Faire tout ce que les hommes peuvent faire

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Trop peu, trop tard. J’aurais quand même préféré que le plan Paulson « version centre-gauche » passe. Ce ne fut pas le cas : avec 47,3 % de voix en sa faveur, il a raté de peu la majorité. Les parlementaires démocrates ont voté pour à 60 % et les républicains à 33 %. Le compte n’y était pas. L’indice Dow Jones a perdu dans la foulée, 6,98 %. Plus fort que Paris un peu plus tôt dans la journée, avec – 5,04 %.

Qu’est-ce qu’il faut faire ? A ce stade-ci, le mieux que l’on puisse espérer, c’est un gel de la situation. Ce serait déjà une très bonne chose. Je le disais il y a quelques jours, quand je résumais l’article qui a paru aujourd’hui dans Le Monde – Economie : « Je reviens sur l’idée d’un moratoire. Il ne s’agit pas de « résoudre » la crise mais de trouver le moyen d’introduire au moins un temps d’arrêt qui permette de déterminer un plancher » (Le Monde, lundi 29 septembre). Dans l’article du Monde, « Le piège des Credit–Default Swaps », je suis plus explicite. En voici le dernier paragraphe :

Mais il faut aller beaucoup plus loin : d’ici à ce qu’un marché organisé puisse être mis en place, un moratoire permettrait d’examiner les conditions à remplir pour que les CDS puissent être relancés sans générer un danger systémique. Et si ces conditions ne peuvent être réunies, il conviendrait de transformer ce moratoire en interdiction permanente. Tant que les autorités n’auront pas réglé la question des Credit–Default Swaps, leur affirmation qu’elles prennent toutes les mesures qui s’imposent pour résoudre la crise ne pourra pas être prise au sérieux.

Arrivé à ce stade-ci, il faut abandonner l’ambition de résoudre les problèmes : il faut d’abord stopper la finance dans sa chute en gelant la situation. Si on tarde trop, il ne restera plus que la méthode ultime, celle que j’évoquais dans un autre billet. J’y reproduisais le texte d’un ex-voto de marins bretons :

« Ayant fait tout ce que les hommes peuvent faire, nous nous mîmes en cercle, et nous tenant par la main, nous recommandâmes notre âme à Sainte Anne » (De la prière).

Ils avaient quant à eux au moins commencé par « faire tout ce que les hommes peuvent faire ».

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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45 réponses à “Faire tout ce que les hommes peuvent faire”

  1. Avatar de sounion
    sounion

    Les français sont bêtes à manger du foin ! J’ai eu aujourd’hui quantité d’appels d’épargnants, de banquiers français… Tous à vilipender les journalistes et les spéculateurs. Les premiers auraient obligé les Etats à recapitaliser Dexia parce que .. un journaliste du Figaro a fait s’effondrer le cours en disant que la banque avait besoin d’une recapitalisation ! Les seconds ( les spéculateurs) auraient eux aussi précipité le cours à la baisse et obligé à recapitaliser alors qu’on a oublié que les ventes à découvert sur les bancaires sont maintenant interdites en France. On ne se demande pas d’ailleurs pourquoi les mêmes spéculateurs ne jouent pas la remontée de Dexia qui vaut 7,52 e alors que les Etats ont recapitalisé à 9,90 e
    Les patrons de Dexia virés ( par les belges) n’y sont pour rien bien sûr…

  2. Avatar de Nikademus
    Nikademus

    @ Jean Jégu,

    Précisément! Mais c’est seulement faux parce que c’est interdit… C’est avec grand intérêt, comme beaucoup d’autres je pense, que j’ai pu lire ici, et grâce aux liens qui renvoyaient ailleurs, les échanges sur « le scandale de la monnaie ». Mais, autant que je sache, un plan de relance par les investissements d’Etat est tout aussi bien interdit, vous savez les sacro-saint déficits à renflouer et à ne surtout pas creuser… Quant au protectionnisme européen, houlà… ça être Grand Tabou! Mais je vois, grâce à l’obligeance de Vladimir, que même un GEAP ne craignait pas d’évoquer l’un et l’autre déjà (comme je l’ai écrit, rien n’est magique en ce domaine), le premier de manière extrêmement conservatrice (les infrastructures, mon dieu que c’est peu ambitieux…) et aussi bien le second dans sa section « Un « sauve qui peut » généralisé si les deux premières mesures ne sont pas mises en oeuvre d’ici la fin de l’été 2008 » (c’est moi qui souligne!).

    Ainsi donc, encore un petit effort pour faire progresser le débat sur la monnaie, cela pourrait aller bien plus vite que prévu… Pour faire plus court que ma prose précédente, mais dans le même esprit : de telles périodes sont aussi l’occasion d’une progression phénoménale des consciences : les oeillères se dessillent d’un coup. Bien plus stimulant et prometteur qu’un lent et fastidieux travail d’explication au porte à porte, n’est-ce pas?

    Je ne peux que souscrire sur le fond à votre remarque: « La transparence monétaire est à conquérir et le pouvoir d’émission monétaire relève, à mon avis, de l’ensemble de la société et non d’une minorité manipulatrice et prédatrice en son sein. » Tant il est vrai qu’énormément de choses relève de l’ensemble de la société et non pas d’une minorité, des experts auto-proclamés aux prédateurs. Pourtant, si c’est souhaitable, est-ce bien probable? Vous, vous voudriez qu’ils rendent toutes les clés en même temps! Cela frise l’anarchisme mon cher! Ou bien est-ce moi qui manque d’ambition cette fois? Bienheureux nous tous, s’ils vont rapidement au plus nécessaire en nous évitant à tous d’en passer par les confrontations les plus dures… Mais, vous êtes en train de me convaincre, exiger le plus maintenant, pour obtenir le plus!
    Hmm, la dialectique du souhaitable et du probable, on va sans doute en reparler…

  3. Avatar de jacques
    jacques

    En matière de souhaitable et de probable dans le domaine de l’économie, le « marché » va toujours dans le sens qui enrichit le moins de monde. C’est le point de vue contrarian. Plus personne n’y croit, donc il y a de l’espoir. C’est le retour des capitalistes qui investissent dans la croissance et la chute des arbitragistes qui cherchent la plus-value à court terme.

  4. Avatar de catherine
    catherine

    Je n’y connais pas grand chose au monde de la finance, rien serait même plus juste, je vous demande donc l’ indulgence si ce que j’avance est pure sottise, mais j’aimerais alors qu’il y ait une bonne âme qui m’explique en quoi c’est sottise que de dire cela et je l’en remercie par avance.

    Cette prévention étant faite, de quoi s’agit-il?

    Tout le monde semble se plaindre de l’absence de régulation en terme de finance.

    Mais qu’est-ce que réguler, au juste?

    Réguler c’est régler un système de telle sorte qu’il soit mis au service d’une grandeur donnée la plus proche possible d’une grandeur de référence.

    Là en l’occurrence, la référence absolue c’est le profit toujours plus.

    La dé-régulation n’est-elle pas en soi une régulation, perceptible différemment selon les points de vue?

    Pour ceux qui la subiront et mesureront tous les impacts négatifs, elle sera lue comme le terme d’une dérégulation qui sera à l’origine de nouvelles régles qui devront être mises sur pied absolument.

    Mais pour celui qui en tirera bénéfice au bout du compte, cette dérégulation est une régulation, car elle aboutit à l’objectif fixé, à la mesure référencée dès le début, et cette mesure c’est peut-être celle de phagocyter, de digérer certains espaces financiers particuliers au profit de quelques autres ,les concentrer encore plus, qui asseoir ainsi davantage le pouvoir de quelques uns, principe de l’entonnoir.

    Les risques qui ont été pris , l’ont été sans l’être, car les financiers dominent les politiques c’est un secret de polichinelle et dès lors ils n’ont pas de grandes inquiétudes à avoir.Ils savent qu’ils seront soutenus et ils ont raison de le croire car c’est bien ce qui se passe en réalité.

    Mais en fait , on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs, il semble bien que l’adage se vérifie une nouvelle fois.

    Celles qui se casseront le nez auront été aveuglé par leur désir irrepressible de voir croître leur profit, mais elles auront été piégé par un poisson plus gros qu’elles qui aura tiré les ficelles en n’empêchant pas certaines choses de se faire( les sub-primes) et en préfigurant qu’au bout du compte elles en tireraient davantage d’assise qu’au début.Je parle bien sûr de celles qui ont pris l’initiative de ne rien faire en laissant faire car ne rien faire c’est faire quelque chose n’est-ce-pas, ça produit quelque chose.Et là, c’est patent, c’est une évidence .

    Bien sûr, cette vision machiavélique me fera passer pour une paranoïaque en puissance plus sûr moyen de neutraliser quelqu’un et son discours,ça devient un réflexe, un automatisme mental, vous discréditez la doxa, vous êtes d’emblée suspect d’une tare psychiatrique, ça marche à presque tous les coups, mais sachez qu’une vraie structure paranoïaque est incapable de se remettre en cause, les responsables sont toujours dehors jamais en lui, ce qui n’est pas mon cas, je tâtonne et suis tout à fait prête à revoir ma copie si les arguments qu’on m’apporte tiennent la route.

    Je ne peux nier que mes attentes structurent mes perceptions, c’est le cas de tous et je ne suis pas autrement qu’une autre, de plus la lecture de Machiavel renforce encore cette orientation naturelle, n’empêche, ça ne me semble pas complétement stupide.

    ça reste bien sûr une lecture tout à fait libre et personnelle qui n’engage que moi, il va sans dire.

    C’est l’après cette vraie crise ou pseudo crise selon la perspective que l’on prend qui me donnera raison ou tort, en observant qui tirera bénéfice de tout cela.

  5. Avatar de jlm

    « Les œillères se dessillent … » Le tableau est plutôt sombre et je ne vois, quant à moi, qu’une petite lueur…

    En Belgique, l’épisode de la nationalisation de Fortis et de Dexia, ne provoque essentiellement que quelques des sursauts d’indignation vertueuse, les politiques et les journalistes (sauf de très rares exceptions) sont à des kilomètres des analyses de Paul. La « critique médiatique » se résume en trois volets. « Non aux parachutes dorés », sous entendu cela relève du contrat privé, après un petit moratoire de discrétion, nous ne pourrons tout de même rien y faire. Pour les plus éclairés, la crise est structurelle, mais la solution se limite au renforcement des systèmes de contrôle. L’armature conceptuelle de la classe médiatique ne semble pas être à même d’intégrer l’idée d’une constitution économique. Dernier point, pour les banquiers, des erreurs ont été commises bien sûr, mais la preuve est devant nos yeux : l’équilibre peut toujours être retrouvé !

    Par contre, il semble que la classe politique ait, de fait, adopté la vision d’Aglietta en matière de « valeur de la monnaie », je ne sais pas si les hommes et les femmes politiques qui l’expriment en sont au stade de « l’en soi » du « pour-soi » ou déjà plus loin …

    je cite.

    “Cela ne fait que révéler l’essence d’une économie monétaire. C’est une économie dans laquelle la valeur est un pur processus social, sans aucun fondement naturel exogène, pas d’utilité prédéterminée, pas de ressources données. Le monde des biens virtuels et des actifs intangibles ne saurait être régulé par un indice conventionnel de prix.Tous les biens virtuels doivent être traités comme des actifs, c’est-à-dire des promesses incertaines de paiements futurs. La politique monétaire doit poursuivre un aggiornamento pour se détacher complètement de la croyance dans une économie « réelle » sous-jacente. Il n’y a d’autre ancrage que la confiance dans l’unité de compte que seule la politique monétaire peut conférer. Pour ce faire, elle devra surveiller les prix d’une très vaste gamme d’actifs. Elle devra avoir une conduite agressive en auscultant en permanence les foyers de tension disséminés dans les systèmes de paiements. En bref, elle devra affirmer que seule la continuité du flux de la monnaie est valeur et désamorcer les pertes de confiance qui déstabilisent ces flux. »

    CF. LES DEFIS DE LA MONNAIE ELECTRONIQUE POUR LES BANQUES CENTRALES
    Michel Aglietta et Laurence Scialom

    La question n’est évidemment pas le rapport de force État contre Capital, mais jusqu’ou l’État que nous connaissons sera-t-il assez fort que pour « danser le tango » avec un capital vacillant? Par exemple, l’Europe et les États-Unis sembleraient bien démunis contre les conséquences des décisions de la Chine en matière de politique financière et monétaire.

    Dans la population l’inquiétude est grande et à la prochaine grande secousse, je ne sais pas … l’émeute sans doute.

    La colère « à froid » des intellectuels n’a pas vraiment eu lieu, maintenant cela me semble très tard, la colère à chaud des épargnants ne réfléchira guère. Les gouvernements tiendront les médias encore quelque temps et j’imagine aisément que nous allons assister à un « barnum new deal de la finance » destiné à faire croire que ceux qui sont chargés de nous diriger, « tiennent la barre » comme dans « a perfect storm ».

    D’un autre côté, en cas de grosse panique, avouons déjà que Larouche and co bien appuyés par un stock de papier mis de côté, peuvent d’une campagne d’affiche au bon moment s’emparer de l’opinion publique, pour aller où, je ne sais pas où…

    J’espère néanmoins que, localement, autant pour contenir son inquiétude par l’action que pour parer aux besoins immédiats, la population serait prête, à soutenir certaines expériences de changement, c’est peut-être le bon moment pour valoriser l’expérience des réseaux d’échanges et des monnaies locales. La décroissance nous devrons peut-être bien faire avec…

    Moi je me vois bien, dans trois cent ans, dans l’atmosphère des romans de Clifford D. Simak, sous le porche en fin d’après midi, on discuterait en famille d’un commentaire de Jorion sur un passage d’Aristote en écossant les petits pois…

  6. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Catherine,

    Moi aussi je suis un béotien en matière économique et financière. J’essaie de m’informer, de me constituer une « culture économique » en lisant diverses choses à droite à gauche, et, bien sûr, en venant lire ici les articles très éclairants et « pointus » de Paul Jorion. Et je n’oublie pas les commentaires d’une grande richesse.

    Ce blog prouve qu’il est possible de parler un langage commun avec des « spécialistes ». Il n’est rien d’humain qui ne soit transmissible, compréhensible. Certes j’aurais beaucoup de mal à saisir le détail de certains mécanismes financiers, notamment ceux qui font appel aux mathématiques, mais, la compréhension de globalité du système et les liens qu’entretiennent entre eux les sous-systèmes est, je pense, à la portée de n’importe quel citoyen désireux de se coller au sujet et surtout de se poser des questions. L’économie ne mobilise pas des conceps plus ardus que ceux de la philosophie, je dirais même plutôt que c’est une branche morte de la philosophie depuis qu’en s’est artificiellement séparée. L’économie ne peut être séparée des sphères politiques et culturelles. Si il y a une crise aujourdhui c’est que justement la sphère économique et financière a trop longtemps été laissée à elle-même. Cette sphère est pourtant une construction sociale et politique et à ce titre elle est une oeuvre de langage avant d’avoir une existence physique, sonnante, et parfois trébuchante, comme aujourd’hui !

    J’aime bien votre commentaire à propos du concept et de la réalité du mot régulation. Un certain flou artistique est entretenu par beaucoup des acteurs économiques et politiques — y compris parfois les économistes — sur le sens à donner aux mots régulation et dérégulation. Ils parlent sans arrêt de réguler tel ou tel aspect visible de l’économie, mais ils évitent de préciser ce qu’est, au fond, le système qui est à réguler ou à déréguler.

    On se paie alors de mots du genre, moralisation des pratiques financières, meilleur contrôle des agences de notation, transparence, pour ne pas avoir à dire de quoi on parle exactement. Le système de référence n’est pas défini. Il est seulement implicite. Or, comme vous le rappelez, un système régulé est un système qui ne peut se définir comme tel qu’à partir du moment où son fonctionnement permet la poursuite d’un objectif bien déterminé. Ici le profit à court terme, le plus important possible. Ce qui suppose un certain type d’odre poltique et social car il faut pouvoir justifier des inégalités engendrées par un tel système. En ce cas une dérégulation peut alors s’interpréter comme un réajustement du système, et donc une régulation, pour maintenir en vie le système et les classes sociales qui en tirent les plus gros avantages économiques.

    A partir des années 70, devant l’inflation, le renchérissement du coût du travail (syndicats trop actifs aux yeux du patronat), la baisse tendancielle des taux de profit, le premier choc pétrolier, les néo-libéraux parurent détenir la clé permettant de sortir de l’ornière si bien qu’au tournant des années 80, y compris à gauche, dans tous les pays de l’OCDE ont pris le train de la « réforme » (néo) libérale. La « modernisation » était alors le mot poli pour parler de dérégulation dommageable en terme social.
    La gauche Française, par exemple, privatisait après avoir nationalisé, Jacques Delors en tant que commissaire européen entamait la marche de la dérégulation financière en ouvrant les vannes des flux de capitaux. Ce qui se passe aujourd’hui est le mouvement inverse. Pour préserver le système capitaliste, il faut désormais réguler, c’est à dire établir de nouvelles règles devant permettre au système de continuer à fonctionner. Le gros problème c’est qu’il n’y a plus de marges de manoeuvres commme dans les années 80. A l’époque le capitalisme avait devant lui des opportunités immenses pour développer le marché. Ce fut la mondialisation. Aujourd’hui la finitude du globe terrestre apparaît tous les jours de plus en plus évidente.

    Certes, le système peut se réajuster de façon à relancer la machine à faire des profits, mais il bute sur un écueil immense.

    S’il continue comme avant à consommer sans modérations les énergies non renouvelalbles, les produits d’une agriculture elle-même dépendante de ces énergies et qui épuise les sols. Si son moteur industriel demeure la nécessité de renouveller constamment la gamme des produits, ce qui veut dire une course mondiale pour l’accaparement des matières premières. Le système économique (et non plus seulement financier) va atteindre ses limites. Non seulement le combustible essentiel au fonctionnement du système viendra à manquer, mais aussi, les sociétés, les Etats seront en tension permanente.

    La crise actuelle peut déboucher sur une sorte de néo-keynésianisme, mais cela ne résoudra pas le problème de fond si la finalité et les modalités de la production industrielle ne sont pas remises en question. Mais peut-être la crise actuelle est-elle si grave — ce que je pense –qu’il n’y aura pas d’autre issue que de revoir le modèle de développement basé sur le progrès infini des richesses matérielles. Si la machine repart comme avant, cela signifiera que les démocraties disparaîssent, car les contradictions actuelles du système dépassent les capacités de régulation sociale des systèmes parlementaires.

    Au passage je dois dire que je souscris entièrement à votre analyse de Faye faisant référence à Karl Schmitt. Mon analyse disait que les dégâts causés par les lois dérogatoires à l’ordre républicain, étaient limités en temps de « paix ». Mais j’aurais dû ajouter que le mal est déjà fait, en partie. Les dispositifs consistant à donner du pouvoir ou le pouvoir à une administration policière, sont bel et bien en place. Il ne reste plus qu’à les activer et les étendre à d’autres domaines. Les républiques, sans même parler de démocratie – ne sont déjà plus tout à fait des républiques. Des trous béants menacent désormais de les emporter. Pour reprendre l’expression de René Dumont, aujourd’hui, plus que jamais , la perspective c’est : « l’utopie ou la mort ». L’utopie était de renfondre le système dans son ensemble, c’est à dire ses objectifs et ses modalités d’existence afférentes. Nous vivons une période très politique, comme nous n’en avons pas vécu depuis longtemps. Un réajustement ne sera pas suffisant. Passer d’un régime d’hyper profit à un régime réglementé, fait diminuer les taux de profit, car les profits actuels dépendent en partie d’une masse monétaire qui va diminuer avec la rarefaction du crédit accordé par les banques et toutes les institutions financières. Les Etats eux-mêmes devront bien eux-aussi se financer quelque part, Or si il y a moins de profits il y a moins d’épargne, et donc moins de bons du trésors, en volume. Certes un rééquilibrage en faveur de la rémunération du travail dans la part du PIB serait une manière de relancer le crédit sur en favorisant les banques de dépôt. Mais les capitalites y sont-ils prêts, et le voudront-ils ? Le réponse est évidemment politique et dépendra des mouvements d’opinion et des mouvements sociaux et, bien entendu, des décisions qui vont être prises par les gouvernants, lesquels ont un rôle pivot car devant arbitrer entre les intérêts du monde économique et financier et les renvendications des électeurs.

    Seule une relocalisation de l’économie pourrait être un début de réponse. Dans cette hypothèse les nations n’auraient plus à subir la compétition des systèmes sociaux. Evidemment cela supposerait aussi une diminution des niveaux de vie, en termes de besoins et de revenus qui leur sont associés. Car la qualité de vie n’est pas intrinsèquement liée à un revenu. C’est l’organisation sociale, et l’économie qui en découle, qui définissent la qualité et la nature des conditions de vie, non pas le rvenu en lui-même. Si l’hypothèse néo-kéynésienne et écologique basée sur une relocalisation (au moins partielle) et donc forcément protectionniste comme l’entrevoit Nikademus, ne se réalise pas, alors nous pouvons nous attendre à des jours sombres.

  7. Avatar de jlm

    Le parti socialiste belge (francophone), par l’intermédiaire de son « organe scientifique » l’Institut Emile Vandervelde a mis en ligne sa réflexion et ses propositions relativement LA CRISE MONDIALE DES MARCHES FINANCIERS (24/09/2008), mieux vaut tard que jamais !

  8. Avatar de Benoit
    Benoit

    @ Paul Jorion
    Je ne suis pas certain de vous comprendre. Vous semblez considérer que les CDS sont le noeud gorgien de la crise. Il suffirait donc de les « geler » ou de les « extraire » des marchés ? Un  » Plan Paulson mondial  » ? Autre chose ?

    Fort bien. Mais alors… quid de ce qui va suivre ? :

    Un autre typhon financier pourrait poindre prochainement, faisant courir le risque de donner raison aux Cassandre qui, depuis longtemps déjà, avertissent que la crise de 1929 est devant nous. Il est lié, cette fois, à la titrisation des cartes de crédit et des crédits automobiles de ménages américains, un exercice auquel beaucoup de banques se sont livrées sans discernement l’an dernier, alors mêmes qu’elles se brûlaient les doigts avec les subprimes.

    Nombre d’Américains – les plus pauvres en particulier – ont été incités à utiliser des cartes de crédit reçues dans leurs boîtes aux lettres, dont les autorisations de découvert sont presque sans limite à court terme ( mais les taux d’usure prohibitifs ! ).

    Ceux qui risquaient de perdre leur maison ont tiré sur toutes leurs cartes de crédit avant de se résoudre à habiter sous la tente ou dans leur voiture, allant jusqu’à financer à crédit leur alimentation quotidienne. Le niveau d’endettement en cartes de crédit outre-Atlantique dépasse aujourd’hui les 2500 milliards de dollars. Ces créances ont été regroupées, comme pour les subprimes, en titres financiers revendus sur les marchés internationaux. À présent, nul ne sait exactement où se trouvent ces titres.

    Le géant bancaire britannique HSBC provisionnait cet été 3,9 milliards de dollars sur ses créances douteuses, fermait ses agences américaines de prêts à la consommation et gelait ses contrats en cours dans le financement automobile : certains se sont déjà préparés au pire. De fait, le nombre de défauts sur les cartes de crédits américaines a augmenté de près des trois quarts au cours de l’été, alors qu’il atteignait déjà un niveau anormalement élevé. Et, en 2007, la Grande-Bretagne avait déjà fait état de 120 000 faillites de ménages. Si d’autres centaines de milliers de ménages devaient se retrouver à la rue, outre leur propre détresse, cela signifierait des créances perdues plus exorbitantes encore que pour les subprimes. Une voiture d’occasion perd au moins 50 % de sa valeur d’achat aux États-Unis et on n’imagine guère les banques revendre les ordinateurs acquis par les ménages auxquels elles avaient consenti des prêts hasardeux.

    La prochaine bulle dont l’éclatement est susceptible d’ébranler notre système financier et d’aggraver durablement la récession pourrait donc concerner les cartes de crédit et les prêts automobiles américains.

    La France, pour l’ instant, est peu concernée par l’ivresse du crédit à la consommation. En revanche, depuis l’an 2000, l’Espagne a emboîté le pas aux Anglo-Saxons et se retrouve à présent dans une situation explosive. Par ailleurs, tous les pays européens sont indirectement concernés via les créances douteuses, liées au crédit à la consommation, détenues par leurs banques, et dont la valeur s’écroulera aussitôt qu’apparaîtront les premières faillites en chaîne.

    Touchée au cœur de ce qui fait sa force , et compte tenu de la fragilité actuelle des milieux bancaire et assuranciel, c’est la logique du compromis économique élaboré dans les pays du Nord qui pourrait alors être remise en cause: une consommation de masse accompagnée d’une faible augmentation des prix et des salaires, d’un chômage massif masqué par les emplois précaires et d’une répartition de la valeur ajoutée entre salaires et rendements du capital de plus en plus profitable à ces derniers.
    Le crédit à la consommation en est un rouage essentiel : il gonfle la demande et engendre des rendements financiers sans précédents, incitant les instituts de crédit à accorder des prêts sans précaution dont ils peuvent transférer à d’autres les risques de non-paiement grâce à la titrisation. Par où ils répandent dans l’ ensemble de nos sociétés le danger induit par des ménages surendettés.

    Il est temps que la BCE exige des banques de la zone euro qu’elles fassent la transparence sur leurs portefeuilles et qu’elles provisionnent le nécessaire en vue d’un possible krach des cartes de crédit, même si l’onde de choc provoquée par la chute de Lehman Brothers et la dégringolade des cours accaparent aujourd’hui l’attention de tous. II est temps aussi de mettre en place une déontologie du « crédit responsable ». Il est temps, enfin, non seulement de réguler les marchés financiers, mais encore d’imaginer un autre compromis social afin d’alimenter la vitalité de nos économies autrement que par la consommation à crédit.

  9. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    @ jlm

    Hélas LaRouche n’a pas le pouvoir de « s’emparer de l’opinion publique », par contre, vu qu’il est pas bête, plutôt que des affiches, il a fait une conférence internet ce soir-même, où il a redonné les principales orientations qui doivent être prise par ceux qui ont du courage.

    essentiellement il a parlé de mise en redressement judiciaire des banques et du retour au Glass-Steagall Act, puis de la dynamique Etats-Unis, Ruussie, Chine, Inde (et il a aussi mentionné le ministre de l’économie italien Giulio Tremonti, puis également Sarkozy, tout en précisant que si la confusion règne sur ce qu’il veut faire exactement, il est prêt à faire quelquechose) menant à une nouvelle conférence de Bretton Woods, qui doit être basé (et ce n’est donc plus de la « régulation ») sur des projets d’équipement à grande échelle des pays du monde (énergie, transport) qui sont dans l’intérêt de tous et qui créérai les conditions de l’accès de toutes les populations au développement (projet sur 2 générations).

    Le mieux c’est tout de même de le regarder soi-même :
    voici la page des archives (il y a une version française)
    http://larouchepac.com/news/2008/10/01/larouche-webcast-now-more-ever-big-four.html
    sinon il sera en ligne peut-être demain ou après demain sur dailymotion et le site de solidarité et progrès.

  10. Avatar de Paul Jorion

    Le style Larouche et ma réponse

    From: anna morvant [mailto:melle.anna.morvant@hotmail.com]
    Sent: Tuesday, September 30, 2008 8:48 AM
    To: paul_jorion@msn.com
    Subject: Quand allez-vous défendre publiquement le vrai Nouveau Bretton Woods? (« ,)

    Bonjour !

    Pas mal l’article sur les CDS…
    Mais quand allez-vous oser défendre publiquement le vrai Nouveau Bretton Woods de M.Cheminade et de Mr Larouche?

    Pour en savoir plus sur les causes profondes de cette crise de civilisation, et les solutions qui fonctionnent réellement, consulter autant que vous voulez nos sites internet: on a fait ça pour vous; voici le lien. Puis tant qu’à dénoncer les financiers, dénoncez-les jusqu’au bout (enfin j’ai pas lu vos bouquins, vous en parler peut-être), je vous conseille ces vidéo faite par notre mouvement de jeunes aux etats-unis et traduite par les jeunes du LYM français: Firewall & 1932 ..

    Oh, et j’allais oublier le webcast de Lyndon Larouche demain soir, mercredi 1er octobre à 19h; où suite au rejet du plan Paulson, et à la publication des bilans trimestriels pestiférés des banques, il présentera (encore) ses solutions. N’hésitez-pas à en parler autour de vous car les gens que vous connaissez n’auront pas forcément l’occasion d’en entendre parler, malheureusement.

    Merci,
    amitiés humanistes et politiques,

    Anna (du LYM de Paris: Larouche Youth Movement).

    ________________________________________
    From: Paul Jorion [mailto:paul_jorion@msn.com]
    Sent: Wednesday, October 01, 2008 2:43 PM
    To: ‘anna morvant’
    Subject: RE: Quand allez-vous défendre publiquement le vrai Nouveau Bretton Woods? (« ,)

    Je ne sais pas qui vous êtes mais je sais en tout cas que je n’ai pas de comptes à vous rendre.

    Oui, je vais appeler à un nouveau Bretton Woods mais ce ne sera pas celui de Mrs. Larouche et Cheminade, ce sera celui des peuples de la terre.

    Effectivement, lisez mes livres avant de me recontacter.

    Paul Jorion

  11. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    @Paul Jorion

    Je suis d’accord avec la réponse que vous faites à l’e-mail d’Anna. Toutefois, si visiblement c’est une sympathisante de Solidarité & Progrès et qu’elle s’intéresse à la pensée de LaRouche, elle n’est pas une représentante de Lyndon LaRouche, ni de Solidarité & Progrès. Je vous suis donc gré de ne pas tirer de ses propos à elle des conclusions sur « le style de LaRouche ».

    Je vous adresse donc, dans le cadre de l’objet de la discussion sur ce blog, une invitation a regarder le webcast de LaRouche d’hier soir où il redéveloppe à la lumière de la situation actuelle son plan pour un nouveau Bretton Woods qu’il défend, nominalement, depuis 1997 lorsqu’il a appelé le président Clinton à prendre cette initiative, et que Clinton avait d’ailleurs répondu après la chute de LTCM en 1998 en ouvrant un débat trop vite fermé sur une nouvelle architecture financière internationale.

    Cordialement.

  12. Avatar de Paul Jorion

    Je viens d’écouter le webcast de Larouche. Aucune analyse, une bordée d’insultes suivie de longues comparaisons sur un ton incantatoire avec le Moyen Âge (de retour) et la Révolution française (de retour) où il se perd dans des digressions sur Marie-Antoinette et que sais-je encore. Seule constante : un nombre invraisemblable de références à la Russie.

    D’une manière générale, c’est d’un très mauvais niveau : ça ne vient pas à la cheville des analyses de Roubini, Krugman, Evans-Pritchard, etc.

  13. Avatar de Bertrand
    Bertrand

    S’il y a un message clair qu’il fait passer, c’est que si le renflouement passe, les Etats-Unis disparaîtront et le monde entier en paiera les conséquences.

    Ensuite, et surtout, que pensez vous des solutions?

    – Mise en redressement judiciaire des banques (Commission Pecora/Banking Holiday/Glass-steagall Act)
    – Système de monnaie à taux de change fixe, avec des systèmes de taux à deux vitesses pour les nations, pour défendre leur monnaie avec un taux élevé à l’extérieur et encourager l’iinvestissement dans l’économie réelle avec des taux bas à l’intérieur des pays.
    – Système de crédit plutôt que purement monétaire, c’est à dire émission monétaire réservé aux représentants des peuples, pour faire de la monnaie un instrument de crédit productif public assurant des conditions de vies meilleurs aux travailleurs et à leur familles. Plus de banques centrales indépendantes.
    – Réunir autour de ces propositions les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde qui ont tous le même intérêt sur ces questions, afin de changer le rapport de force entre l’oligarchie financière et les Etats.

    Ce qu’il appelle un Nouveau Bretton Woods dans la tradition de Roosevelt, c’est à dire déterminer à détruire les puissances financières et coloniales et rée un environnement favorable au développement de chaque nation.

  14. Avatar de jlm

    C’est bizarre ça : le Capitole qui signe son plan « Troubled assets relief program » comme TARP (éen) … acte manqué, humour noir … ?

  15. Avatar de Candide
    Candide

    Bien vu !!! 🙂

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