Version en portugais dans Jornal do MAUSS.
Je n’ai pas l’habitude de parler de la bourse. D’abord parce que j’essaie de donner un peu de pérennité, pour utiliser un grand mot, à ce que j’écris ici. Je veux dire, qu’il y ait encore intérêt à lire une semaine plus tard ce que j’écris. Claire Gatinois du Monde a la gentillesse de me consulter régulièrement sur ce sujet, et c’est donc dans ses articles que l’on trouve mes opinions éphémères sur la bourse au jour le jour. Ensuite parce que depuis le début de la crise il y a un peu moins d’un an la bourse reste un domaine refuge : les endroits où il vaut mieux ne pas placer son argent augmentent en nombre de jour en jour et la bourse reste une valeur sûre aussi longtemps que le preuve n’aura pas été faite du contraire.
La preuve du contraire est malheureusement en train de se faire. Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord la capitalisation des établissements financiers dont la plupart ont vu la valeur de leurs titres se déprécier considérablement depuis l’été dernier et ceci à l’échelle mondiale, grâce à la dispersion « optimale » du risque des prêts hypothécaires subprime. Ensuite la faillite prévisible de certains ou de tous les assureurs d’obligations, qui conduira à des pertes chiffrées, selon les commentateurs, entre 250 et 400 milliards de dollars, soit davantage que les 250 milliards que la crise des subprimes proprement dite a occasionnés jusqu’ici. Enfin, parce que la récession américaine est là. Bien sûr Ben Bernanke, le président de la Fed n’en est pas tout à fait certain. Passons. La consommation des ménages américains gouverne 70 % de la croissance économique des États–Unis, et 30 % de la croissance économique mondiale. Au cours des cinq dernières années, les Américains ont utilisé pour financer leurs achats de biens de consommation :
1. la plus–value captive dans les murs de la maison dont ils sont le propriétaire – avec l’éclatement de la bulle immobilière fin 2006, c’est terminé.
2. les emprunts en général – la crise de l’été 2007 a vu un retrait massif des organismes de prêt américains, réagissant à deux facteurs : 2.1. l’augmentation des défauts des consommateurs dans le remboursement de leurs prêts ; 2.2. le tarissement du marché des capitaux dû à la méfiance des banques les unes vis–à–vis des autres – dans la mesure où l’ensemble des ramifications de la crise des subprimes n’était pas encore connu (la publication des bilans trimestriels de ces firmes est en train de dissiper le brouillard).
3. les gains dus aux placements en bourse – la baisse de la bourse règle automatiquement leur sort.
Voilà où l’on en est. Le problème de la bourse, c’est que tant que les indices oscillent comme à leur habitude, c’est le train–train habituel, mais que quand ça baisse d’un grand coup, il faudrait une très très bonne nouvelle pour que ça remonte. Or dans le contexte actuel, je pourrais vous offrir une longue liste des choses qui pourraient encore aller plus mal demain mais je serais bien en peine de vous dire quelle pourrait être la « très très bonne nouvelle » qui ferait remonter la bourse.
Le CAC 40 a perdu 6,83 % lors de la séance qui vient de se clôturer. Le Nikkei a perdu aujourd’hui 3,86 %, le DAX, 7,16 % et le Footsie, 5,48 %. Le marché américain est fermé en raison du Martin Luther King Day, il rouvrira demain matin. Le future du Dow Jones n’arrête pas de baisser depuis ce matin, à l’heure où je boucle ce papier il a perdu 522 points, soit 4,3 % de sa valeur. Si j’ai pu gagner le titre enviable de
« prophète » pour avoir annoncé en 2005 la crise à venir de l’immobilier américain dans un article intitulé « La crise du capitalisme américain » publié dans La Revue du MAUSS, je ne glanerais certainement pas autant de compliments si je vous annonçais le krach pour demain ! J’ai écrit ailleurs que ce genre de choses sont imprévisibles, je prendrai donc bien soin de m’en abstenir !
6 réponses à “Le krach pour demain ?”
[…] « Le krach pour demain ? 22 01 2008 […]
Cher M. Jorion : la très très bonne nouvelle, c’est le crack lui-même. Une encore meilleure nouvelle serait un nouveau bombardement de New York ou de Paris-plage.
Cher M. Jorion je partage l’avis de M. J-P Voyer : Une encore encore meilleure nouvelle c’est que le secteur du bâtiment va redémarrer en France : la veuve d’un martyr d’Al Qaeda (dite « la veuve noire » par les merdias) n’a-t-elle pas annoncé récemment ? « La France sera punie ! »
Je crains qu’il n’y ait alors bien des déçus : à l’heure où j’écris, la bourse de New York ne se tient pas mal du tout avec une perte limitée à 52 points pour l’indice Dow Jones, soit seulement 0,4 % de baisse. La raison, c’est l’intervention de la Fed, qui a abaissé son taux directeur de 0,75 %, qui est donc passé de 4,25 % à 3,5 %. La mesure est positive pour les propriétaires dont le crédit immobilier a un taux flottant et est indexé sur le LIBOR 6 mois (London Inter–Bank Offered Rate : taux associé aux sommes en dollars échangées par les banques en–dehors des États–Unis).
Cette baisse affecte bien entendu négativement la parité du dollar avec les autres devises mais il s’agit là certainement aux yeux de la banque centrale américaine d’une peccadille par rapport au krach qui a été évité de justesse.
Balivernes!
[…] d’une intervention destinée à prévenir le krach qui se dessinait le lundi 21 janvier (voir Le krach pour demain ?). Depuis, le Financial Times a suggéré que l’apparence de krach résultait des opérations […]