Bo Diddley (1928 – 2008)

Bo Diddley faisait les choses à sa manière, sur sa guitare carrée, en loup solitaire. Son style répétitif, fondé sur le rythme davantage que sur la mélodie, très proche du tam-tam ouest-africain, fut l’une des influences fondamentales du rythm ‘n’ blues mais aussi du rock ‘n’ roll naissant du milieu des années cinquante et on en retrouve les échos aussi bien chez Elvis Presley que chez Buddy Holly, ainsi que, dix ans plus tard, chez les Rolling Stones.

Le texte de ses chansons – en général hilarant – empruntait lui aussi à la tradition africaine, recourant par exemple à la joute verbale, comme dans « Say Man » (1958), ou au proverbe, comme dans « You Can’t Judge A Book By Its Cover » (1962) écrit pour lui par Willie Dixon, où l’adage que l’on ne peut juger un livre à sa couverture est utilisé pro domo par le narrateur pour dénier les apparences accusatrices : « I look like a farmer but I’m a lover ».

Un grand musicien « créole », comme il aimait se définir lui-même : « Français, Africain, Indien, tous mélangés », est mort aujourd’hui. Un très grand musicien tout court.

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16 réponses à “Bo Diddley (1928 – 2008)

  1. Avatar de karluss
    karluss

    Il fait basculer le blues vers le rock, son style minimaliste et carré comme sa guitare préfigure les riffs légendaires et influence les futurs guitaristes des sixties.
    (Je suis moi-même guitariste de rock, nous préparons un prochain album)
    Paix à son âme, et vive la musique qui nous rapproche !

  2. Avatar de kabouli
    kabouli

    Il est certain que le rock à beaucoup à voir avec le triomphe de l’Argent dans notre société, il en rythme la vie que celle-ci insuffle dans nos sociétés. Que les africains où les noirs en général y tiennent une place éminente n’est pas un hasard, les traditions fétichistes ont conservées chez eux un pouvoir qui leur permet de se sentir en phase immédiate avec les pouvoirs qu’a, ici, le dieu Argent d’animer toutes choses.

  3. Avatar de fnur
    fnur

    Un virtuose de la guitare que j’ai eu le plaisir de rencontrer, John Phil Wayne, aux multiples origines :

    http://www.johnphilwayne.com/downloads.htm

    Pour ceux qui apprécient la guitare, un type qui l’a dans la peau de façon fluide, un style.

  4. Avatar de karluss
    karluss

    @ fnur

    nous l’avions rencontré à Trévoux dans l’Ain, il utilisait également un capteur au pied pour simuler une grosse caisse ; son style très jazz reste bien différent de celui de Bo, ce qui n’enlève rien à leur talent respectif.

    bonne journée

  5. Avatar de kabouli
    kabouli

    A l’appui de ma réflexion sur le rock et l’argent, je lis depuis que Bo Diddley recherchait pour sa guitare le son « d’un train de marchandises lancé à grande vitesse ». Cette familiarité avec ces trains qui irriguaient l’Amérique de marchandises n’est pas sans faire penser au cargo cult des habitants premiers des îles du Pacifique …

  6. Avatar de Karluss
    Karluss

    le train est une des bases de l’inspiration du blues, c’est le transport des malheureux esclaves et ce roulis caractéristique et métronomique qui berce les chants traditionnels et les plaintes légitimes. On retrouve cette sonorité sur les shuffles des guitares et les plaintes mélodiques des vocaux.
    Je viens de faire un nouveau titre : « Subprime blues » 😉

  7. Avatar de Paul Jorion

    Sur le bruit du « freight train », le train de marchandises, il y a bien sûr la chanson classique d’Elizabeth Cotten, Freight Train où le grondement du « Old Number Nine » dans le lointain aide à s’endormir… et à reposer en paix :

    Freight train, freight train, run so fast
    Freight train, freight train, run so fast
    Please don’t tell what train I’m on
    So they won’t know what route I’ve gone

    When I’m dead and in my grave
    No more good times here I’ll crave
    Place the stones at my head and feet
    And tell them all that I’m gone to sleep

    When I die, Lord, bury me deep
    Way down on old Chestnut Street
    So I can hear old Number Nine
    As she comes rolling by

    When I die, Lord, bury me deep
    Way down on old Chestnut Street
    Place the stones at my head and feet
    And tell them all that I’m gone to sleep

    Le train de marchandises est aussi le moyen de transport de prédilection du « hobo », du routard, comme dans Hobo’s Lullaby de Goebel Reeves, immortalisé par Woody Guthrie :

    Go to sleep you weary hobo
    Let the towns drift slowly by
    Can’t you hear the steel rail humming
    That’s a hobo’s lullaby

    Do not think about tomorrow
    Let tomorrow come and go
    Tonight you’re in a nice warm boxcar
    Safe from all the wind and snow

    I know the police cause you trouble
    They cause trouble everywhere
    But when you die and go to heaven
    You won’t find no policemen there

    I know your clothes are torn and ragged
    And your hair is turning grey
    Lift your head and smile at trouble
    You’ll find happiness some day

    So go to sleep you weary hobo
    Let the towns drift slowly by
    Don’t you feel the steel rail humming
    That’s a hobo’s lullaby

    N’oublions pas non plus les lignes d’entrée de The Dharma Bums de Kerouac :

    Hopping a freight out of Los Angeles at high noon one day in late September 1955 I got on a gondola and lay down with my duffel bag under my head and my knees crossed and contemplated the clouds as we rolled north to Santa Barbara.

  8. […] laconique sur Jara m’a donné envie de le souligner encore davantage. Hier, en commentaire à mon billet sur Bo Diddley, j’ai cité deux chansons. Je suis allé ajouter des « performances » qui y correspondent : […]

  9. Avatar de Linda seredes
    Linda seredes

    Je rentre de congés et en parcourant les derniers articles je tombe sur un vieux souvenir du passé : Elisabeth Cotten chantant « Freight train » devant un monsieur tout ébahi -Pete Seeger je crois. Je pense que l’étonnement de ce dernier n’est pas affecté car le jeu d’Elisabeth Cotten avait une particularité technique tout à fait originale, pour ceux qui comme moi -et il y en a apparemment- sont instrumentistes amateurs. Vous remarquerez en effet que Mme Cotten tient sa guitare à l’envers, ce qui indique qu’elle est gauchère. La première fois que l’on tient une guitare, l’on a toujours tendance à utiliser sa main maîtresse comme main libre -celle qui produit les sons en percutant les cordes. Mme Cotten n’a donc pas échappé à cette règle la première fois qu’elle a essayé de jouer de cet instrument. En principe les guitaristes gauchers ont deux solutions :

    – soit ils retournent les cordes (ou ils achètent une guitare prévue pour les gauchers lesquels coûtent d’ailleurs plus cher) et se servent alors de leur instrument comme des droitiers, mais « à l’envers ».

    – soit ils utilisent la guitare en l’état, mais devront alors réadapter -voire réinventer- un doigté compatible avec le fait que les cordes sont montées à l’envers !!!

    Ce dernier cas est celui d’Elisabeth Cotten. Il est facile de voir sur la vidéo que les cordes les plus graves -soit les plus épaisses- sont en bas de l’alignement, et les plus aiguës -soit les plus fines- sont en haut. Dans le style qu’elle pratique, très connu sous le nom de « finger picking style », il est normalement la règle de jouer la mélodie sur les cordes aiguës avec les trois doigts intermédiaires. Le pouce vient en contrepoint rythmer une séquence mélodiques sur les basses. Le résultat est souvent très riche puisque l’on a l’impression ainsi que « deux guitares jouent en même temps ».

    Mais, de par sa condition de gauchère sur une guitare de droitier, Mme Cotten s’est compliqué la vie. Elle a du s’astreindre à jouer la mélodie sur les basses avec son pouce alors que l’index et le majeur s’occupaient de la ligne des aiguës. Tous les guitaristes savent d’emblée que c’est beaucoup plus difficile et que ce type de musicien est très rare.

    Il y a une autre guitariste célèbre qui jouait de la même manière, quoique lui se servait d’un médiator pour attaquer les cordes et dans un style très différent, Jimmy Hendrix, ce qui a mon avis a rendu son jeu totalement inimitable (Django et ses deux doigts paralysés rentrait aussi dans cette catégorie).

  10. Avatar de karluss
    karluss

    Django n’a pas eu les doigts paralysés toute sa carrière, il me semble que son style « jazz manouche » était né bien avant son accident, il reste un grand génie de la six cordes. Pour Hendrix, je suis persuadé (à vérifier) qu’il jouait sur des guitares droitiers à l’envers mais en positionnant les cordes normalement, le son inimitable vient aussi de cette particularité car les micros « simple bobinage » de ses stratos se trouvaient inversés par rapport aux cordes, ce qui n’aurait pas été le cas avec une gratte pour gaucher. Mais c’est surtout son jeu, son être, son âme, qui fondent son style. Parfois sa guitare prenait feu … enfin, jouer électrique vers le stock de bois, le Woodstock … m’enfin !

  11. Avatar de Paul Jorion

    Allez, on ne va pas bouder son plaisir plus longtemps : c’est court mais bon !

  12. Avatar de egdltp
    egdltp

    Je ne sais pas si cela fait avancer les choses, mais je crois me rappeler que Django était blessé à la main gauche, celle qui marque les accords, et non celle qui pince les cordes. Il a réussi à inventer une manière de poser ses accords avec 3 doigts dont le pouce au lieu de quatre sans le pouce habituels pour un guitariste.

    J’ai souvenir d’une intervention de Henri Salvador, qui a pu jouer avec lui, disant que Django veillait a ne pas se faire copier, se tournant de manière à « cacher » aux autres guitaristes jouant avec lui son manche d’instrument. Il voulait garder sa manière de placer les accords, partie de son art.

  13. Avatar de karluss
    karluss

    Oui, Django avait bien la main gauche en partie déficitaire suite à son accident, mais il a su rebondir et persévérer avec de nouvelles limites et pousser son style au zénith.

    Pour Hendrix, la vidéo est flagrante, il n’inverse pas les cordes, le mi grave est à sa place, la chanterelle aussi… pour ses cordes vocales, je sais point !

    (c’est parfois bien de quitter les chemins de la création monétaire pour vaquer sur ceux de la création artistique) 🙂

  14. Avatar de Linda Seredes
    Linda Seredes

    Mea Culpa

    Sur la vidéo on voit effectivement et sans ambiguïté que les cordes sont dans l’ordre normal. J’avais toujours été persuadé du contraire. Encore un mythe de ma tendre enfance qui s’écroule, et je me consolerai désormais en écoutant Hendrix les yeux fermés. Pour Django, pardonnez, ma phrase n’était pas claire, je n’ai jamais douté que son handicap affectait sa main sur le manche. Je voulais simplement dire -rejoignant l’opinion de tout le monde ici- que cette particularité physique, incroyablement compensée, le rangeait dans la catégorie des musiciens hors norme.
    Merci à tous et revenons à nos moutons.

  15. […] (*) Vous apprendrez avec satisfaction, qu’ils rendent également hommage à Bo Diddley en interprétant Who do you love ? que Mr. Plant ponctue d’un solo d’harmonica qualifié par […]

  16. Avatar de Sylvie West
    Sylvie West

    A propos de John Phil Wayne, je viens de le voir dans deux Festivals sur la Côte D’Azur. O dieu quel guitariste extraordinaire!! jamais vu chose pareille! J’ai entendu dire dans l’Ain ou il avait participé dans un show appellé les trois grands du blues avec John Lee Hooker et Memphis Slim, qu’il avait eu sept rappels. On peut voir l’une de ces dernières prestations Jazz avec le batteur Adrian White (Ex John Mclaughlin) sur YouTube.

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