Billet invité.
Dans quel guêpier les dirigeants européens se sont-ils encore fourrés ? Tous les éléments constitutifs d’un défaut grec sur le remboursement de 5 milliards d’euros d’obligations cette semaine sont réunis. Bien que le Parlement ait adopté hier soir un budget 2013 remplissant les conditions émises par la Troïka, celle-ci ne rendra pas aujourd’hui son rapport, permettant au gouvernement de se réfugier derrière son attente pour refuser que l’Eurogroupe, qui se réunit aujourd’hui, libère la tranche de crédits de 31,5 milliards d’euros toujours en suspens.
Le gouvernement grec cherche dans l’urgence à réunir les fonds permettant de passer l’échéance, mais il semble que les banques grecques ne puissent pas acheter pour plus de 3,5 milliards d’euros de bons du Trésor à court terme, faute de disposer de collatéral satisfaisant les conditions de la BCE pour obtenir des liquidités (après avoir été prise en flagrant délit de laxisme avec les banques espagnoles). Celle-ci a entre temps refusé les mesures d’urgence (ELA) qui auraient permis à la Banque nationale grecque de s’en porter acquéreur. Il faut donc racler les fonds de tiroir, sans garantie semble-t-il d’y parvenir. Wolfgang Schäuble se contente de renvoyer la responsabilité de ce retard sur le gouvernement grec.
En faisant preuve d’une telle intransigeance, le gouvernement allemand n’est pas mécontentent de signifier ce qui attendrait ceux qui ne voudraient pas filer droit, quitte à jouer avec le feu. Mais derrière ce rebondissement de plus se profile la montée en puissance d’un grand débat. Le FMI ne cesse d’envoyer des signaux d’alerte en demandant aux dirigeants européens d’assouplir leur stratégie de désendettement, en s’appuyant notamment sur le calcul du multiplicateur budgétaire pour en montrer la nécessité. Concernant la Grèce, le Fonds milite pour une nouvelle restructuration de la dette, convaincu qu’elle n’est pas remboursable dans sa totalité et que l’exiger ne mène à rien. Enfin, il en est venu à mettre en garde à propos des tensions sociales et politiques montantes dans les pays de l’Europe du sud qui pourraient devenir « insoutenables ».
Le problème est que le Fonds ne propose qu’une vague esquisse d’alternative, un dosage à trouver entre le désendettement et des mesures de relance qui reste très flou. Ne laissant aux dirigeants européens comme seule issue dans la pratique que de faire entrer la BCE dans la danse, à la manière de la Fed et de la Banque d’Angleterre. Car la seule manière tangible qui a été jusqu’à maintenant trouvée de faire le ménage et de réaliser le désendettement est de confier la mission aux banques centrales, advienne que pourra ! Le meilleur moyen de précipiter l’éclatement de la zone euro sous les auspices de l’Allemagne.
Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a bien reconnu ce week-end que la Grèce ne peut atteindre les objectifs de réduction de la dette qui lui sont assignés pour 2020, mais il considère invraisemblable, tout en évoquant cette possibilité, qu’une restructuration puisse intervenir. Il prévoit que la dette représentera 140% du PIB au lieu des 116,5% prévus. Elle est actuellement de 175% et devrait culminer à 190% en 2013, la suite est pour le moins aléatoire. La dette grecque n’est pas viable et rien n’y fera désormais, mais les dirigeants Européens continuent avec obstination leur fuite en avant, la seule démonstration qu’ils sont capables de faire.
Leurs atermoiements vis à vis de la Grèce et de l’Espagne montrent qu’ils ne parviennent même pas à appliquer leur propre politique, tout en restant incapables d’en définir une autre. Ne trouvant d’autre planche de salut que dans la BCE, qui a été aussi loin qu’elle le pouvait dans le cadre qui lui a été attribué.
Initialement destinée à être la vitrine d’une stratégie conquérante, la Grèce fait à ses dépens la démonstration de son échec.
106 réponses à “L’actualité de la crise : LA TRAGIQUE LEÇON GRECQUE, par François Leclerc”
Si j’ai bien compris, la Grèce ayant une dette non négligeable il y a quelques années, on lui a mit la tête sous l’eau avec des taux d’ intérêts insoutenables même pour un pays en croissance.
Non non, pas tellement les taux, 3,5 % maxi pour les prêts européens et les intérêts payés aux BC sont reversés à l’État grec (4 Mds en 2012, 750 millions par la France), maïs elle reste juste insoutenable pour l’État grec, ou ce qui fait office d’État en Grèce…