Le 13 novembre dernier, dans mon billet intitulé « Le capitalisme n’est pas parfait » déclare Angelo Mozilo, je rapportais un commentaire de Bob Hagerty, publié le jour-même dans le Wall Street Journal. Le sous–titre de l’article affirmait : « Fannie, Freddie dominent à nouveau, alors que les investisseurs refluent de l’immobilier », et il débutait de la manière suivante : « Depuis la Grande Crise, le secteur du prêt au logement américain a toujours inclus une bonne dose de socialisme. C’est une chose que l’on a parfois perdu de vue dans la frénésie du boom immobilier récent, à l’époque où Wall Street procurait encore avec enthousiasme les capitaux à prêter. Maintenant que la partie est jouée, le rôle du gouvernement est à nouveau en pleine expansion ». Et Hagerty ajoutait : « En dépit de la confiance américaine dans la loi du marché, les politiciens agissent depuis toujours comme si l’immobilier résidentiel était trop important pour qu’on le laisse exposé au plein souffle des forces du marché ».
L’article de Hagerty allait dans le même sens qu’un de mes textes, rédigé en 2005 et publié l’année suivante, intitulé Misère de l’Etat-Providence aux Etats-Unis : l’exemple de la politique américaine du logement (1), où je soulignais l’importance de l’Etat-Providence aux États–Unis dans le domaine du logement, le mot « misère » étant là pour souligner les ambiguïtés découlant de la semi-privatisation par le Président Lyndon Johnson des deux géants du secteur : Fannie Mae et Freddie Mac, les « Government–Sponsored Entities » (GSE), encore appelés « Agencies », les agences.
Durant les années de la bulle immobilière, les établissements privés : banques commerciales et caisses d’épargne – appelées par contraste « Non–agency » – avaient envahi le domaine de la titrisation des prêts hypothécaires de l’immobilier résidentiel américain. Lorsque la bulle éclata à la fin 2006, les Agencies semi-étatiques (garanties de fait par l’autorité de l’Etat) prirent le relais du secteur Non–agency en pleine déconfiture. Des chiffres publiés mardi dernier dans une publication de l’Union de Banques Suisses (2) me permettent de représenter cette évolution sous la forme de deux graphiques. L’échelle de temps subit un ralenti à mesure que l’on se déplace vers la droite : les données sont en effet annuelles jusqu’en 2006, pour devenir trimestrielles en 2007, enfin mensuelles en 2008.
Le premier graphique représente le volume global (en millions de dollars) du secteur de la titrisation des prêts hypothécaires résidentiels aux États–Unis.
Le second graphique représente, en pourcentage, la part respective qui revient aux Agencies, Fannie Mae et Freddie Mac, et aux banques commerciales et caisses d’épargne, regroupées sous l’étiquette Non–agency.
On voit que les banques commerciales et caisses d’épargne – qui faisaient jeu égal avec Fannie Mae et Freddie Mac de 2004 jusqu’à la fin du premier trimestre 2007 – ont été pratiquement éliminées depuis du secteur de la titrisation des prêts hypothécaires résidentiels aux Etats-Unis. Une évolution qui confirme une fois de plus la fameuse « loi » de « privatisation des profits / socialisation des pertes ».
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(1) Paul Jorion, Misère de l’Etat-Providence aux Etats-Unis : l’exemple de la politique américaine du logement, L’Homme et la Société, No 163–164, janvier–juin 2006 : 181–204.
(2) Mortgage Strategist, Union de Banques Suisses, le 29 avril 2008 : page 19.
Une réponse à “Le point sur la titrisation des prêts immobiliers aux États–Unis”
[…] ambigu de semi-privatisées, seront sauvées par l’administration s’il fallait en arriver là. J’ai expliqué il y a quelques jours qu’elles soutiennent aujourd’hui à elles deux, 97,6 % des titres adossés à des prêts […]