Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Parmi les innovations qui font que la nouvelle version du plan Paulson a davantage de chances de passer, l’exemption de taxe de 39 cents sur les flèches utilisées dans leurs jeux par les enfants. Je plaisante bien sûr, mais vous pouvez vérifier : elle fait bien partie des mesures qui ont été ajoutées à la panoplie pour faciliter l’ingurgitation de la pilule amère par les parlementaires américains. Parmi les innovations donc, un relâchement des contraintes obligeant les compagnies à valoriser leurs avoirs au prix du marché. La mesure était réclamée à cors et à cris par le milieu des affaires et on lui donne donc gain de cause : il leur sera permis de valoriser davantage leurs actifs en se référant à un modèle maison. J’ai déjà eu l’occasion de dire ce que je pensais des modèles financiers maison.
Un article du Wall Street Journal analysant cette « amélioration » s’intitule à juste titre The lunatics are running the asylum : ce sont les fous qui dirigent l’asile. Ce qui a provoqué le tarissement du crédit, c’est que les banques ne savent plus quel risque elles prennent en traitant les unes avec les autres et donc, pour arranger les choses, on va leur permettre de valoriser leurs avoirs à un prix qui leur paraît plus « raisonnable » que celui, délirant en effet, que leur attribue le marché en ce moment. La confiance entre établissements va grimper en flèche, ça je vous le garantis ! S’il fallait parfois – ce qu’à Dieu ne déplaise – désespérer dans la nature humaine, ce seraient des cas comme celui-là qui vous y encourageraient !
Quelques graphiques qui mettent en évidence où en est la « confiance » entre banques : le TED (Treasury-Bill – Euro Dollar) : la différence entre le taux qui s’applique aux bons du Trésor américains à trois mois et le taux que les banques exigent l’une de l’autre pour un prêt à trois mois. Trois graphiques empruntés à l’agence Bloomberg ; l’échelle, à droite est en pourcents.
Le premier graphique montre trois ans d’évolution du TED. Le spread, l’écart entre les deux taux, était comme on le voit, traditionnellement, d’environ un tiers de pourcent.
Un tiers de pourcent, c’était l’évaluation que le marché produisait spontanément du risque existant pour une banque si elle prêtait à une consoeur plutôt qu’à l’Etat américain. Puis voyez, ce qui se passe au début août 2007 quand la BNP s’écria « Pas de prix ! ». L’écart se mit désormais à osciller entre 1 % et 2 % – plutôt que les 0,3 % d’antan.
Deuxième graphique, les 365 jours les plus récents.
Regardez bien : on oscillait entre 1 % et 2 %, et depuis quinze jours, depuis la mi-septembre, on passe à 3 % et on commence à osciller entre 3 % et 4 %. L’évolution des jours récents se lit beaucoup mieux sur un graphique qui représente les trois derniers mois.
Voilà où on en est : les banques ne se prêtent plus qu’à des taux prohibitifs, prohibant en fait toute transaction entre elles. Si rien ne change, la paralysie complète du système financier n’est plus qu’une question de jours.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
80 réponses à “La paralysie complète n’est plus qu’une question de jours”
@ Jean Bayard
N’est-ce pas là que la monnaie scripturale entre en jeu ? Qu’est-ce qui interdit, dans les conditions décrites, à la banque X de créer une ligne de crédit de 1000 UM (voire plus en fonction du ratio de solvabilité appliqué !) à l’agent A, sachant qu’ils sont adossés à 1000 UM « solides » crédités par la BC ?
Je cite un extrait (apparemment intégral) d’une interview donnée à Newsmanagers.com par Philippe d’Arvisenet, directeur des études économiques de BNP Paribas :
Je trouve que ces réponses en disent long sur l’état d’esprit et les intentions des financiers dans le contexte actuel : empêcher autant que faire se peut toute entrave à leur liberté de reprendre leur petit jeu de roulette russe…
Jean Bayard écrit (le 5 octobre 2008 à13h35):
Comme ça, je viens d’entendre ce matin (radio BFM) que le marché des – coffres-forts – exploserait littéralement, surtout en région parisienne. Effectivement les « esprits » n’arriveraient plus « à suivre ». Ainsi, et à cause de la « communication », la rétroaction de l’effet sur la cause semblerait « immédiate ». Et pendant ce temps là, l’on dériverait des « réalités »?…
Bonjour
J’avoue que j’ai du mal a comprendre où se trouve le problème.
L’agent A demande à la banque X un crédit de 1000 UM et apporte les garanties suffisantes. La banque A demande à sa banque centrale, en échange des garanties subrogées, de créditer un « compte de clientèle » (qu’elle a en plus de son propre compte de fonctionnement à la Banque Centrale) et elle va pouvoir, à partir de ce compte de clientèle créditer le compte de l’agent A. Quand l’agent A aura remboursé sur le compte de clientèle son crédit, le capital prêté sera effacé par compensation dans les comptabilités de la banque X et de la banque centrale qui récupérera, en plus, les intérêts qui lui seront versés par l’agent A sur ce compte, et la banque X augmentera son chiffre d’affaire par les honoraires qu’elle aura perçu sur son propre compte.
Merci de me dire où ce raisonnement pêche…
Je pense que, sauf dans le cas de transferts de monnaie fiduciaire, aucune monnaie ne « quitte » jamais un quelconque compte. Il y a simplement débit scriptural dans un compte et crédit scriptural dans un autre : on peut évidemment dire que ce n’est pas (exactement) la même monnaie, contrairement à des billets par exemple.
bonjour,
L’etat apparamment plus calaminateux qu’imaginable des finances de la Fed, ces jours ci, merite une traduction resumée urgente:
The Fed is Bankrupt: Update on the Helicopter – The Secret Death of the Fed
— Posted Tuesday, 7 October 2008
By: Tom Szabo
@Jean (et Paul), effectivement un marché OTC est un marché libre, de gré à gré … sur lequel les banques sont allé, via leurs véhicules spéciaux (« spécieux » ?), pour sortir les risques de ces opérations de leur bilan et pouvoir les accumuler. Le gros du marché des assurances de crédit (CDS) est effectivement en gré à gré, donc sans compensation, ni suivi, ni contrôle. Il existe pourtant un tel marché réglementé, voir le CX du CBoT.
@jean jégu
les artisans viennent de créer un marché OTC, de gré à gré 🙂 avec les risques associés : p.ex., en cas de faillite de l’un d’eux la banque, ou une assurance, prend le risque en charge.
Dans leur système de contre-partie, en cas de défaillance d’une banque, le même problème se pose aux autres.
C’est la même chose avec des monnaies locales : quid du crédit à mon compte SEL si je ne trouve pas -ou plus- de services ou de biens achetables dans cette monnaies ?
Et à l’échelle globale des monnaies fiduciaires aussi : si vous étiez Japonais, Chinois, Russe ou autre producteur de pétrole, ou Brézilien –pour ne citer que les créanciers de USA Inc. dans leur ordre d’implication– dormiriez-vous tranquille ?
Ca répond aussi à Vladimir : la FED ne peut techniquement jamais faire faillite puisque USA Inc. peut lui injecter autant de liquidités que nécessaire, les T-bonds. Le problème de la défaillance se pose à l’échelle de USA Inc. : a-t-elle les moyens de rembourser sa dette (et sans tricher en la dévaluant !) ?
@Jean Bayard : et si la BC n’avait pas le droit de prêter aux banques ?
La BC crée de la monnaie au nom de l’état / du peuple, l’état le dépense et cet agent finit par arriver dans les poches des entreprises et des personnes. Celles qui ont peur de garder les billets dans leurs poches les déposent dans des banques coffre-fort, d’autres qui acceptent un certain niveau de risque et un horizon d’indisponibilité les proposent sur le marché du financement, via des banques d’investissement.
@Jean Bayard
Je ne trouve pas le bilan consolidé de l’Eurosystème sur le site de la BdF. Peux tu m’indiquer l’adresse.
À Jean Bayard (du 9 octobre, 8h04)
Nous sommes tous suspendus à tes paroles, du moins à ton clavier. En effet, la question, épurée du jargon de spécialiste, semblerait contenir un « piège » didactique?. En voulant y répondre, je risque de « marcher à côté de mes chaussures » tout en continuant à battre la mesure sans m’apercevoir que le morceau de musique est fini…
Ainsi, des agents A qui n’ont pas de compte ouvert à la BC, il y en a des millions et des millions, je crois que c’est peut-être 99,99% des clients des banques. Donc, après son enquête de solvabilité (très « différente » aux USA ou en Europe), la Banque X va prêter 1000 UM à l’agent A. Et là où je dois « rater » quelque chose, ou mal saisir le « niveau » de la question, ce serait dans l’importance du fait que l’agent A ait ou non un compte à la BC. Car il serait révélateur et explicatif de savoir si les 1000 UM prêtés par la Banque X à l’agent A, « passent » ou non par un « refinancement » quelconque à la BC (refinancement en tout ou partie d’ailleurs). Si la Banque X est « en règle » vis à vis de la BC, elle a pu, du moins jusqu’à la présente crise, et sans que la BC le sache (ou la BC est « dans le coup » comme j’incline à le croire) revendre par titre(s) à Y ou Z sa créance sur l’agent A, assainissant son bilan et allégeant son coefficient de risque, car le risque est parti chez le ou les acheteurs du titre, et cette Banque X (si j’ai bien compris) ne faisant plus que le « travail » (dont elle se fait payer) de récolter auprès de l’agent A les sommes du remboursement, et là, A-J Holbecq aurait répondu, ci-dessus, sur les phases du remboursement (message du 9 octobre à 9h53).
Je crois que la « zone d’ombre » se trouve dans « quelque chose » vient de changer au fond dans les relations des banques commerciales avec les banques centrales depuis la crise. Car en effet, cela semble n’apparaître que progressivement dans les bilans des banques en général.
La crise aurait sifflé assez brutalement, ces derniers temps, la fin de la récréation des banques commerciales et, à mon (très) humble avis, la question cruciale est de « dépiauter », au fond, les relations et les intrications: Banques commerciales-Banques centrales.
Pour terminer une petite digression.
D’autre part, pour embrouiller le tout, il se trouve que la banque Centrale des États-Unis, la Federal Reserve, ou FED, qui est de facto (au moins jusqu’à présent) la Banque Centrale mondiale est une banque – privée -, ses actionnaires sont privés. Et cela fausse les grilles et les prismes que nous utilisons pour tenter d’élucider clairement cette question cruciale du rapport de la Banque centrale mondiale Federal Reserve avec les banques commerciales. Rapport qui ne releverait plus, au niveau « ultime », de la rationnalité, mais, effectivement, de ce qui se traduirait maladroitement par: « théorie du complot ».
À mon avis, je pense plutôt que c’est une énorme intrication d’ « intérêts ». Intérêts bancaires bien sûr, mais aussi « intérêts » tout autres que bancaires, version d’autres « forces », dont la « banque » serait l’un des « seuils », ou « paliers ». Mais cela est hors de propos dans la très présente et concrète question de Jean Bayard à laquelle une réponse claire doit être trouvée.
Fin de la petite digression.
Je relis la question de Jean Bayard au prisme de la réponse de Rumbo, question qui est » Avant de réformer le système monétaire sur la base de louables intentions, je vous invite à résoudre un problème, le problème de fond, dont l’énoncé est le suivant :
etc, »
Je m’aperçois qu’à 11 h 53 j’ai répondu dans l’hypothèse d’un système monétaire que j’appelle de mes voeux et non dans l’hypothèse du fonctionnement actuel …
Mais en ce qui concerne le fonctionnement actuel Jean Bayard conclue » Je pense que vous vous apercevrez rapidement que la monnaie centrale ne quitte jamais l’Institut d’émission. »
Oui, Jean a raison, mais j’aurais tendance à dire » et alors ? » … Comme je l’exprimais dans ce message de 11 h 53, aucune monnaie (scripturale) n’est jamais transférée.
Les banques sont aux cent coups. Voici une dépêche de l’AFP, relayée par Boursorama :
Bonjour,
J’ai passé les dernières 24 heures à l’hôpital pour l’implantation d’un pace maker. Impossible donc de vous répondre plus tôt.
@ AJ Holbecq
Voici, tout d’abord l’adresse demandée :
http://www.banque-france.fr/fr/eurosys/telnomot/bce/ar2007fr.pdf (page 252)
@ vous tous
J’avais bien compris qu’André-Jacques appelle de ses vœux un système différent de celui actuellement en place. D’où ma question. Telle qu’exposée, il existe, je crois, 2 réponses :
1) La première consiste à ce que la BC absorbe par voie de fusion-absorption tout le réseau bancaire (de dépôts) national. Il n’y a alors qu’une monnaie, centrale évidemment, comme s’il s’agissait d’une seule banque équipée d’une multitude d’agences. Dans l’exemple cité, la banque X prête à l’agent A les 1.000 UM dont elle dispose à son compte chez sa maison mère puisqu’elle tire sur les caisses de cette dernière et que l’agent A a un compte ouvert dans la même banque, la seule.
2) La deuxième est sans solution, car à ma connaissance, aucun agent non IFM n’a et ne peut avoir de compte à la BC. C’est à peu près ce que dit Rumbo.
Je vais maintenant essayer de vous expliquer comment, à mon avis, fonctionne le système actuel et pourquoi le problème n’a d’autre solution que la première. Ce ne sera pas facile.
Désolé de te contredire André-Jacques, mais la monnaie scripturale est transférée tous les jours dans des volumes très importants (cf. bulletin de la BdF, qui a suspendu mon abonnement depuis la fin de l’année dernière, je suppose que je commence à gêner sérieusement). Elle passe d’une banque à l’autre et d’un compte à l’autre au gré des échanges entre les agents non bancaires, et ces transferts sont inscrits dans les comptes des banques et des agents concernés. L’écriture comptable les matérialise.
Comme le dit Candide, rien n’interdit, dans les conditions décrites, à la banque X de créer une ligne de crédit de 1000 UM (voire plus en fonction du ratio de solvabilité appliqué !) à l’agent A. Mais, contrairement à ce qu’il croit, ils ne peuvent pas être adossés aux 1000 UM “solides” crédités par la BC. Si quelqu’un en a la preuve matérielle, qu’il me le dise. C’est précisément tout le problème. Il n’existe pas de relation directe entre les 2 et je pense que les relations indirectes qu’on leur attribue ne sont que théoriques (théorie du multiplicateur). Pour moi, la pratique est différente.
Dans cet exemple, on remarquera que les 1.000 UM sont créés 2 fois, une fois dans la monnaie centrale, à la disposition de la banque qui peut les utiliser comme elle l’entend, une seconde fois en monnaie secondaire à la disposition de l’agent A qui va l’employer à ses fins puisqu’il a demandé un crédit pour cela. La monnaie de contrepartie sert entre les banques chaque fois que la monnaie quitte la banque émettrice, la monnaie de contrepartie étant le lien obligatoire entre la créance d’origine et la monnaie qui se déplace d’une banque à l’autre. De plus, cette monnaie en se déplaçant va pour partie aboutir en compte d’épargne, dans n’importe quelle banque bien sûr, et comme elle est attachée à sa contrepartie : la créance à l’origine de sa création, cette fraction épargnée est gelée par le système (parkings monétaires).
Si, ainsi que certains le pensent, on relève le taux des réserves obligatoires jusqu’à 100%, l’argent coûtera plus cher à l’emprunteur. C’est tout.
Les banques ne peuvent pas disposer de l’argent de leurs clients, que ce soit en dépôt à vue ou à terme. C’est bien là l’erreur (l’imposture) entretenue par le pouvoir monétaire, qui veut faire croire que les banques disposent des liquidités de leurs clients et qu’en en immobilisant une fraction (2%) en réserves obligatoires on donne des garanties au public. Comme s’il s’agissait de monnaie fiduciaire.
A bientôt
jean
@ Jean,
Du fond du cœur (c’est le cas de le dire !), tous nos vœux de prompt rétablissement !!!
@jean
Bon rétablissement…
Merci pour l’adresse
Je vois déjà que nous sommes d’accord sur la solution même s’il semble que nous ne le sommes pas tout à fait sur ce que j’appelle « un transfert » dans le cas de monnaie électronique (les euros ne sont pas numérotés, contrairement aux billets: il y a donc destruction comptable et informatique d’un coté, et « refabrication » comptable et informatique de l’autre)… mais c’est secondaire…
Puisque je ne prône pas un taux des réserves obligatoires à 100% mais bien l’utilisation unique d’une monnaie centrale, je vais essayer de ne pas trop me prendre la tête avec cette monnaie parking et cette monnaie de contrepartie. Je reste à penser que c’est un problème secondaire pour le moment.
Merci de vos vœux de bon rétablissement.
jean
@ tout ce groupe sympathique de spécialistes de la monnaie.
Certes, je ne comprends pas vos propos la plupart du temps. Cependant, malgré tout, je vous lis… meme si parfois, c’est en diagonale ! 😉 Car je devine que cette question de la création de monnaie est importante. Qu’elle est « culturelle », au sens noble et plein du mot, c’est a dire déterminante.
Et puis surtout… il y a cet « esprit » qui vous anime, cette collaboration désintéressée et amicale agrégée autour de Paul, par le blog. Ah, de vous « voir » chercher ensemble, ça fait chaud au coeur vraiment !
Alors Jean, prenez bien soin de vous, de votre coeur… vous en aurez encore besoin !
Benoit, avec vous tous. Meme silencieusement.
@ Benoit
Je suis vraiment touché par votre sollicitude et l’intérêt que vous portez à mes billets sur ce blog. Dès que j’aurai repris des forces, je reviendrai échanger mes idées avec les vôtres, ce qui ne saurait tarder.
Merci encore une fois.
jean
@ Jean
De rien, Jean.
C’est tres sincèrement que j’exprime ici ma joie à « voir » se construire quelque chose de gratuit entre quelques hommes, sans combat de chefs ;-), et a y participer à ma très, très modeste mesure.
benoit
[…] que les banques exigent l’une de l’autre pour un prêt à trois mois. Pour en savoir plus, voir La paralysie complète n’est plus qu’une question de jours (*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le […]