Billet invité.
En octobre, l’inflation a continué de baisser dans la zone euro, ressortie par Eurostat à 0,7% en valeur annuelle. La tendance s’accentue, l’Espagne était en septembre tout au bord de la déflation (0,1%) et l’Allemagne a enregistré en octobre un petit 1,2%. Et les résultats des énièmes efforts entrepris à Tokyo pour en sortir ne sont pas encourageants : en témoigne le refus de trois des neuf gouverneurs de la Banque du Japon de voter un communiqué accréditant l’objectif d’atteindre 2% d’inflation dans deux ans.
Les chiffres du chômage confirment que le piège est en train de progressivement se refermer. Dans les 17 pays de la zone euro, il a atteint en moyenne 12,2% de la population active, ce qui correspond à 19, 4 millions de chômeurs, en augmentation d’un million sur un an. Le chômage touche 24,1% des moins de 25 ans, avec des pics en Grèce (57,3%) et en Espagne (56,5%), mais aussi en Italie (40,4%). Dans l’ensemble de la zone euro, cela se traduit par 3,54 millions de jeunes sans emploi. Il ne peut pas être espéré plus qu’une stabilisation, qui n’est même pas acquise. La déflation décourageant les achats dans l’immédiat puisque les prix baissent, elle génère une fois intervenue une baisse de la croissance, formant un cercle vicieux. L’Insee a confirmé que les salaires réels avaient à nouveau baissé en 2011 en France (derniers chiffres disponibles).
Une fois de plus, les regards se tournent vers la BCE, comme toujours lorsqu’il n’y a pas de solution. Que peut-elle donc, sachant qu’une fois entrés en déflation, les outils monétaires des banques centrales ne sont pas d’un grand recours et qu’une création monétaire débridée à la japonaise – aux résultats à démontrer – n’est pas à l’ordre du jour ? Baisser son taux directeur, engager une nouvelle opération de prêts aux banques ? les rumeurs se multiplient, mais avec quel effet ? Comment contrarier la logique déflationniste de la politique poursuivie ? Reprenant sa grille d’analyse favorite, le Trésor américain incrimine dans son dernier rapport la politique économique allemande orientée vers l’export, au détriment de la consommation intérieure qui tirerait alors la croissance européenne, sans toutefois aller jusqu’à mettre en cause la stratégie de désendettement choisie ; mais les autorités allemandes ont répliqué aux Américains qu’ils feraient mieux de regarder dans leur jardin. C’est de plus en plus chacun pour soi dans un contexte qui réclamerait des décisions collectives. La nouvelle gouvernance mondiale a depuis longtemps fait long feu.
À nouveau à l’intention des Allemands, Jeroen Dijsselbloem qui préside l’Eurogroupe a lancé un ballon d’essai ; il a suggéré de lier plus étroitement d’éventuels assouplissements du calendrier de réduction du déficit à la réalisation de réformes clairement identifiées. Dans le contexte de la poursuite des négociations entre la CDU-CSU et le SPD, Jeroen Dijsselbloem n’a obtenu qu’une réponse dilatoire du porte-parole du ministre des finance. On ne va pas s’en étonner, car le second round des discussions qui vient d’être entamé porte précisément sur la politique à mener en Europe.
Les esprits sont également occupés par la prochaine revue de détail des actifs bancaires de la BCE. Le prologue en a été lancé : Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, a réclamé que la dette souveraine ne bénéficie pas d’un traitement de faveur, c’est à dire qu’elle cesse d’être considérée à zéro risque, ce qui aurait un fort impact sur l’analyse de la solidité des banques. Le gouvernement espagnol a de son côté décidé d’appliquer un petit miracle comptable – les Deferred Tax Assets, crédit sur des impôts à venir – améliorant la présentation de leurs bilans bancaires, avec semble-t-il l’assentiment de la BCE pour avoir déjà été utilisés en Italie en 2011, alors que Mario Draghi était président de la Banque d’Italie. Cela part sur les chapeaux de roue, mais dans tous les sens…
Le pilotage à vue se poursuit dans un horizon assombri.
Et même d’une tranche de citron.