L’actualité de demain : IL FAUT Y REGARDER À DEUX FOIS, par François Leclerc

Billet invité

La description par la presse de l’accord intervenu hier soir, en ouverture du sommet d’aujourd’hui, entre les ministres des finances européens de l’Ecofin à propos des modalités de renflouement des banques en détresse, n’est pas sans créer une certaine confusion en raison de sa complexité. Mais celle)ci est-elle seule en cause ?

En attendant 2018, date à laquelle ces mesures prendront effet, les banques sont priées de bien se tenir (c’est à dire de cacher leurs pertes), ou bien il faudra improviser. Mais, par la suite, leur application distendra-t-elle ou non le lien pernicieux entre la dette des banques et celles des États, objectif initialement recherché ? Il est affiché que les contribuables ne seront plus désormais mis à contribution, il était certes temps de revenir sur le choix de prémunir les banques des effets de leurs turpitudes, car ils y ont déjà contribué sous une forme ou sous une autre pour 1.600 milliards d’euros depuis 2008, selon le Financial Times ! Mais cela demande pour être confirmé une solide explication de texte sur le communiqué de l’Ecofin. Même si l’on tient compte que l’implication du MES, souhaitée notamment par le gouvernement français, est dans les faits potentiellement très amoindrie.

Jusqu’à concurrence d’un niveau de pertes égal à 8% du passif d’une banque en détresse, les actionnaires et porteurs de titres non sécurisés devront les éponger, c’est clair. Au-delà, le dispositif est plus alambiqué, puisqu’il permet sous conditions certaines « flexibilités » dans le choix des contributeurs au renflouement, sachant que l’apport du fond de résolution national financé par les banques est plafonné à 5% de ce même passif. Certes, il est bien prévu que si « d’autres sources alternatives de financement » non identifiées pourront être recherchées « dans des circonstances exceptionnelles », cela ne pourra intervenir que lorsque toutes les créances non sécurisées et non préférentielles autre que les dépôts garantis auront été épuisées pour éponger les pertes. La combinaison de ces deux mécanismes n’apparaît cependant pas dans toute sa clarté, expliquant sans doute une certaine confusion chez les commentateurs.

Le communiqué prévoit par ailleurs qu’afin de s’assurer que les banques disposent d’assez de capacités d’absorption de leurs pertes éventuelles, les autorités nationales établiront un niveau minimum de fonds éligibles à leur bail-in pour chaque banque, en fonction de leur taille, du risque qu’elles représentent et de leur modèle d’affaire. C’est évidemment le point faible du dispositif, car dans le cas contraire on retomberait dans le cas de figure imposant l’intervention publique ! Mais faire dépendre d’une évaluation du risque les capacités d’absorption de ses pertes par une banque est-il bien raisonnable ?

C’est d’autant plus problématique, si l’on considère les dernières dispositions du Comité de Bâle, qui vient de rendre publics de nouveaux éléments de la réglementation bancaire. Car l’objectif est de tenir compte de la montée du doute à propos de la valorisation par les banques de leurs actifs, qui décrédibilise ses ratios précédents dont on fait grand cas mais qui ont le gros défaut de reposer sur ces calculs. Dorénavant, les banques ne seront plus autorisées à ce que le rapport entre leurs fonds propres (le Core Tier one) et le total de leurs actifs valorisés au nominal (non pondérés par l’estimation du risque) soit inférieur à 3%. Ce qui permet un effet de levier encore très confortable et ne renforce pas en réalité la solidité des banques comme il le faudrait. Afin de déterminer le montant des actifs, le Comité apporte des précisions sur le traitement des produits dérivés et comment ils peuvent être mis hors-bilan, car rien n’est simple, même quand on le recherche, dans ce monde financier…

Vu encore sous un autre angle, la situation n’est pas des plus prometteuse. Selon KPMG, les profits des 15 principales banques européennes ont chuté de près d’un tiers en 2012 par rapport à l’année précédente et de moitié par rapport à 2010. Dépréciations d’actifs et éléments exceptionnels comme les amendes pour manipulation du Libor en sont à l’origine. Les prêts aux entreprises et aux particuliers de la zone euro régressent, sous les effets conjugués de la récession et du renforcement des fonds propres des banques qui les conduit à limiter le crédit pour diminuer le volume de leurs actifs. En mai dernier, le volume des crédits avait diminué de 18 milliards d’euros par rapport à l’année passée. Selon Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, la question reste inscrite à l’ordre du jour de la BCE, piètre consolation puisqu’elle est à chaque fois reconduite sans que des mesures soient décidées…

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