Les explications sont soit « scientifiques » quand elles expliquent la nature en ses propres termes, soit « théologiques », quand elles évoquent pour expliquer la nature, des causes et des agents sur–naturels. Les explications scientifiques sont contraintes : chacune est réfutable de deux manières, soit en montrant un aspect de la nature qui contredit ce qu’elle avance, soit en montrant qu’elle invoque des causes et des agents sur–naturels. Les explications théologiques ne sont pas contraintes : toute contradiction peut être sauvée en postulant l’intervention d’un agent sur–naturel.
Les grands schémas explicatifs « scientifiques » appartiennent eux à quatre familles,
1. Les schémas « empiriques » pour qui le monde s’explique toujours localement soit en termes de connexions dans le temps : les phénomènes invoqués sont liés par la simultanéité, ils sont obligés d’apparaître en même temps (corrélation, covariation) soit en termes de connexions dans l’espace : si des phénomènes se ressemblent, c’est que leurs acteurs sont essentiellement les mêmes (ils partagent la même identité au sein des genres, des espèces).
2. Les schémas « réductionnistes » qui supposent des domaines réglés par leurs propres principes : le physique, le chimique, le biologique et le rationnel et où l’on explique l’un par l’autre, le chimique à partir du physique, le biologique à partir du chimique, le comportement rationnel à partir du biologique. Le réductionnisme est apparenté à l’épistémologie dite
« positiviste » qui privilégie comme mode d’explication la modélisation mathématique, en termes de nombres et de configurations. Le premier grand théoricien du positivisme en philosophie des sciences est Ernst Mach (1838–1916) dont le nom fut retenu comme celui de l’unité représentant la vitesse du son.
3. Les schémas « idéalistes » qui définissent la Raison comme principe essentiel et caractérisent le biologique, le chimique, le physique comme des formes de plus en plus dégradées du Rationnel. L’idéalisme est apparenté à l’épistémologie dite de « philosophie naturelle » qui privilégie l’explication déductive à partir de concepts et à l’aide de phrases, et en termes de qualités plutôt que de quantités. Les premiers grands représentants modernes de la philosophie naturelle sont J. W. von Goethe (1749–1832) et G. W. F. Hegel (1770–1831), le premier connu surtout comme romancier et poète, le second comme philosophe.
4. L’idéalisme platonicien pour qui les mathématiques ne constituent pas une méthode de modélisation du monde mais reflètent sa réalité profonde. « Pour Platon les choses participent aux nombres », écrit Aristote. Ce schéma implique que « Le monde sous tous ses aspects est la matérialisation des nombres », il s’apparente de cette manière aux explications théologiques. Davantage que positivistes ou tenants de la philosophie naturelle, un très grand nombre de savants sont en réalité des idéalistes platoniciens.
Les épistémologies « positiviste » et de « philosophie naturelle » sont
1. partiellement réversibles l’une dans l’autre. Les grandes théories physiques sont apparentées à l’une ou à l’autre : la mécanique classique et la mécanique quantique sont proches du « positivisme » dans la mesure où elles sont centrées sur des modèles mathématiques (Poincaré, dans La science et l’hypothèse les appelle « sciences constructives »), la thermodynamique et la relativité sont elles au contraire proches de la « philosophie naturelle » dans la mesure où elles constituent le développement d’un concept central (Poincaré les appelle « sciences à principe »). Le concept central de la thermodynamique est le degré d’organisation, équivalent à une quantité d’information, celui de la relativité est l’impossibilité de définir un cadre de référence absolu (*). La « sémiophysique » développée par René Thom à partir de sa théorie des catastrophes est elle aussi proche de la « philosophie naturelle »,
2. partiellement incompatibles. La gravitation relativiste a une explication géométrique, la gravitation quantique s’explique par le comportement de particules. Cette incompatibilité souligne que si les épistémologies
« positiviste » et de « philosophie naturelle » génèrent l’une et l’autre une explication complète, cohérente et satisfaisante du monde, les explications qui remontent des faits par la modélisation mathématique et celles qui descendent des concepts jusqu’aux faits de manière déductive, ne coïncident que partiellement, révélant l’irréductibilité ultime des mondes construits à partir de nombres et à partir de mots.
(*) Utilisant la distinction de Poincaré, Einstein caractérisait lui–même le style de sa démarche de « science à principe ». Dans une allocation en hommage à Max Planck, prononcée en 1918, il soulignait l’affinité entre la relativité et l’épistémologie de « philosophie naturelle » : « La tâche suprême du physicien est de parvenir à ces lois élémentaires universelles à partir desquelles le cosmos peut être bâti par déduction pure » (in Edward M. MacKinnon. Scientific Explanation and Atomic Physics, Chicago : Chicago University Press, 1982 : 307).
3 réponses à “Quels sont les types d’explications ?”
L’explication des « types d’explication » permettrait-elle d’évacuer le problème du choix du système explicatif ? Ainsi une théorie génétique des mathématiques comme formalisation des propriétés générales de l’action chez les êtres vivants ( Piaget) apparaîtrait comme simple propriété émergente, laquelle peut métaphoriquement traduire la vision poétiquement proposée par Schelling.
« L’explication » se préciserait alors comme une propriété locale émergeant de la complexité du vivant cherchant à maximiser ses chances de survie par une sélection des causalités, au sens où un photon n’a aucun besoin fonctionnel de s’expliquer à lui-même (même si l’on peut admettre qu’à un moment ou à un autre « il existe pour lui même » via un transfert d’information).
En tant indécrottable athée, ce qui m’intéresse dans ce genre de scénario, c’est que la question de l’explication de l’univers se dissoudrait d’elle-même, à moins que dans une vision « shellingienne » un physicien un peu pervers ou gaffeur n’en vienne à tripoter quelque micro configuration de champs inédite (ou n’importe quoi d’autre), laquelle par accrétion en arriverait à « ré engouffrer » tout l’univers afin de le remonter pour un tour à la façon d’un réveil… l’univers auto remonté par la conscience…et en route vers d’autres horizons…
Mais enfin, ce serait déjà bien d’établir une généalogie des systèmes explicatifs pour se débarrasser des plus lourds… j’en ai assez de Goëdel et des mathématiques platoniciennes… allons de l’avant plus légèrement…
je suis étudiant et je cherchais vraiment l’ »explication du mot dimanche. Si vous avez quelques commentaires sur ça essayez s’il vous plait , à me l’envoyer. J’espère à votre repondre pour la réalisation de mon travail.
@ Pierre Sampula
Wikipedia : L’étymologie du terme peut être retracée à partir du Didachè : Dies dominicus est une traduction du grec Kuriake Heméra. En ce jour, le Christ est célébré dans l’Eucharistie en tant que Seigneur.