« Vers la crise du capitalisme américain ? » fut rédigé en 2005. À l’époque, je ne me préoccupais pas de la manière précise dont la crise – qui me semblait pourtant inévitable – se déroulerait, je m’intéressais à son cadre général et j’entendais démontrer son inéluctabilité.
Le secteur « sous–prime » (subprime) de l’immobilier américain, celui qui accorde des prêts au logement à des populations qui ne disposent pas en réalité des moyens nécessaires, se trouvait dans un état que je comparerais à l’état dit de « surfusion » en physique. Du fait que l’on abaisse la température d’un liquide de manière lente et progressive, on parvient à descendre en–dessous du seuil de solidification sans que celle–ci ait cependant lieu. Le liquide est désormais dans un état instable et le moindre incident, tel qu’un choc léger, précipite sa solidification. Le secteur « sous–prime » se trouvait littéralement en état de surfusion et il n’est pas étonnant dans ces conditions que la crise ait débuté précisément là.
La faillite de la société de crédit foncier New Century, que j’évoquais dans mon blog du 10 mars intitulé « Deux semaines plus tard… », fut occasionnée par le désistement soudain des organismes financiers qui l’alimentaient en fonds de roulement à court terme. Sur un espace de vingt–cinq jours, le numéro deux du secteur « sous–prime » passa d’une simple prise de conscience de ses difficultés de trésorerie à sa déclaration de faillite. La débâcle d’Enron en décembre 2001, dans un contexte très similaire, avait elle pris trente–huit jours. Jeffrey K. Skilling, le PDG de la firme, devait comparer lors de son procès cette chute fulgurante à une panique bancaire, quand, à la suite d’une simple rumeur, un nombre trop élevé de déposants se bousculent pour retirer leurs fonds et acculent ainsi une banque, sinon solvable, à devoir déposer son bilan.
L’aspect positif de tels désistements par les prêteurs de fonds est qu’ils contiennent le mal : en retirant brutalement leur mise, les créanciers préviennent tout effet de contagion. S’ils avaient laissé pourrir la situation, ils auraient au contraire multiplié les chances de se voir eux–mêmes bientôt engouffrés. L’aspect négatif de ces réponses rapides est que leur caractère spectaculaire les met à la une de l’actualité, laissant libre cours aux analogies que le public, comme les journalistes qui leur ont révélé l’« affaire », peuvent alors lui découvrir dans des domaines parfois éloignés, permettant ainsi à la panique de métastaser et à un problème purement local de se généraliser.
Dans les semaines et les mois à venir, les secteurs à surveiller comme localisations de métastases éventuelles sont les prêts hypothécaires additionnels permettant de mettre en gage les fonds captifs dans les murs, les « Home Equity Line of Credit » (HELOC), ainsi que les prêts
« Alternative A » (Alt–A) qui se distinguent des cas de « mortgage » classiques par une caractéristique majeure, le plus souvent le fait que l’emprunteur n’a pas soumis de documents établissant la preuve de ses revenus et de ses avoirs ; la presse américaine a qualifié ce type de prêts de « liars’ loans » : « prêts pour menteurs ». Tout un programme !
@Khanard et Pascal Pour moi, Marianne reste un média de gauche ou de centre gauche, heureusement, il n’est pas encore…