On dit des Esquimaux qu’ils prétendent se souvenir de leur naissance et l’on présente cela comme une curiosité culturelle. En fait il est possible de se souvenir de sa naissance : cela relève de l’anamnèse dans la cure psychanalytique. Cela ne fait pas partie des buts recherchés, cela s’obtient en sus : en prime !
Une psychanalyse permet de remonter dans son histoire personnelle, d’étape en étape, et dans les stades finaux, de jour en jour. Ce chemin à rebrousse-poil peut se parcourir sur l’entièreté du trajet. J’imaginais la chose impossible, mais non : il est possible de parvenir jusqu’aux minutes qui précèdent la naissance. Cela m’est arrivé.
La remontée n’est pas linéaire bien entendu, avec souvent des semaines, voire des mois d’arrêt, et des évènements qui résistent, et qui résisteraient peut-être à jamais s’il n’y avait eu des témoins. Et ces témoins, à cette époque de la vie, ce sont bien sûr les parents, et c’est pourquoi il est important d’entreprendre cette spéléologie tant qu’ils sont encore en vie. J’ai dû recourir à eux pour exhumer les faits, et mes questions les stupéfiaient parfois (*) : « Papa, je devais être tout petit, et je vois ton visage tout près du mien et tu dis, « Il pourrait mourir », est-ce que ça te dit quelque chose ? » Et mon père me répond, « Oui, c’est en arrivant à Rotterdam, tu as été pris de convulsions. Tu étais tout bébé, on a eu très peur. Heureusement ça a vite passé. » Et je l’entends, au bout du fil, s’adressant à ma mère : « Willy, Paul avait quel âge quand on est allé en Hollande avec un avion militaire ? » Et j’entends ma mère qui répond : « Il avait trois semaines, c’était au milieu du mois d’août ». Et je connaissais l’incident parce qu’on me l’avait raconté : ma mère, Hollandaise, bloquée en Belgique pendant toute la durée de la guerre, et qui n’a qu’une hâte, aller découvrir ce qu’il est advenu de sa famille décimée et de Rotterdam rasée en mai 1940. Mais il n’y a plus de ponts, qui ont été tous détruits pendant la reconquête alliée, alors il n’y a qu’une possibilité : un transport de troupes, un DC3 Dakota de l’armée américaine. L’avion n’est pas pressurisé, et à l’atterrissage, le bébé, c’est-à-dire moi, est pris de convulsions.
Certains y liront, j’en suis sûr, l’explication de certains traits bizarres de ma personnalité et de ma polymathie maladive en particulier !
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(*) J’en offre un autre exemple dans « Le moment du Verbe. Le signifiant et son efficace », L’Homme, 145, 1998 : 239-248.
9 réponses à “Se souvenir de sa naissance”
Bonjour !
Je suis heureuse de voir que je ne suis pas la seule à croire ou plutôt à savoir que l’on peut se souvenir de sa naissance !
J’avais fais des recherches sur internet il y a quelques années mais n’avais trouver que des médecins qui disaient que c’était impossible de se souvenir de sa naissance. Ma naissance ne s’est pas passé normalement et je m’en souviens, je ne me souviens pas des personnes ni des mots qui se prononçaient autour de moi mais de la sensation.
Auriez vous des liens vers d’autres témoignages?
Je ne savais pas que les esquimaux se souvenaient de leur naissance ou avez vous appris ça ?
Savez vous ou je peut aller pour avoir des infos supplémentaires sur le sujet ?
… je suis tombé par hasard sur ce site… je me souviens très bien du traumatisme de ma naissance et il me semble bien souvent revivre des sensations pré-natales… mais ça..je n’ai jamais osé le dire car il est clair qu’on se serait moqué de moi… pourtant !
Je fais actuellement des recherches sur les impressions du foetus avant et lors de sa naissance pour un livre, mais c’est un sujet dont la toile n’est pas tellement fournie à moins que ce ne soit profondément enfouie dans les recoins. Même en sachant que le physicien Johann Schweitser ait écrit quelque chose là dessus, c’est introuvable. Je suis terriblement intéressée par votre article, Mr Jorion, et j’aimerai en savoir plus.
J’ai parcouru votre blog, (un peu sommairement par manque de temps je l’avoue) mais il est fascinant.
Quand j’avais 7/8 ans, je me souviens avoir parlé naturellement de souvenirs, non pas de ma naissance, mais de ce qui me semblait être avant ma naissance.
Je disais alors « avant ma naissance » car ces souvenirs ne ressemblaient en rien à ce que je pouvais connaître.
Ces souvenirs se sont quel que peu estompés depuis mais je les ai encore présents en mémoire.
J’aimerais pouvoir discuter avec quelqu’un ayant aussi ce genre de souvenirs.
Bonjour Bruno,
je ne peux pas vous aider personnellement, car je n’ai pas moi-même de tels souvenirs. Seulement, comme l’écrit Paul Jorion, les Inuit (plutôt que le vieillot Esquimaux) reconnaissent l’existence de souvenirs intra-utérins, ou de de souvenirs de la naissance. Ce n’est pas une vieillerie chez eux, ni une curiosité culturelle, simplement un fait tout à fait reconnu aujourd’hui encore d’une part, et qui sert très souvent, pour une personne d’un certain âge qui le raconte, à dire quelque chose de normatif quant à la façon de mener une bonne grossesse.
Certaines personnes racontent leur souvenir en famille, d’autres à la radio communautaire, d’autres les ont raconté à des anthropologues.
Vous devriez être particulièrement intéressé par les deux très longs récits, si détaillés et plein de données sensibles, qui sont rapportés dans l’ouvrage de Bernard Saladin d’Anglure,
2006, Être et renaître inuit. Homme, femme ou chamane. Paris, Gallimard.
Vous y trouverez deux récits absolument incroyables, narrés à plusieurs décennies d’intervalle. Ces deux récits montrent une chose qui pourraient vous aider: le fœtus possède une perspective à la fois sur son environnement immédiat, le ventre maternel qui peut être « perçu » et « dit » par la suite à l’aide d’analogies (l’utérus est une maison dans le premier récit), et sur l’environnement de sa mère, dont il ressent parfois les sensations, les odeurs, les sentiments, et peut vivre très douloureusement l’intrusion de certains éléments du monde où vit sa mère. Dans le deuxième récit, la personne raconte l’intrusion d’une fumée de feu de broussaille, et sa suffocation.
Pour reprendre ce que je disais, la personne dont ce sont les souvenirs a rapporté ces souvenirs à ses étudiantes, de manière également à leur faire prendre conscience de la manière dont un fœtus pouvait ressentir la fumée des cigarettes, et les inciter à ne pas fumer durant leur grossesse.
J’espère vous avoir donné envie de vous replonger dans ces souvenirs, et peut-être vous avoir donné des éléments pour « dire » de tels souvenirs.
Au plaisir
Sipacup
bonjour,
monpetit garcon de 3ans et demi peut il avoir un souvenir de sa naissance?
assis sur les toilettes :il me confie d’un seul coup après que j elui aidemandé de « pousser » :
« tu sais maman avant j’étais dans ton ventre et je suis passé par un tunnel et j’ai vu la lumière… »
qu’en pensez vous?
Votre fils a une mémoire excellente !
Même à son âge, il s’agit peut-être déjà d’une suggestion : l’image d’un tunnel suivi d’une lumière est très conceptualisée. Mon souvenir – revenu en psychanalyse – était beaucoup plus confus : un mélange de sensations, bruits, etc. C’est seulement par une certaine « triangulation », en disant au psychanalyste : je sens ceci, j’entends cela, etc. que je suis conduit à m’écrier soudain : « Ah mon Dieu ! Il n’y a qu’une possibilité : qu’il s’agisse de ma naissance ! », suivi de l’abréaction : bouffée de chaleur, épuisement instantané, etc. Ce qui fait alors sens puisque le souvenir précédent qui m’était revenu dans des circonstances similaires date, comme je l’explique, de l’époque où j’ai trois semaines (datation par mes parents).
à Paul Jorion et eventuellement Glycogene.Concernant le fonctionnement des reves , vous avez repondu à Glycogene le 14 aout 2008 à 15 50 « vous devriez publier cela en votre nom … » Je prepare un « café philo « pour le 6 avril sur le theme du Reve , Je compte citer le texte de glycogene , que j avais heureusement enregitré mais n arrive d ailleurs pas à retrouver sur votre blog en utilisant Recherche, auriez vous d autres pistes sur ce theme à me signaler dans Internet. Merci d’avance meme si vous ne pouriez me repondre . Léon Lagouge
J’ai eu longtemps une impression de vécu sur ce que je pensé etre un rêve, jusqu’au jour où…
J’ai raconté mon souvenir a ma mère, décrit la pièce (posée le décort) et décrit mon resenti: « j’ai l’impession d’etre dans un grand lit, de faire pipi et d’etre transporté sur un petit lit et d’uriner a nouveau. »
après avoir vécu moi même l’accouchement, ce fut une évidence, je me souviens de ne faire qu’1 avec ma mère, ce que j’ai longtemp pris pour de l’urine dans ce grand lit n’est autre que la perte des eaux!
Et les secondes urines sur le petit lit sont en réalité les premières du reflex de naissance.
Il parait que nous savons tout à la naissance et que nous oublions tout dans les quelques instant qui suivent la naissance et que durant notre vie, nous devons tout réapprendre. ( comme la marche prouvé par le test d’ Afgar[si je ne me trompe pas sur le nom]).
Et bien je n’ai plus aucun souvenir après etre sortie de cette salle d’accouchement…ma mère ajoute alors: » c’est à ce moment là que ton père et moi nous pensions avoir entendu que tu prononcé un mot, mais nous nous sommes raisonné en pensant que nous avions fabulé dans l’euphorie du moment, jusqu’au retour du gynéco qui nous confirme que tu as crié : »maman ». »
et lorsque ma grand-mère maternelle viens découvrir ma fille à la maternité celle ci observe la gencive du bébé et me dit (comme louis 14, napoléon, jeanne d’arc ou danton): « elle est née avec une dent comme ta mère »
la naissance est un moment vraiment magique, une prise de conscience et un bel échange intergénérationnel entre femme!