Les scientifiques et la langue française

On me fait parvenir une pétition intitulée « Lettre ouverte aux responsables de l’évaluation scientifique. Les scientifiques doivent–ils continuer à écrire en français ? » – émanant d’ailleurs d’un éditeur et non de la communauté des chercheurs – et je suis consterné : je n’ai jamais lu de défense du français dont les arguments soient aussi minables : 1) le contribuable a le droit de lire – dans sa langue (grand coup de poing sur la table !) ce que les scientifiques écrivent – avec ses sous, 2) protégeons la marge bénéficiaire des éditeurs et des libraires, 3) il existe des scientifiques trop bêtes pour apprendre une langue étrangère.

Qu’on me propose à la place une pétition qui défende, comme on avait le culot de le faire autrefois, la « grandeur » de la langue française, en énonçant simplement : Villon, Ronsard, Montaigne, Hugo et Proust, et je la signerai des deux mains !

Je sais qu’il s’agit de « textes scientifiques », je vois aussi que la plupart de ceux-ci sont aujourd’hui écrits dans un anglais tout à fait approximatif et souvent à la limite du compréhensible (paradoxalement, c’est tout particulièrement vrai aux États-Unis) par des gens qui maîtrisent très mal cette langue, que rien ne prédispose d’ailleurs spécialement au discours scientifique. La solution n’est pas que la communauté scientifique tout entière se mette à baragouiner.

J’ai la chance, chaque fois que j’écris, de pouvoir choisir le français ou l’anglais, le fait est que je choisis le français deux fois sur trois. S’il existait un service – qui ne soit pas hors de prix – qui permette que ce que j’écris en français soit également disponible dans un anglais correct, j’y recourrais certainement. C’est un service de ce type qui est nécessaire et les pouvoirs publics ont un rôle à jouer ici – au niveau de la francophonie tout entière s’entend.

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4 réponses à “Les scientifiques et la langue française”

  1. Avatar de guillaume
    guillaume

    Réflexion et proposition fort intéressante, merci

  2. Avatar de Yves Maniette

    Comme vous le dites, les scientifiques ne sont pas mieux armés que quiconque pour écrire en anglais. Il est donc naturel de leur permettre de s’exprimer dans la langue qui leur est naturelle, le français dans le cas des Francophones. Et en effet, ce faisant, on offre à de nombreux concitoyens la possibilité de suivre les avancées des sciences. Disponible en français, l’information scientifique pourrait alors être amplement divulguée, ce qui permettrait une meilleure circulation des idées y compris vers quiconque ne connaît pas l’anglais. Et enfin, oui, on peut sans doute écrire des textes scientifiques avec style.

  3. Avatar de François Meigret
    François Meigret

    Personnellement, je trouve que les scientifiques ne devraient pas utiliser mes impôts pour écrire dans une langue étrangère.

    Déjà que je me demande si la plupart de nos scientifiques subventionnés ne trouvent jamais rien (ou ne font avancer la « science » qu’à coups de micro-découvertes recyclées de nombreuses fois sous des formes légèrement différentes dans leurs communications)…

    Il manque à ces scientifiques un sentiment de reconnaissance envers les contribuables, envers leur nation, envers ceux qui les ont nourris et éduqués.

    Notez également que je ne crois nullement à l’avancement de la science comme motivation de l’anglomanie de ces « savants » : il s’agit de leur carrière, de leur gloriole. Qu’ils sachent tous lire l’anglais pour être au courant des dernières recherches et trouvailles des autres, d’accord, qu’ils restent par contre obscurs et qu’ils écrivent en français le résultat de leurs recherches. Si celles-ci sont vraiment intéressantes on les traduira, sinon ce n’est pas la peine de mal s’exprimer dans le jargon international et je ne vois de toute façon aucune raison que nous dévoilions les résultats dans la langue des autres, comme ça gratuitement. Que les anglomanes le fassent, merci on les lira, mais ne soyons pas nous naïfs.

  4. […] Je reviens sur un thème que j’ai déjà évoqué dans Les scientifiques et la langue française. […]

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