Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Les stars de Wall Street sont réunies au chevet de Lehman Brothers, comme elles l’avaient déjà fait il y a dix ans pour Long Term Capital Management, le « hedge fund » des Prix « à la mémoire d’Alfred » Nobel d’économie Myron Scholes et Robert C. Merton, démontrant à quel point tragique ils avaient peu compris la finance contemporaine.
L’éditorial de Vidal dans Les Echos parle de « confiance ». La confiance n’a rien à voir là-dedans : c’est une affaire de solvabilité. Les grandes banques d’affaires de Wall Street se partageaient des commissions astronomiques parce que l’argent regorgeait partout. Ces sommes ne sont plus disponibles et, du coup, l’affaire a cessé d’être rentable. Il n’y a plus que des infrastructures à se partager comme dépouilles et… l’écheveau à démêler des paris que tous ces braves gens ont pris sur la mauvaise santé financière les uns des autres sous la forme de Credit–Default Swaps. On verra bien lundi ce qu’il reste de Wall Street. En attendant : bon weekend !
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
5 réponses à “Lehman Brothers : les proches sont à son chevet”
C’est vrai ce que vous dites, l’argent des fonds de pension américains regorgeaient de partout et ils sont malheureusement tombés dans des mains peu scrupuleuses. Des mains d’opérateurs qui se sont payés en salaires phénoménaux, en stock option gigantesques, en parachutes dorés inexplicables.
Maintenant, que reste-t-il de ces fonds de pension que les retraités américains ont accumulé depuis 40 ans ?
De l’investissement productif innovant ou du vent ?
L’heure est à la reconstruction : un New Deal mondial redevient incontournable, comme en 1930 pour réorienter la finance « indomptable et fougueuse » sur l’investissement productif innovant.
Les USA sont les seuls à pouvoir amorcer un tel processus.
Effectivement, il y a un sérieux problème de solvabilité. Les CDS (contrats d’échanges de risque de défaut comme on dit chez nos amis suisses) ont vu leurs primes exploser de 600 pts de base jeudi. Une pensée pour les employés de Lehman qui vont perdre leur travail et leurs économies placées en actions maison. Les autres vont se mettre au chinois.
Quel bonheur de lire une critique de cette langue de bois sur la confiance, cette fuite de l’argumentation devant les faits criants. Les spécialistes de l’économie et de la politique refusent d’affronter les problèmes en évoquant des causes irrationnelles telles la confiance. Devant les démonstrations d’analyses économiques parues sur internet (comme ici) depuis début 2007 qui annoncent mois après mois la dégradation de la situation, comment peut-on encore laisser croire qu’il s’agit d’un problème de confiance ? Ou pire qu’on ne s’y attendait pas ! Mme Lagarde annonçait fin juillet 2007 que le plus dur de la crise était passé, commentaire totalement à l’ouest ou méthode Coué ? On pourrait même parler de ceux qui disent que M. Sarkozy ne pouvait pas prévoir la crise internationale en mai 2007… En étant un peu informé et pas professionnel, ne pas se préparer à ce qui arrive aujourd’hui était de l’inconscience ou de l’amateurisme ! Evoquer la confiance quand il devrait s’agir d’analyse de données, d’estimation des risques … c’est du verbiage de collégien.
@jacques
Apres Enron, j’espère que beaucoup avaient retenu la leçon de ne pas placer toutes leurs économies dans une même entreprise y compris la leur …
Pour ce qui est de la perte de leur emploi, même si c’est difficile, c’est la règle du marché comme on dit… les boulots beaucoup plus mal payés et délocalisés sont sans doute beaucoup plus à plaindre que ceux-ci quand même.
[…] de surprenant : dans mon billet du matin-même, Lehman Brothers : les proches sont à son chevet, j’écrivais : Il n’y a plus que des infrastructures à se partager comme dépouilles et… […]
Confiance…
Ce qui me semble le plus emblématique du décalage entre le fantasme sur lequel reposait l’arnaque et la réalité est cette question d’un des garants de l’information :
« ikbal12 dit :
17 septembre 2008 à 03:07
Bonjour,
étant commissaire aux comptes d’institutions commercialisant ces types de produits, je peux vous assurer que les cabinets d’expertise comptables n’ont aucun moyens ou très peu de contrôler la valorisation des CDS dans les portefeuilles de titres. Nous nous suffisons de demander des valorisations de contributeurs de cours externe ainsi qu’une estimation de la contrepartie. Nous n’avons pas les moyens d’aller contrôler la méthode mathématique de valorisation d’un CDS. »
En fait il faut quotidiennement relever les spreads des sociétés par rapports aux spreads de marchés et recalculer quotidiennement les écarts types qui servent à valoriser les CDS.
Ma question est que : n’ayant aucune confiance dans les données comptables et économiques que publient les sociétés ainsi que les institutions de notation qui évaluent les sociétés pour déterminer leurs spreads, est ce que les spreads de marché (qui sont globalement une médiane des spreads individuels des sociétés) représentent la réalité économique ou pas (prix réel) ?
Merci de votre réponse par avance. »
Savoureux n’est-il pas !?
La réponse de M. Jorion vaut son pesant de cacahuettes. A quoi j’ajoute que le seul fait de référer à l’écart type en dit long sur la méconnaissance de la réalité du risque, systémique, qui lui, peut réprésenter un nombre quasi illimité d’écarts type ! Une évidence évidente depuis des années pour quelques uns d’entre nous (dont le point commun semble d’être tous plus ou moins systémiciens, donc libérés des pesantes limites de la causalité linéaire bien incapable de décrire la complexité du réel) qui n’en reviennent pas encore de constater que nos politiques semblent n’avoir pris conscience qu’il y a quelques jours du plus faramineux hold up de l’histoire.