Une revue me demande de dresser le bilan, pour l’année qui s’achève, de la « crise des subprimes » et de ses conséquences pour le capitalisme américain. Le fait le plus important à souligner est que cette crise, et il faudrait plutôt dire les formes successives qu’elle a pris en 2007, aura un effet considérable qui ira bien au–delà de ses aspects les plus évidents qui sont la bonne santé du système financier et de l’économie des États–Unis. Elle aura tourné les projecteurs vers le rôle déstabilisateur que peut éventuellement jouer la finance, et pas seulement la finance américaine, au sein de l’économie.
La finance n’arrête pas de se complexifier : à chaque instant de nouveaux instruments financiers voient le jour. Tous sont articulés sur l’effet de levier, c’est–à–dire sur le pouvoir multiplicateur du profit comme de la perte qui caractérise l’investissement d’une somme qui a été empruntée (*). Tous présentent la même tendance à l’emballement de leur prix – à la baisse aussi bien qu’à la hausse. Chacun a son sort lié à celui de l’ensemble des autres. Ensemble, ils constituent le marché des capitaux. La « crise des subprimes », ses multiples rebondissements de 2007 et tous ceux qui restent encore à venir, ont mis en évidence les lignes de fracture de ce marché et souligné sa fragilité globale.
La chute du mur de Berlin en 1989 signalait l’effondrement du modèle économique communiste. La conception s’est alors imposée que le système capitaliste, dont la version américaine constitue la variété « fondamentaliste », constituait peut–être la seule forme authentique que peut prendre un système économique, toute alternative ne représentant qu’une forme pathologique destinée à disparaître à brève échéance. Mais par la virulence de ses manifestations – qui n’ont encore fait à mon sens que débuter – la « crise des subprimes » rappelle le pouvoir destructeur dont dispose la finance au sein de l’économie. Le visage que devrait présenter un secteur financier robuste et donc fiable est une question qui reste encore sans réponse. Un système économique tolérable à la majorité de ses participants et ce que j’aimerais appeler « un système économique digne de ce nom », sera forcé d’offrir un jour prochain une réponse claire à cette question.
(*) Voire qui sert simplement de base « notionelle » à cet élément multiplicateur, comme dans les « swaps », swaps de taux ou swaps de devises.
@ Hervey Et nous, que venons-nous cultiver ici, à l’ombre de notre hôte qui entre dans le vieil âge ?