DANS « SOCIAL-LIBÉRAL », CHERCHEZ L’INTRUS ! par François Leclerc

Billet invité.

Le temps des pays donnés en modèle pour leur réussite est révolu. Rappelons-nous ! que n’a-t-on lu et entendu il n’y a pas si longtemps à propos du miracle irlandais ou espagnol ! Mais les baudruches se sont dégonflées. L’oubli est passé par là, à l’avantage des donneurs de leçons. Sans surprise, ils sont toujours aussi péremptoires, seules les recettes ont changé.

Dans ces deux cas-là, on sait de quoi cette insolente réussite était faite : d’une frénésie immobilière d’une ampleur inouïe, accompagnée dans le cas de l’Irlande d’un moins-disant fiscal prononcé au bénéfice des compagnies transnationales. Avec en commun une hypertrophie des bilans bancaires et les déconfitures que l’on connait. On a aussi compris que, sous couvert de sauvetage de ces pays, c’est le système bancaire européen dans son entier qui a été renfloué, au prix d’une politique de rigueur et d’appauvrissement érigée en principe intangible qui sert ensuite d’autres causes. Massifs, les transferts financiers ne sont pas terminés.

Un autre solide exemple avait aussi été célébré, celui de la Suède. Las ! la banque centrale suédoise vient de mettre en garde à propos de l’élévation du taux d’endettement des ménages, alimentée par la hausse du prix de l’immobilier et le bas taux d’intérêt. Il s’approche dangereusement de 180% du revenu annuel disponible, seuil au-delà duquel la politique économique devra être selon elle prioritairement consacrée à le diminuer, au détriment de tout autre objectif. En Suède, la machine à fabriquer de la dette fonctionne encore à plein rendement, mais le temps des jours heureux est aussi révolu.

Les miracles n’en étaient donc pas et la valse des modèles est épuisée. A qui dorénavant se vouer ? Même l’Allemagne n’accède plus aujourd’hui à ce statut depuis que l’on connait les dessous de sa prospérité : la sous-traitance dans les pays de l’Est, les lois Hartz de réforme du marché du travail et l’extension de la misère à l’intérieur de ses frontières. Un modèle dominant a cependant émergé, que l’on pourrait qualifier d’universel puisqu’il est partout donné en exemple, et dont on voit à l’œuvre les résultats plus ou moins prononcés dans toute l’Europe. Il a pour effet d’accentuer les inégalités sociales et de concentrer encore plus la richesse dans les mains d’une petite minorité; il n’est pas plus tenable que celui qui a produit une montagne de dette, avec comme seul espoir de la stabiliser tout en continuant à en payer les intérêts.

Il n’a pas suffi de renflouer le système financier aux frais des finances publiques pour ensuite condamner des États vivant au-dessus de leurs moyens, l’objectif est désormais de rendre ce transfert permanent en s’appuyant sur le rapport de force institué. Pour le justifier, on entend David Cameron, le premier ministre britannique, dénoncer « les grandes erreurs ayant conduit à la grande récession : plus d’emprunts, plus de dépenses et plus de dettes », éludant soigneusement les responsabilités pour les transférer. L’histoire est réécrite alors qu’elle n’est pas terminée.

Le jeu démocratique est malmené, comme à chaque fois que la partie est serrée. En France, le recours aux ordonnances est envisagé par François Hollande, afin de si nécessaire court-circuiter sa propre majorité parlementaire. A l’échelon européen, l’adoption de « contrats » contraignants n’est que partie remise, avec la longueur de la corde comme seul enjeu. Baptisée « choc de l’offre », selon une théorie opportunément sortie du chapeau qui prédit son effet positif sur la demande, une politique destinée à améliorer les marges des entreprises est avantageusement présentée comme prélude à la relance de la machine économique et à la diminution du chômage. Rien n’est moins certain. Encore un modèle qui ne remplira pas ses promesses, avec comme seul recours la référence aux cycles économiques en vertu desquels après la pluie vient le beau temps ! Quelle faillite…

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