallimard, 1974. Vol. VIII, p. 70)

      « Ce qui chez Socrate, est indice de décadence, ce n’est pas seulement le désordre anarchique des instincts, qu’il avouait, c’est aussi l’hypertrophie de la faculté logique, et cette méchanceté de rachitique qui le caractérise. N’oublions pas non plus ces hallucinations auditives, qui, sous le nom de « démon socratique », ont été interprétées dans un sens religieux. Tout, chez lui, est excessif, buffo, caricatural, mais en même temps, tout est dissimulé, retors, souterrain. Je m’efforce de comprendre de quelle idiosynchrasie est née cette équation : raison = vertu = bonheur, la plus bizarre des équations possibles, et qui, en particulier, a contre elles tous les instincts des anciens Hellènes. » (Id. 71)

      « En Socrate, le goût des Grecs s’altère au profit de la dialectique. Que s’est-il au juste passé? C’est avant tout un goût aristocratique qui est vaincu ; avec la dialectique, c’est la plèbe qui prend le dessus. Avant Socrate, la bonne société récusait les procédés dialectiques ; on trouvait que c’étaient là de mauvais procédés, qui donnaient mauvais genre. On en détournait la jeunesse. On se méfiait aussi de cette manière de présenter ses arguments. Les causes honnêtes, comme les honnêtes gens, ne présentent pas leurs raisons à pleines mains. Il est incorrect de montrer du doigt, et surtout des cinq doigts. Ce qui a besoin d’être prouvé ne vaut pas grand-chose. Partout où l’autorité est encore de bon ton, partout où l’on ne donne pas des « raisons », mais des ordres, le dialecticien est une sorte de pitre : on s’en amuse, on ne le prend pas au sérieux. Socrate fut le pitre qui se fit prendre au sérieux. Que s’est-il au juste passé ? » (Id)

      On ne choisit la dialectique que lorsqu’on n’a pas d’autres moyens. On sait qu’avec elle on éveille la méfiance, et qu’elle est peu convaincante. Rien n’est plus facile à effacer qu’un effet de dialecticien : c’est ce que prouve l’expérience de toute assemblée où l’on tient des discours. Elle ne peut être qu’une arme de fortune aux mains de désespérés qui n’ont pas d’autres armes. A moins d’avoir à conquérir son droit de haute lutte, on n’y a pas recours. C’est pour cela que les juifs furent des dialecticiens. Maître Renard l’était. Eh quoi ? Socrate aussi ? (Id, 72)

      L’ironie de Socrate est-elle l’expression d’une révolte ? D’un sentiment plébéien ? L’opprimé qu’il était savourait-il sa propre férocité à chaque coup de couteau du syllogisme ? Se vengeait-il des aristocrates qu’il fascinait ? Le dialecticien a entre les mains un outil qui n’épargne rien. Il permet de jouer les tyrans : par sa victoire, il compromet. Le dialecticien laisse à son adversaire le soin de prouver qu’il n’est pas un crétin : il le rend furieux, et, en même temps, désarmé. Le dialecticien frappe d’impuissance l’intellect de son adversaire. Eh quoi ? La dialectique ne serait-elle chez Socrate qu’une forme de vengeance ? (Id, 72)

  3. Avatar de karluss
    karluss

    je trouve votre réponse très … nietzschéenne, mais tant mieux !
    merci

  4. Avatar de Moi
    Moi

    Parler de présocratiques me semble fallacieux. Il faudrait selon moi (et je pense que Nietzsche a dit quelque chose dans le genre) parler de pré-platoniciens. Le rapport philosophie-théologie s’en trouverait à mon avis éclairé car le présocratisme ne constitue pas un retour à la subordination de la philosophie à la théologie, que du contraire.
    Je connais peu Heidegger mais de ce que j’en ai lu j’ai ressenti une forme d’imposture lorsqu’il se réclame des présocratiques. Encore faudrait-il, pour être juste, ne pas parler de présocratiques en les mettant tous dans le même sac. Certes, il y eut des « mages », très proches du platonisme justement (Pythagore, et son école, en premier) mais la plupart étaient éminemment rationalistes (Démocrite, sophistes, cyniques, etc).

    1. Avatar de orengo
      orengo

      Nietzsche souligne l’importance de Platon pour comprendre philologiquement la transition entre les présocratiques, et Aristote , car Platon est à la fois philosophe et artiste. Sans Platon nous ne saurions aucunement imaginer un philosophe- artiste.
      Cette proposition est cependant équivoque : Platon est – il le seul à parler des présocratiques ? En outre s’il est , à la fois philosophe et poète, ce n’est pas au sens des présocratiques . De plus dans la lignée qui va des Présocratique à Aristote, il y a Socrate qui ne fut ni artiste, ni écrivain.

      Platon ,n’écrit que dans le but de changer le monde, l’écriture n’est en rien un souci littéraire, il n’y a pas chez les Grecs d’intérêt pour l’écriture en elle – même/

  5. Avatar de stalker
    stalker

    Bonjour Paul,

    Je suis assez peu informé du débat dont il est ici question m

    « le monde où je vis moi est un monde clos où les hommes peuvent seulement – et je citerai ici un autre grand athée – « compter sur leurs propres forces ». « 

  6. Avatar de stalker
    stalker

    Bonjour Paul,

    Je suis assez peu informé du débat dont il est ici question mais j’aurai une simple remarque à faire.

    Quand vous dites:
    “le monde où je vis moi est un monde clos où les hommes peuvent seulement – et je citerai ici un autre grand athée – « compter sur leurs propres forces ». “

    Je suis bien d’accord avec vous, mais d’où les hommes tirent-ils leur force? Où trouver la motivation si ce n’est dans la recherche du Sens, de la voie, de la transcendance?

    Je partage votre analyse concrète de la situation: oui ce sont bien les hommes qui ont leur destin entre leurs mains. Mais être athée ne veut pas dire ne pas avoir une démarche « religieuse ».

  7. Avatar de Orengo
    Orengo

    ,- Adorno , extrait de la Dialectique négative-

    Rupture de la Dialectique chez Hegel :

    La transposition hégélienne du particulier en particularité suit la pratique d’une société qui ne tolère le particulier que comme catégorie, comme forme de la suprématie de l’universel. Marx a caractérisé cet état de choses d’une façon que Hegel ne pouvait prévoir :  » La dissolution de tous les produits et de toutes les activités en valeurs d’échange suppose la décomposition de tous les rapports de dépendance personnels figés ( historiques ) au sein de la production , de même que la sujétion universelle des producteurs les uns par rapport aux autres. La production de chaque individu dépend non seulement de la la production de tous les autres, mais même la transformation de son produit en subsistance pour lui -même dépend désormais de la consommation des autres dans leur ensemble ….. Cette mutuelle dépendance se manifeste dans la nécessité permanente de l’échange et dans la valeur d’échange prise comme intermédiaire universel.

    Les économistes l’expriment ainsi : chacun poursuivant son intérêt particulier et rien d’autre , chacun sert , sans le savoir ni le vouloir, les intérêts particuliers de tous- les intérêts universels ( allgemeinen Interessen ). Le piquant n’est pas que , par la poursuite individuelle de l’intérêt particulier, l’ensemble des intérêts particuliers – donc l’intérêt universel- se trouve réalisé . On pourrait plutôt conclure que cette phrase abstraite que chacun, de son côté, entrave la satisfaction de l’intérêt d’autrui, et que, au lieu d’une affirmation universelle , c’est plutôt une négation universelle qui résulte de ce  » bellum omnium , contra omnes.

    Le piquant est bien plutôt que l’intérêt particulier est déjà un un intérêt socialement déterminé et qu’il ne peut être réalisé que dans les conditions imposées par la société et avec les moyens qu’elle propose ; il est donc lié à la reproduction de ces conditions et de ces moyens. C’est donc de l’intérêt des individus particuliers qu’il s’agit ; mais son contenu aussi bien que sa forme et ses moyens de réalisation sont fonction des conditions sociales indépendantes de tous les individus .  »  » Une telle suprématie négative du concept éclaire pourquoi Hegel, son apologiste, et Marx , son critique se rencontrent dans l’idée suivante : ce que le premier appelle Esprit du monde posséderait une prépondérance d’être- en -soi et , en une formulation qui ne conviendrait qu’à Hegel, n’aurait pas seulement sa substance objective dans les individus :  » Les individus sont subsumés dans la production sociale , qui existe en dehors d’eux comme une fatalité; mais la production sociale n’est pas subsumée dans les individus, qui la gèrent comme leur puissance commune. » Ce chorismos réel contraint Hegel à remodeler , contre son gré, la thèse de l’effectivité de L’ Idée. Sans que la théorie l’ait reconnu, la Philosophe du droit contient à ce sujet des phrases dépourvues de toute équivoque :  » Lorsqu’il s’agit de l’idée de l’Etat, il ne faut pas avoir devant les yeux des Etats particuliers, des institutions particulières, mais il faut considérer l’Idée, ce Dieu réel, et la considérer pour elle – même. Selon les principes que l’on a, on peut déclarer que tout Etat est mauvais car on peut y découvrir telle ou telle imperfection. »

    Dans la dernière conception de Hegel sur la Culture ( Bildung ), celle – ci n’est plus décrite que comme quelque chose d’hostile au sujet :  » Dans sa destination absolue, la Culture est donc la libération et le travail de la libération supérieure, a savoir l’absolu point de passage vers la substantialité infinie subjective, de la vie éthique , substantialité qui n’est plus immédiate ou naturelle, mais spirituelle et élevée à l’universel.  »

    La brutalité qu’on exerce envers les hommes se reproduit en eux, ceux que l’on étripe ne sont pas élevés , mais voués à la régression , rebarbarisés . On ne peut plus étouffer cette idée que la psychanalyse que les mécanismes civilisateurs de la répression transforment la libido en agression anti – civilisatrice. Celui qui est élevé par la violence canalise sa propre agression en s’identifiant avec la violence canalise sa propre agression en s’identifiant avec la violence pour la transmettre ailleurs et s’en débarrasser ; ainsi s’identifient réellement sujet et objet, suivant l’idéal culturel de la Philosophie du droit de Hegel. D’elle – même la Culture, qui n’en est pas une , n’exige nullement de ceux qui sont pris dans son engrenage qu’ils soient cultivés. Dans un des ces passages les plus célèbres de sa Philosophie du droit, Hegel se réclame de la phrase attribuée à Pythagore : la meilleure façon de faire l’éducation éthique de son fils serait de l’instituer citoyen d’un Etat pourvu de bonnes lois .
    Voilà qui appelle un jugement sur la qualité effective de l’Etat lui – même et de ses lois . Chez Hegel néanmoins l’ordre est bon à priori, sans qu’il ait à se justifier devant ceux qui vivent sous lui. C’est au sens ironique que prend toute sa valeur sa réminiscence d’ Aristote, dans un passage ultérieur : « l’unité substantielle est fin en soi, absolue et immobile  » ; immobile, telle est cette fin dans la dialectique qui est censée la produire. Ainsi se dévalorise en une simple affirmation vide la thèse que dans l’Etat : » la liberté atteint son droit le plus élevé  » ; Hegel tombe dans cette fade édification vide qu’il abominait encore dans la Phénoménologie. Il répète le lieu commun de la pensée antique , provenant de l’époque où le courant philosophique dominant et triomphant, platonico- aristotélicien , se solidarisa avec les institutions, tout en s’opposant à leur fondement dans le le processus social ; l’humanité a d’ailleurs découvert la société plus tardivement que l’Etat qui, en soi médiatisé, apparaît aux sujets de la domination comme donné et immédiat.

     » Tout ce que l’homme est, il le doit à l’Etat  » : cette phrase de Hegel, dont l’exagération saute aux yeux, continue de traîner avec elle l’antique confusion. Ce qui le pousse à adopter cette thèse, c’est que « l ‘immobilité  » qu’il assigne à la fin universelle peut bien se laisser attribuer à l’institution déjà sclérosée, mais certainement pas à la société essentiellement dynamique. Le dialecticien renforce la prérogative qu’ a l’Etat d’être dispensé de la dialectique, parce que l’Etat ( et en cela Hegel ne e trompait pas ) mène au delà de la société bourgeoise. Il ne croit pas en la dialectique comme une force qui se guérirait elle – même et désavoue l’assurance qu’il avait donnée sur l’établissement dialectique de l’identité.

  8. Avatar de Orengo
    Orengo

    Avant de présenter ce texte d’Adorno, voici la préface écrite par Miguel Abensour : << La dialectique négative est l'oeuvre maîtresse d'Adorno. On en comprendra peut- être mieux l'intention si l'on sait qu' Adorno était fasciné par l'idée de la bouteille à la mer : transmettre une vérité au monde sans la lui livrer, sans s'y donner complètement, sans s'y laisser prendre par le processus historique de récupération et d'assimilation . <>.

    Texte : Métaphysique et culture, rédigée entre 1959 et 1966.

    Dans leur état de non – liberté , Hitler a imposé aux hommes un nouvel impératif catégorique : penser et agir en sorte que Auschwitz ne se répète pas , que rien de semblable n’arrive . Cet impératif est aussi réfractaire à sa fondation qu’autrefois la donnée de l’impératif kantien. Ce serait un sacrilège que de le traiter de façon discursive : en lui se donne à sentir corporellement dans la moralité le moment de son surgissement . Corporel, parce qu’il est l’horreur advenue dans la pratique face à l’insoutenable douleur physique à laquelle les individus sont exposés même après que l’individualité comme forme spirituelle de la réflexion eut été mise en demeure de disparaître . Ce n’est que dans un motif matérialiste sans fard que survit la morale . Le cours de l’histoire conduit nécessairement au matérialisme ce qui traditionnellement était son opposé non médiatisé, la métaphysique. Ce qu’autrefois l’esprit se vantait de déterminer ou de construire à sa ressemblance, se meut vers ce qui ne ressemble pas à l’esprit ; vers ce qui se dérobe à sa domination et par et par quoi celle – ci se révèle pourtant mal absolu. Chez le vivant, le niveau somatique et loin du sens est le théâtre de la souffrance qui dans les camps brûla sans consolation tout ce que l’esprit a d’apaisant et avec lui son objectivation, la culture. Le processus à travers lequel la métaphysique se déjeta irrésistiblement en allant vers ce contre quoi elle fut autrefois conçu , a atteint son point de fuite . Combien elle s’immisçait dans les questions de l’existence matérielle, la philosophie dans les questions du jeune Hegel ne put le refouler, dans la mesure où elle ne se vendait pas à l’élucubration officielle.

    L’enfance en pressent quelque chose dans la fascination qui émane de l’équarrisseur, de la charogne, de l’odeur douceâtre et écoeurante de la décomposition, des expressions suspectes qui désignent cette zone . Le pouvoir de cette région doit pas être moindre dans
    l’inconscient que celui de la sexualité infantile ; tous deux se confondent dans la fixation anale , bien qu’on puisse difficilement dire qu’il s’agisse de la même chose. Un savoir inconscient chuchote aux enfants que c’est de ce qui ici est refoulé par l’éducation civilisatrice qu’il s’agirait : la misérable existence physique s’enflamme pour l’intérêt suprême – qui est à peine moins refoulé – et ce , dans le qu’est ce que c’est ? et le à quoi ça mène ? Celui qui parviendrait à se rappeler ce qui s’empara de lui lorsqu’il entendit les mots  » fosse à charognes  » et  » chemin aux porcs  » , serait certainement plus près du savoir absolu de Hegel que dans le chapitre , où il promet au lecteur pour le lui refuser hautainement. Ce qu’il faudrait désavouer théoriquement c’est l’intégration de la mort physique dans la culture , non pas au nom de la pure essence ontologique de la mort , mais au nom de ce que la puanteur des cadavres expriment et sur qui trompe leur transfiguration en dépouille mortelle. Le propriétaire d’un hôtel qui s’appelait Adam, tuait à coups de gourdin et sous les yeux de l’enfant qui l’aimait bien, des rats qui par les trous dévalaient dans la cour ; c’est à son image que l’enfant s’est forgé celle du premier homme . Que cela soit oublié, qu’on ne comprenne plus ce qu’on a jadis éprouvé devant la voiture de la fourrière, est le triomphe de la culture et son échec. Elle ne peut supporter le souvenir de cette zone parce qu’elle ne cesse d’imiter le vieil Adam et c’est là justement ce qui est incompatible avec le concept qu’elle a d ‘ elle – même . Elle abhorre la puanteur parce qu’elle pue ; parce que, comme le dit Brecht dans un extra- ordinaire passage, son palais est construit en merde de chien. Des années après que ce passage a été écrit , Auschwitz a prouvé de façon irréfutable l’échec de la culture . Que cela ait pu arriver au sein même de toute cette tradition de philosophie d’art et de sciences éclairée ne veut pas dire seulement dire que la tradition, l’esprit , ne fut pas capable de toucher les hommes et de les transformer . Dans ces sections elles – mêmes , dans leur prétention emphatique à l’autarcie , réside la non- vérité . Toute culture consécutive à Auschwitz , y compris sa critique urgente n’est qu’un tas d’ordures. En se restaurant après ce qui c’est passé sans résistance dans son paysage, elle est totalement devenue cette idéologie qu’elle était en puissance depuis qu’en opposition à l’existence matérielle , elle permit de lui conférer la lumière dont la séparation de l’esprit et du travail la priva . Qui plaide pour une culture radicalement coupable et minable se transforme en collaborateur, alors que celui qui se refuse à la culture contribue immédiatement à la barbarie que la culture se révéla être. Pas même le silence ne sort de ce cercle ; il ne fait , se servant de l »état de la vérité objective , que rationaliser sa propre incapacité subjective, rabaissant ainsi de nouveau cette vérité au mensonge ? Si les Etats de l’Est ont en dépit d’un verbiage affirmant le contraire, liquidé la culture et comme pur moyen de domination, l’ont métamorphosée en camelote, il arrive à la culture que cela fait geindre, ce qu’elle mérite et ce vers quoi pour sa part elle tend ardemment au nom du droit démocratique des hommes à disposer de ce qui leur ressemble . Seulement , du fait qu’elle se targue d’être un culture et qu’elle conserve sa monstruosité ( Unwesen ) comme un héritage qui ne peuit se perdre, la barbarie administrative des fonctionnaires de l’Est se voit convaincue de ce que la réalité , l’infrastructure, est pour sa part aussi barbare que la superstructure qu’elle démolit en en prenant la régie . A l’Ouest on a au moins le droit de le dire . -La théologie de la crise enregistra ce contre quoi elle s’insurgea de façon abstraite et pour cette raison en vain : que la métaphysique est fondue à la culture . L’absoluité de l’esprit auréole de la culture était le même principe que celui qui infatigablement fit violence à ce qu’il feignait d’exprimer . Aucune parole résonnant de façon pontifiante , pas même une parole théologique , ne conserve non transformée un droit après Auschwtiz . La provocation contenue dans les paroles transmises , l’épreuve du qui consiste à savoir si Dieu admet ou si courroucé il interviendra, appliqua encore une fois aux victime la sentence que Nietzsche longtemps auparavant avait portée contre les idées .

    Quelqu’un qui avec une force qu’il convient d’admirer avait supporté Auschwitz et autres camps, disait avec une intense émotion contre Beckett : si celui -ci avait été à Auschwitz , il écrirait autrement à savoir plus positivement , avec la religion de tranchée du rescapé .

    Le rescapé a raison autrement qu’il le pense ; Beckett et quiconque encore resterait maître de soi y aurait été brisé et probablement contraint d’embrasser la religion de tranchée que le rescapé revêtit de mots par lesquels il exprimait qu’il voulait donner du courage aux hommes : comme si le projet qui s’adresse aux hommes et s’organise en fonction d’eux ne les frustrait pas de ce qu’ils revendiquent, même s’ils croient le contraire. C’est à quoi à ce qu’on en est arrivé avec la métaphysique.

    1. Avatar de orengo
      orengo

      Pour ne pas commenter ce texte , ( faut -il , par ailleurs le faire ? )…

      La bouteille à la mer va flotter longtemps, les dérives actuelles n’existent pas au moment de ce texte .

      L’exposition à Nice sur le futur de la modernité qui présente les objets techniques de l’an 2000, et qui sont les nôtres à ce jour , ont eu lieu dans le Palais en 1960 , le premier prototype du camescope y est présenté entre autres objets …..

      Un succès assuré , beaucoup de monde , mais par un hasard ( presque démoniaque ?) en même temps un emplacement symétrique à quelques mètres de l’expo , une association de déportés affiche des photos et des documents des camps de concentration. Le nombre de visiteurs y était inversement proportionnel à celui du nombre de visiteurs de l’expo officielle….

      – Dans la nouvelle d’Edgard Pöe :

      Le manuscrit trouvé dans une bouteille , c’est en ces termes que s’exprime le héros de la nouvelle :  » De mon pays et de ma famille je n’ai pas grand – chose à dire. De mauvais procédés et l’accumulation des années m’ont rendu étranger l’un à l’autre. Mon patrimoine me fit bénéficier d’une éducation peu commune, et un tour contemplatif d’esprit me rendit apte à classer méthodiquement tout ce matériel d’instruction diligemment amassé par une étude précoce. Par- dessus tout, les ouvrages des philosophes allemands me procuraient de grandes délices ; cela ne venait pas d’une admiration malavisée pour leur éloquente folie, mais du plaisir que , grâce à mes habitudes d’ analyse rigoureuse , j’avais à surprendre leurs erreurs. « 

  9. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Serait il faux de dire que pour Socrate l’homme est son propre avenir , alors que pour Heidegger l’homme est sa propre origine ?

    Conscience , connaissance , monde : pour moi l’au delà de cet horizon n’appartient pas (qu’) aux religions .

    Entre autres possibles , la philosophie et l’art ne sont pas morts . Dieu , je ne sais pas .

    1. Avatar de orengo
      orengo

      si, si , si si ,

      —  » Mais lorsque Zarathoustra fut seul, il parla ainsi à son coeur  » Serait -ce possible ? Ce vieux saint dans sa forêt n’a donc pas encore appris que Dieu est mort ! « 

  10. Avatar de AntoineY
    AntoineY

    Pour résumer ma pensée, la position prise par Heidegger – sans aucun doute, l’un des plus grands philosophes (*) – est le premier grand coup de force anti-socratique au sein de la philosophie depuis le Moyen Âge, la première tentative moderne – d’ampleur magistrale – de re–subordonner la philosophie à la théologie. Ce que Heidegger appelle « les Dieux » n’a RIEN à voir avec ce que la théologie appelle Dieu. C’est même tout le contraire! C’est même une agression caractérisée contre la théologie.
    S’il y en a bien un qui soit Socratique, et ce dans TOUS les sens du terme, c’est bien Heidegger. Et on ne peut pas faire plus radicalement athée ET RATIONNEL que lui. C’est simple à côté Wittgenstein est un enfant de coeur. En fait la première page du Tractacus est réfutée par Etre et Temps, et ce du point de vue même de la radicalité logique. La thèse de Levinas, bien comprise, c’est que c’est soit le judaïsme soit la barbarie, car il adresse la critique que Nietzsche adressait à ses prédecesseurs, que Heidegger adressait à Nietzsche, en disant que Heidegger ne fait que reconduire le geste fondamental de toute la pensée occidentale enracinée dans la tradition grecque, qui fait de l’ontologie une « vérité » première par rapport à l’éthique. Alors que c’est de « l’éthique » (de la « sainteté » en fait parce-que parler d’éthique c’est déjà reconduire ce geste meurtrier) que doit être dégagée une ontologie.

    Pour ce qui est de Nietzsche, en faire un penseur socratique est… étrange. Je renvoie à D. Franck, Nietzsche et l’ombre de Dieu. Le principale interlocuteur de Nietzsche, c’est Saint Paul. Et tout, je dis bien tout dans la métaphysique de Nietzsche n’est rien d’autre qu’un effort de penser CONTRE ce qu’implique déjà la distinction entre la « chair » et « l’esprit » (de la conception nietzschéenne du « corps » au concept de « puissance » et à « l’éternel retour »…
    De de point de vue D. Frank retrouve la lecture critique que Heidegger fait de Nietzsche.

    Prétendre s’appuyer sur Heidegger pour justifier je ne sais quelle politique ou éthique est déjà la marque d’une incompréhension totale. S’il y a bien un point sur lequel il n’a cessé d’insister c’est qu’il n’y a RIEN à tirer de sa pensée à ce niveau là, au grand dam de ses disciples d’ailleurs (je pense à J. Bauffret).
    En fait si: il y a quelque chose à en tirer, mais de manière négative: la même conclusion que Rawls, à savoir qu’il est impossible de justifier un système politique particulier en recourant à une doctrine morale compréhensive (une « métaphysique »). Rawls déduit ça de l’idéal politique et moral de respect mutuel entre égaux et du « fait du pluralisme », donc il le déduit d’une réflexion politique et morale; Heidegger le tire de l’analyse des propriétés des systèmes ontologiques successifs qui caractérisent l’histoire de la pensée occidentale . Levinas essaiera toute sa vie d’argumenter contre Heidegger sur ce point précis.

    L’anti-socrate par excellence: c’est Hegel. Et c’est le très socratique Kierkegaard (qui a consacré sa thèse à l’ironie chez Socrate) qui l’a montré de mille et une manières différentes, tant sur le plan de la méthode d’investigation philosophique que sur le plan du contenu. C’est parfaitement prouvé également dans « droit naturel et histoire » (L. Strauss) d’ailleurs.
    Pour ce qui de la valorisation de Socrate et du « fatras judeo-chrétien » (outre que le « judéo-christiannisme » n’existe pas et qu’il s’agit d’une construction purement idéologique-, c’est la une périphrase de Heidegger lui-même!), je note que les premiers cris contre l’injustice et la misère sociale se trouvent dans l’Ancien Testament et que JAMAIS aucun penseur grec n’a été ému par elle, ni n a fait l’effort ne serait-ce que de la penser.

    Quant à la thèse « Dieu est mort » c’est d’une bêtise… Déjà Nietzsche précise que seul le Dieu MORAL a été réfuté. Et s’agissant du Dieu moral ensuite, qui ne voit qu’une telle sentence ne peut s’appuyer que sur une interprétation théologique particulière du lien entre le Dieu et l’idée de moralité, et donc nécessairement empruntée à un certain courant de la théologie chrétienne?
    Lévinas a répondu à cette position en disant que dès le départ l’idée du Dieu moral est de toute façon infantile, y compris à l’intérieur de la théologie chrétienne (là où Nietzsche rejoint Heidegger c’est quand il propose une métaphysique à l’intérieur de laquelle Dieu n’est plus pensée comme le « fondement de l’Etant », le renvoyant à ses chères études).
    Kierkegaard répondrait qu’au contraire le christiannisme est la chose la plus cruelle qui soit, et de ce point de vue Nietzsche a bien compris dirait-il, mais justement et c’est là le paradoxe il ne suffit pas qu’une chose soit « dure » et ne soit pas faite justement pour « panser des blessures » ou « servir de béquille » pour qu’elle ne soit pas crue ou aimée, et ce indépendamment de toute espèce de masochisme (Bref le christiannisme est tout le contraire de la rose dans la croix de la souffrance, c’est l’épine, la souffrance « au carré »!) C’est là toute l’horreur et toute la grandeur du christianisme dirait-il. Après, si Zarathoustra n’est pas à la hauteur d’une telle dureté, et il ajouterait « personne ne l’est », et bien tant pis pour lui.

    Navré pour ces « clarifications » à la truelle. Je ne reviendrai plus sur ce sujet parce-que c’est sans fin. Mais je note que beaucoup se servent de Heidegger comme d’un tramplin ou s’y confrontent en espérant y gagner un peu en légitimité, alors qu’en fait ils n’y comprennent strictement rien (et à moins de ne faire que ça pendant quelques années c’est bien naturel). Et je ne parle pas de Paul, bien sûr, mais du sinistre qui veut parler de décroissance!!!

    1. Avatar de juan nessy
      juan nessy

      J’ai lu Kierkegaard avec les mêmes lunettes que vous .

    2. Avatar de Moi
      Moi

      « Pour résumer ma pensée, la position prise par Heidegger est le premier grand coup de force anti-socratique au sein de la philosophie depuis le Moyen Âge »
      « S’il y en a bien un qui soit Socratique, et ce dans TOUS les sens du terme, c’est bien Heidegger.  »

      Je vois en tous cas de votre part un grand coup de force contre la logique. A votre décharge, on dit de Socrate tout et son contraire.

      Concernant le procès de Socrate, il faut noter qu’il fut condamné à tort ou à raison en tant que sophiste. Suite à la défaite face à Sparte, un régime « vichyste » et tyrannique fut institué (la tyrannie des Trente). Après le rétablissement de la démocratie, il fallut trouver des coupables pour expliquer la défaite de la démocratie face à Sparte. Les sophistes furent désignés car ils étaient athées et ne devaient sans doute pas dans leur enseignement beaucoup inciter les jeunes gens à mourir à la guerre. Socrate fut mis dans le même sac car il en avait bien des traits et surtout il était anti-démocrate (Critias l’un des chefs tyrans était son disciple, Platon l’aristocrate aimait lui aussi les tyrans, Alcibiade autre disciple avait trahi Athènes, etc).

      « Les Athéniens antiques ne donnent pas au procès de Socrate le statut d’icône qu’il a dans le monde contemporain. Athènes sort d’une période troublée, durant laquelle un groupe favorable à Sparte, les Trente Tyrans, a mis à bas la démocratie participative athénienne et cherché à imposer des principes oligarchiques. Le fait que Critias, le chef des Tyrans, a été un pupille de Socrate, n’est pas vu comme une coïncidence. Ses amis tentent de l’excuser ; l’opinion des Athéniens est illustrée par l’orateur Eschine, qui écrit dans un discours de procès : « N’avez-vous pas poussé à la mort Socrate le sophiste, compagnons citoyens, pour avoir été désigné comme celui ayant été le professeur de Critias, un des Trente qui renversèrent la démocratie ? » »

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Socrate

      Concernant le rationalisme de Socrate et le côté « mage » des pré-socratiques: « Il semble qu’il se soit intéressé d’abord à la philosophie de la nature et aux spéculations de nature physique. Cet intérêt aurait été suscité par la rupture qu’entretenaient les philosophes pré-socratiques avec le surnaturel et le monde des dieux qui prévalaient jusqu’alors. Mais il semble qu’il ait ensuite été déçu par les explications purement causales d’Anaxagore[8], et il s’éloigna rapidement de ces physiciens, déplorant leur explication matérialiste et le côté limité de leurs méditations basées uniquement sur la nature (φύσις). » Qu’en pense Paul? (je pense moi qu’il se trompe du tout au tout concernant Socrate et les pré-socratiques)

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Socrate#cite_note-18

      Dans l’ensemble, il est remarquable que de son vivant, il fut moqué par beaucoup (« Personnage principal de la comédie d’Aristophane, Les Nuées ((grc) Νεφέλαι), créée en -420, il apparaît, similaire à son personnage car si la caricature force le trait ou le déforme, elle ne peut être trop éloignée du modèle ; un discoureur pompeux, emphatique, hypocrite et surtout teinté de sophistique. « ) . Et que 2500 ans plus tard, il passe pour un saint rationaliste et démocrate.

    3. Avatar de orengo
      orengo

      pour un débat possible ? :

      La terminologie heidgggérienne est dès le S/Z très proche de cette novlangue qui s’imposa à partir de 1933 et qu’il fut le seul à articuler philosophiquement, c’est à dire à lui donner des assises de pensée dépassant les stupidités proprement hitlériennes .

      Il suffit de lire les textes, comme par hasard les plus célèbres de l’ après- guerre, pour voir à quel point Heidegger est dans la langue du national – socialiste , telle qu’elle n’avait plus besoin de référence expresse à Hitler, telle qu’elle figurait encore dans les textes de 1934 et si souvent après encore. C’est désormais la LTI à l’état pur, du genre météo abklingende Schauerwelle ( vague de pluie qui diminue ), cette langue cauteleuse et brutale de Hebel der Hausfreund ( Hebel , l’ami de la maison) , de Gelassenheit ( Sérénité ) ou de Die Technik und die Khere ) ( La technique et le Retournement ), ce qui , bien entendu, et tout le problème est là, ne peut absolument pas apparaître en Français.

      La lecture des Holzwerge, on l’a vu, est à soi seule suffisamment effrayante , en 1957, pour qu’un lecteur attentif ne se pose pas de questions, mais celle de Gelassenheit l’est tout autant . La constante référence à la Bodenständigkeit, à Volk der Dichter und Denke ( Le peuple des poètes et des penseurs ) était pourtant devenue , et toute l’Allemagne le savait , das Volk der Richter und Henker ( Le peuple des juges et des bourreaux ) . Les territoires devenus polonais, Heidegger les appelle  » Allemagne centrale  » ( Mitteldeutschland ) sans référence aucune aux victimes de l’univers concentrationnaire .

      Pour terminer par le coeur du débat, il faut croire que quelque chose d’essentiel était en jeu pour que les philosophes français dans leur grande majorité refusent avec obstination d’aborder ce fait tant sur le plan philosophique que politique. Probablement l’un et l’autre se confondaient , si bien qu’il n’y avait plus rien à sauver . Il n’était plus possible de dire que l’un et l’autre de la philosophie ou du nazisme étaient insignifiants; Heidegger nous l’a fait savoir, sa pensée est bien celle du Volk, du Reich, du Führer.

      Il est tout de même redoutable d’être obligé de se dire que la pensée la plus importante de ce siècle ou du moins qu’on ne cesse de donner pour telle, soit justement celle qui qui se soit compromise à ce point avec le crime absolu, au point qu’on peut se demander si cette pensée là n’est pas intimement liée à Auschwitz et à l’euthanasie . C »est pourquoi il faut la lire avec attention car c’est peut-être en elle qu’on peut lire ce que fut l’extermination définitive de l’humanité, la endgültige Abschaffung der Menschheit.

      On peut se demander si à force d’avoir voulu un autrement de la langue , il n’a pas forcé le trait philosophique , si à force il n’a pas programmé un autrement trop voulu, trop proclamé pour ne pas être aspiré avalé par le redoutable autrement d’à côté.

      Dès le départ Heidegger ne s’est pas trompé d’écart, son adhésion est le fond même de cette pensée, sa Bodenständigkeit, si bien qu’il s’est trompé sur sa propre pensée. Tout se passe comme si dès le départ par ressentiment contre ce qu’il croyait être l’Allemagne enjuivée comme il le dit, il s’était non pas trompé de manière radicale sur son propre objet de pensée , aveuglé qu’il était par un ressentiment inextinguible, mais engagé délibérément dans une condamnation irrévocable de tout ce qui a jusqu’ici constitué l’être humain tel qu’il le reconnaît pour tel.

      Il s’agit pour lui en fait de la constitution d’un nouvel ordre de soumission dont l’Ausrottung, l’extermination, qu’il revendique pour la métaphysique occidentale et la philosophie en général, finira par se faire réalité. Tout se passe comme si la pensée qu’on nous dit être la plus importante de ce siècle s’était irréductiblement enferrée dans sa propre mort .

      Georges – Arthur Goldschmidt,- à l’insu de Babel-

  11. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    Nietzsche écrit ce qu’il veut . Moi je n’ai pas de raison d’aimer moins le vieux saint que Zarathoustra .

    Fouchtra , comme on dit en auvergnat .

    1. Avatar de orengo
      orengo

      Vous devez avoir raison, il est sans doute plus confortable d’aimer un Saint. Il peut prier pour vous , c’est généralement ce qu’il propose .

  12. Avatar de Jérémie
    Jérémie

    « autrement dit, « il n’y a pas de sens à attendre en provenance du ciel : le sens est dans la raison et dans la raison seule ». Il en découle bien entendu de manière immédiate que changer le destin des hommes est entre leurs mains et leurs mains seules. C’est cela qui nous sépare toi et moi : le monde où je vis moi est un monde clos où les hommes peuvent seulement – et je citerai ici un autre grand athée – « compter sur leurs propres forces ».

    L’homme qui s’attache trop à la raison, à la raison seule ne trouve plus guère le temps de contempler le ciel, ne pas toujours compter alors sur ses propres forces. Puissiez-vous un jour mieux voir que nos propres forces peuvent parfois nous jouer bien des tours. Et si ma seule raison humaine, mes seules forces ne pouvaient pas toujours suffire à changer le cours des événements.

    On ne peut concevoir le ciel sans la terre, ni la terre sans le ciel. Peut-on concevoir un homme sans épouse, une femme sans mari ? Nguyên Du

  13. Avatar de Jérémie
    Jérémie

    Quel est de nos jours notre principal objet de penser existentialiste ? Comment exister et penser autrement de nos jours lorsque tout le monde en finit même par singer le même langage à quelques nuances près Il s’agit, apparemment de la meilleure conduite à tenir, pour faire le bien, être soi de nos jours c’est penser comme le politique, l’économiste, l’intellectuel de renom de plus ou pas sur la crise qui ne se dit quand même de temps en temps et dans son for intérieur mais qu’est-ce donc que la vie humaine actuellement ? Car s’il n’y a plus d’essence, de courant, de crise ou alors de santé comment pourrais-je encore trouver l’essence et l’objet de paraître différent demain ? Et si le temps comme le rythme pressé du monde moderne ne permettait pas toujours aux êtres de mieux exister, et si cette prétendue meilleure liberté humaine et si souvent affiché de nos jours n’était en fait qu’un vaste courant d’influences en plus, pourquoi autant de grisaille et de pesanteur de nos jours ? Quelle grande force d’attraction que celui du monde moderne se créant paraît-il toujours mieux lui même, l’homme moderne voulant continuellement s’attacher à sa propre raison, gadgets de plus et autres sur soi pour mieux paraît-il rendre le monde plus nouveau, plus sur, plus confortable, plus conforme en fait à ce que nous voudrions plutôt voir et entendre de l’autre en société. Et oui c’est très actuel je trouve …

    1. Avatar de orengo
      orengo

      C’est un bel article que vous proposez, il pose beaucoup de questions que doivent ressentir, sans vraiment le savoir, beaucoup de gens.

  14. Avatar de AntoineY
    AntoineY

    @ Orengo

    « Heidegger nous l’a fait savoir, sa pensée est bien celle du Volk, du Reich, du Führer. »

    Heidegger force ses propres concepts après 33, leur faisant dire tout autre chose que ce qu’ils signifiaient (par ex « historial »). Dire que sa pensée parle le novlangue du IIIe Reich est absurde. Pire, les collusions de H. avec le régime nazi n’ont jamais été prouvées : après des heures et des heures de débats/conférences sur la question, ma conclusion personnelle est que c’est 50/50, et qu’on en sait absolument rien.
    Je vous rappelle que des soldats de la Wehrmacht partaient au front avec un exemplaire des poèmes de Holderlin. Holderlin parlait-il la langue du IIIe Reich?
    C’est quand même gonflé de présenter ainsi un penseur qui a thématisé le « On » et qui a fait de la question de l’Etre et du Sens la quête même de toute sa vie!

    « Dès le départ Heidegger ne s’est pas trompé d’écart, son adhésion est le fond même de cette pensée, sa Bodenständigkeit, si bien qu’il s’est trompé sur sa propre pensée. Tout se passe comme si dès le départ par ressentiment contre ce qu’il croyait être l’Allemagne enjuivée comme il le dit, il s’était non pas trompé de manière radicale sur son propre objet de pensée , aveuglé qu’il était par un ressentiment inextinguible, mais engagé délibérément dans une condamnation irrévocable de tout ce qui a jusqu’ici constitué l’être humain tel qu’il le reconnaît pour tel. »

    Oui H. a dû se tromper sur ce qu’il pensait vous avez raison… le pauvre ne s’est pas compris lui-même, ou plutôt n’a pas du tout compris les motivations obscures qui l’animaient. Ce qui lui a manqué c’est sans doute un bon divan (sic): c’est ainsi que les « réactifs, dont le psy est pour ainsi dire la figure canonique, ramènent le penseur à leur propre médiocrité (remplacez penseur par quoique ce soit de spirituellement élevé ou tout simplement de talentueux ca marche toujours).

    Je vois pour ma part ici un procédé tout à fait malhonnête. Il n y a aucun rapport intrinsèque entre le contenu et les buts de sa pensée et la catastrophe politique et morale qui se joue alors (tout simplement parce-que sa pensée exclut qu’il puisse y avoir un quelconque lien entre ontologie et éthique: ce n’est pas en se fondant sur une métaphysique qu’elle qu’elle soit qu’on pourra en déduire quoique ce soit sur la manière de vivre la plus excellente). C’est bien pour ça que certains en sont réduit à placer la discussion sur le terrain des « motivations » et du « als ob » pour refaire l’histoire de la pensée occidentale. Mais l’horreur nazie n’était tout simplement pas son problème (philosophique), quoiqu’il ait pensé mieux que personne, à l’exception de Nietzsche peut-être, le Nihilisme et le Dispositif (Gestell) dans lesquelles elle a trouvé son fondement.

  15. Avatar de Paul Jorion

    … les collusions de H. avec le régime nazi n’ont jamais été prouvées.

    Un peu de sérieux SVP : on peut débarquer mais il y a des limites. Mais cela serait-il même vrai, que cela n’aurait en réalité aucune importance : il aurait habité la Patagonie et n’aurait jamais entendu parler d’Hitler que ça ne changerait rien : sa pensée appartient à cette famille-là dans son essence-même : anti-socratique, anti-philosophique, anti-Lumières, ennemie de la raison, ennemie de la connaissance, théologique, ayant ses racines dans la crainte de Dieu.

    Ce refus de comprendre H. se ramène toujours à la même chose, la paralysie devant la contradiction : il est si bon philosophe (et Dieu sait à quel point il l’est) qu’il ne peut pas vraiment être l’étendard de l’antiphilosophie. Eh bien si ! J’ai fait le parallèle un jour : « Céline est un tel génie, qu’il ne peut pas être vraiment nazi ! » Malheureusement si.

  16. Avatar de orengo
    orengo

    Cher Paul,

    J’ai mis le texte à l’insu de Babel, afin de relancer un débat auquel j’aurais aimé participer, mais dont les enjeux m’échappent , je dois ici, le dire. Il reste malgré tout une suspicion ,quant à la haine que lui portent certains psychanalystes , semble – t-il; haine qu’ils évoquent, en caricaturant la pensée dite  » pure  » …

    Pour ce qu’il en est de Céline, je me suis toujours refusé de le lire, C’est un personnage que je n’aime pas. Génie ?

    La France des années 1950, poujadiste , grise , criminelle , qui fut celle de mon enfance , le tout dans une ville encore post fasciste , m’ont largement suffit .

    Amicalement .

    1. Avatar de Lisztfr
      Lisztfr

      Chacun lit ce qu’il veut, et fait son miel de ce qu’il peut. J’ai mis 40 ans à trouver un intérêt à Mozart et Bizet, courage donc !

      Il n’y a pas que Céline, mais aussi Poe, Conrad, Mellville et Stevenson; Les vrais hommes lisent ceci. Eventuellement, Tacite.

      Trotsky et Claude Lévy Strauss admiraient Céline.

    2. Avatar de pablo75
      pablo75

      « Pour ce qu’il en est de Céline, je me suis toujours refusé de le lire. C’est un personnage que je n’aime pas. »

      Ne confondez pas le Céline des pamphlets avec celui du « Voyage au bout de la nuit », qui reste l’un des livres majeurs de la littérature du XXe siècle.

    3. Avatar de pablo75
      pablo75

      @ Lisztfr

      « Il n’y a pas que Céline, mais aussi Poe, Conrad, Mellville et Stevenson. Les vrais hommes lisent ceci. Eventuellement, Tacite. »

      Ah bon? Et les faux hommes lisent quoi? 😉

  17. Avatar de orengo
    orengo

     » Je lis Tolstoï, Faut -il donc qu’il en soit ainsi ? et je ressens plus clairement la brutalité et l’injustice du monde . Et pourtant, Tolstoï ne va pas plus loin . Son orientation , il est vrai est imprégné d’Europe occidentale . Comme c’est différent chez Dostoïevski, le Russe de toujours . Depuis que j’ai lu son Idiot, je vis complètement dans sa sphère d’idées . C’est lui le créateur intuitif, Tolstoï est le penseur logique, le philosophe d’orientation matérialiste au plus profond de son être, l’artiste créateur rationnel au moins dans sa dernière période créatrice . Tolstoï se range aux côtés de Rousseau , Marx, Engels et Lassalle , mais Dostoïevski voisine avec Moïse , Boudha, Jésus – Christ et Mahomet . Béni soit le peuple qui a su l’engendrer , même s’il a fallu attendre le XIXe siècle ! Ce peuple ne sera- t- il pas celui de la foi nouvelle, de la ferveur nouvelle, du fanatisme nouveau, en un mot du monde nouveau ? »

    9 janvier 1924 Journal de GOEBBELS-

  18. Avatar de orengo
    orengo

    The informed heart – B- Bettelheim ( 1961 ) , une jeune fille qui,en un moment d’extrême clairvoyance , prit conscience d’une des plus grandes entreprises d’aliénation de l’histoire humaine et d’en libéra. Cette jeune fille faisait parie d’un groupe de juifs qui attendaient, nus d’entrer dans la chambre à gaz. L’officier SS qui surveillait l’opération apprit qu’elle avait été danseuse de ballet et lui donna l’ordre de danser . Elle dansa, mais progressivement elle s’approcha de l’officier , s’empara soudain de son revolver et l’abattit. Son sort ne laissait aucun doute et il était également évident que rien de ce qu’elle pouvait faire n’était susceptible de changer la situation dans sa réalité matérielle , à savoir l’extermination du groupe. Mais elle investit sa mort d’une signification personnelle intense, où s’exprimait en même temps l’occasion historique, tragiquement perdue dans le processus massif des camps de concentration.

  19. Avatar de orengo
    orengo

    journal du 6 février 1924 – Goebbels :  » Si Dieu m’a créé à son image, je suis alors Dieu tout comme lui ….. Plus je rends Dieu grand et fort, plus je me rends moi – même grand et fort  » .

    1. Avatar de Paul Jorion

      « Quand j’étais enfant, j’étais déjà plus lucide, plus intelligent que les autres… « Ils » ne me l’ont pas pardonné, ils voulaient que je sois comme eux… Levez la tête Pierre-François… regardez-moi… baissez les yeux… Et ils m’ont meublé l’esprit de force, avec des livres… de vieux livres … Pourquoi tant de poussière dans une tête d’enfant ? Quelle belle jeunesse, vraiment ! Mon père qui me détestait… ma mère, ma digne mère, qui préférait mon imbécile de frère et mon directeur de conscience qui me répétait sans cesse : « Vous êtes trop fier, Pierre François, il faut rentrer en vous-même ! Alors je suis rentré en moi-même… mais je n’ai jamais pu en sortir ! Jolie souricière ! Les imprudents ! Ils m’ont laissé tout seul avec moi-même… et pourtant ils me défendaient les mauvaises fréquentations… » (Jacques Prévert).

    2. Avatar de pablo75
      pablo75

      Ça rappelle le « Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie. » de P. Valéry

  20. Avatar de orengo
    orengo

    Marx :  » La Grèce et Rome sont bien, parmi les peuples de l’Antiquité, les pays de la plus haute civilisation historique  » Si les religions des Etats antiques disparaissent en même temps que ces Etats , ce phénomène n’appelle aucune explication particulière, car la vraie religion des Anciens était le culte de leur  » nationalité  » de leur  » Etat ». Ce n’est pas la ruine des religions antiques qui a entraîné la chute des Etats de l’Antiquité , c’est au contraire la décadence des Etats de l’Antiquité qui a entraîné la ruine des religions antiques

  21. Avatar de orengo
    orengo

    Au contact des étoiles filantes les yeux anxieux des femmes se sont fermées pour plusieurs années.

    Les hommes aux yeux éteints s’approchaient et lisaient leur destins dans les vitres dépolis des habitations économiques
    Il y a dans ce bois des fleurs pâles qui font mourir ceux qui les cueillent – Toute cette famille est prospère et se réunit sous ce tilleul après les repas.

    La nécessité des absurdités mathématiques n’est pas démontrée. Et cette ardeur lourde qui vers 2 heure de l’ après midi passe près des ponts normaux, s’appuyait lentement sur les parapets.

    Mais il y a des bruits magnifiques des catastrophes verticales et des évenements historiques. C’est à cette époque impétueuse qu’un homme ressuscita pour la deuxième fois – Sa mémoire était planté de souvenirs arborescents et il y coulait des fleuves aurifères – Les vallées parallèles et les sommets incultes étaient plus silencieuses que les cratères éteints.

    André Breton & Philippe Soupault – Les champs Magnétiques.

  22. Avatar de orengo
    orengo

    Dernière info, ce matin à F-C, un philosophe marxiste convoqué entre 8 h et 9 h, …. l’ombre de Dostoïevski y fit irruption , vers

    8 h 57….. au moment où la neige cessait de tomber.

  23. Avatar de orengo
    orengo

    Extrait du protocole de la Cour Internationale militaire du procès de Nuremberg contre les principaux criminels de guerre , tome VIII, page 360, cette transcription du 27 février 1946 :

    Juge Smirnow. – Je vous prie Monsieur le témoin de raconter comment Franz Kurt a tué la femme qui se présentait devant vous
    comme étant la soeur de Sigmund Freud .

    Razman . – C’était comme ça . Le train arriva de Vienne . J’étais alors sur le quai quand les gens furent sortis du wagons. Une femme d’un certain âge s’approcha de Franz Kurt , présenta un Ausweis, et dit être la soeur de Sigmund Freud . Elle pria pour qu’on l’emploie à un travail de bureau facile. Franz examina avec soin l’Ausweis , et dit qu’il s’agissait probablement d’une erreur, la conduisit à l’indicateur du chemin de fer et dit que dans deux heures un train retournait à Vienne . Elle pouvait laisser là tous ses objets de valeur et documents, aller aux douches et , après le bain , ses documents et son billet pour Vienne seraient à sa disposition. La femme naturellement entrée dans la douche, d’où elle ne revint jamais.
    Traduit de l’allemand par Ruth Menahem

    Au 47 ter rue maréchal Joffre au 5ème ou 6ème étage à Nice , en 1943 une famille de 6 personnes au moins fût raflée par la Gestapo en 1943.

    – Il y a si longtemps que les rues et nos coeurs sont vides.- Les champs magnétiques – André Breton & Philippe Soupault . -1919 –

  24. Avatar de orengo
    orengo

    Le ciel est bleu, plein de soleil. Le train vient de passer Montchanin. Là – bas devant nous un nuage s’élève tout noir , opaque , qui semble monter de la terre, qui obscurcit l’azur clair du jour , un nuage lourd , immobile . C’est la fumée du Creusot . On approche, on distingue . Cent cheminées géantes vomissent dans l’air des serpents de fumée, d’autres moins hautes et haletantes crachent des haleines de vapeur; tout cela se mêle , s’étend, plane couvre la ville éteint le soleil. Il fait presque sombre maintenant . Une poussière de charbon voltige, pique les yeux, tache la peau, macule le linge. Les maisons sont noires , comme frottées de suie, les pavés sont noirs, les vitres poudrées de charbon . Une odeur de cheminée de goudron, de houille flotte, contracte la gorge, oppresse la poitrine , et parfois une âcre saveur de fer; de forge, de métal brûlant , d’enfer ardent , coupe la respiration , vous fait lever les yeux pour chercher l’air pur, l’air libre, l’air sain du grand ciel ; mais on voit planer là – haut le nuage épais et sombre et miroiter près de soi les facettes menues du charbon qui voltige. C’est le Creusot . Entrons dans l’usine de M.M Schneider. Quelle féérie ! C’est le royaume du Fer , où règne sa Majesté le Feu ! –

    – Au Soleil – Guy de Maupassant – 1884 – .

    */ « Même s’il n’empêche pas des mouvements de grèves sporadiques , comme en 1848, ou 1850 pour des augmentations de salaires , ce système social fonctionne si bien que 5000 habitants envoient à Napoléon III , en 1856, une pétition pour rebaptiser le Creusot :
    «  » Schneiderville  » , proposition significative d’un état de fait réel. Cependant Eugène 1er refuse la proposition.

    La condition ouvrière du Creusot reste celle de la France , très dure. Un employé ne peut devenir titulaire qu’après 35 ans , et un comportement défavorable à la compagnie met en cause l’emploi de toute sa famille . La délation se pratique. Si le travail abonde l’usine recrute dans les campagnes environnantes , elle n’hésita pas à renvoyer le personnel temporaire.La vie des ouvriers obéit à une règle toute militaire. Bien souvent , l’ouvrier licencié ne retrouve pas de travail ailleurs en raison du  » livret obligatoire de travail  » où sont consignés ses idées politiques , son assiduité Religieuse , et ses agissements. On travaille 12 heures par jours, avec un maximum de 8 jours de repos par an . Quand aux salaires il sont laissés à l’appréciation de la direction qui les baisse , ou les hausse par des calculs compliqués.. Si l’on ajoute à cela des conditions de travail pénibles, et la fatigue des trajets à pied pour les nombreux ouvriers qui habitent les campagnes, il est aisé de comprendre qu’une simple étincelle est susceptible de mettre le feu aux poudres…..

    – NOUS n’attendons que les résultats des courses pour revêtir nos tenues de soirées héritage de la mère patrie . Les meilleurs refuges sont les gares puisque jamais les voyageurs ne connaissent la route à suivre.

    Le canapé n’est plus à sa place et la table va tomber . Ecoutez – moi : il s’agit de votre salut . Méfiez – vous des tableaux et des dessins . La lumière que vous absorbez vous rongera les poumons et votre habit sera taché de sang. L a maîtresse de maison regardera vos yeux et elle y verra tous vos crimes. Ces sont les paillettes de votre vie qui se sont égarées sous votre paupière ce plafond vous fait peur et je sais que si nous n’y prenons pas garde un vieillard, c’est a dire la bibliothèque me marchera sur le pied. C’est dans ce même salon que nous avons joué notre vie pour la dernière fois.-. André Breton & Philippe Soupault – Les Champs Magnétiques – 1919 –

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    Jérémie

    C’est bien je trouve de continuellement remettre en question tout ce que l’on lit surtout de nos jours.

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    orengo

     » Cette débâcle générale était -elle inéluctable ? Apparemment oui. Comme nous l’avons vu, parmi les principaux groupes sociaux impliqués dans la révolution, la bourgeoisie découvrit qu’elle préférait l’ordre au risque que comportait la poursuite de son action aussitôt qu’elle sentit la propriété menacée.
    Confrontés à une révolution  » rouge  » , les libéraux modérés rallièrent les conservateurs . Les  » notables  » de France , c’est à dire les membres des familles respectables, riches et influentes qui dirigeaient les affaires publiques du pays , oublièrent les anciennes dissensions entre partisans des Bourbons , orléanistes et républicains au profit d’une conscience nationale de classe s’exprimant à travers  » un parti de l’ordre « qui, jusque- là n’existait pas.
     » Le printemps des peuples  »
    Eric J. Hobswawm, L’ère du Capital – 1848 -1875

    **Le scribe salue Jérémie **,
     » le procédé de Proust n’est pas une réflexion, mais une présentification. L’écrivain est pénétré de cette vérité que les vrais drames de l’existence qui nous est destinée, nous n’avons pas le temps de les vivre . C’est cela qui nous fait vieillir . Rien d’autre . Les rides et les plis du visage sont les marques des grandes passions , des vices, des prises de conscience qui sont venus nous trouver- mais nous, les maîtres du logis, nous étions Absents  »
    -Walter BENJAMIN, L’ Image Proustienne Oeuvres II/

  27. Avatar de orengo
    orengo

     » En 1891 , le docteur Guyton parle , quand à lui , de « phlegmasie aiguë  » relevant de la glace , des sangsues et l’onguent mercuriel .
    En 1899, le docteur Bidault rappelle qu’autrefois, le lendemain de Noêl, les enfants de tous les environs d’Autun se réunissaient à la Fontaine , à droite de la route menant à Châlons – sur -Saône , apportant chacun un gâteau qu’ils trempaient dans l’eau. Il le mangeait ensuite afin d’être préservés des maux de ventre pendant toute l’année. L’appendicite étant alors un véritable fléau.
    Le choléra se rapprochait d’Autun,et au Creusot le 21 juin 1832 . Mais la commune n’ayant aucune ressource, on en était réduit à faire appel  » aux sentiments d’humanité et de charité des personnes les plus aisées..  »

    En fait, c’est à la fin du 19 ème siècle que la chirurgie viscérale eut droit de cité dans la région Il faut citer pour le Creusot les docteurs Desfontaines et Lagoutte. Bientôt , les chirurgiens de l’hôpital Hôtel Dieu, allaient s’attaquer à une urgence dramatique mais relativement récente à l’ Usine du Creusot : les perforations d’ulcères d’estomac ( les malades étant encore amenés en voiture à bras ) Les premiers succès de cette chirurgie furent rapidement enregistrés et publiés. Le temps était loin (24 juin 1670 ) où le Roi – Soleil assistait impuissant avec la Cour à la mort d’Henriette d’Angleterre terrassée dans ces conditions .  » Madame se meurt …. Madame est morte ! … » lançait le dijonnais Bossuet.

    -Les pratiques guérisseuses dans le Morvan d’autrefois.-

  28. Avatar de orengo
    orengo

    – Comme vous dites, la fleur d’oranger nous en tient lieu. Savez – vous le sort qui vous attend ? Du côté de la Principauté de Monaco, j’ai rencontré des princesses ingénues bien tristes.

    Je préfère à ces drames la tragédie familiale : le fils part pour les colonies, la mère pleure et la petite soeur songe au beau collier que son père lui rapportera . Le père se réjouit intérieurement parce qu’il pense que son fils vient de trouver une situation.

    André Breton & Phillippe Soulpault – Les champs Magnétiques- 1919

  29. Avatar de orengo
    orengo

    Le scribe : « je prends quelques heures …. de repos !!!! » ouf

    1. Avatar de Jérémie
      Jérémie

      Le scribe : « je prends quelques heures …. de repos !!!! » ouf

      Qui vous a donné l’ordre de vous reposer, ne savez-vous pas que le système de la matrice à toujours plus besoin de sang et de vitalité pour pouvoir fonctionner donnez donc encore de votre vie et oubliez aussi les vieilles écritures vieillottes, poussièreuses et inutiles.

  30. Avatar de orengo
    orengo

    «  » Sur la gauche des appartements d’Hadès, tu verras une source…. et devant elle , des sentinelles. Tu diras :  » je suis un enfant de Gaïa et d’Ouranos étoilé…

    J’ai soif et je me meurs ….. donne- moi sans attendre l’eau froide qui afflue du lac de Mémoire. » »

    Orphée.

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