L’actualité ce matin, c’est un accident qui fait 38 morts dans un charbonnage en Sibérie. La journaliste dit « une explosion due au méthane » et le vocabulaire de la mine me revient aussitôt : le « coup de grisou ».
Mon père, Edmond Jorion, était du pays minier, de Fontaine–l’Évêque, dans la région de Charleroi. Je me souviens m’être rendu dans son village, à l’âge de quatre ou cinq ans, accompagnant mes grand–parents. À la descente du train, je n’avais pas compris le ciel anthracite et tumultueux malgré la belle journée : la poussière de charbon et la fumée des usines. Je suis retourné à Fontaine–l’Évêque vingt ans plus tard : j’ai vu le gazon poussant entre les pavés de la grand–rue, les terrils désormais verts, l’herbe folle recouvrant les buttes de scorie noire du charbonnage abandonné.
1956 fut une année de parents aux visages graves : Marcinelle en août, Budapest en novembre. Le feu avait éclaté au puits du Bois du Cazier. Je me souviens de la une du Soir de Bruxelles : les familles aux nouvelles, massées sur le carreau de la mine.
La catastrophe fit 262 morts, des Belges bien sûr : 95, mais surtout des immigrés italiens : 136, calabrais pour la plupart.
Sur le bureau de l’instituteur à l’école communale, « Le Mineur », éreinté, du sculpteur Constantin Meunier : la réplique des écoles laïques au crucifix des écoles catholiques. Dans les attendus du procès en responsabilité du Bois du Cazier, on trouve la phrase suivante : « L’économie, quelle que soit son importance pour le bien général, ne peut prétendre étouffer les autres valeurs, la vie étant le plus grand de tous les biens et devant être protégée jusqu’aux limites les plus extrêmes ».
Les Romains avaient supplicié le Christ et l’économie, les mineurs.
Une réponse à “Marcinelle 1956”
@ Paul,