J’ai consacré il y a quelques jours un billet à l’affaire de l’amende colossale (10 milliards de dollars) dont la BNP Paribas pourrait devoir s’acquitter si les autorités américaines persistent dans la voie où elles se sont apparemment engagées. Mon billet s’intitulait : BNP Paribas : Des goûts et des couleurs, ou une affaire bien plus sérieuse ?, j’y rapportais ce qu’affirmait le Wall Street Journal : « selon des sources bien informées, une enquête interne menée par BNP Paribas à la demande des autorités américaines a révélé que la banque avait entrepris de masquer des transactions avec l’Iran ayant transité par les chambres de compensation américaines en soustrayant le code permettant d’identifier leur origine ».
Un certain nombre d’affaires récentes dans différentes banques nous fait penser qu’une stratégie éventuelle pour BNP Paribas consisterait à réagir à de tels bruits qui courent en annonçant dans un grand concert de communiqués de presse que l’employé subalterne ayant manifesté un comportement en effet aussi scandaleux a été licencié, et qu’une plainte pour détournement de fonds a été déposée contre lui.
Mais rien de cela ne s’est produit. On a même vu tout au contraire monter au créneau M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, affirmant dans une conférence de presse le 23 mai que « Nous avons vérifié que toutes les transactions incriminées étaient conformes aux règles, lois, règlementations, aux niveaux européen et français », et qu’il n’y avait « aucune contravention à ces règles, ni d’ailleurs aux règles édictées par les Nations Unies ».
Malgré la dénonciation par Nixon en 1971 de l’ordre monétaire international mis en place en 1944 conformément aux accords de Bretton Woods, le dollar américain continue de jouer à l’échelle internationale le rôle de monnaie de référence. Ceci signifie qu’une certaine quantité de dollars (appelés « eurodollars » pour une raison historique assez anecdotique : une opération en dollars par l’U.R.S.S. en 1957) circulent en-dehors du territoire des États-Unis pour régler des transactions commerciales entre d’autres pays, ce qui, logiquement, ne devrait pas inquiéter les États-Unis. Or depuis quelques années, ceux-ci ont cependant décrété que rien de ce qui est dollar ne leur est étranger.
Il n’est pas même nécessaire d’être un avide lecteur de journaux pour savoir que les États-Unis sont extrêmement chatouilleux sur ces affaires d’embargos financiers décrétés par eux à l’encontre de Cuba et de l’Iran en particulier. Quelqu’un – imaginons qu’il soit banquier – pourrait très bien considérer que les Américains cherchent une mauvaise querelle aux régimes politiques de ces deux nations et communiquer son indignation à ce sujet – imaginons à son épouse entre la poire et le fromage – mais de là à décider pour autant d’aller narguer les autorités américaines sur un terrain à ce point miné, il y a un pas.
Si l’information du Wall Street Journal est correcte, à savoir qu’un rapport interne à la BNP, rédigé à l’intention des autorités américaines, a établi que le code d’opérations financières avec l’Iran a été falsifié, l’actualité nous suggère que si c’est un sous-fifre qui avait décidé dans cette banque d’aller narguer les États-Unis sur ce terrain hypersensible de leurs embargos financiers, son nom serait à la une des journaux et il serait déjà sous les verrous. Va dans le même sens le fait que M. Noyer monte au créneau pour déclarer que selon lui aucune infraction n’a eu lieu dans cette affaire, ni au niveau français, ni au niveau européen, ni même à celui des Nations-Unies, dont les compétences en matières financières ne défraient pourtant pas la chronique, suggérant qu’une justification en termes de sous-fifre des errements constatés (dont la note s’annonce particulièrement salée) était d’emblée exclue.
Qui a donc bien pu autoriser des opérations dont il est évident aujourd’hui que les États-Unis les considéreraient comme d’authentiques casus belli ? Qui a pu penser que tout cela passerait comme une lettre à la poste – s’il n’avait eu l’assurance d’une manière ou d’une autre que ce serait bien le cas ? … s’il n’avait pensé que le rapport de force entre la France et les États-Unis sur cette question était dans le pire des cas, équilibré.
Et puisque les choses sont apparemment en train de se passer autrement, et que 10 milliards de dollars pour une amende, c’est quand même une somme rondelette, que s’est-il passé pour changer la donne d’une manière à ce point radicale ?
@Régis Pasquet Merci de ce plan on ne peut plus sensé… Mais, pour que les citoyen-ne-s assurent « une partie de…