Un débat se tient en ce moment dans le cadre du groupe de discussion du MAUSS (Mouvement Anti–Utilitariste dans les Sciences Sociales) sur technologie et écologie. Je réponds ici à une lettre de Fabrice Flipo qui a eu l’amabilité de m’autoriser à la reproduire ici, à la suite de mon texte. Comme vous le verrez, la lettre de Fabrice est elle–même sa réponse à un message de Jean–Paul Vignal dont vous connaissez déjà les thèses.
Il a été donné au socio-économiste que j’étais à une époque d’accompagner les jeunes volontaires de l’UNICEF qui allaient vacciner les enfants dans des villages de brousse en Afrique. J’ai observé les villageoises rassurant leurs bébés dans l’épreuve. Si je ne l’avais su déjà, j’aurais compris devant ces visages rayonnants qu’il y a peu de contributions au mieux–être de la race humaine qui égalent l’invention d’un vaccin. Quelques années plus tard j’ai été présenté, devant son petit–fils, à Jonas Salk qui avait mis au point le vaccin de la polio en 1955. Quand je lui ai dit que j’étais très honoré, le gamin qui nous observait m’a fixé avec des yeux ronds avant d’aller tirer le pantalon de son père – le fils du grand homme – et de lui dire en pouffant : « Ce type a dit à Bon-Papa qu’il était honoré de le connaître ! »
Inventeur de vaccin n’a pourtant pas été la vocation que je me suis choisie. J’ai pris comme modèle et je ne m’en suis jamais caché, Aristote, l’inventeur de nouveaux paradigmes. Un nouveau paradigme offre un raccourci à la compréhension du monde, c’est–à–dire une clé vers le mieux–être des hommes qui le peuplent. Certains sont éphémères : celui d’Aristote sur le mouvement a été remplacé. Certains sont absorbés dans un autre qui constitue désormais son extension, ainsi celui qu’il a proposé pour le raisonnement. A celui qu’il a proposé pour la formation du prix, j’espère avoir contribué à rendre une nouvelle vie. Mais pour qu’un paradigme contienne une promesse il doit être parfaitement compatible avec le monde dont il parle et en particulier avec l’allure à laquelle ce monde va.
Nous regardions hier soir « Speed », un film d’action datant de 1994 : « une bombe se trouve à bord du bus qui explosera si sa vitesse tombe au-dessous des 80 kilomètres ». Mais le monde humain est bien pire encore, qui ne possède pas même de freins. Si l’on n’en est pas convaincu, il suffit d’aller voir la forêt de grues qui domine en ce moment Pékin en construction. Quand je dis que le monde humain n’a pas de freins, je n’exprime pas une préférence personnelle : j’établis un simple constat pour l’avoir visité. J’ai lu Fourier, et son système est certainement admirable mais il est sans portée parce qu’il table précisément sur l’existence de freins.
Ah ! J’aimerais bien qu’on puisse mettre les choses à plat, que la démocratie directe puisse s’exercer dans des villages de cent personnes, comme dans l’Ile de Houat que j’ai autrefois connue, que l’on vive dans un monde où n’existeraient ni les voitures ni les autoroutes qui viennent à sa suite : c’est à un monde sans automobiles que j’avais dédié en 1968 mon mémoire de sociologie consacré aux Provos d’Amsterdam. J’aimerais aussi que le bus puisse descendre en-dessous du 80, mais les 80 kilomètres à l’heure sont un donné : c’est à cette vitesse-là qu’il faut désamorcer la bombe (autrement dit, se convertir au développement durable), évacuer les passagers (autrement dit, conquérir les étoiles), ou que sais-je encore. La vitesse de croisière n’est pas négociable : c’est elle qui fixe les termes du problème.
Alors que faire ? Il faut tirer les leçons du Tai-Chi : faire du donné, sa propre force. Rediriger le monde à partir de ce qu’il est : transformer le torrent qu’un barrage ne pourra jamais contenir en une rivière qui ira irriguer la vallée. Faire de l’élan de l’adversaire prêt à vous pulvériser, ce qui causera en réalité sa propre perte, et ceci d’une chiquenaude. Le nouveau paradigme, c’est la chiquenaude. Mais pour qu’il puisse exercer son pouvoir il faut qu’il soit en prise avec le monde tel qu’il est aujourd’hui et non tel qu’il serait s’il était déjà changé.
Fabrice Flipo :
Cher Jean-Paul,
Nous sommes là au cœur du débat qui a lieu entre nous. La technique au sens vulgaire du terme est « anthropologiquement constitutive » mais « le progrès » (apporté par les écoles de la république) dont vous parlez l’est beaucoup moins. Ici je m’intéresse au second.
Quelques éléments :
– « les techniques et les savoirs sont neutres, tout dépend ce qu’on en fait » dites-vous ? C’est une conception instrumentale de la technique qui ignore les travaux de sociologie et de philosophie sur le sujet – notamment ceux d’A. Gras. Un savoir ou une technique n’existe que s’ils sont pratiqués, institués au sens de Castoriadis. Les formes sont collectives et non individuelles et manipulables à merci. Comment imaginer la voiture sans les voies de circulation, les hôpitaux, les réseaux de pièces de rechange ? La technique est aussi peu instrumentalisable que l’histoire; elle repose dans des infrastructures sans lesquelles elle n’est pas efficace. C’est sur l’émergence des infrastructures qu’il faut s’interroger et non sur l’émergence des outils, même s’ils sont liés. Les techniques sont issues d’épistémè ou de paradigmes collectifs; leur destination dépend d’institutions collectives dont le temps d’évolution est celui de l’histoire, non de la volonté.
– à partir de là, comment « domestiquer l’économie » ? Garder les mêmes techniques mais en changer la finalité ? C’est impossible, changer les finalités revient forcément à changer les techniques et les savoirs jugés dignes d’intérêt. C’est là l’illusion marxiste de « réappropriation des forces productives », les socialismes de ce type ne se sont rien réappropriés d’autre qu’un capitalisme d’Etat. Peut-on faire « un autre usage » d’une centrale nucléaire ou de la génomique ? Je ne crois pas, je n’ai jamais rien vu de convaincant sur le sujet. Ni le nucléaire ni la génomique ne sont susceptibles de répondre aux problèmes énergétiques et agronomiques actuels, par contre ils vont absorber tous les financements disponibles pour les alternatives, ça c’est sûr.
– par conséquent les techniques et les savoirs issus du capitalisme ne survivraient pas à une réduction drastique de leur destination actuelle. La vieille thèse de Marcuse garde son actualité.
L’innovation oui, mais le travail sur les finalités d’abord. Si on veut réellement modifier les choses, s’en prendre aux manifestations économiques ne suffit pas : ce sont les modes de légitimation de ces décisions qu’il y a lieu de critiquer – pour quoi l’action a-t-elle lieu ? dans quel but ? Sans cela la critique reste abstraite, elle s’en prend aux moyens mais non aux fins. A ce titre nous revenons à ma première critique, à savoir que le recours au solaire que vous préconisez ne porte que sur les moyens, et non sur les finalités. La taxe est aussi un moyen, non une fin. Vous ne sortez donc ni du régime capitaliste/socialiste – bref, productiviste – ni du modèle de l’homo economicus puisqu’il s’agit de reconduire l’idée que la nature est une ressource à consommer – et rien d’autre.
Si l’on s’interroge sur ce qui fait agir les humains actuels, évitons de prendre pour argent comptant le modèle de l’homo economicus, revenons aux études empiriques. Il appert alors que la quête de profit n’explique pas entièrement l’aménagement du territoire et le comportement de l’Etat – les infrastructures – ni même celui des entrepreneurs. C’est plutôt le grand récit « du progrès », « la modernisation » qui parait structurant. La preuve en est que c’est ce récit qui est concrètement renvoyé aux écologistes sur le terrain lorsqu’ils s’opposent à la construction d’une autoroute ou d’un incinérateur, ou qu’ils militent pour le bio. Ce progrès technique s’entend en un sens très particulier, historiquement daté et se voulant apolitique car scientifique : c’est le progrès d’une division croissante du travail, les « hautes technologies » occupant à ce titre la plus haute place dans le panthéon de l’homme prométhéen. D’où l’importance du symbole de la conquête de l’espace, qui entretient un mythe et des motivations qui ne génèrent plus de progrès. Wolfgang Sachs parle de « zombie categorie », une catégorie qui semble encore vouloir dire quelque chose mais qui est en réalité profondément idéologique.
La critique écologique remet en cause ce mode d’agir, notamment au nom de sa contre-productivité. A contrario les critiques du profit ont adhéré aux progrès générés par ce système. L’accusation d’avidité (« le profit ») s’arrête dès qu’il y a mise en danger de « la machine à générer du progrès » – la grande machinerie. Elle n’a donc jamais réellement menacé le système – qui a partout donné des fruits similaires, des magnétoscopes et des satellites, l’épuisement des fossiles et la dévastation des écosystèmes. La critique anticapitaliste a souscrit aveuglément à « l’introduction du progrès, symbolisé par l’Ecole de la République ». Elle l’a pris pour argent comptant, alors qu’il n’y a pas lieu de substantiver ce « progrès » sans aussitôt verser dans la métaphysique. Non qu’il faille regretter le filage et l’écologie des moutons, mais faut-il pour autant adhérer à ce qui est advenu à la place ? Vous semblez le faire, alors que pour moi c’est clairement non, je ne m’inscris pas dans cette dichotomie réductrice. J’essaie de sortir de la métaphysique du progrès / de l’histoire qui nous somme de tout prendre (=> « conquérir les étoiles », « l’homme qui s’arrache à la nature » etc.) ou de ne rien prendre (=> revenir à « l’âge de pierre » – ou du filage). D’ailleurs la bio n’est pas l’agriculture de nos grands-parents même si on a redécouvert de ce fait que certains de leurs savoirs n’étaient pas si « préscientifiques » que cela.
Ce qui est en jeu, c’est le monde qui sera construit si l’on choisit collectivement de poursuivre tel ou tel but. La dureté des conditions de vie dans une économie de filage devrait être mise en rapport avec la dureté des conditions de vie quand le pétrole sera épuisé, le climat à +5°C etc. car c’est là le vrai prix de l’agriculture industrielle, quand on ne souscrit pas à une métaphysique de la technique / du progrès qui nous promet la solution par une hypothétique technique toujours à venir qui aurait tous les avantages (« demain on rase gratis ») et nous éviterait de remettre en cause les finalités. C’est l’argument de Jonas et du principe de précaution : il n’y a pas lieu de condamner le mouton au nom d’un hypothétique super mouton à venir. Le tort de cet argument est de prendre de front la métaphysique prométhéenne, qui enjoint au contraire de croire au super mouton (au nucléaire, au solaire etc.) et de négliger les pertes / destructions actuelles en les faisant passer pour un prix nécessaire à payer pour des lendemains qui chantent.
Bien à vous,
Fabrice Flipo
9 réponses à “Un nouveau paradigme doit être en prise avec le monde tel qu’il est”
Merci, Paul, pour ce texte qui réintroduit le réel dans un débat qui, paradoxalement, risque de l’oublier en essayant de le réinventer. Personne ne peut nier l’aspect sociologique et philosophique de la connaissance, que je trouve passionnant à titre théorique, mais qui me semble secondaire dans l’urgence actuelle. Même au nom d’une logique parfaite, avons-nous le droit d’escamoter le désarroi de nos 2 milliards de contemporains qui vivent dans des conditions épouvantables en n’ayant accès ni à la nourriture ni même souvent à l’eau. Je ne le pense pas, et je crois, comme vous, que nous avons au contraire un devoir concret et immédiat de fraternité vis-à-vis de ces oubliés du monde moderne qui dépasse et devrait transcender nos convictions les plus fermes et les plus nobles, chacun à notre place, avec nos talents et nos moyens.
Comme nous l’explique de mieux en mieux la biologie moderne, la vie est un compromis permanent entre un puissant instinct de survie et d’immortalité, et la tentation tout aussi forte du suicide. L’expérience et la connaissance permettent normalement de trouver le bon compromis au moment de choisir. Quand l’une et l’autre font défaut dans une situation de crise, comme c’est le cas actuellement, la dimension éthique redevient primordiale, car elle reste la seule boussole disponible pour inventer de nouveaux paradigmes.
Celui que propose Paul, la chiquenaude pour « faire du donné sa propre force (et) rediriger le monde à partir de ce qu’il est », me semble très opérationnel. Comme il le propose à travers son projet de constitution, il « suffit simplement » de s’accorder au préalable sur les règles communes d’éthique qui serviront de repère pour réintroduire une dimension humaine vraie dans la conduite des affaires d’un monde qui ne sait plus penser et agir autrement que dans une pure logique de profit financier.
Bonjour Paul, Fabrice, Jean Paul,
Vient de décéder Lorenz. C’est lui que l’on citait, parce qu’il en avait fait une image forte, avec sa théorie du battement de l’aile de papillon, quand on parlait de l’invention de la théorie du chaos. Elle permet de modéliser des systèmes instables et où un « small event » – pour se référer à un autre champ disciplinaire, peut tout faire basculer. Je ne vous amène pas ce souvenir pour soutenir les discours sur la nécessité d’attendre qu’une catastrophe oblige l’humanité à changer : il semble qu’on soit parti pour en accumuler plusieurs. Notre système est arrivé à saturation, il est entré en régression sociétale malgré de toujours plus belles poches de résistances car toujours plus nécessaires pour éviter l’implosion ; mais ce faisant cela ne limite pas les opportunités de basculement imprévisibles qui se sont terriblement accrues. Quand Immanuel Wallerstein prédisait le démembrement de l’URSS et sa crise au début des années quatre vingt, il passait aux yeux de la quasi totalité de ses auditeurs comme un prophète illuminé. On peut donc espérer (?) un basculement inattendu et mieux vaut préparer des réflexions sur des bases nouvelles, on ne sait jamais….
Peut-on se mettre d’accord sur « des règles communes d’éthique » comme le propose Jean Paul ?
Difficile question de savoir – dans le monde tel qu’il est – qui peut s’accorder sur quelles règles, comment faciliter un tel processus et ensuite quels pouvoirs pour imposer les termes de l’accord dans la conduite des affaires du monde.
Sur la première partie, les solutions du passé ont été apparemment liées à des « génies » individuels, Confucius, Lao Tseu, Bouddha,Thalès, Jésus, Mahomet hors Aristote, Marx et qqs autres? Aujourd’hui ? Cacophonie ou richesse ? émergence d’un génie collectif via internet ? Vos lumières là-dessus, si le monde n’a pas de freins, a-t-il une « conscience forte » ?, nous seraient les bienvenues.
Eric
L’idée qu’il faut gérer l’inertie du convoi, est incontournable : une décroissance trop rapide et « pouf » « pouf » « pouf », nous voilà avec des Tchernobyl en série. Mieux que ça, plus assez d’eau pour les systèmes d’égouttage des villes et revoici la peste noire !
Remarquons déjà que Paul, Jean Paul et Fabrice sont d’accord pour sauver les wagons ; finalement, la durée de survie de la locomotive dans sa forme actuelle n’est pour eux qu’une nécessité transitoire, une variable d’ajustement.
Puisque Jorion autorise également les paradigmes hollywoodiens, je prendrais celui du « Runaway train » de Andrei Konchalovsky. C’est le récit d’un train fou ; à la fin, les deux compétitifs, les battants, choisissent de mourir pour leur idéal de combat et de s’écraser avec la locomotive. Ils décrocheront les wagons occupés par les « simples gens ». Le problème de la croissance c’est son lien à l’éthos compétitive, sa propension à favoriser le principe hiérarchique.
Il y a donc – et ce n’est absolument pas un scoop- une position de synthèse entre croissance soutenable et décroissance, laquelle pourrait être formulée par l’expression « décrochage calculé », ce qui implique que le débat ouvert au niveau général entre Paul et Jean-Paul d’une part et Fabrice d’autre part peut et devrait se continuer à propos de chaque cas ou il serait éventuellement possible de délester le train fou d’un de ses wagons, mais avec suffisamment de « moment d’inertie » que pour lui permettre de s’établir en régime stable sur une voie parallèle (je file la métaphore, sans plus).
Évacuer le débat, reviendrait à laisser définitivement le choix de l’avenir au propriétaire de la locomotive. Nous prendrions alors le risque le risque de s’écraser tous ensemble, ou celui d’être pour très longtemps au service de la nouvelle forme de locomotive telle que l’actuel propriétaire sera susceptible d’en tirer parti pour la reconduction de notre asservissement à ses privilèges de leader.
Prenons deux exemples concrets.
Il faudra bien renoncer à devoir changer tous les interrupteurs d’un appartement tous les cinq ans parce que Niko, « change de modèle ». Un interrupteur pourrait à l’aise fonctionner cent ans. L’alternative durable est soit de laisser Niko se construire une rente de situation dans l’interrupteur durable du modèle « patrimonium eternum » (car le train est lancé, nous avons besoin d’interrupteurs), ou nous battre pour créer une coopérative mondiale d’interrupteurs durables. Cette historiette prospective n’a rien de farfelu, prenez le problème des semences agricoles, sur les milliers d’espèces encore génétiquement disponibles, les semenciers (France) ont réussi à n’en permettre l’exploitation légale que deux à trois cents espèces, en pratique, la gamme effective est de quelques dizaines. Si vous sortez de la gamme, vous êtes poursuivi, et condamné ! Plus grave lorsque les génomes OGM auront contaminé les espèces sauvages à plus de X pour cent, et bien attendez-vous à ce que Monsanto fasse appliquer les lois de la propriété intellectuelle à la nature entière. Les droits de propriétés n’ont pas le même sens dans un espace encore illimité et dans un monde clos. Le développement durable ou la décroissance appellent autant la mise en ordre du droit que la recherche de modes de financements appropriés.
Plus concret, dans la région de Charleroi (Belgique) il est depuis deux semaines interdit de vendre les œufs de vos poules élevées à même le sol, seuls les œufs de poule en batterie sont autorisés ! Nous l’avons seulement appris la semaine dernière en réaction à la publication d’une étude pédologie sur les métaux lourds. Un choix technique s’imposerait, soit étudier les conditions juridiques et financières de réhabilitation des sols des jardins individuels, (par exemple, seuls les feuillages des carottes concentrent le plomb, les racines sont mangeables), soit développer des poules génétiquement modifiées en fonction de la généralisation des conditions de l’élevage en batterie, avec comme complément indispensable de subventionner la SPA pour l’éthique des synergies animalières dans la production du monde anthropotechnique.
Dans quel train voulez-vous monter… ?
Brèves (de comptoir agricole) sur le « post » de Fabrice concernant les travaux de l’INRA.
Privatisation du vivant :
“L’Arche de Noé végétale” : QUI AURA LA CLEF DE LA PORTE ?
http://www.semencespaysannes.org/arche_noe_vegetale_qui_aura_clef_porte_115-actu_38.php
Condamnation de kokopelli à payer 12.000€ au grainetier Baumaux et 23.000€ pour l’état et la FNSPF
http://www.kokopelli.asso.fr/proces-kokopelli/gnis-fnpsp6.html
Dans le contexte des révoltes de la faim, nous voyons assez bien comment les multinationales agro-alimentaires sont plus en position de répondre à l’urgence, mais nous voyons aussi comment l’urgence risque d’étouffer les voies de développements proposées par les alliances paysannes de par le monde ; je pense notamment à l’accroissement spectaculaire des productivités par l’utilisation des techniques BRF. Il est clair, à mon sens, qu’il faut porter ce genre de débat à l’avant-plan, que les deux modèles soient appréhendés à jeu égal au journal de 20 heures) « OK, permettons (sous contrôle) aux multinationales de boucher les trous à court terme », mais parallèlement, en contrepartie, obligeons le financement massif des modèles distribués et participatifs (avec régénération naturelle des sols).
PS. Il me semble (en ce début d’après midi) que l’alternative croissance/décroissance cherche à exprimer, en terme maladroit, le travail du magma affectif au travers duquel nous commençons à douter de la compétitivité et l’ordre hiérarchique comme mécanismes garants de la survie de l’espèce.
à +
Jean-Luce
« L’homme tel qu’il devrait être n’a pas plus de sens pour nous que l’arbre tel qu’il devrait être ». F. Nietzsche. Même si je suis souvent en accord avec Nietzsche, je crois que cette phrase, qui rejoint selon moi les propos de Paul, n’est pas pertinente. L’homme à la différence de l’arbre a un impact plus important sur « la nature »… et possède « la conscience ». En cela, l’arbre ne peut que s’adapter tandis que l’homme peut faire des choix.
C’est bien des choix qu’il est question ici : « rebrousser chemin » ou « faire avec le réel » ? Sur quelles bases agir ? Selon moi, l’horizon indépassable demeure celui des Lumières, si tant est qu’on lui soustrait les notions de « progrès », de « modernité »… qui sous-tendent la marche de la technologie inutile et néfaste. Le possible n’implique en rien le souhaitable ! Et le progrès technologique n’implique en rien l’amélioration de la vie ! Si la consommation d’énergie des années 70 était écologiquement acceptable, alors fixons-nous ce niveau de pollution pour critiquer les comportements qui vont au-delà de cette limite. Il ne s’agit pas de « composer avec le réel » ou de « faire machine-arrière », mais de poser des outils critiques intellectuels efficients pour que chacun s’en empare. « Les révolutions politiques passent d’abord par une révolution cognitive » disait Bourdieu ; en cela je pense que seule la « Décroissance » apporte un nouveau paradigme politique depuis le marxisme.
Cordialement
[…] essaie de faire, c’est appliquer le programme que je définissais de la manière suivante dans Un nouveau paradigme doit être en prise avec le monde tel qu’il est : Alors que faire ? Il faut tirer les leçons du Tai-Chi : faire du donné, sa propre force. […]
Il est vrai que passer d’un système à un autre ne peut se faire facilement ; un paradigme c’est une logique, un but, une finalité… et comment aller vers un nouveau paradigme en s’appuyant sur la logique de l’ancien ? C’est la raison pour laquelle la casse, la violence et les souffrances qui vont avec sont des passages obligés d’un changement radical.
dit Paul Jorion.
Il me semble plutôt que la construction du nouveau paradigme ne doit plus s’occuper du monde tel qu’il va mais se construire, s’organiser et grandir pour qu’à un moment donné une issue soit créée permettant à l’humanité de survivre.
En effet, le problème est assez simple : nos modes de vie et de développement se heurtent au monde fini et par la force des choses arrivent à leur fin ; la décroissance n’est pas un choix, ni une idéologie, mais un état de fait ; aggravé dans des proportions dramatiques par le dérèglement du climat. C’est sur ces bases cognitives, ce constat incontestable que peut s’appuyer une mobilisation directe hors clivages, hors cadre du plus grand nombre possible de citoyens.
Pour que ce travail de mobilisation puisse s’élaborer il est nécessaire qu’un nombre suffisant de citoyens, élus et non élus, amorce ce travail participatif autour de la réaction et de la recherche face au constat de la fin du monde (celui qui est le nôtre actuellement).
A partir de là une nouvelle démocratie, directe, participative, localisée, mondialisée doit sur le terrain, inventer, imaginer, expérimenter, construire de nouvelles organisations ; en sachant que la terre, le rural sera central dans ces réorganisations relocalisées. D’abord diffuser le constat.
D’abord diffuser le constat ; parce que le propre d’une logique c’est d’être globale, les individus s’y trouvant enfermés, pratiquement et culturellement ; les outils et les pratiques de gouvernance n’échappent pas à cette règle et sont donc inefficaces ; la première étape du changement est donc la claire perception 1 que c’est « la fin des haricots » 2 que la mise en place d’un nouvel outil politique est indispensable. Ce nouvel outil contient déjà en lui-même le nouveau paradigme : il n’est plus technique et gestionnaire mais global et participatif, axé sur l’élaboration du diagnostic et du projet de société. Il est la rupture puisqu’il prend de la hauteur globalement et établit simplement le constat sociétal ; il met en marche une volonté collective qui se crée par l’expertise et le débat.
Pour que « la mayonnaise prenne » cette démarche doit rapidement prendre un caractère public et coïncider avec l’organisation concrète d’une démocratie participative ; outil officiel, reconnu par tous comme pertinent, outil de recherche et développement d’une nouvelle société.
La première étape est bien la prise de conscience pleine et entière de la fin dramatique du système comme une réalité par un nombre suffisant d’individus en situation de mobiliser et d’essaimer cette prise de conscience ; ce par un travail de terrain très concret, au plus près des gens dans les communes, les communautés de communes ; il s’agit en quelque sorte d’organiser une opération marketing de communication participative destinée à vendre une peur salutaire, seule capable de provoquer l’envie du changement ; dans le même temps des expérimentations concrètes de nouveaux modes d’organisation doivent pouvoir montrer que des issues existent, du moins des passages obligés. Il s’agit réellement d’un travail organisé et une méthodologie à mettre en place. Des conférences vidéo comme celles de Yves Cochet ou Jean Marc Jancovici qui décrivent clairement l’enjeu de la fin du système pourraient servir de base à ces travaux participatifs de terrain impliquant élus locaux et populations. Le maître d’œuvre de cette action, qui théoriquement devrait être l’état comme lieu public reconnu accueillant tous les partis, tous les citoyens pourrait, du fait de la carence démocratique de l’état, être un regroupement spontané d’acteurs de la société civile, amorçant ce processus.