Dans Comment les banques centrales triomphent de l’inflation j’avais expliqué le mécanisme de l’inflation. Je rappelais que « les taux d’intérêt sont déterminés par le rapport de force qui existe entre les investisseurs et les patrons ; l’inflation dépend elle du rapport entre les patrons et les salariés. » J’expliquais ensuite que, une fois payés les frais de fonctionnement de l’entreprise et une fois versés les intérêts, le patron se retrouve avec une somme qui devra être partagée entre lui et les salariés. C’est ce qu’on appelle un « jeu à somme nulle » : s’il prend davantage pour lui–même, les salariés auront moins et, inversement, si les salariés reçoivent plus, la somme que le patron reçoit est moindre, à moins que… l’une des deux parties n’obtienne davantage que la part de gâteau qui lui est réservée et que ce supplément soit simplement mis à charge des consommateurs en étant répercuté dans le prix des biens produits, tactique qui engendre tôt ou tard l’inflation.
Ce que j’avais écrit dans mon billet précédent était très théorique, illustré à l’aide d’exemples fictifs. Le Wall Street Journal d’aujourd’hui m’offre de vrais chiffres, accompagnés en sus d’un joli graphique, que je me ferai un plaisir de vous présenter. L’article est de Jonathan Clements qui propose chaque semaine à ceux qui ont de l’argent à placer des conseils très judicieux quant à la meilleure façon de le faire. Sa chronique d’aujourd’hui s’intitule : « La marge d’erreur: comment la cote des actions pourrait avoir à souffrir de la baisse des profits » (*).
Si vous avez encore mon blog en mémoire, vous n’aurez aucun mal à situer ce qu’il dit par rapport au double rapport investisseurs / patrons pour ce qui touche aux taux d’intérêt et patron / salariés pour ce qui touche aux profits et aux salaires. Je le cite : « Alors que les bénéfices des entreprises étaient apathiques durant les années 1980, ils ont depuis été du tonnerre, grimpant jusqu’au niveau stupéfiant de 8,2 % annuels depuis 1990. Ça vous épate ? Le problème, c’est que le profit des entreprises a laissé sur place l’économie qui n’a crû elle qu’au taux de 5,3 % sur la même période ». Il ajoute qu’en 2006, la marge de profit des entreprises atteignait 13,3 % du revenu national américain.
Voilà le problème posé : les patrons ont gagné davantage que ce que rapportait l’économie dans son ensemble. Cela ne peut signifier qu’une seule chose dans le cadre du petit « jeu à somme nulle » dont je parlais plus haut : si les patrons ont touché plus, c’est que certains autres ont touché moins. Allez, je vous aide : leur nom commence par « s ». Pour ceux qui donnent leur langue au chat, le graphique donne la réponse. « Wages » veut dire « salaires », « salaries » signifie « traitements ».
La légende dit : « L’écrasement des salaires. Le profit des entreprises réclame un pourcentage plus élevé du revenu national, les salaires en souffrent ».
Je rends la parole à Mr. Clements : « Alors que le profit des entreprises a confisqué une part plus grande du revenu national, celle qui est revenue aux salaires s’est rétrécie, déclinant de 56,5 % en 1980 à 51,7 % en 2006. Il faut peut–être voir là la raison pour laquelle, alors que l’économie bat son plein, de nombreux Américains ont le sentiment aujourd’hui d’être laissés pour compte ».
(*) Jonathan Clements , « Margin For Error : How Stocks Could Be Hit by Falling Profits », The Wall Street Journal, le 3 octobre 2007.
2 réponses à “La part congrue”
Et les investissements ?
Comment se repartissent les investissements ?
Car on peut aussi voir la part pour les patrons à la baisse ainsi que celles des salariés si la part dédiés aux investissements augmente.
On peut aussi augmenter la part des salaires et celles des patrons puis réduire les investissements.
J’en parle au chapitre 10 et au chapitre 11 de mon manuscrit « Le prix » sur mon site Internet.
Paul