Traité transatlantique : CADEAUX AUX TRANSNATIONALES, par François Leclerc

Billet invité.

La relance et le renforcement de la croissance sont la grande affaire des années à venir, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, et c’est toujours des mêmes recettes qu’il est sans surprise attendu des merveilles. La conclusion du cycle de Doha sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’étant éternisée, le gouvernement américain a repris l’initiative en entamant la négociation de deux traités de libre-échange, respectivement transpacifique et transatlantique. Un parcours semé dans les deux cas d’embûches, aux conclusions incertaines et au calendrier à rallonge. Avec comme objectif affiché de conclure en 2015 avec les Européens.

Avant même que les négociations n’entrent dans le vif du sujet, un élément central du projet destiné à assurer la protection des investisseurs a suscité de fortes réactions négatives, conduisant la Commission européenne – qui y est favorable – a un repli tactique provisoire. Il s’agit du recours aux procédures arbitrales qui permettent à des opérateurs privés d’engager des actions à l’encontre des États quand ils s’estiment lésés par une mesure législative, dont l’utilisation est déjà largement répandue, laissant à l’occasion les États démunis. S’agissant de protection, celle des données va également faire question dans le contexte des révélations sur les agissements de la NSA, dont le bien fondé est réaffirmé par l’administration américaine. Bien que le gouvernement français ait laissé tomber la garde et que seules les autorités allemandes maintiennent leur pression.

L’inclusion des services financiers dans le traité transatlantique fait également problème, car la suspicion règne aux États-Unis à propos de l’état réel du système bancaire européen et de la volonté d’y remédier. Les autorités américaines poursuivent l’application de la loi Dodd-Frank et ne veulent pas prendre le risque que certaines de ses dispositions se retrouvent émoussées à la faveur des négociations. L’abaissement des faibles barrières douanières subsistantes reste au programme, ainsi qu’un gros morceau : les standards et les normes. Dans ce domaine, c’est au tour des Européens de se sentir menacés par les velléités des Américains, en raison du risque de prime au moins-disant dont ces derniers pourraient bénéficier, avec comme conséquence de raboter les normes européennes, en particulier en matière sanitaire et environnementale.

Tout cela conduit à s’interroger sur les bienfaits potentiels supposés du traité. Il est argué que les échanges commerciaux entre l’Europe et les États-Unis représentent environ 40 % du commerce mondial et qu’aplanir les obstacles à leur développement contribuera à l’accroissement des investissements et du commerce au bénéfice du PIB des deux régions. Sur de tels volumes, même un faible gain en pourcentage serait significatif, d’autant peut-on remarquer qu’il s’agit du seul instrument disponible de stimulation de la croissance, en raison de l’étroitesse des marges de manœuvre budgétaires.

Mais, si aucune étude d’impact ne peut valablement prédire les effets du traité, ses nuisances potentielles sont par contre déjà identifiées. À commencer par l’absence de toute interrogation sur la nature de la croissance recherchée, ainsi que sur sa contribution à ce qui se présente déjà comme le principal problème des années à venir : l’emploi. Faire l’impasse sur cette question, c’est ignorer l’impact négatif sur la croissance du faible niveau persistant de la demande, qui risque de peser plus lourd que le développement à la marge des échanges commerciaux. Nul doute, par contre, que les entreprises transnationales trouvent motifs à satisfaction. Le rôle attribué à la justice arbitrale est déjà tout un symbole, illustrant qu’elles sont les principales bénéficiaires du traité. Après tout, il n’y a pas de raison que ce soient toujours les banques qui profitent des cadeaux.

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