Je propose un point synthétique sur notre débat relatif à la monnaie. J’ai vu trois thèses se développer dans nos discussions. Vous me direz s’il y en a davantage et vous me corrigerez sur la formulation de ces trois thèses.
(1) Résolvons la question de la monnaie et tout le reste en sera – sinon résolu – du moins sérieusement simplifié. Il est impossible de justifier sur un plan théorique le versement d’intérêts.
(2) Les intérêts représentent la part de la création des richesses qui revient à ceux qui ont consenti des avances. Résolvons la question de la manière dont la richesse est partagée et tout le reste sera – sinon résolu – du moins sérieusement simplifié. Il existe un non–dit dans la thèse (1) : dire qu’« il est impossible de justifier sur un plan théorique le versement d’intérêts », est une manière déguisée de dire qu’il faut abolir la propriété privée.
(3) Les thèses (1) et (2) sont prisonnières d’une aporie du type « Qui vient d’abord ? La poule ou l’œuf ? » Les problèmes posés ne pourront être résolus qu’au sein d’un nouveau paradigme qui intégrera la question de la création de richesse dans un espace à quatre dimensions, la quatrième étant bien entendu le temps. Les casse–têtes liés à la monnaie résultent essentiellement du fait que nous examinons les questions liées à la richesse en mêlant les interrogations qui n’ont de sens que dans un espace à quatre dimensions et celles qui n’ont de sens que dans un espace à trois dimensions.
14 réponses à “La monnaie : le point de notre débat”
Pour ce qui me concerne, je ne sais où me classer. Je n’ai jamais dit que la paiement d’un intérêt était théoriquement injustifiable. Je pense par ailleurs que ce n’est pas essentiellement la récompense d’enrichissement pour avoir consenti une avance, mais tout simplement la mesure nécessaire pour que face à une inflation toujours constatée et probablement justifiable compte tenu de la dimension ”temps”, l’épargne monétaire conserve son pouvoir d’achat, cette propriété étant intrinsèque à la définition de la monnaie.
De plus, l’essentiel, à savoir la maîtrise de la création monétaire (c’est-à-dire de la quantité et du choix des attributaires) confiée d’une manière qui reste à définir à une autorité relevant de la démocratie, c’est-à-dire soucieuse du bien général et jugée à cette aune, n’apparaît pas dans la synthèse.
Enfin, sans vouloir brouiller les cartes, personnellement je suis persuadé qu’il n’y a pas que le crédit qui soit créateur de monnaie. Il existe aussi une monétisation de actifs et de dettes, pratiquées par les banques. Je propose que ces mécanismes soient bien conservés pour la collectivité, d’autant plus qu’elle est seule l’ ultime garantie de sa monnaie. Ceux qui auraient le courage de me lire trouveront tout cela dans mes pages.
Juste en passant, avant de m’absenter pour plusieurs jours..
Je pense qu’il faut séparer deux sortes d’intérêts :
1 – les intérêts sur une épargne préalable, justifiée par le fait que pour le prêteur/épargnant, c’est le prix de sa renonciation temporaire à une consommation ainsi que le risque de non-remboursement ou de perte de pouvoir d’achat, et pour l’emprunteur, c’est un coût correspondant à une consommation anticipée. Pour ma part, je préfère nommer ce type d’intérêts par « dividendes »
2 – les intérêts sur la création monétaire bancaire (« ex nihilo » 😉 … ou plutôt – pour éviter de gêner Paul – en contrepartie de reconnaissance de dette ) sont, à mon sens, injustifiés lorsqu’ils enrichissent une banque commerciale qui émet la monnaie (même avec de l’inflation qui dépasserait le taux d’intérêt qu’elle a demandé, son bilan comptable revient à zéro si le prêt est remboursé : tout ce qu’elle peut perdre c’est une moindre valeur d’usage des intérêts qu’elle recevra).
En ce qui concerne cette inflation, il me semble logique que l’emprunteur la « rembourse » à la collectivité. On peut donc discuter de savoir s’il s’agit d’intérêts pré-décidés, ou d’un calcul a posteriori de la valeur réelle de la monnaie dans le temps, compte tenu d’une éventuelle inflation (qui apporterait à l’emprunteur un enrichissement sans justification s’il ne remboursait que le capital sans autre « pénalité »)
Pour la question « Qui vient d’abord ? La poule ou l’œuf ? », je ne crois pas que ce soit très important… : la richesse est créée par le travail (que ce soit celui de l’homme ou de la machine), avec l’aide de la nature, et ce n’est pas la monnaie qui devrait être un obstacle à la création des richesses réelles (utiles) puisque, étant maintenant totalement dématérialisée, sa quantité n’est plus limitée (ce qui ne veut pas dire qu’elle doit être créée n’importe comment comme c’est le cas actuellement).
Je partage tout à fait l’avis de Paul Jorion, qui est aussi me semble-t-il celui de Stilgar et de Jean Jégu : en résolvant la question de la monnaie, tout le reste devrait suivre. Mais, attention ! une erreur de diagnostic conduit fatalement à une erreur de prescription.
A la suite de longs travaux de recherche, je crois pouvoir dire que l’activité nationale de production est soumise à l’influence désordonnée, parce que non régulée, de ses deux facteurs endogènes opposés que sont l’épargne et le crédit, le premier produisant un effet de frein, le second produisant au contraire un effet d’accélérateur. Le résultat de ce désordre s’appelle la conjoncture. Et, il n’y a de fatalité que de l’accepter.
L’affaire des « subprimes » est sans nul doute à l’origine de la crise économique que traversent les Etats-Unis. La perte de confiance et le reflux des concours accordés à l’économie par le système bancaire, qui en sont la suite, ont pour conséquence une décélération de l’activité de production. Et ce pays qui vit à crédit plus que tout autre s’enfonce inexorablement dans la récession.
A mon avis, la régulation monétaire que seul l’Etat est en mesure d’exercer est le seul moyen de redresser nos économies nationales. Pour assumer pleinement cette fonction, l’Etat doit reprendre le contrôle de sa banque centrale, condition sine qua non. Là se trouve le verrou monétaire qu’il est urgent et vital de faire sauter !
Depuis plusieurs années, je préconise que l’Institut d’émission (et il en a les moyens) par le canal des banques couvre les risques d’insolvabilité de tous les agents économiques, entreprises (individuellement) et ménages (globalement), contre une rémunération et selon des modalités à fixer. Si la responsabilité de la Fed avait été engagée dans ce sens, je pense que la crise des « subprimes » n’aurait pas eu lieu.
Je suggère également que les besoins financiers de l’Etat soient exclusivement couverts par la banque centrale, sans intérêt ni échéance, au titre des concours nationaux à l’économie. Monnaie permanente à substituer massivement à la monnaie d’endettement. Par ce moyen, on réduit très sensiblement les risques encourus sur le plan macroéconomique de l’accumulation de l’endettement et des intérêts y relatifs. Il faut savoir que les intérêts bancaires donnent lieu à destruction monétaire, ce qui signifie que la masse monétaire en circulation devient alors insuffisante pour assurer le remboursement des emprunts, ce qui nécessite une folle course en avant vers toujours plus de crédits !
Il est tout de même un peu excessif que les ménages soient imposés pour verser des intérêts aux banques et aux rentiers afin de financer le pays à partir de monnaie créée de rien !
Enfin, je pense que l’économie privée (entreprises et ménages) peut être financée par les seules banques et établissements de crédit (en sous-traitance), même s’il s’agit de création monétaire ex-nihilo, contre une rémunération destinée à couvrir les seuls frais du service des concours à l’économie et de l’assurance contre le risque d’insolvabilité. Les prêts et emprunts seraient alors indexés sur un indice approprié destiné à couvrir l’érosion monétaire. L’intérêt des prêts et emprunts étant à terme supprimé. Prêteurs et emprunteurs seraient ainsi égaux devant l’inflation.
Je me classerai dans la première catégorie, tout au moins pour les transactions du secteur privé.
L’intérêt est pour moi uniquement une rémunération de la défiance, et qui trouve naturellement une place de choix dans le dogme actuel qui exalte la concurrence.
Si ce discours n’est plus tenu, on va découvrir que personne n’est créancier tout au long de sa vie, pas plus que débiteur.
La rémunération du créancier sera la réponse à son besoin de sécurité, à travers la solidarité redistributive de ses phases de débiteur, que l’absence de dette financière facilitera d’ailleurs largement.
On peut à l’inverse concevoir un intérêt pour les investissements publics que l’on souhaite promouvoir.
L’association de la disparition des intérêts et de la propriété est pour moi un contresens majeur,
puisque c’est bien ce phénomène d’accumulation financière qui détruit la propriété privée, suivant en celà la démonstration que H. Arendt qui en a faite en 1958.
On voit bien d’ailleurs où en est déjà arrivé la dépossession progressive des travailleurs de leurs propriétés enracinées dans leur terroir, et leur perte de contrôle sur ce qui se passe dans leur lieu de vie et environnement vital, tout le discours du système étant au bénéfice de l »actif », « mobile », qui en sera réduit à chercher sa propriété privée en fonction de ce que la valorisation de sa force de travail lui permet d’espérer, à moins qu’il ne réussisse dans les « affaires ».
Le reste en sera sérieusement simplifié :
Il suffira de créer des mécanismes d’équilibrage entre les zones socioéconomiques mondiales , protections nécessaires pour ne pas en tarir les productions et les échanges locaux.
Les maître-mots de l’avenir sont « confiance » et « réversibilité ».
Si attendre a de la valeur, ce n’est que dans certaines circonstances qu’on est payé pour attendre.
La monnaie acceptée dans une communauté en lieu et place de « valeurs » concrètes ne produit en elle-même aucune valeur supplémentaire que l’on pourrait se partager. Mais il est des valeurs qui sont produites et reconnues et sans lien avec leur coût de production : le sourire ou autre de Vanessa, le talent de Paul, celui de Zidane, l’abstinence du prêteur…
Bref dans une communauté close où les seules valeurs sont des objets matériels évalués à leur coût de production tout est simple. Dans un monde plus complexe, non fermé, où les valeurs sont subjectives et acceptées comme telles, y inclus la circulation de la monnaie, il faut multiplier les limites mais cela limite la subjectivité acceptée de manière générale…Si on va jusqu’au bout des rêves de contrôle, on se retrouve avec les SEL…l’économie de tickets…qui est une pratique contre le système de marché du type planification mais sans les avantages de la planification.
Il faut limiter les limitations…
Hypothèse 1 aussi.
Toutefois je doute très très fortement qu’on y touche car ça serait saper une des bases du système pyramidal mis en place (qui a eu besoin de la globalisation pour continuer sa fuite en avant). Les gardiens sont vigilants et grassement payés. On pourra à mon avis n’y toucher qu’une fois que le système se sera effondré (ce qui se fera inéluctablement, et dans la douleur).
Réponse à Jean Bayard
Proposition de l’AMI : (American Monetary Institute) http://www.monetary.org
Paul
L’écosociétalisme propose que la monnaie soit émise à la création de richesse (et au bénéfice du créateur) et détruite lors de la consommation de richesse, sur le compte du consommateur… http://tiki.societal.org/
Hello Stilgar,
c’est André-Jacques Holbecq (AJH) du site » SOCIÉTAL » qui m’a donné le lien a Paul Jorion 😉
Je suis toujours à la recherche du « common ground », c’est, a mon avis, le seul moyen pour arriver quelque part.
Paul
Bien, il est temps d’avouer 🙂
J’avais pris ce pseudo ( vous avez tous -?- lu « Dune » de Frank Herbert) lors de ma première intervention sur le blog de Paul Jorion, ne sachant pas trop où je mettais les pieds … n’y voyez pas de malice ni tentative malsaine quelconque…
J’ai prévenu Paul Jorion de ma véritable identité dès le 9 avril, car je considère que c’était la moindre des choses que lui soit au courant..
Donc, je signerai mes interventions par mes initiales (AJH) à partir de maintenant, tout en gardant le même pseudo.
A-J Holbecq
PS: Je vous signale la sortie actuelle – aux éditions Yves Michel – de « La dette publique, une affaire rentable » écrit en collaboration avec Philippe Derudder (après, l’an dernier, de « les 10 plus gros mensonges sur l’économie » chez Dangles)
Bonjour AJH 😉
Paul
AJH … le céréalier bio ??
Non, non 😉
J’ai écrit sur l’autre fil » Voici ce qu’écrit un cultivateur sur le forum “oléocène” » … je n’étais que le messager…
AJH
Jean Jégu et moi-même avons essayé de « synthétiser » une explication sur la création monétaire : la voici.