Je commencerai par répondre à un reproche justifié de Uzodinma Iweala dans son « Cessez de vouloir « sauver » l’Afrique ! » (Le Monde 28/7/2007) en l’assurant que ce que je dis ici est fondé sur deux choses uniquement : sur mon expérience dans des projets de développement en Afrique et sur la personne que j’étais au départ.
Oui, si nous, Occidentaux, nous indignons devant une situation africaine, la première chose à faire, avant d’attacher notre cape de croisé ou de Superman est de voir avec les parties impliquées comment elles analysent elles–mêmes la situation. Une compréhension « intuitive », extérieure, laisse toujours échapper 80 ou 90 % de la complexité du problème. De plus, la solution « évidente », vue de l’extérieur, a toutes les chances d’avoir déjà été tentée localement et si elle n’est pas appliquée en ce moment ce n’est pas faute d’avoir été aperçue par les Africains eux–mêmes mais tout simplement parce qu’elle a déjà échoué. Donc le premier geste à poser devant l’indignation, c’est l’écoute : l’attitude de l’« intellectuel au service du peuple » a conservé toute sa validité au cours de ses cent–cinquante ans d’existence et peut être transposée avantageusement à de nombreuses situations.
Ceci dit, l’Afrique peut bénéficier de tenter de résoudre ses problèmes en acceptant notre collaboration. À condition que les premières formes de l’aide ne soient pas les chèques en blanc et les bataillons de parachutistes. Là où nous pouvons aider l’Afrique, c’est par notre expérience de la modernité. Oh, nous avons aussi nos propres guerres tribales et les plus récentes ne sont pas bien vieilles (le Kosovo est encore à la une de l’actualité) mais nos institutions politiques ne sont plus paralysées depuis plusieurs siècles par l’irrationalité : la sorcellerie et les accusations de sorcellerie n’y ont plus cours. Nous avons appris à penser nos problèmes – sinon les résoudre – dans les termes qui leur sont appropriés et eux seuls, c’est là notre capital le plus précieux et cette expérience nous pouvons et nous devons la partager.
On disait de l’Afrique au XVIIIème siècle : « the white man’s grave ». Ce n’était pas sans raison, mais elle était aussi et surtout, la tombe de l’homme noir. Le principal problème de l’Afrique, ce n’est pas comme on l’imagine souvent de loin, les Africains, le problème de l’Afrique c’est un continent extraordinairement dur à ses habitants, par son climat et par la virulence de la maladie. Et ce problème est si énorme qu’il exige la mobilisation de tous. Pour que ceci soit possible, il faut que nous, Occidentaux, apprenions l’humilité. Il faut aussi que les Africains nous pardonnent la manière dont nous les avons traités et dont nous les traitons encore, et il y a hélas beaucoup, beaucoup à pardonner.
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