On continue de m’envoyer des courriels où l’on s’interroge : comment puis–je être à ce point borné que je ne comprenne pas que les banques commerciales créent de l’argent ex nihilo ? Ma réponse est, comme vous le savez, que les banques ne créent pas d’argent ex nihilo et que la croyance qu’elles le font a son origine dans une erreur de raisonnement de Maurice Allais (Le monde enchanté de Maurice Allais), qui compte deux fois la même somme et puis s’indigne. Maurice Allais dit : « J’ajoute les animaux domestiques aux animaux sauvages, puis les animaux de la ferme, et j’arrive à un chiffre plus élevé que celui des animaux de la planète ! Cela prouve que les fermiers créent des animaux ex nihilo : c’est un scandale ! » Je sais, c’est peut–être difficile à imaginer venant de la part d’un « Prix Nobel » d’économie mais ce n’est pas plus compliqué que cela.
Un conseil : ne dites pas « M2 est plus grand que M1, j’exige de voir le responsable ! » ou bien « M3 est supérieur à M2, des têtes doivent tomber ! ». Oui, quelqu’un en est responsable mais c’est l’économiste qui calcule M1, M2 et M3 : ce sont des jeux de l’esprit d’économistes, des jongleries comptables qui présentent un certain intérêt car elles constituent des perspectives différentes sur la masse monétaire mais n’allez pas les prendre trop au sérieux : la même somme est comptée plusieurs fois, comme quand j’ajoute les animaux de la ferme aux animaux domestiques.
44 réponses à “Encore Allais”
Pour nier l’existence de la création ex-nihilo de la monnaie par les banques commerciales, il faut nier l’existence d’un fait qui se reproduit chaque jour à des milliers d’exemplaires : il s’agit de la mise à disposition de monnaie par la banque à son client contre un simple engagement de rembourser à terme. La banque constate alors une créance à l’actif de son bilan et une dette au compte de dépôt à vue (somme mise à disposition) de son client à son passif. Celui-ci en use alors librement.
En ce qui concerne l’empilement de la monnaie sur 3 niveaux M1, M2 et M3, je partage votre avis, on compte plusieurs fois la même somme de monnaie aux niveaux 2 et 3, en particulier.
Allais (non, faute d’orthographe, lisez « Allez »)-vous répéter « je me suis un peu fait l’avocat du diable », ou alors sommes nous dans du « second degré » ?
Outre Bernard Maris cité dans « le monde enchanté de Maurice Allais » sur ce blog (désolé, je ne sais pas faire de lien), on peut citer bien d’autres auteurs (Plihon, Chaîneau, Clerc, par exemple)… Mais il me semble que nous étions arrivé à une expression admise (il n’y avait pas eu d’objection) » La monnaie est créée par les banques commerciales, seules autorisées à ce faire, lors d’une demande satisfaite de crédit dépassant les épargnes antérieures disponibles; le demandeur de crédit est donc cocréateur de monnaie »
Il y a bien CREATION de monnaie… sous conditions, mais pas nécessairement transfert à l’emprunteur d’une monnaie existante..
Alors, je comprends bien que ce terme « ex-nihilo » est génant, mais puisque le prêt n’est pas nécessairement issu d’un dépôt (d’une épargne antérieure), comment définissez-vous l’action de l’augmentation permanente de la masse monétaire (> de 10% par an, quelque soit l’agrégat) par l’action créditrice de la banque – un simple montant entré dans la mémoire d’un ordinateur – sur un compte client?
Ou alors confondons-nous monnaie et richesse ?
Concernant les agrégats, non, la même somme n’est pas comptée plusieurs fois… c’est une erreur de le penser.
M1 contient les DaV et la monnaie fiduciaire, M2 contient M1 plus les dépôts à terme d’une durée inférieure ou égale à 2 ans, et les dépôts remboursables avec un préavis inférieur ou égal à 3 mois, M3 contient M2 plus les pensions, les titres d’OPCVM monétaires, les instruments du marché monétaire, et les titres de créance d’une durée initiale inférieure ou égale à 2 ans.
Et on peut donc dire que M3 = M1+ (M2-M1) + (M3-M2)
Ah, Jean Bayard n’est pas d’accord avec moi sur les agrégats… 😉
Le débat sur « qui » crée la monnaie est académique.
Surtout que la vraie création de monnaie est liée à l’intérêt généré par les emprunts honorés.
Il me semble donc que dans une économie qui « marche » bien la masse monétaire croît avec les intérêts servis.
Il y donc inflation monétaire, qui doit quand même bien jouer sur l’inflation des prix.
Et le scandale pour moi est que la BCE, sans le démontrer, décide que la bonne gouvernance est que l’inflation, sous entendu « des prix et des salaires » soit de 2% alors qu’on est loin des taux d’intérêt réellement pratiqués, et en tout cas sans liaison avec ceux-ci ce qui semble curieux.
En effet, pour moi, l’inflation était le phénomène de rééquilibrage normal entre la rémunération du travail et du capital, à la condition première que l’on admette que le capital doive être rémunéré.
Ce qui ne me paraît largement discutable.
Fixer les taux d’intérêt
-à 0 pour les opérations purement financières stopperait la spéculation délirante en cours, et le bal des hypocrites qui la « condamnent ».
-à plus de 0, ou moins de 0, ce pourrait être un levier politique de gestion de la planète.
Ce point de vue est-il complètement utopique?
Stilgar précise : « La monnaie est créée par les banques commerciales, seules autorisées à ce faire, lors d’une demande satisfaite de crédit dépassant les épargnes antérieures disponibles; le demandeur de crédit est donc cocréateur de monnaie ”
A mon avis, l’épargne bancaire dépend de la création monétaire et non l’inverse. La monnaie une fois créée, ne reste pas dans sa forme initiale de dépôt à vue, telle qu’elle est au moment de sa création. Au gré des échanges : production, revenus, consommation, elle aboutit en grande partie en compte d’épargne, dans une proportion de 66 à 75% selon une étude que j’ai faite sur le bilan de la BNP.
A Bernard, à propos des taux d’intérêt et de la spéculation, je répondrais que le Japon connaît la spéculation malgré un taux d’intérêt voisin de zéro.
@jean Bayard
Oui …
Il faudrait écrire » La *nouvelle* monnaie est créée par les banques commerciales, seules autorisées à ce faire, lors d’une demande satisfaite de crédit dépassant les épargnes antérieures disponibles; le demandeur de crédit est donc cocréateur de monnaie »
… comme le beaujolais nouveau : il y en a beaucoup plus que la récolte 😉
1) Quand je dis « double compte », je pense à l’exemple d’Allais, du gars qui a 100 € sur son compte courant et qui « se représente » qu’il a 100 € et du second gars à qui 90 € de ces 100 € ont été prêtés et qui « se représente » (à plus juste titre) qu’il a 90 €. Si l’on dit qu’il y a maintenant 190 €, je dis que 90 € de ces 190 € constituent un double compte de 90 € compris dans les 100 € originaux – pour la raison que j’ai dite : que si les deux gars se présentent simultanément au guichet, la banque va devoir trouver 90 € ailleurs que dans le dépôt initial du premier gars.
2) Un observateur impartial pourrait dire « S’ils sont d’accord sur un projet de réforme de la monnaie », les points sur lesquels ils restent en désaccord doivent être mineurs. Et il est vrai que le désaccord ne porte plus que sur ce que « ex nihilo » signifie exactement ici. Comme je l’ai dit aussi, je n’accepte de dire que la banque prêteuse « crée de la monnaie » en accordant un prêt que si l’on dit que l’emprunteur aussi « crée de la monnaie » en créant une plus–value à partir de ce capital et en payant un intérêt soustrait à cette plus–value. Dans ce cas là évidemment « créer de la monnaie », perd son sens propre pour prendre un sens « métaphorique ».
3) Si l’on veut me faire dire que seule la banque commerciale crée de la monnaie à l’occasion d’un prêt, il faudrait qu’on me précise le montant exact de monnaie elle peut créer de cette manière (scripturale) à cette occasion. Je sais qu’un établissement financier peut prêter l’argent des déposants, je sais qu’il peut prêter également l’argent qu’il a emprunté lui–même mais combien de monnaie peut-il créer de manière scripturale (c’est–à–dire sans qu’existe un collatéral à la somme avancée) ? Si cette somme est illimitée, je ne comprends pas comment une banque commerciale pourrait jamais faire faillite : elle pourrait indéfiniment créer de la monnaie à la demande et se renflouer sur les intérêts versés.
Et si ce collatéral était un « machin », du genre produit dérivé, dérivable à l’infini… Les prix minimaux de ces produits étant garantis en définitive par l’état qui les accepte et les échange contre des bons du trésor, et peut être bientôt par l’émission de monnaie nécessaire aux humains qui réclament des hausses de salaire ?
Oufffff… 🙂
En ce qui concerne le point 1:
Je vais essayer de relire exactement ce qu’écrit Allais avant de donner un avis.
En ce qui concerne le point 2:
C’est bien ce que j’avais cru comprendre… c’est bien la compréhension du mot « ex nihilo » qui pose problème, qu’il faut donc prendre, selon Paul, sous son sens métaphorique.
Soit, personnellement, ça ne me gêne pas.
Paul, êtes vous d’accord avec la définition que je tente dans mon message précédent ?
Alors, en fonction de cette définition ou d’une définition équivalente, quel autre mot – que l’on pourrait prendre au sens propre – peut-on proposer que « ex nihilo » ?
Enfin, le point 3:
Outre les régles prudentielles (Bâle 2) et les réserves obligatoires auprès de la Banque Centrale, il y a un point qu’il ne faut pas oublier: la réglementation bancaire *interdit* aux banques de créer de la monnaie scripturale pour elles-mêmes, et elles ne peuvent le faire *que* pour des agents non bancaires (bien que dans certains cas limites, par exemple si elles achètent un immeuble pour elles-même, on puisse se poser la question..).
D’autre part, en ce qui concerne la création monétaire lors de demande de crédit par les agents non bancaires, il faut évidemment (en principe) que cette demande soit « garantie » par l’emprunteur… sinon, non seulement la banque perdra les intérêts qu’elle espère, mais en plus dans ses comptes, elle va devoir passer en perte ce crédit qu’elle a fait d’une manière trop peu garantie (voir le problème d’actualité). En échange, néanmoins, s’il reste quelques actifs sur lesquels elle aurait pris une hypothèque, elle pourrait les revendre ou se les approprier: leur montant viendra donc en déduction de ses pertes.
L’augmentation permanente des masses monétaires (M1 a grossi de 82% en 6 ans dans la zone euro, et M3 de 58%) s’explique pour 85% de M1 (la différence étant l’augmentation de monnaie fiduciaire par la banque centrale) par la nécessité pour les banques commerciales prises globalement d’assurer l’émission monétaire nécessaire à la demande supplémentaire de monnaie (par rapport à l’offre de l’épargne) des agents non bancaires, seule solution pour elles d’obtenir les intérêts qu’elles réclament et qui sont liés à chaque émission: nous sommes engagés dans un système exponentiel.
En ce qui concerne le point 1, je recopie ici mon petit commentaire mis sur « Le monde enchanté de Maurice Allais »
« Je pense que l’erreur de Paul Jorion est de dire ” les banques n’ont pas plus d’argent que ce qu’elles ont en caisse ! ” car , en lisant ce qui précède (ce qu’il écrit), on pourrait penser que les banques sont capables de fournir aux Eusèbes qui se présentent aux caisses lors d’une panique bancaire, tous les billets de banques (l’argent) qui corresponds à leur “crédit”.
C’est évidemment faux, puisque les pièces et billets ne représentent que 15% de la masse monétaire M1, celle immédiatement disponible (fiduciaire + dépots à vue)
Mais si les banques ne peuvent “rembourser” sous forme de billets les demandes correspondantes aux montants des dépots à vue, quel intérêt pour les Euphèbes de demander (ensemble) le remboursement sous cette forme… la monnaie scripturale (”l’état” du compte bancaire) a autant de légitimité que la monnaie fiduciaire… comme elle, elle est garantie par la Banque Centrale, et nous l’avons vu dernièrement au Royaune Uni, en dernier ressort par l’Etat.
La monnaie (fiduciaire ou non), c’est toujours un problème de “fidus”
Je reconnais néanmoins qu’Allais n’a pas été très précis dans cette citation (extrait de « La crise monétaire d’aujourd’hui. Pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires. », Éd. Clément Juglar, 1999, p. 63.): il aurait du parler des “fuites” de monnaie fiduciaire qui limitent (aussi) les possibilités de création monétaire par les banques commerciales, de la nécessité des réserves obligatoires et j’ignore si, lorsqu’il écrit ” dépôts” , il pense ou non à cette catégorie particulière que sont les “dépôts à vue”… je crois que non, car il l’aurait sans doute précisé. »
Le « double compte » de P Jorion est effectivement une réalité relativiste.
Il suffit de comprendre que le monde financier est, comme celui d’Einstein, un monde à 4 dimensions, composé de l’espace et du temps.
Dans ce monde, et tant qu’existe la confiance, le double compte, vu dans l’espace à 3 dimensions, n’en fait qu’un dans l’espace-temps, puisque les espérances des titulaires de ces comptes seront réalisées.
Mais si la confiance disparaît, le temps s’arrête, l’espace revient à 3 dimensions, tout le monde exige son dû, et c’est la crise.
C’est le problème actuel des banques qui n’ayant plus confiance entre elles, sont dans la situation du gang partageant le butin, et qui s’aperçoivent qu’une partie du magot qu’elles imaginaient avoir dans l’espace-temps n’est qu’une illusion.
« 1) Quand je dis « double compte », je pense à l’exemple d’Allais, du gars qui a 100 € sur son compte courant et qui « se représente » qu’il a 100 € et du second gars à qui 90 € de ces 100 € ont été prêtés et qui « se représente » (à plus juste titre) qu’il a 90 €. Si l’on dit qu’il y a maintenant 190 €, je dis que 90 € de ces 190 € constituent un double compte de 90 € compris dans les 100 € originaux – pour la raison que j’ai dite : que si les deux gars se présentent simultanément au guichet, la banque va devoir trouver 90 € ailleurs que dans le dépôt initial du premier gars. »
Il faut continuer l’histoire. Celui qui a la possession à ce moment-là des 90 € va les utiliser pour acheter des biens ou des services. C’est donc un troisième acteur qui va devenir, lui, propriétaire légitime des 90 €, puisqu’il les aura « gagnés ». Il pourra donc les déposer dans une banque (la même ou une autre). C’est à ce moment et seulement là qu’on arrive à un total de 190 €, car l’emprunteur n’était lui qu’un « possesseur » transitoire de la monnaie. A ce stade, on a bien deux agents économiques propriétaires de 190 €. Et ainsi de suite.
Sans transactions économiques « réelles », il n’y a pas de création monétaire scripturale. D’autre part, je ne suis pas sûr que ce soient à proprement parler les « banques » qui créent la monnaie scripturale, mais plutôt « le système bancaire », au fur et à mesure que l’argent gagné par certains est déposé sur des comptes.
Maintenant, faut-il estimer que seuls les billets sont de la monnaie et que nous sommes virtuellement propriétaires des mêmes….ou alors que la création scripturale est bien une augmentation de la masse monétaire (pas ex nihilo, mais par multiplication de la monnaie fiduciaire initiale – un peu comme Jésus avec les pains)…. ? Franchement, cela me porte dans des abîmes de perplexité, sauf que quand je fais mes paiements, personne ne me demande si c’est de la monnaie fiduciaire ou de la monnaie scripturale…
Ah, encore une anecdote :
Un ami, membre d’un conseil d’administration d’une banque suisse, proposait l’action suivante : nous nous échangeons tous les deux des reconnaissances de dettes de montant égal, puis nous allons négocier sur cette base un emprunt auprès de nos banques respectives (il faudra bien sûr les convaincre de notre solvabilité). Nous avons ainsi créé, grâce à nos banques, de nouveaux « moyens de paiement ». S’ils sont utilisés dans un but productif, il y aura création monétaire. Non ?
@Dani
Même si ces nouveaux moyens de payement ne sont pas *productifs*, il y aura bien création monétaire…
« 1) Si l’on dit qu’il y a maintenant 190 €, je dis que 90 € de ces 190 € constituent un double compte de 90 € compris dans les 100 € originaux »
Bonjour, Effectivement, il y a double-compte. Mais ce qui est important c’est que les consommateurs vont consommer comme s’ils avaient l’argent. La banque me prête de l’argent pour m’acheter un logement. Je le dépense. C’est en ce sens qu’il y a bien création monétaire. Ça me paraît difficilement discutable. Même si à terme, je rendrai cet argent, il y aura eu entre temps d’autres prêts consentis à d’autres clients. Il y a un flot continu d’argent qui circule et qui vient des prêts accordés par les banques.
Sur la cocréation « banque-particuliers », c’est vrai qu’il y a deux parties dans la transaction. Mais la création est dissymétrique puisque ce sont les banques qui touchent les intérêts. C’est ce point qui est bizarre et qu’on sous-entend quand on dit que la création monétaire est à l’initiative des banques. On part d’une situation symétrique client-banque. Tous les deux peuvent avoir un bilan nul. Et le procédé réglementaire créance-crédit fait qu’a l’issue de la transaction, la symétrie est brisée et la banque touche des intérêts.
» … l’emprunteur aussi « crée de la monnaie » en créant une plus–value à partir de ce capital et en payant un intérêt soustrait à cette plus–value. »
Si l’emprunteur est une entreprise, OK, il y a création de plus–value. Mais si l’emprunteur est un particulier, il subit simplement l’organisation de la société sous forme de crédit. Pour acheter un logement, on doit être en compétition avec d’autres particuliers qui ont accès à l’emprunt. Donc on doit accepter de s’endetter également et de payer des intérêts. Le crédit peut avoir un sens pour la construction d’un logement neuf, puisqu’il donne la souplesse permettant de nouvelles mises en production. Mais pour les transactions sur l’ancien, c’est juste un mécanisme technique qui permet un transfert d’argent des pauvres vers les riches, un impôt inversé. Je n’ai plus les références. Mais des études ont montré que les meilleures opportunités d’achat de logement étaient en période de taux d’intérêt élevé. Le crédit devient impossible pour certains, et les prix des logements diminue. Si le crédit aux entreprises me semble justifié, le crédit aux particuliers me semble surtout une organisation sociale permettant un transfert d’argent des plus pauvres (qui empruntent) vers les plus riches.
« 3) Si l’on veut me faire dire que seule la banque commerciale crée de la monnaie à l’occasion d’un prêt, il faudrait qu’on me précise le montant exact de monnaie qu’elle peut créer de cette manière (scripturale) à cette occasion. »
Voir McDonough. Pour le risque de crédit, la banque doit avoir un minimum de fonds propres correspondant au crédit qu’elle accorde. Quand un client dépose un avoir sur un compte, cela baisse l’encours de crédit (puisque comptablement, la banque doit rendre l’argent, c’est donc une dette du point de vue de la banque). Si l’encours de crédit diminue, elle peut de nouveau prêter. Donc mathématiquement, ces règles font que chaque banque peut prêter un certain multiple des dépôts des clients. Si je comprends bien, la valeur du multiple dépend de la valeur du rapport (dépôt des clients)/(fond propre). En outre, il y a des formules techniques différentes suivant que le client dépose de la monnaie fiduciaire, des obligations, des actions ….. Compte tenu de ces règles, la théorie dit que la banque ne devrait pas pouvoir prêter plus de 5 fois ses fonds propres. Certains observateurs disent que ce multiple 5 peut être très largement dépassé.
@ Laurent
Comme vous le dites vous–même, il n’y a dissymétrie entre prêteur et emprunteur que si ce dernier est incapable de faire fructifier la somme qu’il emprunte. Alors effectivement, pour payer les intérêts, il en sera de sa poche. Mais à qui la faute ? La supposition de la banque qu’il en fera un bon usage est légitime. En empruntant pour des dépenses de consommation, les ménages enclenchent un processus de « cavalerie » qui les oblige à trouver ailleurs les sommes qui leur permettront de servir leur dette – en l’absence d’une plus–value créée par le capital qu’ils empruntent.
« Tout le monde le fait ! », me direz-vous. Sans doute, mais tout le monde devrait savoir que le système repose sur le postulat que l’argent emprunté sera utilisé intelligemment. Vous me dites « Si l’argent emprunté est utilisé intelligemment, le système est symétrique et c’est bien. Mais si le capital est utilisé de manière stupide par l’emprunteur, la situation n’est pas symétrique, et la banque doit être blâmée pour réclamer des intérêts ». Soyons sérieux !
Qu’en raison de la manière dont les richesses sont distribuées dans nos sociétés, certains ménages sont obligés de gérer en permanence leur budget en régime de « cavalerie », je vous l’accorde volontiers. Mais cela, c’est une conséquence de la propriété privée, et le système bancaire en–soi n’y est pour rien.
Le double (et même plus) compte relativiste, (suite)
Cette image relativiste peut être poussée encore plus loin, notamment en imaginant que l’argent joue dans le monde financier le rôle de la lumière dans le monde relativiste.
On retrouve alors le caractère forcément expansionniste de l’univers financier.
En fait, ce qui fait alors le caractère « enchanté » de ce monde financier est que ses outils violent allègrement les contraintes de l’espace-temps : en particulier, l’argent a acquis une vitesse de déplacement telle qu’il est capable de se matérialiser en fonction d’évènements encore à venir.
On peut alors considérer que les bulles financières comme des trous noirs.
Cela nous permettrait aussi d’envisager la limite de validité des outils financiers par rapport à une « vitesse limite » de circulation de la monnaie.
Maurice Allais avait donc pour moi raison, le caractère « enchanté » vient simplement du fait qu’il suppose que l’on peut violer impunément les contraintes de l’espace-temps !!
En fait, tout le monde sait au fond de lui-même que c’est impossible.
Le problème actuel, vous le savez bien, est de savoir si quelqu’un, parmi nos « gouvernants » aura suffisamment de (double) courage pour à la fois,
1 – perdre publiquement la face en admettant l’aspect « enchanté » de la sphère financière,
2 – remettre en question la légitimité de cette immense « cour » qui vit grassement de cet « enchantement », et remettre un peu de réalisme dans la finance,
ou si le changement sera initié par un soulèvement général.
@Paul.
Merci de la réponse. Je comprends votre point de vue. Chacun est finalement responsable de ses choix, dites-vous.
Comme je l’ai dit, pas de problème pour un rapport entreprises-banques. Pour ce qui est du prêt bancaire vers les particuliers, on n’est pas me semble-t-il dans une relation symétrique individu-individu ou entreprise-entreprise. La structure bancaire a des moyens financiers et des moyens publicitaires et marketing pour vendre ses prêts a des individus. Dans une population, il y a toujours à la louche 10% d’illettrés et 30% d’individus ayant du mal avec les pourcentages. Ce sont d’ailleurs les plus pauvres qui ont subi le subprime, parce qu’ils n’étaient pas capables de comprendre la complexité des montages qu’on leur proposait. Doit-on autoriser des rapports commerciaux déséquilibrés, de choix libre, mais qui permettent à une entreprise de mettre en grande difficulté ceux qui ne sont pas capables de comprendre les contrats qui leur sont proposés ?
L’autre remarque, c’est que même dans le cas d’un choix entre deux parties bien informées, on ne doit pas tomber dans le mythe occidental d’un individu libre et autonome qui pourrait faire des choix indépendamment des autres acteurs. La croissance de ces dernières années s’est faite par augmentation de l’endettement (des états, des particuliers). Il est probable qu’une récession s’ensuivra pour corriger la bulle d’endettement. Même des individus qui n’ont pas emprunté subiront le contrecoup de cet endettement généralisé, par exemple par le chômage si leur entreprise fait faillite lors de la récession. Même chose pour le prix des appartements. Ils dépendent fortement de la permissivité de l’emprunt et la politique financière d’aujourd’hui oblige tous les primo-accédants à s’endetter sur 20 ou 30 ans face à la bulle immo. Des lors, il me semble légitime qu’il y ait une législation régulatrice sur ces transactions privées à partir du moment où elles ont des conséquences importantes pour le reste de la population.
Mais bon, on s’éloigne de la question initiale sur la création monétaire…
Bonne soirée.
Vous allez peut-être pouvoir me répondre ???
La question à laquelle je ne trouve pas de réponse soit dans les livres, soit dans les sites est simple.
Les x % que les banques centrales font payer, où vont-ils, à quoi servent-ils ? Dans quelles poches ?
Merci d’avance.
Il me semble que les banques centrales touchent 8% sur les opérations d’émission (c’est à confirmer ou à démentir…)
Si l’activité de la banque centrale génère des profits non ré-investis, ces sommes sont partagées entre les différentes banques centrales nationales. Il s’agit simplement de considérer que la BCE est une entreprise privée dont les actionnaires sont les banques centrales nationales qui touchent donc des dividendes quand les bénéfices le permettent ; en contrepartis les Banques centrales nationales ont le devoir de remettre la BCE à flot si celle-ci connait des pertes.
« Conformément à l’article 33.1 des statuts du SEBC, les bénéfices nets de la BCE,
défalqués de l’acompte sur dividende versé au titre du revenu de seigneuriage et de
l’éventuel transfert d’une partie du montant au fonds de réserve général, sont reversés
aux BCN de la zone euro proportionnellement à leur part libérée dans le capital. »
http://www.banque-france.fr/fr/eurosys/telechar/bce/publications/2006/bce_hrf_chap_3.pdf
Bonjour
Afin d’esssayer d’en finir une fois pour toute avec ce débat sur « ex nihilo », je relisais hier soit Dominique Plihon ( qui fut économiste à la Banque de France avant d’être perofesseur d’économie à l’université Paris Nord (ce qu’il était en 2000), et je lis » (p.42 – La monnaie et ses mécanismes) : » La création monétaire est le privilège des banques: celles-ci créent de la monnaie en « monétisant » leurs créances et en émettant des dettes qui ont la particularité d’être acceptées comme moyen de payement. La plupart du temps les créances bancaires correspondent à des crédits : il s’agit de la monnaie de crédit, créée ex nihilo par les banques à l’occasion de leurs prêts. [] L’évolution de la masse monétaire résulte du décalage entre la création et la destruction de monnaie lié aux opérations de prêt et de remboursement. »
Néanmoins, Paul (et les autres) , je propose une trêve 🙂
Seriez vous d’accord sur les formulations suivantes:
– La monnaie fiduciaire, monnaie permanente, est créée par la Banque Centrale pour satisfaire la demande de liquidité.
– La Banque Centrale peut créer de la monnaie centrale temporaire à usage exclusif des banques commerciales, afin de faciliter leurs échanges (compensation) ou renforcer temporairement leurs fonds propres.
– La monnaie scripturale est créée par les banques commerciales lors de demandes satisfaites de crédits bancaires par les agents non bancaires, demande supérieure à l’épargne préalable disponible. Ce pouvoir de création monétaire par les banques commerciales n’est pas illimité : il est contraint par les fuites de monnaie centrale subies par les banques, les régles prudentielles, les réserves obligatoires et la nécessité de fonds propres suffisants.
Vous remarquerez que je n’ai pas utilisé le terme « ex nihilo » qui reste néanmoins sous-jacent du fait de l’utilisation du terme « créer », lequel, étymologiquement, signifie: » a) Ca 1119 relig. crier « tirer du néant (en parlant de Dieu) » (Ph. de Thaon, Comput, 2003 ds T.-L.); 1155 creer (Wace, Brut, 2739 ds Keller, p. 35 b); b) 1130-40 « produire ce qui n’existait pas (en parlant de l’homme) » ici « donner la vie » «
En réponse à Bernard
Je précise un petit peu la réponse de Guillaume.
Les Banques Centrales prêtent leur monnaie (monnaie centrale) aux banques commerciales qui en ont besoin. Elles bénéficient dans ce cas des intérêts correspondant au taux de refinancement. Ces intérêts vont augmenter le bénéfice de la Banque Centrale, lequel sera redistribué au prorata à ses actionnaires (les banques centrales nationales dans le cas de la BCE).
L’un des actionnaires de la BCE est la Banque de France qui payera d’une part l’impôt sur les bénéfices (en France) et redistribuera les bénéfices sous forme de dividendes à son seul « actionnaire », l’Etat français.
C’est la raison pour laquelle la demande que TOUTE la monnaie soit émise (créée) par la Banque Centrale est justifiable en termes financiers au niveau de l’avantage collectif. Puis–je vous proposer (à tous) de lire (en anglais), en ce qui concerne la FED, l’appel lancé par l’ « American Monetary Institute », que j’ai, les hasards font bien les choses, reçu aujourd’hui : http://www.monetary.org/amacolorpamphlet.pdf
@Stilgar
Je rajouterais néanmoins les mentions que :
(i) seule a cours légal la monnaie centrale (« les billet de banque ») que nul ne peut refuser en paiement.
(ii) les instruments de paiement bancaire (cartes, chèques, virements, TIP, …) n’ont pas cours légal. Chacun peut les refuser.
on comprend ainsi mieux la différence de puissance entre ces deux sortes de monnaie qui portent le même nom.
(iii) les banques ont l’obligation de remettre, sous forme de monnaie centrale, à leurs clients qui demandent « un retrait en espèces » le montant disponible sur leurs comptes courants, et ce immédiatement et à leur seule vue.
(iv) du fait du mécanisme de réserve fractionaire, les banques sont dans l’incapacité de faire face à une demande (iii) trop importante.
Merci a tous pour vos réponses mais un détail dans la réponse de Stilgar m’intrigue. Le seul actionnaire de la BdF serait l’état ? Il n’y a pas de banque commerciale actionnaire ? Etes vous sur de cela ? Car alors comment un état peut-il avoir une dette ? Sinon envers d’autres états. En effet les emprunts faits auprès de fonds « privés » étant faits avec de la monnaie d’état (seul actionnaire de l’émetteur de monnaie) ce serait l’état qui se ferait crédit à lui-même. Le plus ou moins long circuit passant par des comptes dits privés ne serait plus qu’un tour de passe–passe, un artifice comptable??????????????????????????
On comprend mieux ainsi pourquoi avec une monnaie non gagée sur quelque chose de réel tout le monde excepté l’appareil d’état s’appauvrit. Les fortunes dites privées ne sont plus alors que du vent car dépendantes du bon vouloir et de l’intérêt propre des appareils d’état (et non pas de la collectivité des gens qui n’en font pas partie.) Le prix payé au gestionnaire (l’état) est donc la concentration de tous les pouvoirs dans les mains de ce même gestionnaire.
On comprend mieux le mal-être des quidams qui sentent bien que de toute façon ils sont toujours les pigeons. Et pourquoi ils veulent tous être fonctionnaires.
Et pourquoi les riches font les quatre volontés des politiques (et pas l’inverse comme on le dit)??????????????????????????????????????????????????????????
On peu dire alors que la FED s’est immensément enrichi en reprenant les dettes pourries, puisque c’est elle en dernier ressort qui fixe le prix en monnaie de tout, de la patate au crédit??????????????????????????????????????????????
Pas étonnant que le nombre de dépressifs soit aussi énorme.
@ (Autre) bernard
Votre interrogation mérite une réponse détaillée.
Oui, la Banque de France est une institution dont le capital appartient à l’Etat (à nous), en totalité… voir : http://www.banque-france.fr/fr/instit/telechar/histoire/cmf.pdf
Mais, et ça a commencé en 1973 (Pompidou, Giscard). L’article 25 de la loi du 3 janvier précise « Le trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France », ce qui signifie que le trésor public ne peut présenter les garanties que lui, l’Etat ou les collectivités publiques auraient émis, à l’escompte de la Banque de France, ce qui rend d’autant plus drôle le fait que l’Etat, bien que propriétaire de la Banque de France, est obligé de se financer sur le marché financier (auprès des rentiers et des épargnants)
Il y a eu ensuite un double « verrouillage »:
– la loi du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France interdit à celle-ci dans son article 3 d’autoriser des découverts ou d’accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics, de même que l’acquisition de titres de leur dette. Les services bancaires (opérations de caisse, tenue de compte, placement des bons du Trésor, etc.) encore assurés par la Banque pour le compte du Trésor sont désormais rémunérés par l’État
– Le Traité de Maastricht dans son article 104 » Il est interdit à la BCE et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales » d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions ou organes de la Communauté, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publiques des États membres; l’acquisition directe des instruments de leur dette, auprès d’eux, par la BCE ou les banques centrales nationales, est également interdite. »
@Armand
» Cours légal : statut déterminant la valeur de la monnaie dans le cadre du territoire national. Tout signe monétaire émis conformément aux prescriptions de la loi a cours légal, c’est-à-dire qu’il doit être accepté comme moyen de paiement par toute personne publique ou privée, sous peine de sanctions pénales, au taux de sa valeur nominale. Le pouvoir libératoire de la monnaie, défini par sa faculté d’être utilisable comme moyen de paiement, a longtemps dépendu de sa convertibilité en métal (généralement l’or ou l’argent). Le cours légal se distingue ainsi du cours forcé, en vertu duquel les signes monétaires ne sont plus immédiatement convertibles en métal, mais voient leur pouvoir libératoire seulement garanti par les pouvoirs publics émetteurs. Telle est, par exemple, la situation des billets de banque. »
et wikipedia rajoute :
» Qu’un moyen de paiement ait cours légal sur un territoire national signifie qu’une personne ne peut pas refuser de le recevoir en règlement d’une dette libellée dans la même unité monétaire. Le créancier doit accepter lesdits moyens de paiement pour leur valeur nominale.
Historiquement, les moyens de paiement que la loi (cours légal) est venue consacrer d’un pouvoir libératoire général sont les billets de banque et les pièces, soit la monnaie dite fiduciaire. En revanche, les instruments de transfert de la monnaie scripturale, tels les chèques ou les cartes de paiement, ne bénéficient pas de cette force légale et peuvent donc, en théorie, être refusés par un créancier. L’expression cours légal ne concerne donc pas une monnaie ou unité monétaire mais seulement certains moyens de paiement qui peuvent lui servir de support. »
Un chèque de banque a, je crois, cours forcé.
Pour montrer que des choses bougent, permettez moi de vous signaler : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1941 : Frédéric Lordon : Quatre principes et neuf propositions pour en finir avec les crises financières. Un mot de notre hôte ? Comment appuyer efficacement cette initiative ?
Stilgar,
Un chèque n’est qu’un moyen de paiement bancaire qui peut être refusé (certains commerçants ne les acceptent d’ailleurs pas). Il n’a donc pas cours légal. Il existe cependant une exception : l’inquisition fiscale française oblige à payer par chèque ou virement, pour laisser une trace, tout montant supérieur à 3 000 euros.
@Armand
Ma « non certitude » concernait ce qu’on appelle « chèque *de* banque » , c-à-d un chèque émis par une banque, de son propre compte… chèque qui, à mon avis, ne peut être refusé en payement.
Tout à fait d’accord avec egdltp pour enfin positiver sur les propositions récentes de F Lordon et aussi sur sa proposition de SLAM Shareholder Limited Authorized Margin.
Je voudrais revenir sur une « évidence » et apporter une précision.
Dans la zone euro, entre le 1 er janvier 2006 et le 1/01/2007, la masse monétaire totale a augmenté de 667 milliards d’euros (de 7115 à 7782), alors que la monnaie fiduciaire n’a augmenté que de 49 milliards d’euros (pour 570 de billets et pièces).
C’est donc bien 618 milliards d’euros nouveaux qui ont été créés par l’ensemble du système bancaire commercial et ça c’est bien de la « création ».
Nota: même si l’intérêt demandé aux bénéficiaires pour la création antérieure de cette monnaie de crédit (7782 – 570 = 7212 ) n’est que de 5%, c’est bien (au moins) 360 milliards d’euros que le système bancaire DEVRA mettre en circulation – en créant de la nouvelle monnaie – sur l’année rien que pour que les emprunteurs ( ménages et entreprises, mais j’hésite à rajouter l’Etat pour ne pas compter deux fois les intérêts..) puissent payer ces intérêts.