J’ignore si d’autres qui écrivent ont partagé cette expérience qui fut souvent la mienne : avoir le sentiment d’apprendre quelque chose alors que l’on lit un texte que l’on a soi-même rédigé.
Il y a plusieurs explications possibles, l’une, banale, serait que l’on en a oublié le contenu. Fervent de la psychanalyse, je ne pense pas personnellement que l’on oublie ce que l’on a su un jour. Il me paraît plus probable que l’on change, que l’on évolue, et qu’ayant cessé d’être la même exacte personne, on puisse apprendre en se lisant soi–même.
J’ai eu l’occasion hier de raffiner cette explication. Je cherchais la réponse à une question. De fil en aiguille je me suis retrouvé sur Wikipédia, où j’ai découvert la référence à l’un de mes propres textes écrit il y a huit ans. Je suis allé le relire, et j’y ai découvert la réponse à ma question.
Et c’est là que j’ai pu raffiner mon hypothèse initiale : la question que je me posais hier n’était pas celle à laquelle je m’efforçais de répondre au moment où je rédigeais mon texte. Cependant, oui, bien que ce n’ait pas été alors mon but, je répondais bien à ma seconde question.
J’ignore si cette autre expérience est elle aussi partagée : je me demande quelle heure il est et au moment où je regarde ma montre et constate l’heure, je me souviens aussitôt que j’ai déjà consulté ma montre il y a moins d’une minute. L’explication de cet étonnant oubli est que les deux motifs qui m’ont conduit à m’interroger sur l’heure étaient entièrement indépendants : par exemple, minuter le temps qu’il me faut pour rédiger une tâche et ne pas rater un rendez–vous important. Comme si les deux tâches étant distinctes requéraient chacune, en parallèle, de savoir l’heure qu’il est, sans qu’il existe de communication entre les deux informations, et sans que ma mémoire n’enregistre le fait en soi :« Il est telle heure ».
Ah oui, la référence ! La voici : « À chaque instant l’évolution emprunte simultanément toutes les possibilités prévues par la mécanique quantique, et on peut alors légitimement se poser la question de savoir ce qu’il advient de la conscience individuelle. Notre conscience se divise-t-elle aussi pour coexister simultanément dans des mondes parallèles ? Paul Jorion répond négativement à cette question. Selon lui, la conscience emprunterait le chemin d’évolution qui est le plus favorable pour elle (voir « Pourquoi nous avons neuf vies comme les chats », Papiers du Collège International de Philosophie, Nº 51, 2000, Reconstitutions, 69-80).
Une réponse à “Apprendre en se lisant”
Pour reprendre « en parallèle ».
Mon vieux chien « me le fait répéter deux fois » : il aboie devant la porte, j’ouvre la porte, il attend que je referme la porte et l’ouvre à nouveau, alors il comprend que j’ai compris qu’il me demande d’ouvrir la porte.
…c’est peut-être un moyen détourné de se dire qu’il est temps…
…un effet de l’âge aussi…