Ma relation avec l’océan a changé du tout au tout après les jours passés à la pêche. Avant, c’était la bonne mer, source infinie de gratification, après, la mauvais mer, la mer jalouse, comme Dieu-le-Père : capricieuse, et dans l’ensemble, n’aimant pas les hommes. J’avais eu peur, une fois ou deux, en faisant de la voile, mais ça n’avait jamais été bien loin : jamais la certitude de mourir dans l’heure que je devais découvrir ensuite. La pêche m’a fait perdre le goût de la voile : j’avais fait confiance à l’océan et il l’avait trahie, il en avait profité pour me faire un sale coup.
Je m’étais un jour fâché en lisant dans Libération un article consacré à un chalutier disparu corps et biens. C’était théorie du complot et compagnie : la faute en était à un prétendu sous-marin, protégé par le secret défense. Il n’était évidemment pas totalement exclu que les choses se soient passées de cette manière, je n’en sais rien, le fait est cependant qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer des événements extrêmement improbables pour expliquer qu’un bateau de pêche soit allé par le fond. J’avais donc pris la plume pour expliquer aux lecteurs du journal qu’un bateau de pêche a toujours mille raisons pour sombrer : un écueil, un incendie à bord, un chalut qui croche dans la roche et qui tire le chalutier vers le bas. Je me souviens avoir écrit que le miracle n’est pas le bateau qui coule mais celui qui rentre au port. Malgré tous ces bons sentiments, ma lettre ne fut pas publiée.
Une réponse à “Je te salue, vieil océan”
« mais… courage! Faisons un grand effort,
et accomplissons, avec le sentiment du devoir, notre
destinée sur cette terre. »