ABUS DE LANGAGE, par Michel Leis

Billet invité

Je l’avoue, je suis particulièrement énervé quand j’entends François Hollande se réclamer de la Social-Démocratie. J’hésite entre l’abus de langage et l’escroquerie avérée.

Premier élément, on ne peut invoquer le terme de démocratie quand on cède aux sirènes d’une politique ardemment souhaitée par une minorité d’individus, mais, que je sache, n’a fait l’objet ni d’un débat public, ni d’une consultation préalable (et éclairée) des citoyens. Il me semble me souvenir que ce genre de politique avait quand même largement contribué à la défaite du prédécesseur de Hollande. Que ce soit parce que le pouvoir politique est aujourd’hui trop proche d’une certaine élite économique ou parce qu’il cède aux rapports de force qu’il a lui-même contribué à établir, le résultat est le même : nous sommes dans un gouvernement aristocratique et non pas démocratique.

Deuxièmement, invoquer la dimension sociale quand on s’apprête à faire subir à l’État une cure d’amaigrissement relève d’une contre-vérité absolue, sauf à considérer que le social se limite à la création de quelques emplois. Et encore, à la condition expresse que la demande soit au rendez-vous, que la compétition internationale ne se renforce pas, ou que nos salaires ne restent pas en définitive trop élevés par rapport à ceux du Bangladesh. Au final, il faudra mettre aussi dans la balance le nombre d’emplois qui ne seront pas renouvelés dans la fonction publique pour cause de politique d’austérité. Pour le reste, il faut rappeler que la dimension sociale n’est pas à proprement parler l’affaire des entreprises. Dans un contrat de travail, elle se limite à recopier ce qu’il reste de législation sociale à laquelle, il faut ajouter les quelques avantages octroyés par les plus grandes entreprises. Quant à la politique sociale d’une entreprise, il s’agit surtout de promouvoir dans la hiérarchie ceux qui sont les plus à même de transmettre le message formaté sur le profit et l’investissement personnel qui s’impose à chacun pour atteindre cet objectif.

Ni social, ni démocrate donc.

Quant au vain espoir de créer un choc de l’offre, j’invite le président français à regarder les réalités économiques allemandes. D’une part, il faut rappeler la perte de 500 000 emplois dans l’industrie allemande ces dix dernières années malgré un positionnement dans le haut de gamme qui reste très favorable. La situation paradoxale de l’emploi allemand n’est rien d’autre que la conjonction d’emplois de service payés au rabais et d’une démographie plutôt favorable (sauf pour le financement des retraites). De manière générale, il reste très peu de marchés dynamiques en Europe, la consommation des ménages n’est qu’une succession de réallocation d’une ressource de plus en plus rare : le revenu disponible. Tant que la répartition de la valeur ajoutée ne changera pas, aucun choc d’offre ne sera en mesure d’inverser cette situation.

Monsieur Hollande estime qu’un quinquennat se joue sur 5 ans, c’est sa vision politique. Quand il se réveillera fin 2016 avec des chances quasi nulles d’être réélu (voire même de pouvoir se représenter), viendra alors le temps de se retourner sur les occasions manquées. Notamment la possibilité offerte avec une cote de popularité au plus bas de mener une politique vraiment audacieuse. Après tout, il n’y avait rien à perdre…

Reste que l’emploi du mot Social-démocratie par Monsieur Hollande blesse tous les vrais sociaux-démocrates, ceux qui considèrent que les fondements de cette politique sont la démocratie, le social et l’équilibre des rapports de forces.

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