La particularité chinoise

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Sur le plan économique, la Chine semble la seule région du monde capable de confirmer, au moins partiellement, une thèse qui fut très populaire il y a quelques années : celle du découplage, qui ferait qu’une crise économique aux États–Unis ne se refléterait plus nécessairement au sein des autres nations. La récession larvée aux États–Unis depuis le début de l’année n’a pas tardé à se répercuter, avec le décalage habituel d’un semestre, et commence à affecter maintenant le Japon et l’Europe. La Chine a réagi aux premiers signes de ralentissement chez elle, dû à la baisse des achats par les ménages américains, par une politique qui met l’accent sur le maintien de la croissance et du taux d’emploi. Une campagne de développement de l’infrastructure des moyens de transport est en cours depuis 2005 et fait partie d’un plan quinquennal au budget équivalent à 380 milliards d’euros. Des grands travaux sont lancés en ce moment au Sé-Tchouan, visant à reconstruire la région qui fut dévastée en mai par un tremblement de terre dont le bilan définitif est de 69 000 morts, mais aussi les régions qui avaient été affectées par des chutes de neige catastrophiques en janvier et février. Il s’agit de reconstruire ces écoles effondrées dont nous avons vu les images à la télévision, les maisons, les usines mais aussi des ponts ainsi que des lignes à haute tension.

La Chine adopte ici la même attitude déterminée dont elle a fait preuve pour juguler l’engouement pour les paris en bourse, modifiant les conditions du jeu de manière à minimiser l’impact d’un mini-krach sur le marché boursier intérieur qui ne manquerait pas de se manifester et qui eut effectivement lieu, l’indice de la bourse de Shanghai – qui, durant trois mois en 2007 fut la plus active du monde – perdant 55 % de sa valeur entre janvier de cette année et aujourd’hui, modifiant aussi sans cesse les conditions d’attribution de prêts ainsi que le niveau des réserves obligatoires des banques dans une tentative de « micro-gestion » de l’inflation.

Stephen Green du Wall Street Journal commentait en juin que la Chine n’avait pas encore compris que l’inflation est un phénomène monétaire et que « les dirigeants qui déterminent sa politique économique ne sont pas particulièrement disposés à prendre les mesures difficiles nécessaires pour résoudre le problème, comme relever les taux d’intérêt ou permettre l’appréciation du yuan ». Ce que Mr. Green ne comprend pas de son côté, c’est que la Chine sait qu’en haussant le taux d’intérêt à court terme elle attirerait encore davantage d’ »argent facile », c’est–à–dire à la recherche d’un simple avantage spéculatif – dont elle ne sait déjà pas quoi faire – et qu’elle a choisi une approche entièrement différente.

Avec un surplus fiscal représentant 1,5 % de son PIB, des réserves en devises se montant à 45 % du PIB et une dette publique qui n’en représente que 15 %, la Chine dispose d’une marge de manœuvre confortable pour expérimenter dans un cadre conceptuel différent : très éloigné en effet de celui de l’ »Ecole de Chicago », qui inspira pendant trente ans la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, et dont des chercheurs britanniques ont récemment montré qu’ils coïncida avec la recrudescence de la tuberculose dans les pays de la zone autrefois communiste où son dogme monétariste furent appliqués.

La Chine, première puissance mondiale ? La progression de son PIB est de l’ordre de 10 % depuis 2003 (11,4 % en 2007) mais son économie ne représente encore que 15 % de celle des États–Unis. Si la Chine parvient à combiner une dynamique de demande intérieure soutenue avec celle de ses échanges internationaux, le facteur déterminant d’une telle évolution sera celui de la vitesse à laquelle l’économie américaine de son côté plongera.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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6 réponses à “La particularité chinoise”

  1. Avatar de leduc
    leduc

    Autant dire que si le dragon chinois sort à peine décoiffé de la crise alors que l’aigle américain y laisse une bonne partie de ses plumes, on va droit vers un affrontement de plus en plus direct entre les deux géants.

    J’attends déjà avec impatience le verdict des médailles des JO pour voir quel sera le rapport des médailles entre USA et Chine. Personnellement j’ai toujours peu cru aux vertus « olympiques », les jeux d’été principalement ont toujours été un prétexte pour afficher tout un contenu politique derrière et des rapports de forces. Les nations puissantes y affirment leur puissance.

    A Atlanta en 1996, la Chine était 4è avec 16 médailles d’or
    A Sydney en 2000, la Chine était 3è avec 28 médailles d’or
    A Athènes en 2004, la Chine était 2è avec 32 médailles d’or

    Quel sera le message des JO 2008 ?
    Est-ce que 2008 sera l’année de l’affront suprême pour les USA avec la Chine passant en 1er ?

  2. Avatar de Arthur
    Arthur

    Cher ami bonsoir,

    J’adore vos commentaires ils sont très intéressants. Je passe l’ena dans 2 semaines et votre blog occupera une place de choix dans ma copie d’éco.

    Mais en tant que sinisant, je voudrais juste vous dire que le pinyin (transcruption latine du mandarin) est meilleure que l’ancienne. Aussi « Sichuan » est plus efficace et contemporain que « si-tchuang ».

    merci d’avance!

    Arthur

  3. Avatar de A-J Holbecq

    je suis pour ma part totalement opposé à la compétition sportive, fut elle « olympique ».
    Néanmoins il faudrait comparer, pour ceux que ca intéresse, le nombre de médailles par rapport au nombre d’habitant: toute autre comparaison n’a aucun sens…

  4. Avatar de A7
    A7

    Cher André-Jacques,

    Autant je peux comprendre votre rejet de la compétition sportive moderne, surtout vu la tournure qu’elle prend lors de ces jeux (on a beaucoup glosé sur les combinaisons de natation qui faisaient tomber les records du monde, pour ma part je pense que les résultats des Jamaïcains en sprint, notamment chez les femmes qui trustent les 3 places du podium du 100m féminin, sont dus à leurs chaussures dorées et leurs shorts aérodynamiques développés dans les laboratoires de la NASA).

    Autant, le ratio nombre de médailles/nombre d’habitants ne me semble pas présenter le moindre intérêt. Néanmoins, je me suis amusé à faire le calcul, et en l’état actuel du tableau des médailles, je peux vous annoncer que :

    – la Jamaïque est la plus grande nation de sport au monde, avec 2 médailles d’Or pour 2,5 millions d’habitants ;
    – suivie de près par la Slovaquie avec 3 médailles d’Or pour 5 millions d’habitants.

    Voyons, ça n’a aucun sens, pas plus que n’en aurait la comparaison pour les Etats-Unis et la Chine, à une échelle néanmoins beaucoup plus grande…

    A Leduc : votre commentaire et l’approche statistique des médailles chinoises sont très intéressants. Il sera intéressant de noter que la Chine va quasi coïncidemment devenir la première nation sportive du monde quelques années avant de devenir la première nation économique.

  5. Avatar de novy
    novy

    Prendre en compte les seuls médailles d’or, pour réfuter l’argument selon lequel il faut rapporter le nombre d’habitants au nombre de médailles pour apprécier le rang sportif d’une nation, me parait peu convainquant.

    Il suffit alors en effet d’un « phénomène » appartenant à un petit pays pour propulser ce dernier en tête du classement.

    Cette anomalie a beaucoup moins de chances de se produire en totalisant toutes les médailles (or, argent et bronze), ce qui veut dire que l’observation émise par AJH n’est pas si dénuée de sens.

  6. Avatar de A-J Holbecq

    @A7

    N’ayant vraiment aucun intérêt que ce soit pour la compétition sportive (ni d’ailleurs pour n’importe quel type de compétition), ne m’en veuillez pas si je ne poursuis pas ce débat 😉

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