La Federal Reserve, la banque centrale américaine, a publié il y a quinze jours, une étude relative aux sommes dégagées par les ménages grâce au capital que représente leur logement (*) : plus–value réalisée à l’occasion de la vente de la maison, du refinancement à la hausse d’un prêt hypothécaire existant ou encore, prêts hypothécaires additionnels adossés aux fonds propres captifs dans le logement, où l’on met en gage la différence entre la valeur marchande de l’habitation et le prêt au logement qui la grève déjà. L’étude s’intéresse aussi à l’usage fait des sommes ainsi libérées.
La première originalité de l’étude est que toute analyse en est pratiquement absente : le lecteur se voit offrir essentiellement un ensemble de données statistiques brutes. La seconde originalité est que l’un des co–auteurs du texte n’est autre qu’Alan Greenspan, l’ancien Président de la Fed. Les deux traits sont en réalité liés, l’ex–Président s’étant fait taper sur les doigts pour avoir continué, passé son terme, à commenter l’actualité économique américaine, ce qui n’a jamais manqué de provoquer des remous sur les marchés financiers.
L’aspect le plus intéressant de l’étude, c’est ce qu’elle révèle de la manière dont la bulle de l’immobilier résidentiel – qui se dégonfle depuis le milieu de l’année 2006 – a alimenté les dépenses de consommation des ménages américains, contribuant au déficit aujourd’hui monumental de la balance commerciale des États–Unis.
Les deux diagrammes que je présente ici doivent s’interpréter en ayant à l’esprit une distinction importante : la différence qui existe entre, d’une part, l’argent dépensé qui provient d’une vente effectivement réalisée et, d’autre part, l’argent dépensé grâce à la mise en gage d’une plus–value dans la valeur du logement, plus–value qui demeure toute théorique tant qu’une vente effective n’a pas eu lieu. Ce qui corse l’affaire, c’est que, depuis le début de cette année, le prix de l’immobilier résidentiel américain ne stagne plus comme en 2006 mais baisse réellement. Une des conséquences de cette baisse est qu’une partie de l’argent déjà dépensé – sur la base d’un prix qui n’existait que sur le papier – n’est plus garanti que par du vent et que, viendrait–il à revendre sa maison, le propriétaire pourrait très bien en être de sa poche, ayant emprunté une somme plus importante que celle que la vente de son logement permettra de réaliser.
Le premier diagramme représente de l’argent réel : les recettes résultant de la vente de logements existants. Les sommes sont exprimées en milliards de dollars. Une partie importante de ces sommes est bien entendu réinvestie par les ménages dans un nouveau logement. Une autre part est consacrée à ce que l’étude appelle « investissements financiers, etc. » et dont une portion est, comme on le verra sur le second diagramme, affectée par les ménages au remboursement d’autres emprunts, en particulier les découverts sur les cartes de crédit.
On voit la bulle enfler à partir de 1996 jusqu’à ce qu’elle amorce son dégonflement en 2006. Au cours de cette période, des quantités considérables d’argent liquide ont été générées par la spéculation. La part consacrée aux dépenses de consommation n’est a priori pas très impressionnante – encore qu’il s’agisse de milliards de dollars – le second diagramme en dira plus.
Le second diagramme reprend l’information contenue dans le premier, à l’exclusion des sommes réinvesties dans l’achat d’un nouveau logement. Y ont été ajoutées, les liquidités dégagées par les particuliers en obtenant une seconde hypothèque sur leur logement, c’est–à–dire en mettant en gage le montant de leur apport personnel augmenté de la bulle ; ici, de l’argent a été potentiellement créé à partir d’une valeur n’existant que sur le papier, avec pour conséquence qu’à l’échéance, les sommes à rembourser devront éventuellement devoir être trouvées ailleurs. Sur ce second diagramme, les sommes dégagées et qui ont été consacrées aux dépenses de consommation n’apparaissent plus aussi minces.
Une distinction a cette fois été opérée entre les investissements proprement dits, utiliser cet argent pour jouer en bourse par exemple, et les sommes affectées au remboursement de dettes autres que celles afférentes aux prêts hypothécaires. La catégorie « travaux effectués sur le logement » comprend aussi bien les réparations que les embellissements.
En 2005, au sommet de la bulle, 890 milliards de dollars créés par elle avec du vent spéculatif furent donc consacrés aux dépenses de consommation des ménages. Le montant total des prêts hypothécaires secondaires adossés à du capital captif dans le logement (Home Equity) atteignait alors 914 milliards de dollars, la progression se poursuivait en 2006, et le chiffre atteignait alors 1.019 milliards de dollars. Les premières données pour 2007 indiquent un coup d’arrêt. L’économie mondiale en prendra un coup !
(*) Alan Greenspan and James Kennedy, Sources and Uses of Equity Extracted from Homes, Finance and Economics Discussion Series, Divisions of Research & Statistics and Monetary Affairs, Federal Reserve Board, Washington, D.C., 2007-20
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