LA PSEUDO-RUPTURE DU FRONT NATIONAL, par Zébu

Billet invité.

« Brignoles, c’est un vote de défiance à l’égard des partis de gouvernement. ». « Les Français attendent des résultats, nous avons une obligation de résultats » (François Hollande).

« La responsabilité des dirigeants de l’UMP, qui n’ont même pas levé le petit doigt pour défendre leur candidate, est extrêmement importante. » (Jean-Marc Ayrault)

« La reprise est là, faites-nous confiance » (Stéphane Le Foll)

« François Hollande ne comprend rien s’il dit que le vote FN est une conséquence économique. Si le FN est passé à Brignoles, c’est parce que les gens de gauche ne sont pas allés voter. La gauche officielle a sauté, il ne reste que nous » (Jean-Luc Mélenchon)

« Je crois qu’une fronde sociale qui arriverait à se généraliser, ce serait le meilleur rempart à la montée du FN. » (Olivier Besancenot)

« Jean-François Copé a affirmé dimanche à l’AFP que la victoire du Front national à l’élection cantonale de Brignoles (Var) était le résultat d’une « double peine : la gestion désastreuse de la ville par les communistes » et « la gestion calamiteuse de notre pays par la gauche ». » (Jean-François Copé)

« Selon lui, dimanche soir, « les électeurs de Monsieur Ayrault sont allés voter pour le Front national ». « Le Front national, c’est le front du refus, le front des oubliés », a-t-il lancé. » (François Fillon)

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Un Président de la République en déplacement à l’étranger, un Premier Ministre, un ministre de l’agriculture, un ancien premier ministre et un président du premier parti d’opposition, d’anciens candidats aux présidentielles, pour ne parler que de ceux-là, avouons que pour une élection locale partielle, c’est bien la France politique du ban et de l’arrière ban que l’on convoque …

Pour être juste, il n’y eut guère que Claude Bartolone, Président de l’Assemblée Nationale, pour critiquer la voie unique proposée des résultats à attendre d’une action politique en cours, pour parler ‘politique’ et démontrer par l’inverse qu’en Autriche (et ailleurs en Europe) l’extrême-droite faisait aussi carton plein malgré un taux de chômage au plus bas.

Il est vrai qu’entre-temps, le tocsin sondagier résonnait à toutes volées, faisant suite à de précédents tout aussi inquiétants, malgré les critiques émises sur les méthodes utilisées.

Plus important, il y a là véritablement matière à analyser ce que nous disent nos gouvernants (ou ceux qui en rêvent) sur le sujet de l’élection partielle de Brignoles, plus largement sur le Front National et plus largement encore sur les conceptions politiques à l’œuvre. Car entre le déni de réalité, l’explication traditionnelle par le vote protestataire, le transfert au futur des réponses à y apporter, la recherche du bouc émissaire, la stratégie électorale ou l’insurrection comme seul horizon, force est de constater que rien ne nous a été épargné pour ne pas parler de la cause politique de cette ‘montée du FN’ : le discours de rupture.

À écouter pourtant la principale intéressée deux jours après l’élection quant à son analyse non pas de l’élection mais du contexte économique et social, ce type de discours apparaît pourtant clairement et l’on comprend mieux ce qui fait sa force d’attraction auprès d’un nombre croissant de citoyens en France si on le compare aux discours politiques dont a pu observé un échantillon.

Car Marine Le Pen structure sa stratégie politique selon une base simple mais très efficace : description du réel, analyse et position de rupture (par rapport aux concurrents politiques), discours à visée totalisante ou universaliste et proposition d’une vision du monde s’appuyant sur ce triptyque, le tout apportant à la démarche une cohérence globale apparente.

Sur la description du réel économique et social, même Jean-Luc Mélenchon aurait du mal à y trouver à redire, ce qui est en soi une preuve de l’utilisation de la technique dite de ‘triangulation politique’ par le FN, qui consiste à implanter un discours sur un espace politique défini comme relevant traditionnellement d’un parti concurrent (le social, la dénonciation de l’ultra-libéralisme) pour mieux attirer à soit une partie des électeurs potentiellement concernés qui pourraient considérer que le FN est mieux à même de faire aboutir ces positionnements dans la réalité (rapport de forces politiques plus favorable), tout en conservant au sein de son propre parti la confiance (ou l’autorité) nécessaire pour pouvoir conduire ce type d’opération politique. C’est cette description du réel, outre l’abandon progressif des ‘transgressions’ verbales chères au père Le Pen, qui permet ainsi d’asseoir la fameuse ‘normalisation’ du FN, laquelle aboutit logiquement dans le cadre de cette stratégie à déclarer ne pas être un parti d’extrême droite et à vouloir poursuivre judiciairement ceux qui seraient tentés de continuer à utiliser cette qualification. Pour les nouveaux ‘venus’ au parti, c’est ainsi une preuve concrète, tangible que cette ‘normalisation’ n’est pas qu’une posture uniquement verbale, quand ceux qui connaissent le parti savent bien ce qu’il en est véritablement.

L’analyse quant à elle tourne autour d’un axe principal : le monde dans lequel nous vivons et qui est structuré par l’idéologie néo-libérale est en faillite et les causes de cette faillite sont à rechercher sur les concepts centraux de cette idéologie, notamment le libre échange et la concurrence sans limite. À titre d’exemple et afin d’ailleurs d’ancrer une comparaison d’avec un véritable effondrement, Marine Le Pen prend ainsi l’image de la fin de l’URSS à utiliser pour la fin qu’elle prophétise pour l’Union Européenne. Cette comparaison ne doit rien au hasard puisqu’elle se situe ainsi dans la même lignée qu’un Emmanuel Todd (pour des raisons complètement différentes) qui avait prédit la fin de l’URSS avant qu’elle ne s’écroule, tout en lui permettant de produire l’exemple même de ce qu’elle cherche à démontrer : afin d’éviter l’effondrement, il est nécessaire de tirer toutes les conséquences d’une telle analyse d’un monde en train d’agoniser pour proposer une rupture radicale d’avec celui-ci.

Le discours de la rupture s’appuie donc sur le contraire de ce que le FN définit comme un déni de réalité de la part des partis dits ‘de gouvernements’, sur la description des effets d’un néo-libéralisme mortifère dont il est urgent de se débarrasser. En ce sens, le Front National version ‘Marine-normalisé’ s’inscrit dans la tradition politique française contemporaine de production de discours de rupture d’avec un contexte jugé révolu et/ou mortifère et dont il s’agit de se couper pour permettre à la France de pouvoir continuer ‘à avancer’ : François Mitterrand en 1981 avec le ‘Changer la vie’, la ‘fracture sociale’ de Jacques Chirac en 1995, Ségolène Royal et son échec du ‘désir d’avenir’ ou Nicolas Sarkozy en 2007 se posant en homme de la rupture face à ‘l’immobilisme du système’. En pleine crise financière, Nicolas Sarkozy aura su construire un autre discours de rupture avec le fameux discours de Toulon en septembre 2008 mais qui n’eut aucunes suites véritables. Ces différents positionnements politiques ont permis à ceux qui les portaient de présenter une même structuration politique : description d’une réalité conduisant à l’effondrement ou à la désunion, nécessité de porter une rupture quant aux causes de cette réalité, analyse de ces causes et production d’une vision d’une réalité renouvelée. En 2012, Nicolas Sarkozy a ainsi échoué à incarner cette rupture, tandis que François Hollande réussissait à incarner le possibilité de rompre … avec les 5 ans de présidence de son prédécesseur, mais pas seulement. On oublie ainsi le retentissement important de son discours du Bourget en Janvier 2012, qui transforma sa campagne, bien que sa portée en fut considérablement réduite ensuite en à peine quelques jours par des positionnements politiques en contradiction avec celui-ci.

De fait, le discours de rupture et la puissance politique qu’il engendre fut laissé en instance et le FN en reprend actuellement l’héritage.

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Au sein de cette structuration politique, la rupture est l’articulation essentielle qui permet de faire le lien entre la réalité et le possible, le passé et le futur, en en assurant la cohérence apparente par l’analyse des causalités. Mais cette architecture n’aurait que peu d’impact si le discours politique qui est censé le porter ne devait s’adresser qu’à un nombre restreint ou à une catégorie spécifique de citoyens.

C’est alors toute la force d’un discours politique tel que celui produit actuellement par le Front National que d’avoir une portée totalisante, ou universaliste, à la fois parce qu’il est censé s’adresser à tous mais aussi parce que l’analyse des causes permet de décliner la proposition de rupture aux différents cas de figure.

À l’envers des communications politiques des partis dits ‘de gouvernement’ qui visent expressément les ‘classes moyennes’ (parce que l’élection se fait ‘au centre’, y compris sociologiquement selon les analystes politiques), et à l’envers même des discours du FN ‘ancienne version’ s’adressant principalement aux commerçants et aux artisans, le FN ‘normalisé’ tente de s’adresser à toutes les classes sociales. Cette stratégie universaliste s’opposant aux stratégies catégorielles des autres partis, cette tentative se transforme peu à peu en réalité au fur et à mesure qu’électoralement et au sein des militants s’agrègent un nombre croissant de citoyens issus de classes sociales différentes ou ne se reconnaissant pas dans la catégorisation sociale présente au sein des autres partis politiques. In fine, la vocation totalisante du discours se réalise et se transforme alors en véritable machine de guerre politique, phagocytant l’ensemble de l’espace politique universaliste pour l’incarner. Les notions de ‘République’, de ‘nation’, ‘d’union’ et de ‘laïcité’ ont ainsi été rapidement captées dans l’orbite frontiste à son profit quand les positionnements sociétaux, différenciés et différenciant, clivant, non ‘universaliste’, sont laissés au débat politique entre les autres partis. L’exemple type de ce positionnement du FN en fut le mariage pour tous, dont le discours fut clairement positionné comme universaliste mais dont l’extrémisme de l’UMP sur le sujet permit au FN à la fois de se ‘recentrer’ politiquement mais aussi de transformer une réforme à l’origine présentée comme universaliste en acte politique clivant porteur de désunion de la nation, dont le FN est devenu le porte-drapeau.

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Cette prétention universaliste fonctionne d’autant mieux que la structuration du discours politique permet d’adapter le même discours aux spécificités qui peuvent se faire jour. Ainsi, l’agriculture française est en plein désarroi actuellement selon l’analyse du FN, qui nous dépeint la cause principale de cette réalité comme issue du néo-libéralisme : concurrence, libre échange. Très logiquement donc, le discours de ce parti portera à dénoncer la concurrence, déloyale, des producteurs allemands qui produisent à très bas coûts grâce à des salaires très bas et peuvent exporter librement et concurrencer l’agriculteur français : il faut donc, en conséquence, protéger le producteur français de ces phénomènes et proposer une véritable rupture, à savoir établir le protectionnisme national. Pour les prolétaires, l’État sera alors invoqué pour offrir sa protection ou la figure de l’immigré, plus dominé que les dominés nationaux, offerte comme bouc émissaire à la vindicte populaire contre le néo-libéralisme, tant il est vrai selon ce parti que, bien qu’involontairement, l’immigré est l’instrument migratoire (comme le capital) du libre échange et de la concurrence généralisée, y compris entre prolétaires paupérisés. Cette protection sera de même offerte aux classes moyennes exposées au déclassement ou ayant le sentiment d’y être exposées, toujours à cause d’une mondialisation néo-libérale qui met en danger par la spéculation leur patrimoine (immobilier, foncier, épargne) acquis à force d’épargne, de crédit ou d’héritage, ce qui explique par exemple que l’impôt sur les droits des successions sera réduit pour le FN, mais ce qui explique aussi un rééquilibrage permettant de favoriser la fiscalité du travail comparativement à celle du capital ou des mesures concernant l’augmentation du pouvoir d’achat (augmentation des salaires). Le positionnement du FN pour les prochaines élections municipales sur la baisse des impôts locaux est ainsi clairement orientée dans cette direction, sans que, à l’inverse de l’UMP, les 35 heures ne seront démantelées une fois advenu au pouvoir. La ruralité, le péri-urbain, les petites villes isolées entre autres sont aussi ciblées dans la même logique : description, analyse, rupture = protectionnisme/priorité nationale.

Pour autant, le vieux fonds d’extrême droite perdure sur de multiples thématiques, comme l’immigration ou la famille, sur la justice ou la sécurité, sans oublier la transmutation de la xénophobie habituelle envers les étrangers en ‘habile’ xénophobie religieuse clairement orientée envers l’Islam, toute thématique qui permet au FN de garder néanmoins, malgré le recentrage politique dans les discours, la base électorale frontiste, fidèle du début et au père Le Pen.

C’est donc toute cette structuration du discours qui permet au FN, dans un contexte économique, social et politique de réussir en captant des publics très divers, sur des orientations parfois en apparences incohérentes mais dont la cohérence profonde renvoie toujours à ce triptyque description/analyse-rupture/vision du monde futur au sein d’un discours universaliste totalisant. Cette démarche s’inscrit par ailleurs dans un contexte politique spécifique où les positionnements de la plupart des partis politiques conduisent à éluder certaines réalités pour mieux se focaliser sur certaines (dette publique par exemple), produisant au contraire un discours de continuité s’adressant à un nombre de plus en plus restreint de citoyens.

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L’élément majeur dans cette confrontation politique actuelle entre partis de pouvoir et FN est l’incapacité des gouvernants, quels qu’ils soient, à produire un discours de rupture, car la description de la réalité renvoie de fait au trauma de leur incapacité à gouverner un système qui n’est plus gouvernable et ce quelles que soient leurs compétences. Ce faisant, les gouvernants se condamnent à reproduire non seulement les mêmes politiques qui ont échoué (et qui échoueront) mais aussi à ne pas pouvoir produire de discours politique de rupture, lesquels permettent justement dans des contextes de crises sociales et économiques à assurer la transition politique dans la stabilité. L’un et l’autre sont ainsi le Charybde et le Scylla des gouvernants, la réalité se chargeant de renvoyer au discours politique, et inversement, leurs absences de choix réels.

De fait, le monde d’avant 2007 et de la crise financière ne reviendra pas, encore moins à l’identique, ni celui des ‘trente glorieuses’ d’ailleurs, étant donné les limites que l’environnement impose désormais au modèle de production consumériste passé.

Le FN reste donc, en l’absence d’acteurs et de discours politiques en capacité de prendre en charge la réalité et de la projeter dans le futur, le seul parti politique en France en mesure de le faire.

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Ce qui ne signifie pas que ceci soit une réalité indépassable, à condition toutefois que les gouvernants se souviennent que la première des nécessités politiques sera d’accepter qu’ils ne sont plus en capacité de gouverner le monde d’après 2007 mais qu’il sont toujours en capacité de le faire dans un monde qui serait très différent de celui-ci, dès lors où le discours politique de rupture redevient possible.

À condition aussi de démontrer, comme le fait Jacques Attali, que le discours d’amalgame entre le PS et l’UMP, qui démontrerait ainsi que ‘gauche’ et ‘droite’ sont identiques (notamment par leurs programmes économiques) est faux, tout simplement parce qu’il est conjoncturel. Quel rapport en effet entre les politiques mises en œuvre lors de l’accès au pouvoir du même PS en 1981 (nationalisations, notamment bancaires) et celles qui suivirent et perdurèrent ensuite ? Est-il possible d’affirmer que les politiques actuellement défendues par le PS au pouvoir (ou plus largement, la gauche) seront à l’identique dans le futur, par définition ? À l’évidence, non.

À condition aussi d’intégrer la réalité économique et les effets potentiels des ‘solutions’ proposées par le FN sur cette réalité, quand, par exemple, 84% des exportations françaises (représentant 27% du PIB en 2012) sont réalisées par des multinationales et que 46,5% des salariés du privé travaillent dans un cadre concerné par la mondialisation.

Sur ce point comme sur les autres, il est essentiel pour déconstruire le discours de ‘rupture’ du FN, de déconstruire son analyse et les propositions qui vont avec, non seulement parce qu’elles sont fausses, mais aussi parce qu’elles sont dangereuses et qu’elles ne disent rien des véritables causes qui continueront à agir au sein même de leurs ‘solutions’.

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En premier lieu, les analyses sur les causes de la crise sont fausses : ce n’est pas la mondialisation qui en est la cause mais le type de mondialisation mise en œuvre qui en est la cause. Preuve s’il en est, la mondialisation pendant les ‘trente glorieuses’, pourtant effective mais régulée, ne générait pas une crise massive de nos sociétés pourtant alors fortement demandeuses d’immigration massive. La mondialisation a donc bon dos, pour pouvoir mieux vendre le retour sur la nation, quand en fait la véritable question réside bien dans les solutions à apporter face aux politiques et aux idéologies néo-libérales mises en œuvre, quand la véritable cause de la crise réside bien dans la dérégulation que ces politiques ont produites, amplifiant la mondialisation et de fait, les effets des politiques libérales. A ces questions, le FN ne répond pas. Pire, il occulte la réalité décrite ainsi que les effets potentiels d’une soustraction non pas aux effets d’un type particulier de mondialisation mais à la mondialisation tout court pour la moitié des salariés.

Par impuissance, cynisme ou amalgame, le Front National élude donc les causes pour mieux se focaliser sur les effets. Cela lui permet ainsi d’affirmer qu’un protectionnisme national agira efficacement contre la libre concurrence… au niveau européen et mondial, quand au sein de la nation cette même libre concurrence n’est pas remise en cause ni que les inégalités de richesse ne sont pas non plus ni analysées ni combattues. En résumé, ce qui dérange le FN, ce ne sont pas tellement les causes de la crise mais bien le fait qu’elles puissent s’exprimer mondialement !

En second lieu, comme le montre Dominique Rousseau, la cause du profond malaise actuel ne réside pas dans l’Union Européenne en tant que telle, contrairement à ce qu’en dit le FN, quand en Suisse ou en Norvège, pays non membres de l’UE, le nombre de citoyens votant pour des partis d’extrême-droite augmente. Preuve s’il en est que les causes réelles, sans pour autant dénier la réalité des multiples et profonds déficits à la construction européenne, sont bien à rechercher ailleurs, dans un ailleurs que le FN n’identifie jamais dans la réalité, sinon pour parler du ‘néo-libéralisme mondialisé’ comme on parlerait des djinns ou de l’Ankou, des puissances occultes que l’on accepte de nommer mais contre lesquelles on refuse de se confronter.

Enfin, ce n’est pas non plus la cohérence logique qui étouffe le Front National, quand celui qui dénigre et l’Europe et ses institutions, dont la monnaie unique, refuse d’en tirer les conclusions logiques, a fortiori quand on prône une ‘rupture’ radicale : quitter l’espace Schengen, oui, reprendre le contrôle des frontières nationales pour stopper l’immigration massive qui déferlera sur la France, oui, mais quitter l’euro et l’Union Européenne, non. Comprenne qui pourra …

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La pseudo ‘rupture’ du FN n’est donc en fait qu’une (im)posture : il n’existe pas de véritable rupture lorsque l’on regarde en arrière, seulement lorsqu’on regarde vers l’avenir, sans quoi, on appelle cela un retour vers le passé.

A fortiori quand on refuse d’en assumer la cohérence et tous les effets d’une rupture.

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Nos gouvernants auraient donc tout loisir de s’inspirer de Brignoles comme de la première tentative réussie d’une structuration politique qui ne laisse rien au hasard mais dont l’incohérence peut être facilement démontée. Pour ce faire, encore faudrait-il qu’ils s’engagent sur les processus suivants, prérequis nécessaires :

1- faire face à leur déni de réalité, en analysant le monde post-crise financière comme un monde qu’ils ne peuvent gouverner car étant entré dans un état critique (i.e., un état où n’importe quel choc le fera s’effondrer), malgré tout leurs efforts et le prix payé pour le stabiliser. Ce monde n’était déjà plus gouvernable avant 2007, il l’est encore mois en 2013.

2- tirer les conséquences de l’analyse quant aux causes de cet état critique, à savoir rompre radicalement avec les politiques qui ont produit cet état critique et accepter de produire un discours politique de rupture. Ce discours est nécessaire en période de crise, comme il le fut à différents moments précédemment, à la différence près que cette fois-ci les actes doivent se conformer aux discours et que les simples postures ne sont plus possibles. Dans le cas contraire, seul le FN bénéficiera de l’effet d’adhésion inéluctable des citoyens à son discours, ceux-ci étant placés devant le choix entre sauter, même dans le vide, face à un feu de forêt ou faire face à celui-ci avec ceux-là même qui ont couvert les agissements des incendiaires.

3- démonter les discours du FN, sur la base de l’analyse fausse qu’ils tirent de la réalité quant à la mondialisation, de ce qu’ils occultent et des dangers qu’ils laissent perdurer, sans oublier de bien souligner combien ces discours dits de ‘rupture’ ne sont qu’une imposture incohérente, notamment sur l’Europe.

4- être en capacité de produire un discours universaliste, s’adressant à toutes les classes sociales, à partir d’une analyse et une conception du monde qui permette à tous ces classes sociales de pouvoir se projeter dans le futur, en lieu et place des sempiternelles listes de mesures programmatiques incapables d’aborder à leur juste hauteur les enjeux actuels.

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Quand tout ceci sera rendu possible, quand les discours du Front National seront démontés et ceux portant sur les véritables causes produits, il faudra alors s’attacher à mettre en cohérence les actes aux paroles.

Encore faut-il que les solutions envisagées puissent réellement produire ce que les citoyens attendent depuis plusieurs décennies déjà, particulièrement depuis la crise financière, sous peine de signer un pacte faustien avec des partis qui se présentent comme populistes mais qui demeurent toujours extrémistes et incapables de répondre à leur attente : une rupture d’avec un monde en train d’agoniser et qui les entraîne dans le néant avec lui.

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