Le réseau en question est stocké dans le cerveau

La pensée comme dynamique de mots. I. Principes généraux (2)

Il est indéniable que les paroles sont produites à partir d’un sujet parlant, puisqu’elles émanent de sa bouche. Ceci ne signifie pas pour autant que le réseau mentionné dans La parole est générée comme l’aboutissement d’une dynamique opérant sur un réseau , accompagné de ses données soit nécessairement stocké à l’intérieur du sujet parlant. On peut cependant raisonnablement supposer que c’est bien le cas, essentiellement en l’absence d’un autre choix qui serait préférable.

Supposons, l’espace d’un instant, que ce réseau soit situé ailleurs qu’au sein des sujets parlants, ceci voudrait dire que le substrat de la parole se situerait à l’extérieur de leur corps, émettant alors son information vers ces sujets ou bien constituant un répertoire auxquels ces sujets accéderaient. Il devrait alors exister alors des circonstances dans lesquelles la communication serait interrompue ou serait tout au moins perturbée du fait de l’existence d’un obstacle interférant avec elle. Or, rien de tel n’est observé dans le cas de la parole : des individus nageant au fond des océans, marchant sur la lune, voire encore prisonniers d’une cellule aux parois couvertes de plomb au sein d’un bunker ne manifestent aucune réduction de leur capacité à parler.

Il est significatif à ce point de vue que certains sujets présentant des troubles mentaux postulent précisément l’existence de telles sources extérieures à leurs paroles et affirment que les mots qu’ils prononcent ou bien leur parole intérieure sont l’objet d’interférences causées par un émetteur indiscret et envahissant (*).

Une fois admis que le réseau est effectivement situé au sein-même du sujet parlant, il a pu être prouvé au–delà de tout doute raisonnable que son contenant n’est autre que le cerveau. En effet, des lésions au cerveau, soient accidentelles soient résultant d’une opération clinique, ainsi que d’autres sources d’interférence, sont capables d’affecter la capacité à parler, soit de manière générale, soit de manière spécifique. Il existe ainsi une abondante littérature, initiée au XIXème siècle par des auteurs tels Broca et Wernicke, soulignant les effets en termes d’aphasie ou d’agnosie, que certaines lésions du cerveau de différents types sont à même d’induire en interférant avec le fonctionnement normal du cerveau où elles affectent alors le déroulement normal de la parole ou du processus de réflexion (les travaux d’Oliver Saks dans les années 1980 : The Man Who Mistook His Wife for a Hat, en particulier, ont proposé sous une forme vulgarisée des récits de tels cas).

Il convient de noter cependant que de telles observations, prises isolément, ne suffisent pas à invalider l’hypothèse de l’externalité du réseau : il se pourrait en effet que les lésions se contentent de perturber la réception de signaux en provenance d’une source extérieure ou de diminuer la capacité du cerveau à accéder à un répertoire extérieur. C’est en effet seulement une fois admis comme étant le plus plausible que le corps du sujet parlant contient ce réseau (qui constitue le substrat de l’acte de parole) que le cerveau peut faire la preuve qu’il en est la localisation la plus probable.

En sus d’une probabilité déductive, existe–t–il une plausibilité additionnelle au fait que le cerveau contienne le type de réseau envisagé ici ? C’est bien en effet le cas : il a été établi que le cerveau contient un réseau d’un type particulier constitué de cellules nerveuses ou neurones. Dans les sections qui viennent, je m’efforcerai de vérifier si le réseau en question et celui constitué de cellules nerveuses pourraient être identiques.

(*) Je montrerai par la suite (section 21) pourquoi on peut s’attendre à ce qu’un réseau dont la connectivité est rompue suppose qu’il ne puisse être lui–même la source de l’acte de parole qu’il pose. Lorsque la connectivité est perdue, les parties déconnectées du réseau ont cessé de communiquer entre elles : l’émergence de paroles en provenance d’une autre partie du réseau est perçue comme venant d’une source extérieure par chacune des autres parties.

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