Que faire ?

originellement : 25 mars 2008, 15:24

Un hebdomadaire me demande : « « Que faire ? » pour éviter une récession ? Faut-il par exemple une intervention coordonnée des banques centrales – sous l’égide du FMI qui s’y refuse pour l’instant – pour stabiliser le cours du dollar ? »

Voici ma réponse.

Je vous donnerai comme à mon habitude la référence exacte dès que le texte aura paru.

Que faire ? On peut sans doute prôner la politique du pire : on ne fait rien ! A la vitesse où la finance se délite aujourd’hui elle ressemble au couteau tombant de la table. Le récupérer au vol ? Ce n’est pas sans risque !

Egalement en faveur de la politique du pire : l’opinion n’aime les mesures radicales que lorsque le stade de l’écœurement a été atteint. Or, en Europe du moins, ce n’est pas encore le cas. Je ne parle pas ici des Américains : sur le Los Angeles Times, ce matin, un papillon : « VENTES AUX ENCHERES de logements saisis ! Plus de 1 000 Logements Doivent Etre Vendus ! »

Les commentateurs ont le beau rôle : ils arrivent après la bataille, et se posent en donneurs de leçons. C’est là leur manière de se venger du fait qu’on ne leur a pas demandé leur avis – qui aurait été si judicieux ! Pour qu’on les écoute à l’avenir il faut qu’ils expliquent comment sortir du pétrin, pas au niveau des grands principes mais des mesures pratiques. « On jette tout, et on recommence ! » ne fera pas l’affaire car celui qui prononce ces mots se pose en recours : « Portez-moi donc au pouvoir et je vous expliquerai ! » L’homme providentiel (la femme providentielle reviendrait au même), on a déjà donné, merci.

A l’occasion du sauvetage de Bear Stearns, Bernanke a montré qu’il était disposé à sortir du cadre conventionnel des moyens dont dispose la Fed en avançant 30 milliards de dollars à une banque d’affaires. Comme l’arme de la nationalisation ne fait pas partie de sa panoplie, ce ne fut peut–être pas tant un choix courageux qu’une absence d’alternative. Et on compte qu’avec 230 milliards de dollars avancés jusqu’ici il a déjà brûlé plus de la moitié de ses 400 milliards de dollars en cartouches.

La raison de la sortie de son champ réservé : l’impossibilité de considérer Bear Stearns comme quantité négligeable en raison du réseau enchevêtré d’assurances que les établissements financiers ont pris contre le risque qu’ils se font courir les uns aux autres. L’instrument de choix en est le Credit–Default Swap dont on compte qu’il en existe aujourd’hui à concurrence de 45 000 milliards de dollars. Cette prolifération a plusieurs conséquences : la plupart des « assureurs » se sont si bien engagés qu’en cas de réel désastre ils ne pourraient pas faire face à leurs obligations et leur propre faillite en déclencherait d’autres. Or ce risque est le plus souvent créé de toutes pièces : bien des positions en CDS sont prises par des spéculateurs pariant simplement sur une faillite éventuelle et répandant à l’occasion des rumeurs pour augmenter leurs chances.

Le FMI se cantonne lui dans les conseils de prudence : plans de relance, ne pas se précipiter au secours du consommateur en détresse – pour ne pas relancer l’inflation ! Tout en encourageant les banques centrales à se préparer à l’événement « de probabilité faible » que serait un effondrement total du système financier.

Ah oui ! Conseil pratique : geler le marché des Credit–Default Swaps, encore que cela ne dépende pas d’un simple édit : ces contrats sont de gré à gré, ne mettant en présence qu’un vendeur et un acheteur et il faudrait obtenir l’accord – purement consensuel – de l’ensemble des parties. Je le leur propose quand même. Sait-on jamais : ils ont peut–être atteint le stade de l’écœurement !

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